Date : 20000511
Dossier : A-706-98
OTTAWA (ONTARIO), LE 11 MAI 2000
CORAM : LE JUGE DÉCARY
LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SHARLOW
Entre
SA MAJESTÉ LA REINE
appelante
- et -
398722 ALBERTA LTD.
intimée
JUGEMENT
L'appel est accueilli avec dépens. La décision de la Cour de l'impôt est annulée, et l'affaire renvoyée au ministre du Revenu national pour réexamen et nouvelle cotisation fondée sur la conclusion que l'intimée n'a pas droit au crédit de taxe sur intrants pour compenser la TPS payable sur les biens et services acquis à titre de fourniture à soi-même pour le quadruplex.
Signé : Robert Décary
________________________________
J.C.A.
Traduction certifiée conforme,
Martine Brunet
Date : 20000511
Dossier : A-706-98
CORAM : LE JUGE DÉCARY
LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SHARLOW
Entre
SA MAJESTÉ LA REINE
appelante
- et -
398722 ALBERTA LTD.
intimée
Audience tenue à Calgary (Alberta), le mercredi 3 mai 2000
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 mai 2000
MOTIFS DU JUGEMENT
PRONONCÉS PAR : Le juge SHARLOW
Y ONT SOUSCRIT : Le juge DÉCARY
Le juge ROTHSTEIN
Date : 20000511
Dossier : A-706-98
CORAM : LE JUGE DÉCARY
LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SHARLOW
Entre
SA MAJESTÉ LA REINE
appelante
- et -
398722 ALBERTA LTD.
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
Le juge SHARLOW
[1] Il échet d'examiner en l'espèce si l'intimée est tenue au paiement de la TPS sur la juste valeur marchande d'un immeuble à appartements qu'elle a acquis à seule fin de s'assurer l'autorisation nécessaire pour la construction d'un nouvel hôtel à Banff (Alberta).
[2] Pour bien saisir les points litigieux, il est nécessaire de comprendre divers éléments du régime de TPS et la façon dont ils s'appliquent aux faits de la cause.
[3] La TPS est une taxe imposée par la Loi sur la taxe d'accise, L.C. 1990, ch. 45, modifiée, et payable par l'acquéreur de toute " fourniture taxable " (art. 165(1)). Les concepts de " fourniture " et de " fourniture taxable " sont définis comme suit au paragraphe 123(1) (modifié par L.C. 1993, ch. 27, art. 10) :
["] "supply" means ["] the provision of property or a service in any manner, including sale, transfer, barter, exchange, licence, rental, lease, gift or disposition. ["] "taxable supply" means a supply that is made in the course of a commercial activity. |
["] " fourniture " ["] livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation. ["] " fourniture taxable " Fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale. |
[4] Le concept d'" activité commerciale ", qui figure dans la définition de " fourniture taxable ", est aussi défini au paragraphe 123(1) (modifié par L.C. 1993, ch. 27, art. 10), dont voici les dispositions applicables en l'espèce :
["] "commercial activity" of a person means
(b) ["], and
|
["] " activité commerciale " Constituent des activités commerciales exercées par une personne:
|
[5] Le concept de " fourniture exonérée " est défini comme suit au paragraphe 123(1) :
["] "exempt supply" means a supply included in Schedule V ["]. |
["] " fourniture exonérée " Fourniture figurant à l'annexe V ["]. |
[6] Sur la liste des fournitures exonérées prévue à la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise, figurent un certain nombre de fournitures relatives aux immeubles. L'alinéa 6a) de cette partie I de l'annexe V (modifié par L.C. 1993, ch. 27, art. 147) porte notamment ce qui suit :
A supply ["] of a residential complex or a residential unit in a residential complex by way of lease, license or similar arrangement for the purpose of its occupancy as a place of residence or lodging by an individual, where it is occupied by the same individual for a period of at least one month ["]. |
La fourniture ["] d'un immeuble d'habitation ou d'une habitation dans un tel immeuble, par bail, licence ou accord semblable, en vue de son occupation à titre résidentiel ou d'hébergement par un particulier donné pour une période d'au moins un mois ["]. |
[7] Il résulte de cette disposition que le propriétaire d'un immeuble à appartements dont l'entreprise consiste à louer ces appartements au mois à des locataires, effectue des " fournitures exonérées ". Son entreprise échappe à la définition d'" activité commerciale ".
