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     Date : 19990413

     Dossier : A-835-96

OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 13 AVRIL 1999

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ROTHSTEIN

Entre :

     ALBERTA WHEAT POOL,

     appelante,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     JUGEMENT

     L'appel est rejeté avec dépens.

                                  Barry Strayer

                            

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19990413

     Dossier : A-836-96

OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 13 AVRIL 1999

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ROTHSTEIN

Entre :

     SASKATCHEWAN WHEAT POOL,

     appelante,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     JUGEMENT

     L'appel est rejeté avec dépens.

                                  Barry Strayer

                            

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19990413

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ROTHSTEIN

     Dossier : A-835-96

Entre :

     ALBERTA WHEAT POOL,

     appelante,

     - et -

     MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     Dossier : A-836-96

Et entre :

     SASKATCHEWAN WHEAT POOL,

     appelante,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

Audience tenue à Vancouver (C.-B.), les 16 et 17 mars 1999

Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le mardi 13 avril 1999

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      LE JUGE ROTHSTEIN

SOUSCRIVENT À CES MOTIFS :      LE JUGE STRAYER

     LE JUGE LINDEN

     Date : 19990413

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ROTHSTEIN

     Dossier : A-835-96

Entre :

     ALBERTA WHEAT POOL,

     appelante,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     Dossier : A-836-96

Et entre :

     SASKATCHEWAN WHEAT POOL,

     appelante,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

     LES FAITS

[1]      Il s'agit d'un appel d'une décision du juge Bonner de la Cour canadienne de l'impôt qui a statué que les appelantes n'avaient pas le droit de capitaliser les frais d'intérêts sur l'emprunt utilisé pour la construction d'un silo terminus aux fins de la déduction pour amortissement et des crédits d'impôt à l'investissement en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu1 (la Loi).

[2]      Les appelantes étaient membres d'une coentreprise composée de six compagnies céréalières qui ont construit et exploité un silo terminus de céréales sur l'Île Ridley près de Prince Rupert (Colombie-Britannique). L'actif de la coentreprise était détenu dans une simple fiducie par Ridley Grain Limited au nom des membres de la coentreprise. Prince Rupert Grain Limited administrait l'actif au nom des membres de la coentreprise. L'appelante, Saskatchewan Wheat Pool avait un intérêt de trente pour cent et l'appelante Alberta Wheat Pool avait un intérêt de 34 pour cent dans le silo et les revenus et dépenses connexes.

[3]      Les parties ont convenu que le silo terminus était un bien amortissable aux fins de la déduction pour amortissement prévue à l'alinéa 20(1)a) et un bien admissible (machines et matériel) pour les fins du crédit d'impôt à l'investissement visé à l'article 127 de la Loi.

[4]      Les parties ont aussi reconnu que le terminal était en construction dans les années d'imposition 1980 à 1986, inclusivement. Pour ces années d'imposition, l'appelante Saskatchewan Wheat Pool a réclamé la déduction pour amortissement, et pour les années d'imposition 1980 à 1985, inclusivement, des crédits d'impôt à l'investissement, sur sa portion du coût en capital du terminal. Pour les années d'imposition 1980 et 1981, Alberta Wheat Pool a réclamé la déduction pour amortissement et pour les années d'imposition 1980 à 1984, inclusivement, les crédits d'impôt à l'investissement sur sa portion du coût en capital du terminal. Les deux appelantes ont capitalisé les frais d'intérêts payés au cours de chacune de ces années et ont inclus les intérêts ainsi capitalisés dans la base utilisée pour calculer la déduction pour amortissement et le crédit d'impôt à l'investissement.

[5]      Le ministre du Revenu national a refusé la capitalisation des intérêts, ainsi que la déduction pour amortissement et les crédits d'impôt à l'investissement réclamés sur ces intérêts, mais il a autorisé les appelantes à traiter ces intérêts comme des dépenses pour chacune des années visées. Les appelantes se sont pourvues devant la Cour canadienne de l'impôt.

