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Date : 20060119

Dossiers : A‑283‑05

A‑282‑05

 

Référence : 2006 CAF 25

 

CORAM :      LE JUGE ROTHSTEIN

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

DUSTIN MORIN

intimé

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 16 janvier 2006

Jugement rendu à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 19 janvier 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                      LA JUGE SHARLOW

 


 

Date : 20060119

Dossiers : A‑283‑05

A‑282‑05

 

Référence : 2006 CAF 25

 

 

CORAM :      LE JUGE ROTHSTEIN

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

DUSTIN MORIN

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE

Introduction

[1]               Il s’agit, dans le présent appel, d’examiner la portée de l’alinéa 7(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi). La question soulevée en appel est de savoir si, en vertu de l’article 7, un employé peut déduire de l’avantage imposable tiré d’une option d’achat d’actions, la somme qu’il a payée pour des services de conseils et de consultation en matière d’emploi dans le cas où, grâce à ces services, le contribuable a obtenu un emploi qui comporte un régime d’options d’achat d’actions.

 

[2]               L’alinéa 7(1)a) de la Loi est ainsi libellé :

7. (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (8), lorsqu’une personne admissible donnée est convenue d’émettre ou de vendre de ses titres, ou des titres d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, à l’un de ses employés ou à un employé d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, les présomptions suivantes s’appliquent :

 


7. (1) Subject to subsections (1.1) and 8 where a particular qualifying person has agreed to sell or issue securities of the particular qualifying person (or of a qualifying person with which it does not deal at arm’s length) to an employee of a particular qualifying person (or of a qualifying person with which it does not deal at arm’s length),

 

a)    l’employé qui a acquis des titres en vertu de la convention est réputé avoir reçu, en raison de son emploi et au cours de l’année d’imposition où il a acquis les titres, un avantage égal à l’excédent éventuel de la valeur des titres au moment où il les a acquis sur le total de la somme qu’il a payée ou doit payer à la personne admissible donnée pour ces titres et de la somme qu’il a payée pour acquérir le droit d’acquérir les titres;

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(a)   if the employee has acquired securities under the agreement, a benefit equal to the amount, if any, by which

(i)    the value of the securities at the time the employee acquired them exceeds the total of

(ii)   the amount paid or to be paid to the particular qualifying person by the employee for the securities, and

(iii)  the amount, if any, paid by the employee to acquire the right to acquire the securities

is deemed to have been received, in the taxation year in which the employee acquired the securities, by the employee because of the employee’s employment.

 

[emphasis added]

 

 

Question en litige

[3]               Dans la décision publiée à 2005CCI324, une juge de la Cour canadienne de l’impôt a permis à l’intimé de déduire, en vertu de l’alinéa 7(1)a), la somme qu’il avait payée pour des services de conseils et de consultation en matière d’emploi. La juge a dit : « La méthode fondée sur le sens ordinaire et la méthode fondée sur l’ensemble du contexte indiquent toutes deux que le libellé concernant la deuxième somme dont il est fait mention à l’alinéa a) (le sous‑alinéa 7(1)a)(iii) en anglais) doit recevoir une interprétation libérale de façon à inclure toutes les dépenses que l’[intimé] a engagées afin d’obtenir l’option d’achat d’actions. » Le ministre du Revenu national (ministre) fait valoir en appel que la juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant qu’en vertu de l’alinéa 7(1)a), les sommes payées pour acquérir une option peuvent inclure les sommes payées à un tiers pour quelque chose d’autre que le titre ou les attributs de la propriété du titre de l’option elle‑même.

 

Faits

[4]               Brièvement, les faits sont les suivants :

a)      Pendant qu’il était étudiant, en 1993, l’intimé a rencontré Robert Tordiffe, le père d’un de ses camarades d’école, à qui il a demandé de l’aider à faire carrière dans l’industrie de la technologie de pointe, particulièrement dans une société qui offrirait à ses employés des options d’achat d’actions. M. Morin et la société d’experts‑conseils de M. Tordiffe, Bobsan Investments Inc. (Bobsan), ont conclu une entente écrite selon laquelle l’intimé devait verser à Bobsan une somme égale à 100 p. 100 de la première tranche de 100 000 $ et à 33 p. 100 de la deuxième tranche de 100 000 $ de la valeur des options d’achat d’actions qu’il recevrait dans le cadre d’un emploi obtenu grâce aux recommandations de Bobsan.

b)      L’entente prévoyait en substance que Bobsan fournirait à M. Morin une liste d’employeurs éventuels que M. Morin devrait, selon M. Tordiffe, contacter afin de se renseigner sur les possibilités d’emploi. L’intimé a rencontré plusieurs employeurs éventuels qui figuraient sur la liste et il a accepté un emploi chez Westport Research Inc. (Westport). Son régime de rémunération chez Westport comprenait un régime d’avantages comportant des options d’achat d’actions. M. Morin a par la suite levé ces options d’achat d’actions par l’intermédiaire d’un courtier en le chargeant de verser à Bobsan les sommes dues en vertu de l’entente.

c)      L’intimé n’a acquis aucune option d’achat d’actions de Bobsan et il n’a pas versé les sommes à Bobsan dans le but d’obtenir le transfert par Bobsan des options d’achat d’actions. L’intimé a versé à Bobsan la somme de 82 710,05 $ en 2000 et de 50 662,95 $ en 2001, conformément à l’entente intervenue, mais il n’a rien payé pour les options ni pour lever les options.

d)      En 2000 et en 2001, M. Morin a déduit de son revenu les sommes versées à Bobsan. Le ministre a refusé les déductions au motif que l’alinéa 7(1)a) de la Loi ne les permettait pas. L’intimé a interjeté appel de la décision du ministre d’établir une nouvelle cotisation devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

Norme de contrôle

[5]               La question soulevée dans le présent appel concerne le sens à donner à l’alinéa 7(1)a) de la Loi. L’interprétation des lois est une question de droit; par conséquent, la norme de contrôle applicable est la décision correcte (voir Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235).

