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Date : 20050708

Dossier : A-398-04

Référence : 2005 CAF 247

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                           ALLSTREAM CORP.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

BELL CANADA, XIT TÉLÉCOM, TELUS COMMUNICATIONS (QUÉBEC) INC., FÉDÉRATION DES COMMISSIONS SCOLAIRES DU QUÉBEC, L'ASSOCIATION DES COMMISSIONS SCOLAIRES ANGLOPHONES DU QUÉBEC, LA SOCIÉTÉ GRICS, LE CRCD DU BAS ST-LAURENT, LA COMMISSION SCOLAIRE DU PAYS-DES-BLEUETS, LA COMMISSION SCOLAIRE DE LA RIVERAINE, COMMISSION SCOLAIRE DES PHARES, CENTRE DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DES COMMUNICATIONS - RÉGIONAL ABITIBI-TÉMISCAMINGUE, CONSEIL RÉGIONAL DE DÉVELOPPEMENT DE L'ABITIBI-TÉMISCAMINGUE ET LE CONSEIL TRIBAL DE LA NATION ALGONQUINE ANISHINABEG

                                                                                                                                                intimés

                                                                             et

                                                                             

LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION

ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES

                                                                                                                                         intervenant

                                      Appel entendu à Montréal (Québec), le 1er juin 2005.

                                   Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE DÉCARY

LE JUGE PELLETIER


Date : 20050708

Dossier : A-398-04

Référence : 2005 CAF 247

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                           ALLSTREAM CORP.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

BELL CANADA, XIT TÉLÉCOM, TELUS COMMUNICATIONS (QUÉBEC) INC., FÉDÉRATION DES COMMISSIONS SCOLAIRES DU QUÉBEC, L'ASSOCIATION DES COMMISSIONS SCOLAIRES ANGLOPHONES DU QUÉBEC, LA SOCIÉTÉ GRICS, LE CRCD DU BAS ST-LAURENT, LA COMMISSION SCOLAIRE DU PAYS-DES-BLEUETS, LA COMMISSION SCOLAIRE DE LA RIVERAINE, COMMISSION SCOLAIRE DES PHARES, CENTRE DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DES COMMUNICATIONS - RÉGIONAL ABITIBI-TÉMISCAMINGUE, CONSEIL RÉGIONAL DE DÉVELOPPEMENT DE L'ABITIBI-TÉMISCAMINGUE ET LE CONSEIL TRIBAL DE LA NATION ALGONQUINE ANISHINABEG

                                                                                                                                                intimés

                                                                             et

                                                                             

LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION

ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES

                                                                                                                                         intervenant

                                                                             


MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DESJARDINS

[1]                Appel est interjeté en l'espèce, en vertu de l'article 64 de la Loi sur les télécommunications (la Loi), L.C. 1993, ch. 38, de la décision intitulée Contrats de service de fibre optique, décision de télécom CRTC 2004-20, en date du 23 mars 2004, du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le Conseil). Cet appel est interjeté « sur des questions de droit ou de compétence » (article 64 de la Loi), sur autorisation de notre Cour.

[2]                Par sa décision sur les Contrats de service de fibre optique, celle-là même qui fait l'objet du présent appel, le Conseil a approuvé les tarifs de montages spéciaux (TMS) proposés par Bell Canada dans ses avis de modification tarifaire 6734 et 6757 touchant la prestation de services de fibre optique offerts en vertu d'arrangements personnalisés (AP). Tous les AP proposés par Bell Canada, sauf un, avaient trait aux arrangements de réseau associés au programme « Villages branchés du Québec » , initiative du gouvernement du Québec visant à soutenir la construction de réseaux à large bande pour les municipalités rurales, les commissions scolaires et autres institutions publiques. L'autre arrangement personnalisé avait trait à un arrangement de réseau de fibre optique en Ontario.


[3]                Les AP proposés par Bell Canada se rapportaient principalement ou exclusivement à des fibres inutilisées intracirconscriptions. Les services de fibre optique dont il s'agit en l'occurrence sont des moyens de télécommunication à très haut débit. Par « fibre inutilisée » on entend les installations de fibre optique composées de fibres de verre inertes. Une fois rattachées aux systèmes électroniques et « allumées » , ces installations permettent de transmettre des données à haute vitesse.

[4]                Le cadre réglementaire applicable aux fibres optiques intracirconscriptions a été établi par la décision Dépôts tarifaires relatifs à l'installation de fibres optiques, Décision de télécom CRTC 97-7, en date du 23 avril 1997 (la décision 97-7). Au paragraphe 18 de la décision visée par le présent appel, le Conseil explique de la manière suivante sa décision 97-7 :