[6]      Le juge Bonner a statué que les frais d'intérêts pendant la période de construction peuvent être capitalisés en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi, mais pas autrement. Étant donné que les appelantes n'ont pas choisi de capitaliser leurs intérêts en vertu du paragraphe 21(1), il a conclu qu'elles ne pouvaient le faire pour les fins de la déduction pour amortissement. Il a en outre conclu que, comme les intérêts ne pouvaient être capitalisés qu'en vertu de l'article 21 et que, parce que le paragraphe 127(11.2) empêche l'inclusion des intérêts ajoutés au coût en capital, du fait de l'application de l'article 21, pour les fins du crédit d'impôt à l'investissement, les appelantes ne pouvaient réclamer les crédits d'impôt à l'investissement sur les intérêts qu'elles ont essayé de capitaliser.

[7]      Je souscris au raisonnement concis et à la conclusion du juge Bonner de la CCI2. J'ajoute les observations suivantes uniquement pour traiter des arguments précis soulevés par les appelantes devant nous.

     L'ÉCONOMIE DES DISPOSITIONS PERTINENTES

[8]      L'alinéa 20(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu autorise le contribuable à réclamer une déduction pour amortissement dans le calcul de son revenu imposable. L'alinéa 20(1)c) lui permet de déduire les intérêts comme dépenses dans le calcul de son revenu imposable. Les alinéas 20(1)a) et c) disposent comme suit :

         20(1) Nonobstant les alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant :                 
             a) la partie, si partie il y a, du coût en capital des biens supporté par le contribuable ou le montant, si montant il y a, du coût en capital des biens, supporté par le contribuable, que le règlement autorise ;         
             c) une somme payée dans l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu) en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur :         
                 (i) de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un refenu d'une entreprise ou d'un bien (aute que l'argent emprunté et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu serait exénoré d'impôt ou pour prendre une police d'assurance-vie),                 

(9)      En vertu du paragraphe 21(1), le contribuable peut, plutôt que de déduire les intérêts au titre des dépenses, capitaliser ces intérêts pour l'année au cours de laquelle le bien amortissable a été acquis et pour les trois années d'imposition précédentes. L'acquisition du bien amortissable inclut la construction de ce bien par le contribuable. En autorisant la capitalisation des intérêts pour les trois années antérieures à l'acquisition du bien amortissable, le législateur a permis aux contribuables de modifier rétroactivement leur déclaration de revenus déjà produite pour ces années afin de convertir les intérêts qui avaient été déduits comme dépenses en intérêts capitalisés sur lesquels ils peuvent réclamer la déduction pour amortissement :

         21. (1) Lorsque, au cours d'une année d'imposition, un contribuable a acquis des biens amortissables et choisi en vertu du présent paragraphe de produire la déclaration de revenu pour l'année en vertu de la présente Partie :                 
             a) dans le calcul de son revenu pour l'année et, le cas échéant, pour celles des trois années d'imposition précédentes du contribuable, les dispositions des alinéas 20(1)c), d) et e) ne s'appliquent pas au montant ou à la partie du montant qu'il a indiquée dans son choix, mais qui, sans le présent paragraphe, aurait été déductible lors du calcul de son revenu (autre qu'un revenu exonéré d'impôt) pour l'année et, le cas échéant, pour ces années précédentes en vertu de ces alinéas, relativement à l'emprunt utilisé pour acquérir les biens amortissables ou à la somme payable pour les biens amortissables acquis par lui ; et                 
             b) le montant ou la partie du montant, selon le cas, visé à l'alinéa a) doit être ajouté au coût en capital supporté par lui des biens amortissables ainsi acquis par lui.                 

[10]      Le paragraphe 21(3) autorise la capitalisation des intérêts dans les années suivant l'année d'acquisition du bien amortissable, sous réserve de conditions expresses :

