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Date : 19991125


Dossier : A-155-98


CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE ISAAC
         LE JUGE ROTHSTEIN

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) ch. 1, (2e suppl.), sous sa forme modifiée

ENTRE :

     2703319 CANADA INC. S/N VWV ENTERPRISES,

     1678700 CANADA INC. S/N SACHA LONDON,

     LES CHAUSSURES ALDO (1993) INC., TRANSIT

     (UNE DIVISION DE CHAUSSURES ALDO)

     ET GLOBO (UNE DIVISION DE CHAUSSURES ALDO)

    

     appelantes

     - et -

     LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     intimé



     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (prononcés à l"audience à Ottawa (Ontario),

     le jeudi 25 novembre 1999)




LE JUGE STONE

[1]      Dans le présent appel, la Cour est saisie de deux questions liées à un " point de droit " au sens de l"article 62 de la Loi sur les mesures spéciales d"importation1 (ci-après la Loi), relativement à une décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur. La première question concerne la norme de contrôle applicable au contrôle judiciaire de la décision du Tribunal. Quant à la seconde question, il s"agit de savoir si l"application de cette norme amènerait la Cour à intervenir quant au bien-fondé de la décision.

[2]      La question dont le Tribunal a été saisi consistait à savoir si des souliers pour dames importés de la République populaire de Chine étaient à juste titre assujettis à l"imposition de droits antidumping, du fait qu"il ne s"agissait pas de " sandales ".

[3]      En déterminant que les marchandises en cause étaient assujetties aux droits antidumping, le Tribunal a tenu compte des conclusions qu"il avait tirées dans le cadre de l"enquête no NQ-89-0032, de même que des motifs y afférents du 3 mai 1990. C"est au terme de cette enquête qu"il a conclu que le dumping et le subventionnement au Canada de souliers et de bottes provenant des pays concernés causaient ou pouvaient vraisemblablement causer un préjudice important à la production au Canada de marchandises similaires.

[4]      Au cours de cette enquête, le Tribunal a mentionné certains types de souliers qui n"étaient pas visés par ses conclusions, notamment les " sandales ". Le Tribunal a en outre donné la définition suivante du terme " sandales " dans son Exposé des motifs :

     Pour plus de précision, les sandales étaient généralement définies comme toute chaussure avec cambrion ouvert dont l"empeigne et les attaches étaient constituées de rubans, de courroies et de tongs étroits, dont la différence entre la hauteur combinée de la semelle et de tout talon se trouvant à l"endroit du talon et la hauteur de la semelle à l"avant de la chaussure, ne dépassait pas deux centimètres.


[5]      En l"espèce, le Tribunal a conclu que les marchandises en cause n"étaient pas des " sandales " parce que la " différence entre la hauteur combinée de la semelle et de tout talon se trouvant à l"endroit du talon et la hauteur de la semelle à l"avant de la chaussure " qui dépassait effectivement " deux centimètres "; les marchandises étaient par conséquent assujetties à l"imposition de droits antidumping.

[6]      Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal a d"abord déclaré que le terme " sandales " était ambigu. Il a par la suite décidé que la définition de 1990 comportait une condition implicite qu"il fallait appliquer pour déterminer si les marchandises étaient des " sandales ".

[7]      Les appelantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur étant donné que, d"une part, le terme " sandales " n"est pas ambigu et que, d"autre part, le Tribunal a omis de donner une interprétation large plutôt que étroite de la définition de " sandales " contenue dans l"Exposé des motifs, et qu"il a alors accordé une importance déterminante à la seconde partie de la définition, soit " dont la différence entre la hauteur combinée de la semelle et de tout talon se trouvant à l"endroit du talon et la hauteur de la semelle à l"avant de la chaussure, ne dépassait pas deux centimètres ", estimant qu"il s"agissait d"une condition qui devait être remplie avant que les marchandises puissent être considérées comme des " sandales ". L"avocat des appelantes plaide que la présence des termes " généralement définies comme " dans la définition de 1990 signifie que cette définition ne se veut pas exhaustive, mais sert plutôt à illustrer les types de marchandises qui sont visées par le terme " sandales ". L"avocat des appelantes s"est appuyé sur la décision rendue par la Cour dans l"arrêt J.V. Marketing Inc. c. Le Tribunal canadien du commerce extérieur3 pour étayer son argument suivant lequel la définition de " sandales ", à l"instar de la définition de " chaussures de sport " qu"on retrouve également dans les conclusions de 1990, n"est pas exhaustive.

[8]      Il nous semble se dégager d"un examen attentif de l"arrêt de la Cour suprême du Canada dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc.4 que la norme de la décision raisonnable simpliciter5 est celle que la Cour doit appliquer pour le contrôle judiciaire de la décision rendue par le Tribunal.