18. Dans la décision Dépôts tarifaires relatifs à l'installation de fibres optiques, Décision Télécom CRTC 97-7, 23 avril 1997 (la décision 97-7), le Conseil a établi un cadre réglementaire applicable aux fibres optiques intracirconscriptions. Le Conseil a déclaré que les fibres optiques devraient généralement être fournies dans le cadre de Tarifs généraux. Toutefois, le Conseil a dit estimer également que des TMS pour les fibres optiques seraient indiqués lorsqu'il est nécessaire de réaliser des travaux de construction pour fournir des installations à un abonné en particulier et lorsque les installations pourraient avoir une faible valeur de réutilisation économique. Le Conseil a conclu que dans le cas où des TMS conviendraient, les taux des fibres optiques ne doivent pas être inférieurs aux taux du Tarif général pour la même distance d'installations. Le Conseil a ordonné aux compagnies de justifier dans leurs demandes relatives à des TMS pourquoi pareil tarif est nécessaire, de fournir les distances des installations ainsi que les détails des coûts extraordinaires. Le Conseil est également d'avis que, dans le cas des tarifs personnalisés qui incluent l'utilisation de fibres optiques, le coût devrait refléter les taux du Tarif général applicables à la fibre optique et que si aucun taux du Tarif général n'est disponible, ces taux devraient être déposés en même temps que le tarif personnalisé proposé.

[5]                Au paragraphe 19 de la décision frappée d'appel, le Conseil fait un résumé d'une de ses décisions antérieures, la décision 2002-76, Mesures de protection à l'égard des affiliées des titulaires, groupements effectués par Bell Canada et questions connexes (la décision Nexxia), que le Conseil cite plus loin, au paragraphe 56 de sa décision :


19. Dans la décision 2002-76, le Conseil a ordonné à Bell Canada de déposer des projets de tarif et de lui soumettre les renseignements concernant tous les arrangements de source unique et combinés comprenant des éléments de services tarifés de Bell Canada, qu'ils soient offerts directement par Bell Canada ou par l'entremise de Bell Nexxia Inc. (Bell Nexxia) ou d'une autre affiliée de Bell Canada sous contrôle commun de Bell Canada.

[6]                Dans la décision frappée d'appel, les membres du Conseil, tant la majorité que les membres dissidents, soit 11 membres au total, ont estimé que les tarifs proposés par Bell n'étaient pas conformes aux critères fixés par le Conseil dans sa décision 97-7, les tarifs appliqués par Bell étant, pour la même distance d'installations, inférieurs au tarif général. Le Conseil a notamment relevé, au paragraphe 55 de sa décision, qu'une application rigoureuse de ses conclusions aurait entraîné le rejet de chacun des avis de modification tarifaire susmentionnés proposés par Bell Canada.

[7]                Le Conseil a malgré tout estimé, à la majorité de ses membres, que des circonstances exceptionnelles militaient en faveur de l'approbation des cinq AP décrits par Bell dans son avis de modification tarifaire 6734 ainsi que de deux des trois AP décrits dans l'avis de modification tarifaire 6757. Sur ce point, la majorité s'est exprimée en ces termes :

55. Le Conseil fait remarquer qu'une application rigoureuse des conclusions ci-dessus aurait entraîné le rejet de chacun des avis de modification tarifaire susmentionnés proposés par Bell Canada. Toutefois, le Conseil estime que certains arrangements relèvent de circonstances exceptionnelles, de sorte que ce traitement général serait inapproprié.


56. Le Conseil fait remarquer que l'avis de modification tarifaire 6734 se rapporte aux AP à l'égard desquels les négociations contractuelles et presque toute la fourniture du service étaient terminées avant le 12 décembre 2002, date de publication de la décision 2002-76 conformément à laquelle Bell Canada avait soumis à son approbation les arrangements en question. Le Conseil prend note également de la déclaration de la Fédération selon laquelle certains des arrangements ont été négociés entre les Commissions scolaires et Bell Nexxia et que la construction de certains réseaux visés par l'avis de modification tarifaire 6734 était maintenant terminée et que les réseaux étaient opérationnels. Le Conseil estime que le rejet des AP visés par l'avis de modification tarifaire 6734 perturberait sensiblement le service en place, disloquerait les configurations complexes de l'équipement et des installations, ce qui non seulement coûterait cher, mais désavantagerait les Commissions scolaires et les municipalités dans les régions pertinentes. Dans les circonstances, le Conseil estime qu'il ne conviendrait pas d'appliquer les conclusions énoncées dans la présente décision aux arrangements proposés dans le cadre de l'avis de modification tarifaire 6734

57. De plus, le Conseil fait remarquer que pour deux des trois AP contenus dans l'avis de modification tarifaire 6757, Bell Canada était la seule soumissionnaire qualifiée. Dans ces cas particuliers, le Conseil estime que l'application des conclusions énoncées ci-dessus risquerait probablement de laisser les localités pertinentes sans service de réseaux de fibres inutilisées. À son avis, pareille conséquence ne servirait pas l'intérêt public. Par conséquent, le Conseil conclut qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les conclusions énoncées dans cette décision aux deux AP visés par les articles N4(a)(1)a.1. et N4(a)(1)a.2 proposés du TMS.

58. Le Conseil souligne le caractère exceptionnel du traitement qu'il a accordé aux TMS approuvés provisoirement dans les Ordonnances.