         21.(3) Lors du calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, lorsque le contribuable,                 
             a) dans une année précédente, a choisi d'exercer son droit en vertu du paragraphe (1) relativement à un emprunt utilisé pour acquérir des biens amortissables ou à une somme payable au titre de biens amortissables acquis par lui, et                 
             b) le cas échéant, dans chaque année d'imposition postérieure à cette année précédente et antérieure à l'année d'imposition a fait, en vertu du présent paragraphe, un choix portant sur le montant total qui, sans le présent paragraphe, aurait été déductible dans le calcul de son revenu (autre qu'un revenu exonéré d'impôt) pour chacune de ces années, en vertu des alinéas 20(1)c, d) et e), relativement à l'emprunt utilisé pour acquérir des biens amortissables ou à la somme payable pour les biens amortissables acquis par lui,                 
         si ce contribuable choisit en vertu du présent paragraphe de produire la déclaration de ses revenus pour l'année en vertu de la présente Partie, les dispositions des alinéas 20(1)c), d) et e) ne s'appliquent pas au montant ou à la partie du montant qu'il a indiqué dans son choix, mais qui, sans le présent paragraphe, aurait été déductible lors du calcul de son revenu (autre qu'un revenu exonéré d'impôt) pour l'année en vertu de ces alinéas, relativement à l'emprunt utilisé pour acquérir les biens amortissables ou à la somme payable pour les biens amortissables acquis par lui, et ce montant ou la partie de ce montant, selon le cas, doit être ajouté au coût en capital supporté par lui pour les biens amortissables ainsi acquis par lui.                 

[11]      Le paragraphe 127(5) prévoit des crédits d'impôt à l'investissement en vertu desquels certaines déductions d'impôt peuvent être réclamées :

         127.(5) Il peut être déduit de l'impôt payable par ailleurs par un contribuable sous le régime de la présente Partie, pour une année d'imposition, un montant ne dépassant pas le moindre des montants suivants :                 
             a) son crédit d'impôt à l'investissement à la fin de l'année, ou                 
             b) le total                 
                 (i) de 15 000 $, et                 
                 (ii) de la moitié de la fraction, si fraction il y a, de l'impôt payable par ailleurs par ce contribuable sous le régime de la présente Partie pour l'année, qui est en sus de 15 000 $.                 

[12]      Le paragraphe 127(9) énonce la formule de calcul des crédits d'impôt à l'investissement. Ces crédits représentent en fait un pourcentage du coût en capital des biens admissibles. Les biens admissibles sont définis au paragraphe 127(10) et, pour les fins de l'espèce, plus précisément à l'alinéa 127(10)b) :

         127.(9) Aux fins des paragraphes (5) à (8) et sous réserve du paragraphe (11.1), " crédit d'impôt à l'investissement " d'un contribuable à la fin d'une année d'imposition désigne la fraction, si fraction il y a, du total                 
             a) d'un montant égal à 5 % du total de tous les montants dont chacun est le coût en capital, pour lui, d'un bien admissible ou du matériel de transport admissible acquis par lui au cours de l'année ou le montant d'une dépense admissible faite par lui au titre d'une recherche scientifique au cours de l'année, calculé sans égard au paragraphe 13(7.1). "                 

     [...]

         (10) Aux fins du paragraphe (9), " biens admissibles " d'un contribuable désigne un bien (autre qu'un bien certifié) qui est                 

     [...]

             b) les machines et matériel prescrits, acquis par le contribuable après le 23 juin 1975.                 
         qui n'ont jamais été employés ou acquis pour être employés ou être loués, à quelque fin que ce soit, avant leur acquisition par le contribuable et qui[...]                 

[13]      En vertu du paragraphe 127(11.2), les crédits d'impôt à l'investissement doivent être calculés sur le coût en capital des biens admissibles, à l'exclusion des intérêts capitalisés en vertu de l'article 21 :

         127.(11.2) Aux fins du paragraphe (9),                 
             a) le coût en capital pour le contribuable d'un bien est calculé comme si aucun montant n'y était ajouté par l'application de l'article 21 ; et                 

[14]      C'est à cause du paragraphe 127(11.2) que les appelantes n'ont pas choisi de capitaliser les intérêts en vertu de l'article 21 et qu'elles font maintenant valoir qu'elles ont le droit de capitaliser les intérêts sans avoir à faire le choix exigé à l'article 21.