[9]      Le Tribunal se devait essentiellement d"appliquer le droit aux faits lorsqu"il a déterminé si les marchandises en cause " sont de même description que des marchandises auxquelles s'applique[nt] [...] les conclusions ", au sens de l"article 56 de la Loi . Nous sommes d"avis que la décision comportait une question mixte de droit et de fait et qu"elle ne pouvait pas, selon les termes employés par le juge Iacobucci dans l"arrêt Southam, être qualifiée de décision qui " n"est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé "6 ou " manifestement erronée "7. Nous ne sommes pas convaincus à la lumière de cette norme de contrôle que le Tribunal a commis une erreur susceptible de contrôle en décidant que le terme " sandales " était ambigu. Nous ne sommes pas plus persuadés que le Tribunal a commis une telle erreur dans son interprétation de la définition de 1990 de " sandales " et dans l"application qu"il a faite de cette définition aux circonstances de l"affaire.

[10]      Il ne faut pas perdre de vue que la décision qui fait l"objet du contrôle judiciaire provient d"un tribunal hautement spécialisé qui possède manifestement une expertise relativement à la prise de décisions de ce genre. Dans l"arrêt Southam, ce facteur a été qualifié de " considération la plus importante "8. Comme l"a fait observer le juge Iacobucci en déterminant que la norme de la décision raisonnable simpliciter était la norme applicable dans cette affaire9:

     Soupesant toutes ces considérations, à la lumière des arrêts de notre Cour sur la question, y compris d'arrêts assez récents, je suis d'avis que les décisions du Tribunal sont susceptibles de contrôle suivant la norme de la décision raisonnable. Le
caractère approprié et judicieux de cette norme est évident, compte tenu de la complexité de notre économie et du besoin d'instruments de réglementation efficaces, appliqués par ceux qui sont les plus compétents et les mieux renseignés sur l'objet de
la réglementation. Il convient toutefois de signaler que la norme que j'ai choisie permet l'intervention des tribunaux judiciaires dans les cas où il est établi que le tribunal administratif a agi de façon déraisonnable.
     En définitive, la norme de la décision raisonnable ne fait que dire aux cours chargées de contrôler les décisions des tribunaux administratifs d'accorder un poids considérable aux vues exprimées par ces tribunaux sur les questions à l'égard desquelles ceux-ci possèdent une grande expertise. Même si le respect d'une politique de retenue en faveur de l'expertise peut se traduire par une norme de contrôle particulière, au fond, la question qui se pose est celle du poids qui doit être accordé aux opinions des experts. En d'autres mots, la retenue examinée en fonction de la "norme de la décision raisonnable" et la retenue examinée en fonction du "poids [des opinions]" sont deux facettes d'un même problème.

[11]      Essentiellement, malgré l"argument intéressant avancé par l"avocat des appelantes, nous ne sommes pas convaincus que la décision du Tribunal était déraisonnable quant à l"interprétation qu"il avait faite de la définition de 1990 de " sandales " et de son application aux faits en l"espèce. Nous sommes d"avis que cette décision relevait précisément du mandat et de l"expertise du Tribunal et estimons qu"il n"existe aucun motif justifiant notre intervention.


[12]      Le présent appel est par conséquent rejeté.


     " Arthur J. Stone "

     J.C.A.


Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

                    




Date : 19991125


Dossier : A-155-98


CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE ISAAC
         LE JUGE ROTHSTEIN

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) ch. 1, (2e suppl.), sous sa forme modifiée

ENTRE :

     2703319 CANADA INC. S/N VWV ENTERPRISES,

     1678700 CANADA INC. S/N SACHA LONDON,

     LES CHAUSSURES ALDO (1993) INC., TRANSIT

     (UNE DIVISION DE CHAUSSURES ALDO)

     ET GLOBO (UNE DIVISION DE CHAUSSURES ALDO)

    

     appelantes

     - et -

     LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     intimé





Audience tenue à Ottawa (Ontario), le jeudi 25 novembre 1999.

Motifs prononcés à l"audience à Ottawa (Ontario), le jeudi 25 novembre 1999.




MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR:      LE JUGE STONE


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D"APPEL


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              A-155-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      2703319 CANADA INC. S/N VWV ENTERPRISES,

                     1678700 CANADA INC. S/N SACHA LONDON,

                     LES CHAUSSURES ALDO (1993) INC.,                          TRANSIT (UNE DIVISION DE CHAUSSURES                      ALDO) ET GLOBO (UNE DIVISION DE                          CHAUSSURES ALDO)


LIEU DE L"AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L"AUDIENCE :          25 NOVEMBRE 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (LE JUGE STONE, LE JUGE ISAAC ET LE JUGE ROTHSTEIN)

PRONONCÉS À L"AUDIENCE LE 25 NOVEMBRE 1999


ONT COMPARU:

Brenda C. Swick-Martin

Patricia M. Harrisson                          POUR LES APPELANTES

Louis Sébastien

Stéphane Lilkoff                          POUR L"INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault

Ottawa (Ontario)                          POUR LES APPELANTES

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada                  POUR L"INTIMÉ

__________________

1 L.R.C. (1985), ch. S-15.

2 L"enquête avait été menée aux termes de l"article 42 de la Loi.

3 (1994), 178 N.R. 24.

4 [1997] 1 R.C.S. 748.

5 Voir Ministre du Revenu national (Douanes et Accise) c. Schrader Automotive Inc. (1999), 240 N.R. 381 (C.A.F.).

6 Supra, note 4, à la p. 776.

7 Ibid., à la p. 779.

8 Ibid., à la p. 775.

9 Ibid., à la p. 779.

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