[8]                Les deux membres dissidents, Barbara Cram et Stuart Langford, ont vivement critiqué la décision de la majorité. Ils ont en effet estimé qu'il n'y avait pas lieu de déroger à la politique tarifaire définie dans la décision 97-7, et que les AP proposés pour des services de fibre optique devaient au moins correspondre à ce que prévoit le tarif général. Ils ont chacun rédigé une opinion circonstanciée sur la question.


[9]                La commissaire Cram a rappelé qu'avec l'avènement de la concurrence, le Conseil s'était battu pendant douze ans pour éliminer l'interfinancement entre les différents groupes de contribuables et que revenir à un interfinancement déguisé et laisser tomber la tarification basée sur les coûts était rétrograde et déplorable. Elle a dénoncé les motifs avancés par la majorité pour déroger à la politique du Conseil. Pour sa part, le commissaire Langford a dit que la décision faisait « peu de cas des décisions que le Conseil a prises depuis dix ans pour éliminer le type de comportement non concurrentiel auquel la majorité donne aujourd'hui son assentiment » . D'après lui, Bell Canada a enfreint les règles mais on lui permet, malgré cela, de « tirer profit de son refus d'observer les règles clairement établies par le Conseil » .

Les dispositions applicables en l'espèce

[10]            Les dispositions pertinentes de la Loi sont les articles 7, 25, 27, 47 et 64. Voici ce qu'elles prévoient :









Politique canadienne de télécommunication

Politique

7. La présente loi affirme le caractère essentiel des télécommunications pour l'identité et la souveraineté canadiennes; la politique canadienne de télécommunication vise à :

a) favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions;

b) permettre l'accès aux Canadiens dans toutes les régions -- rurales ou urbaines -- du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

c) accroître l'efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

d) promouvoir l'accession à la propriété des entreprises canadiennes, et à leur contrôle, par des Canadiens;

e) promouvoir l'utilisation d'installations de transmission canadiennes pour les télécommunications à l'intérieur du Canada et à destination ou en provenance de l'étranger;

f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l'efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire;

g) stimuler la recherche et le développement au Canada dans le domaine des télécommunications ainsi

que l'innovation en ce qui touche la fourniture de services dans ce domaine;

h) satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication;

i) contribuer à la protection de la vie privée des personnes.

Autorisation nécessaire pour les tarifs

25. (1) L'entreprise canadienne doit fournir les services de télécommunication en conformité avec la tarification déposée auprès du Conseil et approuvée par celui-ci fixant -- notamment sous forme de maximum, de minimum ou des deux -- les tarifs à imposer ou à percevoir.

Dépôt des tarifications communes

(2) Toute tarification commune entérinée par plusieurs entreprises canadiennes peut être déposée auprès du Conseil par une seule d'entre elles avec attestation de l'accord des autres.

Modalités

(3) La tarification est déposée puis publiée ou autrement rendue accessible au public, selon les modalités de forme et autres fixées par le Conseil; celui-ci peut par ailleurs préciser les renseignements devant y figurer.

Tarifs non approuvés

(4) Le Conseil peut cependant entériner l'imposition ou la perception de tarifs qui ne figurent dans aucune tarification approuvée par lui s'il est convaincu soit qu'il s'agit là d'un cas particulier le justifiant, notamment d'erreur, soit qu'ils ont été imposés ou perçus par l'entreprise canadienne, en conformité avec le droit provincial, avant que les activités de celle-ci soient régies par une loi fédérale.

1993, ch. 38, art. 25; 1999, ch. 31, art. 199(F).

Tarifs justes et raisonnables

27. (1) Tous les tarifs doivent être justes et raisonnables.

Discrimination injuste

(2) Il est interdit à l'entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l'imposition ou la perception des tarifs y afférents, d'établir une discrimination injuste, ou d'accorder -- y compris envers elle-même -- une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature.

Questions de fait

(3) Le Conseil peut déterminer, comme question de fait, si l'entreprise canadienne s'est ou non conformée aux dispositions du présent article ou des articles 25 ou 29 ou à toute décision prise au titre des articles 24, 25, 29, 34 ou 40.

Fardeau de la preuve

(4) Il incombe à l'entreprise canadienne qui a fait preuve de discrimination, accordé une préférence ou fait subir un désavantage d'établir, devant le Conseil, qu'ils ne sont pas injustes, indus ou déraisonnables, selon le cas.

Méthodes

(5) Pour déterminer si les tarifs de l'entreprise canadienne sont justes et raisonnables, le Conseil peut utiliser la méthode ou la technique qu'il estime appropriée, qu'elle soit ou non fondée sur le taux de rendement par rapport à la base tarifaire de l'entreprise.

Précision

(6) Le présent article n'a pas pour effet d'empêcher l'entreprise canadienne de fournir, gratuitement ou moyennant un tarif réduit, des services de télécommunication soit à ses administrateurs, dirigeants, employés et anciens employés soit, avec l'agrément du Conseil, à des organismes de bienfaisance, à des personnes défavorisées ou à toute personne.