[15]      Le paragraphe 18(3.1) oblige les contribuables à capitaliser les intérêts pendant la construction d'un bâtiment :

         18.(3.1) Nonobstant toute autre disposition de la présente loi, dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition,                 
             a) aucune déduction n'est effectuée au titre d'un débours ou d'une dépense fait ou engagé par le contribuable, à l'exception d'une somme déductible en application des alinéas 20(1)a) ou aa), qui                 
                 (i) peut raisonnablement être considéré comme étant un coût engagé pendant la période de construction, de rénovation ou de transformation d'un bâtiment et lié à celle-ci ou un coût engagé pendant cette période et lié à la propriété, pendant cette période, d'un fonds de terre [...]                 
                 (ii) qui a été fait ou engagé avant l'achèvement de la construction, de la rénovation ou de la transformation du bâtiment ; et                 
             b) le montant d'un tel débours ou d'une telle dépense est inclus dans le calcul du coût en capital, pour le contribuable, du fonds de terre ou du bâtiment, selon le cas.                 

Quand l'intérêt est capitalisé en vertu du paragraphe 18(3.1), le paragraphe 127(11.2) ne s'applique pas et les intérêts capitalisés peuvent être inclus dans le coût en capital sur lequel les crédits d'impôt à l'investissement sont calculés. Par conséquent, la Loi de l'impôt sur le revenu fait une distinction entre les bâtiments et les autres immobilisations pour les fins des frais d'intérêts engagés pendant la construction. Dans le cas des bâtiments, ces intérêts doivent être capitalisés. Pour les autres immobilisations, par exemple, les machines et le matériel comme en l'espèce (les parties ayant reconnu qu'il n'y avait pas de bâtiment), les contribuables peuvent choisir de capitaliser les intérêts en vertu de l'article 21 ou de traiter les intérêts comme des dépenses en vertu de l'alinéa 20(1)c).

     ANALYSE DES MOYENS DES APPELANTES

[16]      Les appelantes font valoir que, contrairement à la conclusion du juge Bonner de la C.C.I., les intérêts peuvent être capitalisés uniquement en vertu de l'article 21 et non autrement, et que le choix exercé en vertu de l'article 21 élargit les choix que le contribuable peut faire. Les appelantes prétendent qu'elles n'ont pas invoqué l'article 21 parce que [TRADUCTION] " selon les PCGR et selon des principes commerciaux bien établis ", le coût des immobilisations comprend déjà les périodes d'intérêt payés pendant la période de construction. Cet argument se fonde sur le raisonnement du juge Kerr dans l'arrêt Sherritt Gordon Mines Ltd. v. The Minister of National Revenue3, à la page 5195 :

         [TRADUCTION]                 
             En l'absence d'une définition dans la Loi de l'expression " coût en capital du bâtiment pour le contribuable " et de toute interprétation jurisprudentielle de ces mots utilisés à l'alinéa 11(1)a ), dans la mesure où ils sont considérés au regard de l'acquisition d'immobilisations, je suis d'avis qu'ils doivent être interprétés comme incluant les débours que le contribuable a engagés comme homme d'affaires et qui sont le résultat direct de la méthode qu'il a adoptée pour acquérir les biens [...] Il me semble également clair que cela inclut le coût qu'il a dû payer pendant la période de construction pour emprunter le capital nécessaire à la création du bien, qu'il s'agisse de frais d'intérêts ou de commission d'engagement. Il s'agit là d'un coût en capital qui ne peut, sans autorisation spéciale, être déduit comme dépense d'exploitation.                 

                     [non souligné dans l'original]

L'article 21 a été adopté peu après la décision Sherritt Gordon Mines. Cet arrêt semble exiger que l'intérêt payé pendant la période de construction soit inclus dans le coût du bien amortissable. Toutefois, l'article 21, qui prévoit l'exercice d'un choix, indique clairement que le contribuable a le choix de traiter ces intérêts comme des dépenses, déductibles en vertu de l'alinéa 20(1)c), ou de les ajouter au coût du bien amortissable en vertu de l'article 21.

