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Date : 20050106

Dossier : A-630-04

Référence : 2005 CAF 6

CORAM :       LE JUGE EN CHEF

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                       JANSSEN-ORTHO INC. et

                                         DAIICHI PHARMACEUTICAL CO., LTD.

                                                                                                                                          appelantes

                                                                                                                                (demanderesses)

                                                                             et

                                                      NOVOPHARM LIMITÉE et

                                                    LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                                intimés

                                                                                                                                       (défendeurs)

                                    Requête jugée sur dossier, sans comparution des parties

                                  Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                      LE JUGE EN CHEF

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER


Date : 20050106

Dossier : A-630-04

Référence : 2005 CAF 6

CORAM :       LE JUGE EN CHEF

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                       JANSSEN-ORTHO INC. et

                                         DAIICHI PHARMACEUTICAL CO., LTD.

                                                                                                                                          appelantes

                                                                                                                                (demanderesses)

                                                                             et

                                                      NOVOPHARM LIMITÉE et

                                                    LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                                intimés

                                                                                                                                       (défendeurs)

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF

[1]                Il s'agit d'une requête déposée par l'intimée Novopharm Limitée (Novopharm), sous le régime de l'article 369 des Règles de la Cour fédérale, en vue d'obtenir une ordonnance rejetant le présent appel en raison de son caractère théorique.

[2]                Le contexte de la présente requête est le suivant.


[3]                En décembre 2002, Novopharm a déposé auprès de Santé Canada une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) par laquelle elle demandait la délivrance d'un avis de conformité (AC) pour la NOVO-LEVOFLOXACIN. Parallèlement au dépôt de cette PADN, Novopharm a signifié à Janssen-Ortho Inc. un avis d'allégation sous le régime de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [le Règlement].

[4]                Le 7 février 2003, Janssen-Ortho Inc. a introduit devant la Cour fédérale, sous le régime de l'article 5 du Règlement, la demande susmentionnée, qui tendait à obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un AC à Novopharm pour la NOVO-LEVOFLOXACIN.

[5]                Le 25 novembre 2003, Santé Canada a délivré à Novopharm une lettre de « mise en attente de brevet » l'avisant qu'il avait approuvé sa PADN et que l'AC lui serait délivré après le règlement de la demande introduite par Janssen-Ortho Inc.

[6]                La demande de Janssen-Ortho a été rejetée par une ordonnance du juge Mosley en date du 19 novembre 2004.


[7]                Le 23 novembre 2004, Santé Canada a avisé Novopharm que l'AC serait délivré dès qu'il aurait examiné la monographie de produit de la NOVO-LEVOFLOXACIN afin de s'assurer qu'aucun changement n'y était nécessaire par suite de la mise en attente de la PADN, qui avait duré plus de six mois. Santé Canada a informé Novopharm que cet examen prendrait probablement quelques jours et que l'AC serait vraisemblablement délivré avant la fin de la semaine (c'est-à-dire au plus tard le 26 novembre 2004).

[8]                Santé Canada a délivré à Novopharm un AC relatif à la NOVO-LEVOFLOXACIN le 29 novembre 2004.

[9]                À la même date, les appelantes ont déposé un avis d'appel de l'ordonnance du juge Mosley.

[10]            Toujours le 29 novembre 2004, les appelantes ont déposé un avis de requête tendant à obtenir, entre autres, une ordonnance en sursis d'exécution du jugement et de l'ordonnance du juge Mosley en attendant la décision finale de l'appel.

[11]            Le 6 décembre 2004, les appelantes ont déposé un avis de requête supplémentaire tendant à obtenir l'annulation de l'avis de conformité du ministre, ainsi qu'un jugement déclaratoire qui invaliderait le paragraphe 7(4) du Règlement.

[12]            Il a été statué sur ces deux requêtes sous le régime de l'article 369 des Règles, et la réparation demandée par les appelantes leur a été refusée par une ordonnance en date du 4 janvier 2005.