PARTIE IV

APPLICATION

Exercice des pouvoirs et fonctions par le Conseil

Conseil soumis aux normes et décrets

47. Le Conseil doit, en se conformant aux décrets que lui adresse le gouverneur en conseil au titre de l'article 8 ou aux normes prescrites par arrêté du ministre au titre de l'article 15, exercer les pouvoirs et fonctions que lui confèrent la présente loi et toute loi spéciale de manière à réaliser les objectifs de la politique canadienne de télécommunication et à assurer la conformité des services et tarifs des entreprises canadiennes avec les dispositions de l'article 27.

Appel

Droit d'appel

64. (1) Avec son autorisation, il peut être interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale, sur des questions de droit ou de compétence, des décisions du Conseil.

Demande d'autorisation de pourvoi

(2) L'autorisation est à demander dans les trente jours qui suivent la décision ou dans le délai supérieur qu'un juge de la Cour peut exceptionnellement accorder; les frais relatifs à la demande sont laissés à l'appréciation de la Cour.

Avis

(3) Avis de la demande d'autorisation est donné au Conseil et à toutes les parties à l'affaire.

Appel

(4) L'appel doit être interjeté dans les soixante jours suivant la date de l'autorisation.

Décision

(5) Lors de l'audition d'un appel, la Cour peut déduire toutes les conclusions qui ne sont pas incompatibles avec les faits établis devant le Conseil et qui sont nécessaires pour déterminer la question de compétence ou de droit.

Observations du Conseil

(6) Le Conseil a le droit de présenter des observations pendant l'instruction de la demande d'autorisation et ensuite à toute étape de la procédure d'appel; les frais ne peuvent cependant être mis à sa charge ou à celle des conseillers.                        

Canadian Telecommunications Policy

Objectives

7. It is hereby affirmed that telecommunications performs an essential role in the maintenance of Canada's identity and sovereignty and that the Canadian telecommunications policy has as its objectives

(a) to facilitate the orderly development throughout Canada of a telecommunications system that serves to safeguard, enrich and strengthen the social and economic fabric of Canada and its regions;

(b) to render reliable and affordable telecommunications services of high quality accessible to Canadians in both urban and rural areas in all regions of Canada;

(c) to enhance the efficiency and competitiveness, at the national and international levels, of Canadian telecommunications;

(d) to promote the ownership and control of Canadian carriers by Canadians;

(e) to promote the use of Canadian transmission facilities for telecommunications within Canada and between Canada and points outside Canada;

(f) to foster increased reliance on market forces for the provision of telecommunications services and to ensure that regulation, where required, is efficient and effective;

(g) to stimulate research and development in Canada in the field of telecommunications and to encourage

innovation in the provision of telecommunications services;

(h) to respond to the economic and social requirements of users of telecommunications services; and

(i) to contribute to the protection of the privacy of persons.

Telecommunications rates to be approved

25. (1) No Canadian carrier shall provide a telecommunications service except in accordance with a tariff filed with and approved by the Commission that specifies the rate or the maximum or minimum rate, or both, to be charged for the service.

Filing of joint tariffs

(2) A joint tariff agreed on by two or more Canadian carriers may be filed by any of the carriers with an attestation of the agreement of the other carriers.

Form of tariffs

(3) A tariff shall be filed and published or otherwise made available for public inspection by a Canadian carrier in the form and manner specified by the Commission and shall include any information required by the Commission to be included.

Special circumstances

(4) Notwithstanding subsection (1), the Commission may ratify the charging of a rate by a Canadian carrier otherwise than in accordance with a tariff approved by the Commission if the Commission is satisfied that the rate

(a) was charged because of an error or other circumstance that warrants the ratification; or

(b) was imposed in conformity with the laws of a province before the operations of the carrier were regulated under any Act of Parliament.

1993, c. 38, s. 25; 1999, c. 31, s. 199(F).

Just and reasonable rates

27. (1) Every rate charged by a Canadian carrier for a telecommunications service shall be just and reasonable.

Unjust discrimination

(2) No Canadian carrier shall, in relation to the provision of a telecommunications service or the charging of a rate for it, unjustly discriminate or give an undue or unreasonable preference toward any person, including itself, or subject any person to an undue or unreasonable disadvantage.

Questions of fact

(3) The Commission may determine in any case, as a question of fact, whether a Canadian carrier has complied with section 25, this section or section 29, or with any decision made under section 24, 25, 29, 34 or 40.

Burden of proof

(4) The burden of establishing before the Commission that any discrimination is not unjust or that any preference or disadvantage is not undue or unreasonable is on the Canadian carrier that discriminates, gives the preference or subjects the person to the disadvantage.

Method

(5) In determining whether a rate is just and reasonable, the Commission may adopt any method or technique that it considers appropriate, whether based on a carrier's return on its rate base or otherwise.

Exception

(6) Notwithstanding subsections (1) and (2), a Canadian carrier may provide telecommunications services at no charge or at a reduced rate

(a) to the carrier's directors, officers, employees or former employees; or

(b) with the approval of the Commission, to any charitable organization or disadvantaged person or other person

PART IV

ADMINISTRATION

Exercise of Powers

Commission subject to orders and standards

47. The Commission shall exercise its powers and perform its duties under this Act and any special Act

(a) with a view to implementing the Canadian telecommunications policy objectives and ensuring that Canadian carriers provide telecommunications services and charge rates in accordance with section 27; and

(b) in accordance with any orders made by the Governor in Council under section 8 or any standards prescribed by the Minister under section 15.