[17]      La preuve d'expert produite par les parties devant la Cour de l'impôt semble largement faire ressortir que lorsque la construction de biens amortissables est échelonnée dans le temps, le coût du bien comprend les intérêts pendant la période de construction, lorsque l'une des conventions comptables de l'entreprise prévoit la capitalisation des frais d'intérêts. D'après l'expert des appelantes, cette pratique a été utilisée pendant les années 1980 et figurait à la section 3060.26 du manuel de l'ICCA en 1989. La section 3060.26 dispose comme suit :

         .26 Le coût des immobilisations dont l'acquisition, la construction, le développement ou la mise en valeur sont échelonnés dans le temps comprend les frais financiers directement rattachés à l'acquisition, à la construction, au développement ou à la mise en valeur, tels que les intérêts débiteurs lorsque l'une des conventions comptables adoptées par l'entreprise prévoit la capitalisation de ces intérêts.                 

En fin de compte, les PCGR prévoient que les intérêts payés pendant la période de construction peuvent être inclus dans le coût des immobilisations ou être considérés comme des dépenses, selon la convention comptable de l'entreprise. Toutefois, le choix visé à l'article 21 donne au contribuable une plus grande souplesse que les PCGR. Le paragraphe 21(1) permet de modifier la déclaration rétroactivement pour les trois années précédant l'acquisition des immobilisations, pour supprimer les frais d'intérêts des dépenses afin de les capitaliser pour ces trois années. Le paragraphe 21(3) autorise la capitalisation des frais d'intérêts pendant la période postérieure à l'acquisition. De plus, il n'est pas nécessaire que le contribuable ait décidé, dans ses conventions comptables, de traiter ces frais comme des dépenses ou de les capitaliser, mais il peut utiliser les deux méthodes en affectant différents montants de frais d'intérêts soit aux dépenses, soit à la capitalisation, selon ce qui convient à ses besoins. Si, comme le prétendent les appelantes, le droit applicable à la capitalisation des frais d'intérêts, tel qu'il est énoncé dans l'arrêt Sherritt Gordon, existe toujours, alors, à tout le moins pour ce qui a trait aux intérêts payés pendant la période de construction, l'article 21 ne pourrait s'appliquer, les contribuables ne pourraient traiter ces frais d'intérêts comme des dépenses et ils seraient obligés de les capitaliser. Il n'y a pas de fondement qui me permette de conclure que les intérêts payés pendant la période de construction ne sont pas visés à l'article 21. La règle énoncée dans l'arrêt Sherritt Gordon ne peut coexister avec l'article 21. La Cour ne peut éliminer le choix que le législateur a offert aux contribuables en vertu de l'article 21 en faisant référence à une jurisprudence antérieure. Je suis convaincu que l'article 21 a remplacé l'arrêt Sherritt Gordon, du moins pour ce qui a trait à la capitalisation des intérêts pendant la période de construction.

[18]      Les appelantes font ensuite valoir que le libellé de l'article 21 ne contient aucune restriction indiquant que cet article est la seule façon de capitaliser les intérêts. En fait, il y a des décisions jurisprudentielles qui indiquent que l'article 21 autorise la capitalisation des intérêts uniquement [TRADUCTION] " dans certaines circonstances " : voir La Reine c. Tyssen Canada Limited (1987), 87 DTC 5038, page 5041. Je n'ai pas de difficulté à accepter la proposition selon laquelle, dans des circonstances non envisagées par l'article 21 ou par d'autres dispositions législatives, les frais d'intérêts peuvent être capitalisés selon les PCGR. En fait, comme le font valoir les appelantes, il peut y avoir des frais d'intérêts engagés pendant la construction qui ne sont pas déductibles comme dépenses en vertu des alinéas 20(1)c), d) ou e). Si ces frais d'intérêts étaient engagés, ils ne seraient pas soumis au choix prévu à l'article 21 et pourraient, dans des circonstances appropriées, être inclus dans le coût en capital du bien amortissable pour les fins de la déduction pour amortissement et du crédit d'impôt à l'investissement. À mon avis, toutefois, le fait que les intérêts ne puissent pas être déductibles en vertu des alinéas 20(1)c, d) ou e) n'aide pas les appelantes. L'article 21 traite explicitement des intérêts déductibles par ailleurs en vertu des alinéas 20(1)c, d) ou e) et ce sont les intérêts visés à l'alinéa 20(1)c qui font l'objet de la présente instance. Pour ce qui a trait à ces frais d'intérêts, l'article 21 est l'instrument par lequel les contribuables peuvent choisir, si cela leur convient, d'ajouter ces intérêts au coût du bien amortissable pour les fins du calcul de la déduction pour amortissement. Toutefois, si le contribuable choisit de capitaliser les intérêts, les intérêts ainsi capitalisés ne font pas partie du coût en capital pour les fins du calcul du crédit d'impôt à l'investissement, à cause de l'application du paragraphe 127(11.2).

