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     Date : 20000320

     Dossier : A-437-98


Ottawa (Ontario), le lundi 20 mars 2000

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROTHSTEIN


ENTRE :

     GRANT LANGDON

     appelant

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée.




Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 9 mars 2000




Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 20 mars 20000




MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      LE JUGE STRAYER

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE EN CHEF

     LE JUGE ROTHSTEIN




     Date : 20000320

     Dossier : A-437-98


CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROTHSTEIN


ENTRE :

     GRANT LANGDON

     appelant

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée.



     MOTIFS DU JUGEMENT


Le juge STRAYER


[1]      Dans cet appel contre la décision en date du 20 mai 1998 de la Cour canadienne de l'impôt, le seul point litigieux restant est la conclusion du juge de la Cour de l'impôt que l'appelant n'était pas admissible à déduire pour l'année d'imposition 1991, la somme de 132 146,00 $ à titre de créance douteuse par suite de sa vente de l'immeuble dit " la propriété de MacKenzie ".

[2]      Les éléments de preuve rapportés ci-après ont été produits devant le juge de la Cour de l'impôt sur ce point. La propriété de MacKenzie est un immeuble commercial sis en la ville de MacKenzie (Colombie-Britannique). À la suite de diverses opérations entre compagnies n'ayant aucun rapport avec cet appel, l'appelant est devenu le propriétaire ou l'usufruitier de cet immeuble en février 1988. À ses yeux, l'immeuble faisait partie du stock de son entreprise immobilière. Le 12 décembre 1989, il l'a vendu, au moyen d'autres opérations entre compagnies, à Walter Andereggen pour la somme de 725 000,00 $. Le contrat de vente prévoyait un versement initial, un intérêt sur le solde, des versements mensuels de janvier 1990 à novembre 1994, un paiement libératoire en décembre, et un dernier paiement forfaitaire en 1994, le tout pour apurer le solde du principal et des intérêts. Certains paiements d'intérêts ont été faits en 1990.

[3]      L'appelant n'a pas déclaré le revenu brut ou net provenant de la vente de la propriété MacKenzie en 1989. Par la suite, il s'est aperçu au fil du temps que l'acheteur ne serait pas en mesure de payer l'intégralité du prix de l'immeuble; c'est pourquoi il a porté sur sa déclaration de revenus pour 1991, une provision pour créance douteuse de 132 146,00 $. Selon son témoignage en première instance1, il a calculé ce montant en se fondant sur ce qui était à son avis la garantie réduite du solde, savoir la valeur de l'immeuble. À son sens, l'engagement personnel de l'acheteur à payer l'intégralité du prix ne valait rien du tout.

[4]      Le ministre n'a pas fait droit à cette provision pour créance douteuse, par ce motif, comme en témoigne sa réponse à l'avis d'appel devant la Cour de l'impôt2, que l'appelant n'avait pas fait la preuve que cette somme lui était due et représentait une créance douteuse. En première instance, il soutenait aussi que l'appelant ne pouvait invoquer le sous-alinéa 20(1)l)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu pour revendiquer la déduction d'une créance douteuse puisqu'il n'avait jamais inclus cette somme dans son revenu déclaré, contrairement à ce que prescrit l'alinéa 12(1)b) de la Loi.

[5]      Le juge de la Cour de l'impôt a débouté l'appelant de son appel contre cette cotisation par ce motif qu'il n'avait pas inclus la créance douteuse dans le revenu déclaré pour 1991 ou pour une année antérieure, et qu'il n'avait administré la preuve d'aucun " fondement objectif " qui permette de fixer à 132 146,00 $ le montant de cette créance douteuse.

ANALYSE

[6]      Je conclus que cet appel doit être rejeté.

