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Date : 20040203

Dossier : A-175-01

Référence : 2004 CAF 52

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                  ROSE PREFONTAINE et

                                                MAURICE PREFONTAINE

                                                                                                                                appelants

                                                                       et

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                    intimée

                            Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 26 janvier 2004.

                               Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 3 février 2004.

                                       MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                               ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR


Date : 20040203

Dossier : A-175-01

Référence : 2004 CAF 52

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                  ROSE PREFONTAINE et

                                                MAURICE PREFONTAINE

                                                                                                                                appelants

                                                                       et

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                    intimée

                                                 MOTIFS DU JUGEMENT

                                         ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA COUR

[1]                Nous sommes d'avis que M. Maurice Prefontaine n'a pas qualité pour agir comme appelant dans la présente instance, et ce, pour les motifs ci-après énoncés.


[2]                Monsieur Prefontaine n'était pas partie à l'appel interjeté devant la Cour canadienne de l'impôt au moment où le jugement a été rendu. L'avocat de la Couronne a soutenu que M. Prefontaine n'avait jamais été partie à l'instance, alors que M. Prefontaine a affirmé qu'il y avait été partie, mais qu'un juge de la Cour de l'impôt avait d'une façon inappropriée radié son nom de l'intitulé. Des ordonnances en ce sens ont été rendues contre M. Prefontaine lors d'autres appels auxquels Rose Prefontaine était mêlée : voir les décisions rendues par le juge Bonner, de la Cour canadienne de l'impôt, dans l'affaire Rose Prefontaine et Maurice Prefontaine c. Sa Majesté la Reine, 98-458 (IT)G, 19 août 1998, par le juge Beaubier, de la Cour canadienne de l'impôt, dans le dossier 97-2299 (IT)G, 1er avril 1998, et par le juge Herschfield, de la Cour canadienne de l'impôt, dans le dossier 2002-2642 (IT)G. Le résultat est le même, et ce, que M. Prefontaine n'ait jamais été partie ou que son nom ait été radié de l'intitulé : M. Prefontaine n'était pas partie aux procédures engagées devant l'instance inférieure au moment où le jugement a été rendu et aucune ordonnance n'a été prononcée à son encontre. Puisque aucune ordonnance n'a été prononcée à son encontre, il n'existe aucune réparation que la présente cour peut lui accorder.

[3]                Par conséquent, l'appel de M. Maurice Prefontaine sera rejeté avec dépens.


[4]                Quant à l'appel interjeté par Mme Rose Prefontaine, il est dénué de fondement. La lecture de la décision rendue par le juge MacArthur, de la Cour de l'impôt, montre que le juge a minutieusement examiné la preuve mise à sa disposition et qu'il a amplement et adéquatement justifié ses conclusions de fait et les autres conclusions qu'il a tirées au sujet du caractère raisonnable et de la déductibilité des frais déclarés à titre de dépenses d'entreprise par l'appelante, Rose Prefontaine.

[5]                Il n'y a pas lieu de reprendre les motifs du juge ou d'y ajouter quoi que ce soit. L'appelant n'a pas démontré devant nous que des erreurs de fait ou de droit justifiant notre intervention avaient été commises.

[6]                L'appelante, qui était représentée à l'audience par son conjoint, avec l'autorisation de la Cour, a invoqué un certain nombre d'arrêts de la Cour suprême du Canada : Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645; Ludco Enterprises Ltd. c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1082; Singleton c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1046; Canderel Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147. Or, ces décisions ne sont pas utiles lorsqu'il s'agit de trancher la question dont nous sommes saisis.

[7]                Par conséquent, l'appel de Rose Prefontaine sera rejeté avec dépens.

[8]                Nous ne voulons pas laisser le présent appel sans examiner une question fort sérieuse qui s'est posée à l'audience y afférente.


[9]                Dans le cadre des observations qu'il a présentées pour le compte de sa conjointe, M. Prefontaine était agité, il a élevé la voix au point qu'il invectivait les membres qui siégeaient dans l'affaire. Il a fait des allégations outrageantes au sujet des membres de la Cour de l'impôt, du procureur général et de ses agents ainsi que du personnel du greffe. Lorsqu'on lui a demandé de baisser le ton et de tempérer ses remarques, M. Prefontaine s'en est verbalement pris à un membre de la formation qui entendait l'appel. Ses sorties violentes étaient telles que l'on a ajourné l'audience pour lui permettre de se calmer. Étant donné qu'il a continué à avoir des accès de colère même après l'ajournement, des agents de la GRC qui étaient présents ont finalement escorté M. Prefontaine en dehors de la salle. Monsieur Prefontaine est retourné dans la salle d'audience par la suite, mais la Cour était d'avis, compte tenu de ses propres observations et des renseignements que les agents de la Cour lui avaient transmis, que l'intérêt de la justice serait mieux servi si l'appel était jugé sur la base des documents déposés sans que d'autres arguments soient présentés.


[10]            Les tribunaux judiciaires de l'Alberta et le personnel du greffe connaissent M. Prefontaine pour ses accès de colère. Monsieur Prefontaine a été déclaré coupable d'outrage au tribunal au criminel, sous deux chefs, par suite de la conduite qu'il avait eue devant la Cour d'appel de l'Alberta et devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta. Une évaluation psychiatrique a été effectuée dans le contexte des procédures criminelles d'outrage; il a été conclu ce qui suit au sujet de M. Prefontaine : [TRADUCTION] « [Il] est atteint d'un trouble délirant de persécution ou encore il a une personnalité paranoïaque. Il croit fermement que divers juges agissent en complicité avec l'Agence des douanes et du revenu du Canada et il semble vraiment croire ces allégations. [...] Sa conviction que divers juges agissent en complicité avec l'Agence des douanes et du revenu du Canada est inébranlable » . Voir R. c. Prefontaine, [2002] A.J. no 1364, paragraphe 11.

