Date : 20050113
Dossier : A-575-03
Référence : 2005 CAF 16
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
ENTRE :
CLAIRE LACOMBE MORENCY
appelante
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
Audience tenue à Montréal (Québec), le 13 janvier 2005.
Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 13 janvier 2005.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE NOËL
Date : 20050113
Dossier : A-575-03
Référence : 2005 CAF 16
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
ENTRE :
CLAIRE LACOMBE MORENCY
appelante
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Montréal (Québec), le 13 janvier 2005)
[1] Il s'agit d'un appel d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt par laquelle le juge François Anger a rejeté l'appel de l'appelante à l'encontre de la cotisation émise en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « L.I.R. » ) visant l'année d'imposition 1998.
Mise en contexte
[2] L'appelante est à l'emploi du Gouvernement du Québec depuis 1974, période pendant laquelle elle a occupé différents postes au sein de différents ministères. Durant les années pertinentes, l'appelante était membre du Syndicat des Professionnels du Gouvernement du Québec (SPGQ).
[3] Le 9 avril 1981, le SPGQ déposait auprès de la Commission des droits de la personne ( « la Commission » ) une plainte au nom des femmes professionnelles appartenant à six corps d'emploi de la fonction publique du Québec. Le motif de la plainte était la discrimination sexuelle du fait que, pour un travail de valeur équivalente, ces femmes ne bénéficiaient pas d'un salaire égal à celui payé aux membres de corps d'emploi comparables.
[4] Le 25 mars 1991, le SPGQ retirait sa plainte à la suite de la signature d'une convention collective qui intégrait des correctifs salariaux. La nouvelle structure salariale établie par la convention était rétroactive au 1er janvier 1990.
[5] Certaines plaignantes, dont l'appelante, ont demandé la poursuite de l'enquête et ont formé une corporation sous le nom de Collectif de la plainte des femmes professionnelles du gouvernement du Québec. Ces plaignantes voulaient que la Commission se prononce sur le bien fondé de la plainte de discrimination déposée initialement par le SPGQ.
[6] Le 19 juin 1997, la Commission déclarait la plainte fondée en ce qui concerne le corps d'emploi dont l'appelante était membre, puisque la preuve avait démontré la prépondérance féminine dans ce corps d'emploi et la discrimination salariale subie jusqu'en 1990, date de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective.
[7] Suite à un règlement, le Conseil du Trésor versa à la Commission la somme de 1 300 000 $. Ce montant fut distribué par la Commission à toutes les personnes concernées par la plainte qui avaient travaillé dans l'un des quatre corps d'emploi entre 1981 et 1989.
[8] La somme versée fut distribuée selon le prorata du nombre de jours pendant lesquels les personnes concernées étaient au travail (e.i. journées ouvrables).
[9] L'appelante a reçu un formulaire T4A reflétant le montant de 5 284 $ payé par le Gouvernement du Québec pour l'année d'imposition 1998, montant qu'elle a omis d'inclure dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1998. Le ministre du Revenu national a établi à l'égard de l'appelante une cotisation qui ajoutait cette somme à ses revenus.
[10] L'appelante en a appelé de cette cotisation devant la Cour canadienne de l'impôt alléguant que la somme en question lui avait été payée pour compenser le préjudice moral qu'elle avait subi et que ce montant n'avait pas à être inclus dans le calcul de son revenu.
[11] La Cour canadienne de l'impôt a rejeté l'appel. L'essentiel des motifs du premier juge se retrouve dans le passage qui suit (paragraphe 18) :
La preuve présentée au procès, et plus précisément le règlement du 23 mars 1998, révèle que le Conseil du Trésor, représentant le Gouvernement du Québec, est l'employeur des personnes plaignantes, y compris l'appelante. Les fonds ayant servi au règlement provenaient de l'employeur et ont été versés à la Commission conformément à l'entente afin d'être distribués aux personnes plaignantes par l'entremise de la Commission et selon une formule précise, soit au prorata du nombre de jours ouvrables pour chacune des personnes visées. La Commission les a donc versés pour et au nom de l'employeur. La compensation reçue était rendue possible parce que la Commission avait reconnu que les personnes plaignantes étaient victimes de discrimination salariale contrairement aux articles 10 et 19 de la Charte. À mon avis, la somme ainsi accordée en compensation d'une discrimination salariale, même si cette somme semble minimale comparativement au redressement établi par la convention collective de 1990, devait servir à compenser la perte de salaire subie par les personnes touchées. Il n'y a en l'espèce aucune preuve que la compensation était destinée à réparer un préjudice moral.
[12] Il s'agit là de la décision dont est appel.
Analyse et décision
[13] La somme en question aura qualité de revenu si le paiement compense l'appelante pour le salaire qu'elle était en droit de recevoir mais qu'elle n'a pas reçu. Elle ne l'aura pas si le but du paiement était de réparer le préjudice moral que l'appelante prétend avoir subi.
[14] La question de savoir pourquoi le montant fut versé en est une de fait. Le juge Angers, se fondant sur les éléments de preuve devant lui, en est venu à la conclusion qu'il s'agissait, en l'occurrence, d'une compensation salariale.
[15] À notre avis, il s'agit là de la seule conclusion à laquelle le premier juge pouvait en arriver selon la preuve qui fut versée devant lui. Nous avons à l'esprit en particulier le fait que les deux organismes qui ont négocié le paiement et qui en connaissaient donc le pourquoi, étaient tous deux d'opinion que la somme avait la qualité de revenu, que la somme fut versée pour et au nom de l'employeur, qu'elle fut distribuée selon le prorata des jours travaillés, que la décision de la commission faisait état de discrimination salariale (dossier d'appel, p. 36) et qu'il y avait en l'espèce aucune preuve de préjudice moral.
[16] L'appel sera rejeté avec dépens.
« Marc Noël »
j.c.a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-575-03
INTITULÉ : CLAIRE LACOMBE MORENCY
appelante
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATES DE L'AUDIENCE : le 13 janvier 2005
MOTIFS DU JUGEMENT LE JUGE LÉTOURNEAU
DE LA COUR : LE JUGE NOËL
LE JUGE PELLETIER
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR: LE JUGE NOËL
DATE DES MOTIFS : le 13 janvier 2005
COMPARUTIONS :
Me Daniel Bourgeois POUR L'APPELANTE
Me Bruno Georgescu
Me Julie David POUR L' INTIMÉ
Me Simon-Nicolas Crépin
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Montréal (Québec) POUR L'APPELANTE
John Sims POUR L'INTIMÉ
Sous-Procureur général du Canada
Montréal (Québec)