[7]      En ce qui concerne la première question, à savoir si une créance douteuse est déductible bien qu'aucun revenu y relatif n'ait été déclaré au sujet de la même somme qui serait due au contribuable, voici les dispositions applicables de la Loi de l'impôt sur le revenu :


12.(1) There shall be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year as income from a business or property such of the following amounts as are applicable:

     "

     (b) any amount receivable by the taxpayer in respect of property sold or services rendered in the course of a business in the year, notwithstanding that amount or any part thereof is not due until a subsequent year " [the remaining is not applicable to this taxpayer]

     "



20.(1) Notwithstanding paragraphs 18(1)(a), (b) and (h), in computing a taxpayer's income for a taxation year from a business or property, there may be deducted such of the following amounts as are wholly applicable to that source or such part of the following amounts as may reasonably be regarded as applicable thereto:

     "

     (l) a reasonable amount in respect of doubtful debts that have been included in computing the income of the taxpayer for that year or a preceding year.

12.(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, les sommes appropriées suivantes :

     "

     b) toute somme à recevoir par le contribuable au titre de la vente de biens ou de la fourniture de services au cours de l'année, dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise, bien que la somme ou une partie de la somme puisse n'être due que dans une année postérieure, " [le reste de cette disposition n'a pas application en l'espèce]

     "

20.(1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant :

     "

     l) un montant raisonnable au titre des créances douteuses incluses dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure.

[8]          À mon avis, le juge de la Cour de l'impôt a eu raison de conclure que l'appelant ne pouvait déduire de son revenu de 1991 aucune créance douteuse puisqu'il n'avait pas inclus dans son revenu déclaré pour la même année ou pour une année antérieure les sommes qui lui seraient dues en raison du contrat de vente de la propriété de MacKenzie. L'appelant soutient qu'aux termes du paragraphe 12(1), les formes de revenu énumérées dans cette disposition sont " à inclure dans le calcul " du revenu, ce qui signifie qu'il faut en tenir compte dans le calcul du revenu net mais qu'il n'est pas nécessaire de les porter sur la déclaration d'impôt. Cet argument revient essentiellement à dire que l'obligation de calculer le revenu conformément à l'article 12 de la Loi de l'impôt sur le revenu ne signifie pas que ce calcul doit être porté à la connaissance du ministre. Cependant, le paragraphe 150(1) de cette loi, tel qu'il est en vigueur à l'époque considérée, prévoit ce qui suit :


150.(1) A return of income for each taxation year in the case of a corporation (other than a corporation that was a registered charity throughout the year) and in the case of an individual, for each taxation year for which tax is payable or would be payable if this Part is read without reference to sections 127.2 and 127.3, in which the individual has a taxable capital gain or has disposed of a capital property, or for which a payment has been received by the individual under section 164.1, shall, without notice or demand therefor, be filed with the Minister in prescribed form and containing prescribed information, "

150.(1) Il doit être produit auprès du Ministre, sans avis ni mise en demeure, une déclaration de revenu selon le formulaire prescrit, contenant les renseignements prescrits, pour chaque année d'imposition dans le cas d'une corporation - à l'exception d'une corporation qui a été, tout au long de l'année, un organisme de charité enregistré - et, dans le cas d'un particulier, pour chaque année d'imposition pour laquelle un impôt est payable - ou le serait s'il n'était pas tenu compte des articles 127.2 et 127.3 de la présente partie - ou dans laquelle le particulier a un gain en capital imposable ou a disposé d'un bien en immobilisation ou encore pour laquelle il a reçu un versement en application de l'article 164.1, "

L'appelant avait un revenu imposable en 1989; il en a fait la déclaration mais sans donner l'information requise sur le revenu brut provenant de la vente de la propriété de MacKenzie. Il est indubitable que le législateur n'entend pas donner aux contribuables le choix de garder par devers eux le calcul de leur revenu. Il y a un lien évident entre l'obligation de calculer le revenu et l'obligation de le déclarer. En effet, l'obligation de déclarer revêt la forme d'un formulaire réglementaire qui identifie les renseignements à produire. Selon ce formulaire, il faut déclarer et le revenu brut et le revenu net. Il s'ensuit que les sources dont il faut prendre en considération pour " calculer " le revenu doivent être déclarées dans les circonstances de la cause.