[13]            Novopharm soutient que le fait que l'AC lui ait été délivré le 29 novembre 2004 a rendu l'appel théorique.

[14]            Au paragraphe 1 du récent arrêt AstraZeneca AB c. Apotex Inc., 2004 CAF 224, [2004] A.C.F. no 1006 (C.A.) (QL), qui rejetait un appel en raison de son caractère théorique, la Cour a réaffirmé la validité de sa jurisprudence en la matière :

[1] Ayant entendu les arguments et lu les observations des deux parties, nous ne sommes pas convaincus qu'il existe quelque motif que ce soit permettant de distinguer la présente affaire des arrêts Merck Frosst Canada Inc. et al. c. Apotex et al. (1999), 240 N.R. 195 (C.A.F.), Pfizer Canada Inc. c. Nu-Pharm Inc.; Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc. (2001), 11 C.P.R. (4th) 245 (C.A.F.), Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c. Rhoxalpharma Inc. (2001), 16 C.P.R. (4th) 188 (C.A.F.) et Novartis AG c. Apotex Inc. (2002), 22 C.P.R. (4th) 450 (C.A.F.). Nous sommes convaincus que le présent appel est théorique et qu'il n'y a aucun motif valable qui permette d'entendre celui-ci malgré son caractère théorique.

[15]            Les faits de la présente espèce ne se distinguent pas de ceux des affaires tranchées par les arrêts précités.

[16]            Les appelantes soutiennent que la Cour devrait exercer sa faculté d'entendre l'appel théorique pour trois raisons :

a)         Il existe un contexte réellement contradictoire, étant donné l'action en contrefaçon en instance entre les parties et le fait que [TRADUCTION] « [l]e tribunal de première instance trouverait un grand avantage à ce que la Cour juge cette affaire [...] » .

b)          D'autres fabricants de produits génériques introduiront des instances relativement à la lévofloxacine sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).


c)         Les questions de droit en litige sont importantes pour les avocats de brevets.

[17]            Pour ce qui concerne l'existence d'un contexte réellement contradictoire du fait de l'action en contrefaçon en instance entre les parties, la jurisprudence de la Cour établit que la décision concluant au caractère théorique d'un appel n'a pas pour effet de trancher les questions soulevées dans une action en contrefaçon.

[18]            La Cour a formulé les observations suivantes au paragraphe 25 de l'arrêt Pfizer Canada Inc. c. Nu-Pharm Inc., [2001] A.C.F. no 17 (C.A.) (QL) :

[25] Il convient de souligner qu'une décision de la présente Cour portant que les appels sont théoriques ne signifie pas que les appelantes n'ont pas de recours. Elles peuvent engager des actions en contrefaçon, si elles sont conseillées en ce sens et que les faits justifient ce recours. La Cour d'appel fédérale a indiqué très clairement que les demandes fondées sur l'article 6 n'ont pas pour effet de trancher les droits des titulaires de brevet. Dans l'arrêt Merck Frosst Canada, précité, p. 319, le juge Hugessen a rejeté l'idée d'assimiler une demande d'interdiction à une action :

La procédure engagée n'est pas une action et ne vise qu'à faire interdire la délivrance d'un avis de conformité sous le régime du Règlement sur les aliments et drogues. Manifestement, elle ne constitue pas une « action en contrefaçon de brevet » .

Dans ces circonstances, il est inutile de mentionner que toute décision que la présente Cour rendra en l'espèce pourrait servir à contester accessoirement un jugement prononcé dans une action en contrefaçon.