[19]      Le fait que les notes explicatives émises par le ministère des Finances au moment de l'adoption de l'article 21 ne laissent aucunement entendre que cet article est un code complet en lui-même, comme l'allèguent les appelantes, n'a aucune importance.

[20]      Les appelantes s'appuient sur le paragraphe 18(3.1) qui exige que les intérêts pendant la période de construction soient capitalisés au titre des bâtiments construits après le 12 novembre 1981. Ce paragraphe ne s'applique pas en l'espèce parce que les biens dont il est question sont des machines et du matériel et que, de toute façon, la construction était déjà commencée le 12 novembre 1981. Toutefois, les appelantes prétendent que la capitalisation obligatoire des intérêts pendant la période de construction en vertu du paragraphe 18(3.1) démontre que ces intérêts font habituellement partie du coût en capital du bien amortissable. Au contraire, le paragraphe 18(3.1) ne peut être interprété que comme une exigence réglementaire obligeant le contribuable à inclure ces intérêts dans le coût en capital du bien amortissable, abstraction faite du choix qui est autorisé en vertu de l'article 21, des PCGR ou de principes commerciaux bien établis.

[21]      Lorsque les intérêts doivent être capitalisés en vertu du paragraphe 18(3.1), les crédits d'impôt à l'investissement sont calculés sur le coût en capital majoré des intérêts capitalisés. Toutefois, lorsque le paragraphe 18(3.1) s'applique, le contribuable n'a pas le choix de passer ces intérêts au titre des dépenses. Il semble que lorsque la capitalisation est obligatoire, les contribuables sont autorisés à réclamer des crédits d'impôt à l'investissement sur les intérêts capitalisés, alors que, lorsque la capitalisation est facultative en vertu de l'article 21, aucun crédit d'impôt à l'investissement ne s'applique.

[22]      Les appelantes font observer que le mot " inclus " est utilisé au paragraphe 18(3.1). Elles soutiennent que cela signifie que les frais d'intérêts engagés pendant la construction sont normalement traités comme faisant partie du coût du bien amortissable. Comme nous l'avons déjà noté, toutefois, le mot " inclus " est utilisé lorsque la loi exige l'inclusion, et non pas parce qu'il s'agit d'un traitement " normal " des frais d'intérêts. Par contraste, lorsqu'un contribuable a le choix de capitaliser les intérêts, c'est le mot " ajouté " qui est utilisé à l'article 21. L'utilisation du mot " ajouté " est compatible avec la notion d'exercice d'un choix par lequel un contribuable, seulement si cela répond à ses besoins, peut ajouter des intérêts capitalisés au coût du bien amortissable et alors uniquement pour les fins prévues dans la Loi de l'impôt sur le revenu .

[23]      Le fait qu'un contribuable, qui est tenu de capitaliser les intérêts pendant la période de construction en vertu du paragraphe 18(3.1) dispose d'une base plus importante pour calculer le crédit d'impôt à l'investissement sur le coût en capital n'est pas incompatible avec la conclusion suivante du juge de première instance :

         Le paragraphe 127(11.2) vise clairement à assurer que la base sur laquelle le crédit d'impôt à l'investissement est calculé n'est pas plus importante dans le cas du contribuable qui capitalise les intérêts se rapportant à la période de construction que dans le cas du contribuable qui déduit les intérêts en vertu des alinéas 20(1)c) ou d).                 

Il est évident que le juge Bonner mettait l'accent sur le lien entre les contribuables qui choisissent de traiter les intérêts comme des dépenses en vertu de l'alinéa 20(1)c) et ceux qui choisissent de capitaliser les intérêts en vertu de l'article 21. Dans un cas comme dans l'autre, on ne peut pas calculer de crédit d'impôt à l'investissement sur la partie composée des intérêts. Un contribuable qui est tenu de capitaliser les intérêts en vertu du paragraphe 18(3.1) se trouve dans une situation différente. Ce contribuable n'a pas le choix de traiter les intérêts comme des dépenses. Dans ces circonstances, le législateur a autorisé le contribuable à calculer le crédit d'impôt à l'investissement sur les intérêts capitalisés.

