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Date : 20000120


Dossier : A-608-98


CORAM:      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY


ENTRE:

         LINDA PARADIS, domiciliée et résidant au 46 Rang 10, Auclair, Québec, GOL 1A0;
         GISÈLE ALBERT, domiciliée et résidant au 197, de l"Église, Lejeune, Québec, GOL 1S0;
         FRANCINE CORBIN, domiciliée et résidant au 110, Rang 7, Lejeune, Québec, GOL 1S0;
         ALINE RIVARD, domiciliée et résidant au 95, Route Saint-Guy, Lac des Aigles, Québec, G0K 1V0

     Demanderesses

     - et -

         LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, ayant une place d"affaires au 165, rue de la Pointe-aux-Lièvres sud, Québec, Québec, G1K 7L3

     Défendeur



     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l"audience à Québec, Québec,

     le jeudi 20 janvier 2000)

LE JUGE MARCEAU

[1]      Quatre demanderesses différentes sont ici impliquées. Elles travaillaient ensemble pour le même employeur en vertu de contrats similaires et leur droit à des prestations en vertu de la Loi sur l"assurance-chômage avait été contesté par le ministre, sous l"autorité de l"article 189 de la Loi, au motif que leurs contrats d"emplois n"étaient pas assurables. La Cour canadienne de l"impôt saisie du recours des quatre prestataires jugea à propos de réunir les quatre dossiers, comme l"avait fait d"ailleurs le ministre lui-même, et de confier à un juge le soin d"en disposer sur preuve commune et sur la base d"une seule décision. La demande de contrôle judiciaire a été portée contre cette décision unique et à ce stade-ci nous n"avons d"autre choix raisonnable que de prendre l"acte introductif d"instance comme il est mais gardant cependant à l"esprit au point de vue procédure qu"il vise quatre demandes distinctes.

[2]      Le juge a rejeté les demandes des quatre requérantes. D"après lui, la preuve ne lui permettait pas de mettre en doute les faits invoqués par le ministre pour dégager sa conclusion à l"effet que les contrats en vertu desquels elles avaient travaillé ne constituaient pas des contrats de louage de service au sens de l"alinéa 3(1)a ) de la Loi.1

[3]      Il est sans doute fort exceptionnel qu"un tribunal de révision ou d"appel accepte de s"interposer au niveau d"une décision essentiellement fondée sur une appréciation de faits et une interprétation de témoignages, et encore plus exceptionnel lorsque le jugement attaqué évoque des questions de crédibilité. Mais après mûre réflexion nous en sommes venus à la conclusion que nous étions ici en face de l"exception et qu"il nous fallait intervenir.

[4]      Les quatre prestataires sont des travailleuses agricoles qui ont été embauchées par l"Université Laval pour rendre certains services dans la mise en oeuvre d"un projet de recherche sur la culture de la pomme de terre. Leur travail consistait à faire du bouturage et à surveiller et rendre compte du développement des boutures au cours de périodes prédéterminées échelonnées au cours de l"année. Le problème était évidemment de savoir si leur contrat en était un de services ou plutôt un pour services selon le jargon juridique, distinction qui, comme le laissent voir les termes utilisés, devient fort subtil lorsqu"il s"agit de petits travailleurs manuels dont les seuls moyens d"opérer sont de se servir de leur personne et de fournir leur temps. Sans doute était-ce aux prestataires à convaincre le juge que le ministre avait erré mais il arrive qu"en tentant de le faire elles eurent devant le juge, comme en fait foi la lecture de la transcription, un comportement qui laissa l"impression qu"elles et leur procureur d"alors cherchaient à cacher les faits et à les présenter de la manière qu"ils croyaient la plus favorable.

[5]      Le juge atteste clairement par ses motifs qu"il a été sérieusement agacé et influencé par les tergiversations des témoins et les manoeuvres déplorables de leur procureur, et nous n"avons aucune peine à comprendre sa réaction. Il nous semble, cependant, que le résultat d"un litige aussi sérieux et lourd de conséquences ne devait pas être aussi exclusivement fonction de ces faiblesses de comportement des participants à l"enquête, aussi regrettables qu"elles aient été.

[6]      À notre avis, les faits de base non contestés " notamment: que les demanderesses ont effectivement été embauchées par l"Université; qu"elles ont fait le travail requis d"elles pendant les périodes déterminées; que ce travail en était un purement manuel à exécuter sur place chez un producteur à des centaines de kilomètres du centre de recherches, lui-même, à Québec; que le contrôle du travail était impossible directement mais devait résulter principalement d"une analyse des résultats compilés dans les rapports, et sporadiquement de visites des lieux par les responsables du projet et du rôle spécial de surveillance confié à l"une des quatre " nous force à penser qu"on ne peut refuser de voir dans les relations contractuelles des quatre travailleuses avec l"Université des relations d"employeur-employées devant se dérouler dans le cadre d"un contrat de travail. Nous pensons que le ministre a pris sa décision sans avoir devant lui tous les faits, et surtout les explications du représentant de l"Université, et nous pensons que le juge a été, comme nous venons de dire, trop profondément aveuglé par le déroulement fautif de l"enquête.

[7]      Ainsi sommes-nous d"avis que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, la décision attaquée de la Cour canadienne de l"impôt annulée, et les quatre cas, ici regroupés, portant les numéros 97-82(UI), 97-83 (UI), 97-85(UI) et 97-96(UI), renvoyés à la Cour canadienne de l"impôt pour qu"il en soit disposé par quatre jugements renversant la détermination du ministre et reconnaissant que les demanderesses, pendant les périodes en cause, avaient travaillé pour l"Université Laval dans le cadre d"un contrat de louage de services au sens de l"alinéa 3(1)a ) de la Loi sur l"assurance-chômage.


     "Louis Marceau"

     j.c.a.





Date : 20000120


Dossier : A-608-98


CORAM:      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY


ENTRE:

         LINDA PARADIS, domiciliée et résidant au 46 Rang 10, Auclair, Québec, GOL 1A0;
         GISÈLE ALBERT, domiciliée et résidant au 197, de l"Église, Lejeune, Québec, GOL 1S0;
         FRANCINE CORBIN, domiciliée et résidant au 110, Rang 7, Lejeune, Québec, GOL 1S0;
         ALINE RIVARD, domiciliée et résidant au 95, Route Saint-Guy, Lac des Aigles, Québec, G0K 1V0

     Demanderesses

     - et -

         LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, ayant une place d"affaires au 165, rue de la Pointe-aux-Lièvres sud, Québec, Québec, G1K 7L3

     Défendeur



Audience tenue à Québec, Québec, le jeudi 20 janvier 2000.

Jugement rendu à l"audience le jeudi 20 janvier 2000.





MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR:      LE JUGE MARCEAU

__________________

1 Qui se lisait ainsi:

3. (1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas:      a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d"un contrat de louage de services ou d"apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l"employé reçoive sa rémunération de l"employeur ou d"une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit de toute autre manière; ... 3. (1) Insurable employment is employment that is not included in excepted employment and is      (a) employment in Canada by one or more employers, under any express or implied contract of service or apprenticeship, written or oral, whether the earnings of the employed person are received from the employer or some other person and whether the earnings are calculated by time or by the piece, or partly by time and partly by the piece, or otherwise; ...
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