Appeals

Appeal to Federal Court of Appeal

64. (1) An appeal from a decision of the Commission on any question of law or of jurisdiction may be brought

in the Federal Court of Appeal with the leave of that Court.

Application for leave

(2) Leave to appeal shall be applied for within thirty days after the date of the decision appealed from or within such further time as a judge of the Court grants in exceptional circumstances, and the costs of the application are in the discretion of the Court.

Notice

(3) Notice of an application for leave to appeal shall be served on the Commission and on each party to the proceedings appealed from.

Time limit for appeal

(4) An appeal shall be brought within sixty days after the day on which leave to appeal is granted.

Findings of fact

(5) On an appeal, the Court may draw any inference that is not inconsistent with the findings of fact made by the Commission and that is necessary for determining a question of law or jurisdiction.

Argument by Commission

(6) The Commission is entitled to be heard on an application for leave to appeal and at any stage of an appeal, but costs may not be awarded against it or any of its members.


Les questions en litige

[11]            L'appelante soulève en l'espèce deux questions :

a) entre-t-il dans les compétences que la Loi confère au Conseil d'approuver un tarif qu'il n'estime ni juste ni raisonnable, ou qu'il considère injustement discriminatoire?

b) subsidiairement, la décision frappée d'appel est-elle par ailleurs déraisonnable ou irrationnelle?

a)          Entre-t-il dans les compétences que la Loi confère au Conseil d'approuver un tarif qu'il n'estime ni juste ni raisonnable, ou qu'il considère injustement discriminatoire?

[12]            Selon l'appelante, sauf dans le cas des services faisant l'objet d'une abstention, une entreprise canadienne telle que Bell ne peut pas fournir un service de télécommunication à moins que le Conseil n'approuve au préalable une tarification précisant les tarifs à percevoir (article 25 de la Loi). L'article 27, lui, exige que les tarifs soient justes et raisonnables et interdit toute préférence indue ou déraisonnable sauf dans les circonstances précises énumérées au paragraphe 27(6) de la Loi.


[13]            L'appelante fait valoir que le Conseil ne peut approuver, en vertu de l'article 25, qu'un tarif conforme à l'article 27 de la Loi, c'est-à-dire un tarif qui est à la fois juste et raisonnable, comme l'exige le paragraphe 27(1), et qui n'établit aucune discrimination injuste contraire au paragraphe 27(2). D'après l'appelante, le législateur a pris le soin de préciser clairement les circonstances limitées dans lesquelles une entreprise peut être autorisée à appliquer un tarif non conforme. Ces circonstances, spécifiées au paragraphe 27(6) de la Loi, reconnaissent à une entreprise le droit de consentir des tarifs non conformes « à des organismes de bienfaisance, à des personnes défavorisées ou à toute personne » , mais seulement avec l'agrément du Conseil.

[14]            L'appelante soutient donc qu'en jugeant que les TMS visés par la décision frappée d'appel ne correspondaient pas aux critères de tarification fixés par la décision 97-7 en ce qu'ils étaient inférieurs au tarif général pour la même distance d'installations, le Conseil a en fait jugé que ces tarifs n'étaient ni justes ni raisonnables, ou bien établissaient une discrimination injuste. Malgré cette conclusion manifeste, la majorité a néanmoins approuvé les tarifs non conformes, invoquant pour cela des « circonstances exceptionnelles » . Selon l'appelante, la décision était donc essentiellement fondée sur une conclusion qui ne se justifie aucunement au regard du mandat que la loi assigne au Conseil.


[15]            L'argument développé par l'appelante se fonde sur l'idée que la décision 97-7 définit, à toutes fins, les critères permettant d'établir des tarifs justes et raisonnables, de sorte que tout écart par rapport à ces critères est un écart par rapport à ce qui serait des tarifs justes et raisonnables. Mais aucune politique générale, telle que la décision 97-7, ne peut anticiper toutes les circonstances pouvant survenir. On ne saurait donc soutenir qu'un tarif n'est pas juste ou raisonnable du simple fait qu'il n'est pas conforme aux critères exposés dans la décision 97-7, sans tenir compte des circonstances particulières à l'origine du tarif soumis à l'approbation du Conseil. La question est en fait de savoir si les tarifs approuvés sont effectivement justes, raisonnables et non discriminatoires, et non s'ils sont conformes à la décision 97-7.

[16]            En l'espèce, le Conseil a exercé son pouvoir discrétionnaire et relevé l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant une dérogation à la décision 97-7. Dans la mesure où le principal argument invoqué par Allstream est que tout écart par rapport aux critères de tarification exposés dans la décision 97-7 entraîne nécessairement des tarifs injustes et déraisonnables, il doit être écarté pour les raisons exposées ci-dessus. Cela nous amène maintenant à nous pencher sur l'argument subsidiaire avancé par Allstream.

b)          Subsidiairement, la décision frappée d'appel est-elle par ailleurs déraisonnable ou irrationnelle?