[8] Cependant, la vente d'un immeuble à appartements nouvellement construit est une fourniture taxable. Quiconque acquiert un immeuble à appartements nouvellement construit doit payer la TPS sur le prix d'achat. De même, celui qui construit un tel immeuble et le garde pour en donner à bail les appartements à titre d'habitations doit payer la TPS sur l'immeuble, en application de la règle de la " fourniture à soi-même " instituée au paragraphe 191(3) (L.C. 1990, ch. 45), dont voici les dispositions applicables :
(3) For the purposes of this Part, where
the builder shall be deemed
|
(3) Pour l'application de la présente partie, lorsque la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation à logements multiples sont achevées en grande partie et que le constructeur transfère à une personne, qui n'est pas l'acheteur en vertu du contrat de vente visant l'immeuble, la possession d'une habitation de celui-ci aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable conclu en vue de l'occupation de l'immeuble à titre résidentiel, ou, étant un particulier, occupe lui-même à ce titre une habitation de l'immeuble, le constructeur est réputé, si lui-même, la personne ou un particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper à ce titre une habitation de l'immeuble après que les travaux sont achevés en grande partie :
|
[9] La personne qui a pour entreprise d'effectuer des fournitures taxables peut demander le remboursement de la TPS qu'elle a payée sur les biens et les services acquis pour son entreprise. Ce remboursement est appelé " crédit de taxe sur intrants ". Il est prévu au paragraphe 169(1), dont voici les dispositions applicables (soulignage ajouté) :
169.(1) Subject to this Part, where property or a service is supplied to or imported by a person and, during a reporting period of the person during which the person is a registrant, tax in respect of the supply or importation becomes payable by the person or is paid by the person without having become payable, the input tax credit of the person in respect of the property or service for the period is the amount determined by the formula A x B where
|
169. (1) Sous réserve de la présente partie, le crédit de taxe sur les intrants d'une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu'elle importe ou qui lui est fourni, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à l'importation ou à la fourniture devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable : A x B où :
|
||||||
[10] Par application de la formule prévue au paragraphe 169(1) pour le calcul du crédit de taxe sur intrants, l'exploitant d'une entreprise qui consiste à donner à bail des appartements au mois (ce qui, comme noté supra, échappe à la définition d'" activité commerciale ") verrait, pour ce qui est de la TPS qu'il doit payer sur les fournitures taxables acquises pour son entreprise, que le montant visé à l'alinéa c ) est égal à zéro. Il n'aurait donc droit à aucun crédit de taxe sur intrants à l'égard de ces fournitures taxables.
[11] Cependant, celui qui vend un immeuble à appartements qu'il vient de faire construire à cette fin, effectue de ce fait une fourniture taxable. Toute TPS qu'il a payée sur les produits et services acquis dans la construction de cet immeuble est remboursable à titre de crédit de taxe sur intrants. Cela tient à ce que le pourcentage visé à l'alinéa c) du paragraphe 169(1) serait de 100 p. 100. Il en serait de même de la personne qui construit un immeuble à appartements et qui est tenue au paiement de la TPS par application de la règle de la fourniture à soi-même. Elle aurait droit au crédit de taxe sur intrants à l'égard de toute TPS frappant les coûts de construction.
[12] Il s'agit maintenant d'appliquer tous ces éléments du régime de TPS aux faits de la cause.
[13] L'intimée est une entreprise albertaine en activité à Banff (Alberta). En 1991, elle a conçu le projet de construire et d'exploiter un hôtel de 63 chambres au 208 Bear Street, à Banff. La réalisation de ce plan était subordonnée au règlement suivant de la ville de Banff sur l'aménagement urbain :
[TRADUCTION]
8.18.1 Quiconque se propose de construire un ensemble immobilier, ce qui s'entend également du changement d'affectation d'un ensemble existant, ou du cas où l'autorité responsable juge qu'un ensemble existant a été élargi ou quantitativement accru de façon considérable, doit aménager de nouvelles unités d'habitation conformément aux règlements et normes prévus au présent article, comme suit : |
b) Hôtels
(ii) pour les hôtels comportant de 60 à 100 unités de logement commerciales : 1 chambre à coucher toutes les 8 unités de logement commerciales ["] |
[14] En 1991, l'intimée a pris à bail un terrain sis rue Beaver à Banff pour 225 000 $, et y a construit un immeuble à quatre appartements (le quadruplex) au coût de 223 974 $.
[15] Elle a revendiqué et obtenu des crédits de taxe sur intrants d'un total de 14 650 $, soit le montant de la TPS afférente aux coûts de construction. Son droit à ces crédits de taxe n'est pas contesté.
[16] La construction du quadruplex était la condition préalable de l'approbation de la construction de l'hôtel. En outre, l'accord d'aménagement immobilier conclu le 15 octobre 1995 entre l'intimée et la municipalité de Banff prévoit que le permis d'occupation pour l'hôtel pourrait être révoqué si l'intimée ne maintenait pas l'affectation résidentielle du quadruplex.
[17] L'application du paragraphe 191(3) de la Loi sur la taxe d'accise, la soi-disant " règle de la fourniture à soi-même ", s'est déclenchée en février 1993 lorsque le premier locataire de l'un des appartements en question en prit possession. Par suite, l'intimée était requise de payer la TPS calculée en fonction de la juste valeur marchande du quadruplex à la date de son quasi-achèvement, c'est-à-dire 455 000 $.
