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Date : 20041207

Dossier : A-63-04

Référence : 2004 CAF 419

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

                                                                                                                                            appelante

et

LA MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE YORK et

L'OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

                                                                                                                                          défendeurs

                                   Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2004.

                         Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                            LE JUGE EVANS


Date : 20041207

Dossier : A-63-04

Référence : 2004 CAF 419

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

                                                                                                                                            appelante

et

LA MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE YORK et

L'OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

                                                                                                                                          défendeurs

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                         (Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2004)

LE JUGE EVANS

[1]                Il s'agit d'un appel interjeté par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) aux termes du paragraphe 41(1) de la Loi sur le transport au Canada, L.C. 1996, ch. 10, à l'égard d'une décision, datée du 10 septembre 2003, dans laquelle l'Office des transports du Canada (l'Office) a imputé au CN la plus grande partie du coût des travaux découlant de la reconstruction d'un passage à niveau rendu nécessaire par l'élargissement de la route par la défenderesse, la Municipalité régionale de York (la Municipalité).


[2]                Plus précisément, le CN soutient que l'Office a commis une erreur de droit lorsqu'il a jugé que le CN et la Municipalité n'avaient pas conclu « une entente quant à la répartition du coût de la construction ou de l'entretien du franchissement » aux fins de l'article 16 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 32. L'Office lui-même ne peut répartir le coût des travaux que lorsque les parties n'ont pas été en mesure de négocier une entente sur ce point : paragraphe 101(4) de la Loi sur les transports au Canada. Si la Cour confirme la validité de la conclusion de l'Office selon laquelle les parties n'avaient pas conclu d'entente concernant la répartition du coût des travaux, le CN ne soutiendra pas que la répartition est elle-même contraire au droit.

[3]                À notre avis, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter. La question en litige devant l'Office était de savoir si l'on pouvait déduire l'existence d'une entente relative au partage du coût des travaux à partir des bons de commande, signés pour le compte de la Municipalité, pour l'achat des biens et services requis pour la réalisation des travaux. Se rapportait également à cette question le fait qu'à deux reprises, la Municipalité avait omis de signer des documents lui faisant assumer la responsabilité du coût des travaux.


[4]                Par conséquent, la question en litige consiste à appliquer aux faits le terme légal « entente » . Étant donné que le CN ne prétend pas que l'Office a commis une erreur dans la formulation du critère juridique applicable, la question de savoir si les parties ont conclu une entente quant à la répartition du coût est une question mixte de fait et de droit, qui se situe, en l'espèce, plus près de l'extrémité factuelle de cet ensemble droit et fait.

[5]                À notre avis, l'Office possède l'expertise nécessaire pour déterminer l'existence d'une entente en matière de répartition des coûts à partir des documents et de la conduite des parties. L'Office est chargé, notamment, de la répartition discrétionnaire du coût de l'entretien des franchissements et connaît mieux que la Cour le contexte réglementaire et industriel dans le cadre duquel il prend une décision de nature essentiellement factuelle sur la question de savoir si les parties ont conclu une entente à ce sujet.

[6]                Quant aux dispositions législatives relatives à l'accès au contrôle judiciaire, le droit d'appel devant la Cour, avec autorisation, est limité aux questions de droit et de compétence. Nous estimons que nous ne pouvons affirmer que l'Office a commis une erreur sur une question de droit ou de compétence quand il a jugé que les parties n'avaient pas conclu d'entente sur la répartition du coût que si cette conclusion n'est pas logiquement justifiée par les faits présentés.

[7]                À notre avis, qualifier de « question de compétence » la question principalement factuelle de savoir s'il existe une entente en l'espèce ne justifie pas l'adoption d'une norme de contrôle plus rigoureuse : Communauté urbaine de Toronto (Municipalité) c. Cie des chemins de fer nationaux du Canada, [1998] 4 C.F. 506, au paragraphe 11 (CA).


[8]                Nous estimons que la décision de l'Office peut résister à l' « analyse relativement poussée » , que prescrit la norme de contrôle du caractère raisonnable simpliciter. Il était raisonnable qu'il conclue que les bons de commande signés pour le compte de la Municipalité en vue d'obtenir les biens et les services requis pour la réalisation des travaux, y compris trois bons pour lesquels le CN était le vendeur, ne constituent pas des ententes relatives à la répartition des coûts. La décision qu'a prise la Municipalité d'accepter de financer les travaux au départ en signant des bons de commande peut s'expliquer par son souci d'effectuer le travail sans retard.

[9]                La conclusion de l'Office selon laquelle il n'y avait pas d'entente concernant la répartition des coûts est également confortée par le fait que la Municipalité a, à deux reprises, omis de signer des documents (une lettre reconnaissants la responsabilité à l'égard des coûts et une formule standard d'entente sur la répartition des coûts) qui ont été transmis à la Municipalité pour le compte du CN, tant avant qu'après que la Municipalité ait signé les bons de commande.

[10]            D'après tous ces faits, il était raisonnablement loisible à l'Office de conclure qu'il n'existait pas d'entente concernant la répartition du coût de la reconstruction du franchissement rendu nécessaire par l'élargissement de la route, et de décider qu'il pouvait par conséquent exercer le pouvoir que lui attribue le paragraphe 101(3) de la Loi sur les transports au Canada de procéder à cette répartition.


[11]            Le CN soutient également que la conduite de la Municipalité (en particulier la délivrance des bons de commande) lui interdit de nier qu'elle avait accepté d'assumer la responsabilité finale du coût des travaux et que l'Office n'a même pas examiné cet argument dans ses motifs.

[12]            Nous ne souscrivons pas à cet argument. À notre avis, l'Office a implicitement rejeté l'argument fondé sur la conduite de la Municipalité lorsqu'il a jugé que, après avoir examiné « toutes les circonstances de l'affaire » , il n'y avait pas d'entente et lorsque, immédiatement après avoir formulé cette conclusion, il a déclaré :

[traduction] L'Office conclut en outre que le CN n'avait aucun motif raisonnable de penser que [le CN] assumerait la responsabilité de tous les coûts. [Non souligné dans l'original]

Nous ne sommes pas convaincus qu'en arrivant à une telle conclusion l'Office ait commis une erreur susceptible d'être révisée.

[13]            Pour ces motifs, l'appel sera rejeté avec dépens.

                                                                                « John M. Evans »             

                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           A-63-04

INTITULÉ :                                          Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Municipalité régionale de York et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 7 DÉCEMBRE 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :               LES JUGES LINDEN, EVANS ET MALONE

PRONONCÉS À L'AUDIENCE :       LE JUGE EVANS

COMPARUTIONS :

Gilles B. Legault

POUR L'APPELANTE

J. Colin Grant

POUR LA DÉFENDERESSE

(Municipalité régionale de York)

Gino Grondin

POUR LE DÉFENDEUR

(Office des transports du Canada)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Canadien national

Montréal (Québec)

POUR L'APPELANTE

Willms & Shier

Toronto (Ontario)

Office des transports du Canada

Gatineau (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

(Municipalité régionale de York)

POUR LE DÉFENDEUR

(Office des transports du Canada)


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