[17]            L'appelante fait subsidiairement valoir qu'en fondant son approbation des tarifs proposés sur l'existence de « circonstances exceptionnelles » , le Conseil s'est fondé sur des considérations dénuées de pertinence et a donc rendu une décision manifestement irrationnelle ou déraisonnable.


[18]            Selon l'appelante, l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire repose obligatoirement sur l'appréciation des considérations propres à l'objet même de la loi ou dans « l'optique dans laquelle la loi est censée s'appliquer » (Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, paragraphe 94, juge Binnie). L'appelante ajoute que la prise en compte par un décideur officiel de facteurs dénués de pertinence ou n'ayant aucun rapport avec cette optique constitue une erreur de droit ou de compétence (Syndicat canadien de la fonction publique, Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8); Syndicat canadien de la fonction publique, paragraphes 172 à 176).

[19]            L'appelante reconnaît que la question de savoir si un tarif est juste et raisonnable, et n'entraîne aucune discrimination injuste, appartient à un domaine de régulation économique entrant dans le champ d'expertise du Conseil. D'après elle, la nature de la question examinée en l'occurrence par le Conseil exige l'application d'une norme juridique - savoir si les tarifs en question sont justes et raisonnables, s'ils n'entraînent aucune discrimination injuste ou n'accordent aucune préférence indue ou déraisonnable - à des faits précis. D'après l'appelante, il s'agit d'une question mixte de fait et de droit dont la nature même, considérée en conjonction avec l'existence d'un droit d'appel garanti par la loi, indique que le critère de contrôle qu'il convient d'appliquer est la norme de la décision raisonnable simpliciter (Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, aux p. 770 et 771, par. 44 et 45).

[20]            En ce qui concerne le tarif 6734, le Conseil, selon l'appelante, s'est écarté des considérations pertinentes et a pris en compte, en tant que « circonstances exceptionnelles » , un certain nombre de considérations pourtant dénuées de pertinence :


a) le Conseil a pris en compte le fait que Bell Canada avait souscrit auprès de certains clients des contrats hors tarif avant que n'intervienne la décision Mesures de protection à l'égard des affiliées des titulaires, groupements effectués par Bell Canada et questions connexes, Décision de télécom 2002-76 (la décision Nexxia), mais que Bell Canada savait, ou du moins aurait dû savoir, que pour les services en question, elle était tenue de soumettre les tarifs au Conseil;

b) le Conseil a pris en compte le fait que la construction de certains réseaux était terminée et que ces réseaux étaient opérationnels, bien que ce fait soit une conséquence directe du comportement illégal de Bell Canada qui a procédé ainsi sans faire au préalable approuver ses tarifs par le CRTC; et

c) le Conseil s'est en partie fondé sur l'idée, à laquelle il a souscrit, que le refus des AP entraînerait des perturbations de service et une dislocation des équipements et des installations, ce qui coûterait cher aux clients, alors que, comme l'a relevé la commissaire Cram, c'était en fait une question d'argent.

[21]            En ce qui concerne l'avis de modification tarifaire 6757, le Conseil a, selon l'appelante, estimé que, Bell Canada étant l'unique soumissionnaire, certains clients n'auraient pas accès au service de réseaux de fibres inutilisées si l'on refusait les AP proposés, mais n'a pas en cela pris en compte le fait que si l'avis de modification tarifaire 6757 avait été refusé parce que les tarifs proposés étaient trop faibles, Bell Canada, ou certains de ses concurrents, auraient peut-être été disposés à offrir le service en question à un prix conforme aux critères de tarification.


[22]            L'appelante souligne que les tribunaux s'en sont généralement remis à l'avis des commissions de services publics lorsqu'il s'est agi de décider des facteurs à prendre en compte pour fixer un tarif juste et raisonnable. Mais les facteurs pris en compte pour cela sont généralement des considérations d'ordre économique en rapport avec les tarifs. La jurisprudence permet ainsi de prendre en compte les coûts du service public, les investissements, les réserves et le fonds de roulement nécessaire; le taux de rendement des sommes investies dans ce service public; le recouvrement des dépenses justes et raisonnables; les frais liés à l'endettement et aux actifs; et enfin, les conditions économiques générales. Or, les facteurs pris en compte en l'espèce ne sont pas des considérations économiques concernant les tarifs en soi et, par conséquent, l'appelante estime que la Cour ne devrait pas sur ce point s'en remettre aux connaissances spécialisées du Conseil.

[23]            L'appelante estime, en bref, que si les arrangements proposés ont été mis en oeuvre à des tarifs qui sont, selon elle, contraires à l'article 27 de la Loi, c'est précisément parce que Bell Canada ne les avait pas fait approuver au préalable - comportement lui-même directement contraire à ce que prévoit l'article 25 de la Loi. L'appelante estime que, eu égard aux circonstances de l'affaire, l'inobservation, par Bell Canada, des dispositions de la loi lui imposant d'obtenir une approbation préalable, ne saurait être prise en compte en tant que considération pertinente.

[24]            Avant de passer à l'analyse des arguments invoqués par l'appelante, il convient de se pencher sur la norme de contrôle applicable en l'espèce.