[11]            Les événements qui ont donné lieu à la déclaration de culpabilité relative au deuxième chef d'outrage au tribunal en matière pénale illustrent l'intensité des vues de M. Prefontaine. La Cour était saisie d'une demande de suspension d'une ordonnance relative aux dépens. Lorsqu'on lui a demandé de limiter ses remarques à l'affaire dont la Cour était saisie, M. Prefontaine a rétorqué que [TRADUCTION] « le gouvernement fédéral du Canada est financièrement insolvable depuis près de 20 ans » . L'audition de l'affaire n'avançant pas comme il croyait qu'elle le devait, M. Prefontaine s'est mis à insulter le juge; on l'a par la suite entendu dire ce qui suit : [TRADUCTION] « Si vous continuez à agir ainsi, vous devriez vous habituer à vous barricader » : R. c. Prefontaine, précité, paragraphe 32.

[12]            Les remarques qui ont été faites en notre présence confirment que M. Prefontaine continue à avoir des idées paranoïdes et qu'il n'est pas capable de se maîtriser lorsqu'il exprime ces idées.

[13]            Monsieur Prefontaine a également abusé de son droit d'agir pour son propre compte et de se présenter au bureau du greffe pour déposer ses documents. Selon les renseignements fournis à la Cour par ses agents :


-            Monsieur Prefontaine a fait preuve de violence verbale à l'endroit du personnel du greffe les 11 et 26 juillet ainsi que le 18 décembre 2002;

-            Le 13 décembre 2002, M. Prefontaine s'est montré si violent qu'il a fallu avoir recours à l'agent de sécurité. Un membre du personnel du greffe, inquiet de sa sécurité personnelle, a dû se faire accompagner par un agent de sécurité;

-            Le 27 juin 1996, M. Prefontaine s'est agité; il a frappé le volet, au comptoir du greffe, avec une telle force qu'il l'a endommagé; et

-            Il y a eu de nombreux rapports de conversations téléphoniques violentes entre M. Prefontaine et le personnel du greffe.

[14]            Compte tenu de ces incidents, notamment du dernier incident qui est survenu devant nous, lequel était troublant et entravait l'administration de la justice et ne saurait être oublié sans jeter le discrédit sur l'administration de la justice, nous croyons que l'inconduite continuelle de M. Prefontaine exige que des mesures soient prises :

a)          en vue de permettre au personnel du greffe d'accomplir sa tâche sans être assujetti à un comportement violent, et en vue de protéger l'intégrité physique et psychologique du personnel du greffe;


b)          en vue de protéger l'intégrité des juges de la présente cour et des membres du Barreau qui comparaissent devant nous et s'opposent à M. Prefontaine;

c)          en vue de maintenir l'autorité de la présente cour sur son processus; et

d)          en vue d'assurer une administration ordonnée, efficace et sûre de la justice.

[15]            En rendant l'ordonnance qui suit, nous n'imposons pas de peine à M. Prefontaine. Nous ne lui enlevons pas non plus plus de droits qu'il ne le faut pour répondre à ses actes continus de violence et d'intimidation. Le pouvoir de conclure que M. Prefontaine a commis un outrage au tribunal ne règle pas les préoccupations que nous avons au sujet de l'intégrité du processus de la Cour et du genre de conduite que le personnel du greffe doit tolérer. Par conséquent, une ordonnance sera rendue :

1.          interdisant à M. Prefontaine de représenter une autre personne devant la Cour d'appel fédérale ou de présenter des observations pour le compte d'une autre personne;

2.          obligeant M. Prefontaine à être représenté par un avocat lorsqu'il comparaît devant la Cour d'appel fédérale dans une affaire à laquelle il est partie à moins qu'un juge de la Cour ne l'autorise à comparaître pour son propre compte sur requête présentée conformément à l'article 369 des Règles;


3.          interdisant à M. Prefontaine de se présenter aux bureaux du greffe relevant du Service administratif des tribunaux judiciaires - Courts Administration Service, qui fournissent des services de greffe à la Cour d'appel fédérale;

4.          obligeant M. Prefontaine à traiter avec la Cour par courrier recommandé ou par messager.

[16]            Une copie de la présente ordonnance sera remise à chaque bureau du greffe qui fournit des services à la Cour d'appel fédérale.


[17]            Le procureur général du Canada voudra peut-être envisager de présenter une demande en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale.

« Alice Desjardins »

Juge

« Gilles Létourneau »

Juge

« J.D. Denis Pelletier »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-175-01

INTITULÉ :                                                    ROSE PREFONTAINE et MAURICE PREFONTAINE

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 26 janvier 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Edmonton (Alberta)

MOTIFS DU JUGEMENT                            LA JUGE DESJARDINS

ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE          LE JUGE LÉTOURNEAU

DE LA COUR :                                               LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                   le 3 février 2004

COMPARUTIONS :

Rose Prefontaine, pour son propre compte                                 POUR LES APPELANTS

Maurice Prefontaine, pour son propre compte

Carla Lamash                                                                            POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                                      POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada


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