 

Analyse

[6]               La Cour suprême du Canada a établi maintes reprises que lorsque, en matière d’impôt, la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée (voir Shell Canada c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622, au paragraphe 40; Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au paragraphe 51; Tennant c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 305, au paragraphe 16; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, aux pages 326, 327 et 330; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, au paragraphe 11).

 

[7]               En outre, en appliquant les principes d’interprétation à la Loi, les cours doivent être conscientes de ses complexités et être réticentes à adopter, sous le couvert d’interprétation législative, des notions de politique ou de principe qui ne sont pas exprimées (voir 65302 British Columbia Ltd. c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 804, au paragraphe 51, le juge Iacobucci).

 

[8]               L’élément le plus important pour l’interprétation de l’alinéa 7(1)a) est le sens ordinaire des termes « de la somme qu’il a payée pour acquérir le droit d’acquérir les titres » et, en particulier, le sens du terme « acquérir ».

 

[9]               Les dictionnaires courants définissent le terme « acquérir » en se référant au transfert d’un titre ou des attributs de la propriété, par exemple : [traduction] « obtenir le contrôle de quelque chose; obtenir soi‑même et pour soi‑même; obtenir ». Pour l’essentiel, il doit y avoir un élément d’intérêt ou de propriété bénéficiaire, notion qui se retrouve également dans la jurisprudence.

 

[10]           Selon la jurisprudence, un bien est acquis pour l’application de la Loi lorsque le titre de propriété est transféré ou lorsque l’acheteur possède tous les attributs de la propriété, notamment la possession, l’usage et le risque (voir MNR c. Wardean Drilling Ltd., 69 D.T.C. 5194 (C. de l’É.), aux pages 5197 et 5198; Kirsch Construction Ltd. c. MRN, 88 D.T.C. 6503 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 5). En conséquence, une somme payée pour acquérir un bien est une somme payée en échange d’un titre de propriété ou des attributs de la propriété.

 

[11]           En appliquant ces définitions aux faits en l’espèce, il est évident que les sommes payées par M. Morin ne l’ont pas été pour acquérir les options d’achat d’actions. Bobsan n’a pas transféré à l’intimé le titre de propriété ou les attributs de la propriété en échange des paiements. M. Morin n’a acheté aucune des options d’achat d’actions de Bobsan et les sommes qu’il a payées n’étaient pas en échange de leur acquisition. Il a reçu les options d’achat d’actions directement de son employeur, Westport, et il n’a pas été tenu de verser quelque somme d’argent que ce soit à Westport pour leur acquisition. Il n’y avait aucun lien entre Bobsan et Westport et Bobsan n’avait aucun droit sur les options. Même si l’intimé n’avait rien payé à Bobsan, il aurait reçu les options de Westport. En me fondant sur ces faits, je ne puis conclure que les sommes payées à Bobsan sont visées par le sens ordinaire des termes de l’alinéa 7(1)a).

 

[12]           La présente conclusion est étayée par un examen du contexte législatif plus large. En vertu de l’article 8 de la Loi, les dépenses engagées dans le cadre d’une recherche d’emploi, notamment les sommes versées à un consultant, ne sont pas déductibles du revenu tiré d’un emploi. Le paragraphe 8(2) limite ces déductions à celles expressément permises par la disposition. En permettant une déduction en vertu de l’alinéa 7(1)a), la juge de la Cour canadienne de l’impôt a permis à M. Morin de contourner indirectement le paragraphe 8(2).

 

[13]           M. Morin se trouve dans une situation difficile, j’en conviens, mais il a conclu une entente d’affaires et même s’il a consacré une grande partie de l’avantage tiré des options d’achat d’actions au paiement des services de consultation à Bobsan, il s’est exposé à devoir payer de l’impôt sur l’ensemble de son revenu d’emploi.

 

[14]           J’accueillerais l’appel, j’annulerais la décision de la Cour canadienne de l’impôt et je rétablirais les nouvelles cotisations du ministre. Dans les circonstances, je n’accorderais aucuns dépens.

 

 

« B. Malone »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

      Marshall E. Rothstein, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

      Karen R. Sharlow, juge »

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                  A‑282‑05 ET A‑283‑05

 

 

INTITULÉ :                                                   SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                        c.

                                                                        DUSTIN MORIN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 16 JANVIER 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LES JUGES ROTHSTEIN, SHARLOW

                                                                        ET MALONE

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 19 JANVIER 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Eric Douglas                                                     POUR L’APPELANTE

Bruce Senkpiel

 

Dustin Morin                                                    POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR L’APPELANTE

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

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