[25]            S'agissant de l'appel d'une décision d'un tribunal administratif, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer doit être déterminée en fonction d'une analyse pragmatique et fonctionnelle. En ce domaine, la démarche à retenir a été fixée par l'arrêt Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 26 (Dr Q) :

(3) L'analyse des facteurs pragmatiques et fonctionnels

26 Selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle est déterminée en fonction de quatre facteurs contextuels -- la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel; l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige; l'objet de la loi et de la disposition particulière; la nature de la question -- de droit, de fait ou mixte de fait et de droit. Les facteurs peuvent se chevaucher. L'objectif global est de cerner l'intention du législateur, sans perdre de vue le rôle constitutionnel des tribunaux judiciaires dans le maintien de la légalité.

[26]            En ce qui concerne le premier facteur, bien que la présence d'un droit d'appel dans la loi ne permette pas de conclure que la norme à appliquer est celle de la décision correcte, c'est un facteur qui indique qu'une norme plus stricte s'impose (Barrie Public Utilities c. Assoc. canadienne de télévision par câble, [2003] 1 R.C.S. 476, par. 11). Mais, aux termes mêmes du paragraphe 64(5) de la Loi, lors de l'audition de l'appel, la Cour ne peut déduire aucune conclusion incompatible avec les faits établis devant le Conseil. Même s'il ne s'agit pas d'une clause privative, cette disposition permet de mettre à l'abri les décisions rendues par le Conseil sur des points de fait.


[27]            En ce qui concerne le deuxième facteur, alors que l'expertise du Conseil dans l'exercice des fonctions qui lui sont confiées par la loi a été à de multiples reprises reconnue par les tribunaux (Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1989] 1 R.C.S. 1722, à la p. 1746; Fédération canadienne des municipalités c. AT & T Canada Corp. (C.A.), [2003] 3 C.F. 379, p. 407, par. 30 (C.A.F.) (droit d'accès), l'expertise qui retient notre attention en l'espèce n'est pas l'expertise générale du décideur, mais bien son expertise relativement à celle que peut avoir la Cour sur la question dont elle est saisie. Comme permettra de le voir plus clairement l'étude du troisième facteur, la fixation des tarifs ressortit à l'expertise du Conseil.

[28]            Au regard du troisième facteur, les dispositions applicable en l'espèce, c'est-à-dire les paragraphes 27(1) et 27(2) de la Loi, exigent des tarifs qu'ils soient « justes et raisonnables » et qu'ils n'établissent aucune discrimination. Ces deux dispositions posent des critères juridiques, mais tout en laissant au décideur un large pouvoir discrétionnaire quant à ce qui est « juste » , quant à ce qui est « raisonnable » , quant ce qui établit une discrimination « injuste » ou accorde une préférence « indue » ou « déraisonnable » , ou fait subir un désavantage « de même nature » . Ajoutons que pour décider si un tarif est juste et raisonnable, le Conseil a, en vertu du paragraphe 27(5) de la Loi, le pouvoir discrétionnaire d' « utiliser la méthode ou la technique qu'il estime appropriée, qu'elle soit ou non fondée sur le taux de rendement par rapport à la base tarifaire de l'entreprise » . La fixation des tarifs en vertu des articles 25 et 27 de la Loi relève d'un domaine qui se situe au coeur même du champ d'expertise du Conseil.


[29]            Ajoutons qu'aux termes de l'article 47 de la Loi, le Conseil doit exercer les pouvoirs et fonctions que lui confère la loi de manière à réaliser les objectifs de la politique canadienne de télécommunication et à assurer la conformité des services et tarifs des entreprises canadiennes avec les dispositions de l'article 27. L'analyse des neuf objectifs de la politique canadienne en ce domaine, énoncés à l'article 7 de la Loi, soulève, en matière de politiques publiques, des questions revêtant un caractère véritablement polycentrique puisqu'elles exigent que l'on jauge un grand nombre d'intérêts et de considérations qui s'entrecroisent et se conjuguent. Les tribunaux doivent, dans ce genre d'affaire, faire preuve de plus de déférence (Dr Q, p. 240, par. 30; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, p. 1008, par. 36; Monsanto Canada Inc. c. Ontario (Surintendant des services financiers), [2004] 3 R.C.S. 152, par. 15).

[30]            Le quatrième facteur à prendre en compte dans le cadre d'une approche pragmatique et fonctionnelle est la nature même de la question sur laquelle le Conseil était appelé à se prononcer. La question de savoir si un tarif est juste et raisonnable est une question mixte de fait et de droit. Comme je l'ai rappelé plus haut, cependant, le Conseil doit se voir reconnaître davantage de latitude sur le plan de la méthode ou de la technique qu'il entend employer afin de décider si le tarif en question convient effectivement. Une telle question relève en grande partie de son pouvoir discrétionnaire et doit, étant donné la nature de la question qui se pose en l'occurrence, bénéficier d'une plus grande déférence.