[24]      L'avocat des appelantes a expliqué que le but de l'article 21 est d'allonger la période de prise en compte des frais d'intérêts lorsque cette prise en compte est avantageuse pour le contribuable. Comme il l'indique, cela a pour but de [TRADUCTION] " préserver les pertes qui autrement ne pourraient plus être prises en compte si ces frais d'intérêts étaient traités comme des dépenses ". Si tel est le but de l'article 21, il est logique que la base de calcul du crédit d'impôt à l'investissement soit la même pour les contribuables qui choisissent de traiter les frais d'intérêts comme des dépenses ou de les capitaliser parce que le but de la capitalisation n'est pas lié au but du crédit d'impôt à l'investissement.

[25]      Comme l'avocat des appelantes le souligne pour ce qui a trait au crédit d'impôt à l'investissement, le contribuable bénéficiant d'une clause de droits acquis, c'est-à-dire le contribuable qui avait commencé la construction d'un bâtiment au 12 novembre 1981, n'est pas aussi privilégié que le contribuable qui a commencé la construction d'un bâtiment après le 12 novembre 1981 et qui est tenu de capitaliser les intérêts en vertu du paragraphe 18(3.1). Toutefois, le premier contribuable est dans une meilleure situation parce qu'il a le choix de traiter les intérêts comme des dépenses, alors que le contribuable visé au paragraphe 18(3.1) ne peut pas le faire. Il est vrai que différentes catégories de biens sont traitées différemment pour les fins du crédit d'impôt à l'investissement. Toutefois, je le répète, cela signifie tout simplement le fait que le législateur a choisi de traiter différents biens d'une façon différente. Il n'est pas loisible à la Cour d'essayer de créer l'égalité là ou le législateur exige une différence.

[26]      J'accepte le raisonnement du juge Bonner selon lequel l'interprétation donné par les appelantes de l'article 21 rendrait inopérant le paragraphe 127(11.2). Le paragraphe 127(11.2) a pour but d'empêcher un contribuable qui choisit de capitaliser les intérêts en vertu de l'article 21 de réclamer un crédit d'impôt à l'investissement sur ces intérêts. Si j'adoptais l'interprétation des appelantes, le contribuable serait autorisé à capitaliser les intérêts sans invoquer l'article 21 et pourrait donc obtenir un crédit d'impôt à l'investissement, ce que lui interdit par le paragraphe 127(11.2). Cela enlèverait tout effet à cette disposition. Or, il est bien connu qu'on ne peut présumer que le législateur adopte des lois qui n'ont aucun effet.

[27]      Je suis donc d'avis de rejeter l'appel avec dépens.

                             " Marshall Rothstein "

                            

                                 Juge

OTTAWA (ONTARIO)

LE 13 AVRIL 1999

" Je souscris à ces motifs,

     B.L. Strayer, juge "

" Je souscris à ces motifs,

     A. Linden, juge "

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS (INTITULÉ DE LA CAUSE) :      A-835-96 / Alberta Wheat Pool c.
                             Ministre du Revenu national
                             A-836-96 / Saskatchewan Wheat Pool
                             c. Ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATES DE L'AUDIENCE :              les 16 et 17 mars 1999

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :          le juge Rothstein

SOUSCRIVENT À CES MOTIFS :          le juge Strayer

                             le juge Linden

DATE :                          le 13 avril 1998

ONT COMPARU :

Edwin Kroft                          pour les appelantes

Thomas Clearwater

William Mah                          pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault                      pour les appelantes

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                      pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

     1      S.R.C. 1952, ch. 148, et ses modifications

     2      Sauf que je n'estime pas utile de faire des observations sur son opinion incidente indiquant que la décision Sherritt Gordon (1968) 68 D.T.C. 5180 était erronée.

     3      précité, note 2.

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