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Date : 20050620

Dossier : A-156-05

Référence : 2005 CAF 235

CORAM :       LE JUGE NOËL

LE JUGE SEXTON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                           L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                                             RICHARD SAMSON

                                                                                                                                             défendeur

                                       Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 14 juin 2005.

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 20 juin 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                       LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE SEXTON

                                                                                                                         LA JUGE SHARLOW


Date : 20050620

Dossier : A-156-05

Référence : 2005 CAF 235

CORAM :       LE JUGE NOËL

LE JUGE SEXTON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                           L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                                             RICHARD SAMSON

                                                                                                                                             défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) demande le contrôle judiciaire de la décision, rendue par la Commission de révision (agriculture et agroalimentaire), de rejeter un procès-verbal émis à l'encontre de M. Samson au motif qu'il n'a pas été démontré que M. Samson avait infligé des « souffrances indues » à un animal en contravention de l'alinéa 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux, DORS/91-525 (Règlement).


[2]                Les dispositions en question sont les suivantes :

138(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit de charger ou de faire charger, ou de transporter ou de faire transporter, à bord d'un wagon de chemin de fer, d'un véhicule à moteur, d'un aéronef ou d'un navire un animal :

a) qui, pour des raisons d'infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne peut être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu.

138(2) Subject to subsection (3), no person shall load or cause to be loaded on any railway car, motor vehicle, aircraft or vessel and no one shall transport or cause to be transported an animal

(a) that by reason of infirmity, illness, injury, fatigue or any other cause cannot be transported without undue suffering during the expected journey.

Les faits

[3]                Le 4 janvier 2004, le défendeur Samson fit charger et transporter dans un camion un certain nombre de porcs, de North Lancaster (Ontario) jusqu'à Rivière-du-Loup (Québec).

[4]                À leur arrivée à Rivière-du-Loup, un vétérinaire à l'emploi de l'ACIA a séparé et examiné l'un des porcs. Le vétérinaire a conclu que le porc avait subi une blessure avant son chargement. L'état de l'animal est décrit ainsi dans le résumé de conclusion d'enquête (dossier de la demande, à la page 29) :

_traduction_ L'animal montrait des lacérations dans la peau et le muscle des deux fesses, certaines profondes de 10 centimètres ou plus, et longues de 35 centimètres sur la fesse gauche et de 15 centimètres sur la fesse droite. L'animal était léthargique et faible à cause de l'infection et de la nécrose des blessures (lacérations). La tuméfaction du haut de la fesse complétait le tableau clinique. La nécrose des blessures indiquait qu'elles dataient de plus d'une semaine.

[5]                Le vétérinaire a jugé que l'animal souffrait à un point tel qu'il fallait l'euthanasier immédiatement.


[6]                Le 19 mai 2004, l'ACIA a dressé un procès-verbal précisant que le défendeur Samson avait violé l'alinéa 138(2)a) du Règlement. Le procès-verbal se lit ainsi : « avoir fait charger et avoir fait transporter un animal de ferme (porc), dans un véhicule moteur de la compagnie Guy Latouche, qui ne pouvait pas être transporté sans souffrance » .

La décision contestée

[7]                Malgré la prétention du défendeur Samson que le porc ne lui appartenait pas, la Commission de révision a jugé que, selon la prépondérance des probabilités, le porc blessé faisait partie du chargement provenant de la ferme du défendeur Samson.

[8]                Pour la Commission de révision, il s'agissait donc de savoir si, à cause de son état, le porc ne pouvait être transporté sans souffrances indues, conformément à l'alinéa 138(2)a) du Règlement, au cours du voyage prévu de Lancaster (Ontario) à Rivière-du-Loup (Québec).

[9]                Après avoir pris connaissance des pièces produites, la Commission de révision a conclu qu'il n'y avait pas eu de souffrance indue. La Commission de révision déclara :

_traduction_ La question en l'espèce n'est pas de savoir si un animal blessé a été chargé et transporté, mais plutôt de savoir si le porc blessé aurait pu être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu. La définition de « indu » donnée par un dictionnaire courant est « excessif » .

Cette décision est clairement subjective. Certes, nul doute que l'animal était blessé et probablement très inconfortable durant son chargement et son transport à cause des blessures qu'il avait subies une semaine avant sa livraison, mais aucune preuve ne montre que l'état du porc était pire après qu'avant sa livraison, ou qu'il y a eu souffrances indues.


Cela étant le cas, la Commission juge que le défendeur n'a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que le chargement du porc était la cause de ses souffrances. [Non souligné dans l'original.]

[10]            L'ACIA soutient que cette interprétation des mots « souffrances indues » n'est pas compatible avec l'intention manifeste de la Loi sur la santédes animaux, L.C. 1990, ch. 21 (Loi sur la santédes animaux), la loi habilitante qui permet au gouverneur en conseil d'adopter un règlement dont l'objectif est d'empêcher que les animaux soient maltraités au Canada. L'ACIA affirme plutôt que le mot « indues » à l'alinéa 138(2)(a) du Règlement devrait être interprété comme exigeant qu'aucun animal ne soit transporté dans des conditions où il éprouverait des souffrances non nécessaires.

Analyse et décision

[11]            À mon humble avis, la Commission de révision a commis une erreur de droit en fondant son analyse sur l'argument que le mot « indues » à l'alinéa 138(2)(a) pouvait être assimilé au mot « excessif » (voir à cet égard la décision de la Cour dans Canada (Procureur général) c. Porcherie des Cèdres, 2005 CAF 59) et que la disposition envisage une aggravation de l'état de l'animal consécutive au transport. La disposition ne comporte aucune exigence de cette nature.


[12]            Selon l'intention qui ressort de la disposition, aucun animal ne doit être transporté de telle manière que, eu égard à son état, des souffrances indues lui soient infligées au cours du voyage prévu. En d'autres mots, les animaux blessés ne devraient pas être soumis à des souffrances plus grandes en étant transportés. Si l'on interprète la disposition de la sorte, toute souffrance supplémentaire résultant du transport est indue. Cette interprétation est compatible avec la loi habilitante dont l'objectif vise à empêcher les mauvais traitements infligés aux animaux.

[13]            En l'espèce, on ne peut douter que, eu égard à l'état du porc avant le transport (voir le paragraphe 4 ci-dessus), des souffrances indues ont été causées par le transport. Cette conclusion est inéluctable dès lors qu'il a fallu euthanasier l'animal dès son arrivée.

[14]            La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie, la décision de la Commission de révision sera infirmée et l'affaire sera renvoyée à la Commission de révision avec l'instruction que la demande de contestation de la violation alléguée, présentée en application de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire, soit rejetée au motif que le défendeur a bel et bien commis l'acte reproché dans le procès-verbal.

                   « Marc Noël »                         

Juge

« Je souscris aux présents motifs.

J. Edgar Sexton, juge »

« Je souscris aux présents motifs.

K. Sharlow, juge »

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                A-156-05

INTITULÉ :               L'Agence canadienne d'inspection des aliments c. Richard Samson

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 14 juin 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :               Le juge Noël

Y ONT SOUSCRIT :                        Le juge Sexton

La juge Sharlow    

DATE DES MOTIFS :                        Le 20 juin 2005

COMPARUTIONS :

Alexander Gay                                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Ronald Lunau                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada         

Ottawa (Ontario)                                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Gowling Lafleur Henderson s.r.l.

Ottawa (Ontario)                                                                POUR LE DÉFENDEUR


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