[31]            J'estime qu'en ce qui concerne l'approbation des AP par le Conseil, la norme de contrôle à appliquer en l'occurrence est celle de l'éventuel caractère manifestement déraisonnable de la décision. La fixation de tarifs justes et raisonnables ressortit à l'évidence au domaine d'expertise du Conseil et se situe dans les limites du rôle qu'il est appelé à jouer dans l'élaboration des politiques publiques. Lorsqu'un tribunal spécialisé tel que le Conseil est appelé à rendre, sur une question relevant de son expertise, une décision en accord avec l'objet même de la loi, il a droit, de la part des tribunaux, à un plus haut degré de déférence.

[32]            La Cour n'interviendra donc pas dans la décision du Conseil à moins que celui-ci n'ait commis une erreur manifestement déraisonnable constitutive d'une erreur de droit ou de compétence (article 64). Il faut entendre par décision manifestement déraisonnable une décision qui est clairement irrationnelle ou non conforme à la raison (Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247).


[33]            En ce qui concerne le tarif 6734, le Conseil a tenu compte du fait que les négociations contractuelles avaient déjà eu lieu et que la fourniture du service était presque achevée avant que ne soit rendue la décision 2002-76 en vertu de laquelle Bell Canada a soumis les contrats en question à l'approbation du Conseil. Celui-ci a également pris note de ce qu'a dit une des intervenantes, la Fédération des commissions scolaires du Québec, qui a fait valoir que certains des contrats avaient été négociés entre les commissions scolaires et Bell Nexxia, que la construction de certains réseaux était déjà achevée, que ces réseaux étaient opérationnels et que le refus d'approuver les AP perturberait beaucoup ces communautés et disloquerait les configurations complexes de l'équipement et des installations, ce qui entraînerait pour la commission scolaire et les municipalités en cause des coûts non négligeables. En ce qui concerne l'avis de modification tarifaire 6757, le Conseil a estimé que, Bell étant l'unique soumissionnaire, s'il rejetait les AP, certains clients ne pourraient pas être desservis par le réseau de fibres inutilisées.

[34]            Le Conseil, dans son ensemble, est rompu à la fixation des tarifs. La diversité des opinions et des préoccupations exprimées dans le cadre de la décision frappée d'appel montre que les divers membres du Conseil ne sont pas tous du même avis au sujet du secteur concerné, du marché, des services à fournir, des objectifs visés par les politiques publiques et de la façon de contribuer à leur mise en oeuvre dans les circonstances. On peut constater que le Conseil s'est beaucoup préoccupé des effets qu'un manque de services pourrait avoir sur les collectivités en cause, et il s'est inquiété de la dislocation des configurations complexes de l'équipement et des installations au détriment des commissions scolaires et des municipalités dans les régions concernées. À son avis, les préoccupations de cet ordre devaient l'emporter sur le fait que Bell n'avait pas sollicité au préalable l'approbation des tarifs en question. Ce sont là des considérations qu'un conseil spécialisé peut effectivement prendre en compte et jauger par rapport à d'autres considérations. Il est vrai que ces considérations ne sont pas purement d'ordre économique au sens où l'entend l'appelante, c'est-à-dire au sens des coûts, des investissements, du fonds de roulement, du taux de rendement, etc. Ces considérations font cependant partie du vaste mandat dont est investi le Conseil aux termes de l'article 7, mandat dont il est seul à avoir la charge, ces considérations étant par ailleurs à distinguer du tarif réduit que le Conseil est autorisé à agréer au titre du paragraphe 27(6) de la Loi, pouvoir qu'il n'a pas invoqué en l'occurrence.


[35]            En relevant l'existence de « circonstances exceptionnelles » , le Conseil n'a pas agi de manière manifestement déraisonnable. Je ne considère donc pas ces circonstances comme des considérations dénuées de pertinence et constitutives pour cela d'une erreur de droit ou de compétence.

[36]            Je rejetterais donc l'appel avec dépens.

      Alice Desjardins

                                                                                                     Juge                       

« Je souscris aux présents motifs,

     Robert Décary, juge »

« Je souscris aux présents motifs,

     J.D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        A-398-04

Appel interjeté de certaines ordonnances du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le Conseil ou le CRTC) dans la décision de télécom CRTC 2004-20, Contrats de service de fibre optique, en date du 23 mars 2004 (la décision), par laquelle le CRTC a approuvé les tarifs des contrats de service de fibre optique proposés par Bell Canada dans le cadre des avis de modification tarifaire 6734 et 6757 (les tarifs)

INTITULÉ :                                        Allstream Corp. c. Bell Canada et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 1er juin 2005

MOTIF DU JUGEMENT :               La juge Desjardins

Y ONT SOUSCRIT :                         Le juge Décary

Le juge Pelletier

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 juillet 2005

COMPARUTIONS :

Michael Koch et Dina Graser

POUR L'APPELANTE

Neil Finkelstein et David Kidd

C. Christopher Johnston et Leslie Milton

POUR LES INTIMÉS

POUR L'INTERVENANT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake, Cassels & Graydon LLP

Toronto (Ontario)

Blake, Cassels & Graydon LLP    

Ottawa (Ontario)

Johnston & Bruchan LLP

Ottawa (Ontario)

POUR L'APPELANTE

POUR LES INTIMÉS

POUR L'INTERVENANT



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