[18] L'intimée soutient que son hôtel est une entreprise commerciale qui n'existerait pas si elle n'avait pas construit le quadruplex, et cesserait d'exister si les appartements ne servaient plus d'habitations. L'exploitation du quadruplex est dont partie intégrante de son entreprise hôtelière et est, de ce fait, une " activité commerciale " au sens de la définition légale. Il s'ensuit, si cette conclusion de l'intimée était correcte, que la TPS qu'elle était tenue de payer en application de la règle sur la fourniture à soi-même serait compensée par un crédit de taxe sur intrants d'un montant égal.
[19] Le juge de la Cour de l'impôt a fait droit à cette conclusion en ces termes au paragraphe 8 des motifs de sa décision [(1999), 99 G.T.C. 3006, [1998] G.S.T.C. 117 (C.C.I.)] :
L'appelante, qui n'était pas un promoteur de projets domiciliaires, a décidé de construire un hôtel de 63 chambres à Banff. Avant d'obtenir les approbations nécessaires pour construire l'hôtel, l'appelante a dû construire le quadruplex. Ce quadruplex ne peut donc pas être considéré isolément comme un complexe domiciliaire mais doit être considéré comme faisant partie intégrante du complexe commercial comprenant l'hôtel de 63 chambres. |
[20] Il s'agit là d'une représentation fidèle de la réalité commerciale de la situation de l'intimée. Elle est incontestable sur le plan des faits. Je ne partage cependant pas la conclusion du juge de la Cour de l'impôt que ces faits justifient la revendication par l'intimée d'un crédit de taxe sur intrants qui compense la TPS payable en application de la règle sur la fourniture à soi-même.
[21] À mon avis, l'existence d'un lien inextricable entre l'exploitation du quadruplex et celle de l'hôtel va à l'encontre du critère prévu à la fin du paragraphe 161(1), savoir la disposition relative au crédit de taxe sur intrants, et en particulier au concept d'" activité commerciale " tel qu'il figure dans le même paragraphe. Pour plus de commodité, je reproduis ci-après la définition de ce concept (soulignage ajouté) :
["] "commercial activity" of a person means
|
["] " activité commerciale " Constituent des activités commerciales exercées par une personne :
|
Il échet donc d'examiner si l'entreprise de l'intimée comporte, de quelque façon que ce soit, la réalisation de fournitures exonérées.
[22] Toute entreprise peut consister en plusieurs éléments, dont chacun fait partie intégrante de l'ensemble. La définition d'" activité commerciale " prend en compte cette possibilité mais pose, aux fins de la TPS, que tout élément de l'entreprise qui consiste dans la réalisation de fournitures exonérées soit considéré à part. Par application de cette définition légale, l'entreprise de l'intimée n'est pas une " activité commerciale " dans la mesure où elle consiste dans la location des unités d'habitation du quadruplex. À cet égard, je conviens avec la Couronne que l'intimée n'a pas droit à un crédit de taxe sur intrants pour compenser la TPS payable sur les biens et services acquis à titre de fourniture à soi-même pour le quadruplex.
[23] L"intimée est exactement dans le même cas que celui qui acquiert un immeuble pour en donner à bail les appartements. Peu importe que cette acquisition ait été motivée par la perspective de toucher des loyers ou, comme dans le cas de l'intimée, par la nécessité de se conformer à une obligation légale qui doit être remplie en vue d'un autre objectif commercial.
[24] Par ces motifs, je me prononce pour l'accueil de l'appel, l'infirmation de la décision de la Cour de l'impôt, et le renvoi de l'affaire au ministre pour nouvelle instruction et nouvelle cotisation fondée sur la conclusion que l'intimée n'a pas droit au crédit de taxe sur intrants pour compenser la TPS payable sur les biens et services acquis à titre de fourniture à soi-même pour le quadruplex.
Signé : Karen R. Sharlow
________________________________
J.C.A.
" Je souscris aux motifs ci-dessus.
Signé : Robert Décary "
" Je souscris aux motifs ci-dessus.
Signé : Marshall Rothstein "
Traduction certifiée conforme,
Martine Brunet
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER No : A-706-98 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Sa Majesté la Reine
c.
398722 Alberta Ltd.
LIEU DE L'AUDIENCE : Calgary (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE : Mercredi 3 mai 2000 |
MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE SHARLOW
Y ONT SOUSCRIT : Le juge Décary
Le juge Rothstein
LE : 11 mai 2000
ONT COMPARU :
M.Louis A. Williams pour l'appelante |
Mme Deborah Horowitz
M. Timothy Platnich pour l'intimée
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Morris Rosenberg pour l'appelante |
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
Major Caron pour l'intimée
Calgary (Alberta)