[19]            De même, on peut lire ce qui suit dans un autre arrêt de la Cour, soit Novartis c. Apotex, 2002 CAF 440, [2002] A.C.F. no 1551 (C.A.) (QL) :


[9] Je crois que les principes fondamentaux qui s'appliquent sont ceux qui ont été formulés par le juge Isaac dans l'arrêt Pfizer et qui ont été approuvés et suivis par une autre formation collégiale de notre Cour dans l'affaire Rhoxalpharma il y a moins d'un an. Le principe fondamental est que la procédure extraordinaire prévue par le Règlement vise un objectif d'ordre public, celui de permettre à la Section de première instance d'empêcher un fonctionnaire de délivrer un avis de conformité, conçu pour la protection de la santé du public, si le breveté réussit à démontrer que les brevets qu'énumère un fabricant de médicaments génériques dans l'avis d'allégation qu'il présente en vue d'obtenir un avis de conformité, appartiennent à la « première personne » demanderesse et que les revendications pertinentes ne sont pas invalides et qu'elles seraient contrefaites. Il s'agit là d'une conclusion que la Cour est appelée à tirer dans le but bien précis de décider si le ministre peut ou non délivrer un avis de conformité : personne ne songerait qu'il s'agit là d'un mécanisme permettant à la Cour de rendre des décisions ayant l'autorité de la chose jugée au sujet de la portée ou de la validité des brevets.

[20]            En ce qui a trait à l'argument suivant lequel d'autres instance seront introduites relativement à la lévofloxacine, la Cour suprême du Canada a nié la pertinence de telles considérations au paragraphe 34 de l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342 :

[34] Le simple fait, cependant, que la même question puisse se présenter de nouveau, et même fréquemment, ne justifie pas à lui seul l'audition de l'appel s'il est devenu théorique. Il est préférable d'attendre et de trancher la question dans un véritable contexte contradictoire, à moins qu'il ressorte des circonstances que le différend aura toujours disparu avant d'être résolu.

[21]            Enfin, l'argument selon lequel les questions de droit en litige sont importantes pour les avocats de brevets ne remplit pas le critère applicable formulé comme suit dans l'arrêt Borowski :

[37] On justifie également, de façon assez imprécise, l'utilisation de ressources judiciaires dans des cas où se pose une question d'importance publique qu'il est dans l'intérêt public de trancher. Il faut mettre en balance la dépense de ressources judiciaires et le coût social de l'incertitude du droit [...]


Il faut aussi l'élément additionnel que constitue le coût social de laisser une question sans réponse.

[22]            Rien ne prouve qu'il y ait un coût social à laisser sans réponse la question des brevets dits « de sélection » .

[23]            Pour ces motifs, la requête sera accueillie, et l'appel sera rejeté pour cause de caractère théorique avec dépens en faveur de Novopharm Limitée.

                                                                                                                                       « J. Richard »                

           Juge en chef               

« Je souscris aux présents motifs

Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris aux présents motifs

J.D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-630-04

INTITULÉ :   

JANSSEN-ORTHO INC. et DAIICHI PHARMACEUTICAL CO., LTD. c. NOVOPHARM LIMITÉE et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER, SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE EN CHEF

Y ONT SOUSCRIT :              LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                       LE 6 JANVIER 2005

OBSERVATIONS ÉCRITES PRÉSENTÉES PAR :

Neil R. Belmore

Michael E. Charles

POUR L'APPELANTE JANSSEN-ORTHO INC.

POUR L'APPELANTE DAIICHI PHARMACEUTICAL CO., LTD.

David W. Aitken

F. B. Woyiwada

POUR L'INTIMÉE

NOVOPHARM LIMITÉE

POUR L'INTIMÉ

MINISTRE DE LA SANTÉ


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP

Toronto (Ontario)

Bereskin & Parr

Toronto (Ontario)

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Ottawa (Ontario)

POUR L'APPELANTE JANSSEN-ORTHO INC.

POUR L'APPELANTE DAIICHI PHARMACEUTICAL CO., LTD.

POUR L'INTIMÉE NOVOPHARM LIMITÉE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L'INTIMÉ

MINISTRE DE LA SANTÉ


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