[9]          En ce qui concerne l'économie des articles en jeu en l'espèce, il ressort de l'alinéa 12(1)b) que les sommes à recevoir de la vente d'un bien doivent être incluses dans le calcul du revenu selon la méthode de la comptabilité d'exercice, à moins que le cas du contribuable ne tombe dans le champ d'application de l'une des exceptions qui permettent le calcul selon la méthode de la comptabilité de caisse. L'appelant ne fait valoir en l'espèce aucune de ces exceptions. Dans le même ordre d'idées, l'alinéa 20(1)l) autorise la déduction des créances douteuses " incluses dans le calcul du revenu du contribuable " (non souligné dans le texte). Pareille condition serait pratiquement dénuée de sens si les termes " incluses dans le calcul " ne portaient pas obligation de déclarer le revenu correspondant pour l'année en question ou une année antérieure. C'est-à-dire qu'il faut que le ministre soit en mesure de remonter à une source de revenu spécifique si le contribuable veut déduire les créances douteuses découlant de cette source.

[10]      Bien que selon l'appelant, il ait effectivement tenu compte des sommes qui lui étaient dues et des pertes résultant de la vente de la propriété de MacKenzie en calculant son revenu pour 1989, il n'a déclaré ni les unes ni les autres parce que le produit net était néant. À son avis, la prescription de l'alinéa 12(1)b) que cette somme soit " incluse dans le calcul " du revenu ne signifie qu'elle doit être déclarée. Il reconnaît cependant que pour revendiquer une déduction dans le calcul du revenu en application du paragraphe 20(1), il est nécessaire de déclarer la provision pour créance douteuse. Cette contradiction dans son argumentation démontre la nécessité de calculer et de déclarer à la fois le revenu brut et le revenu net dans le contexte de ces paragraphes.

[11]      Il y a lieu de noter qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'un cas où le contribuable soumet une modification autorisée de sa déclaration, ni d'un cas où le ministre, par avis de nouvelle cotisation, reconnaît et régularise une opération précédemment non déclarée3. Il ne s'agit pas non plus d'un cas où le juge de la Cour de l'impôt conclut que dans les faits, l'opération non déclarée a été effectivement prise en compte dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année en question. Il ne faut pas voir dans les observations précédentes un jugement quelconque de ma part quant à l'issue de ces cas de figure.

[12]      En ce qui concerne la seconde question, savoir si l'appelant a fait la preuve que la somme de 132 146,00 $ représentait une créance douteuse en 1991, il conteste la décision du juge de la Cour de l'impôt à deux égards, soutenant que celui-ci a appliqué la mauvaise norme juridique et qu'il a ignoré des éléments de preuve pertinents. Je regrette d'avoir à dire que les motifs pris par ce dernier sur ce point sont loin d'être clairs. Il est indéniable que l'affaire comportait de multiples points litigieux découlant d'un fouillis de faits. Or, s'il a rapporté en détail les éléments de preuve et l'argumentation des avocats, ses propres conclusions de droit et de fait sur la provision en cause sont limités à ce qui suit :

     La preuve présentée par l'appelant indiquait clairement qu'il n'y avait aucun fondement objectif quant au calcul de ce montant, et l'avocat a admis en contre-preuve qu'il s'agissait simplement du montant calculé par l'appelant comme représentant la valeur véritable de ce bien restant et que le témoignage de l'appelant devrait être accepté. La Cour " accepte les deux arguments de l'avocate de l'intimée à cet égard.

[13]      Selon l'appelant, il ressort du passage ci-dessus que le juge de la Cour de l'impôt a invoqué à tort la norme du " fondement objectif " pour le calcul de la somme en question. Je ne peux conclure que celui-ci a commis une erreur de droit : le sous-alinéa 20(1)l )(i) autorise la déduction d'un " montant raisonnable au titre des créances douteuses " (non souligné dans le texte). Le terme " raisonnable " signifie, à mon sens, que la somme revendiquée doit être jugée logique dans son contexte, et ce critère peut être qualifié convenablement, encore qu'elliptiquement, de " fondement objectif ".

[14]      Je conviens cependant avec l'appelant qu'autant que nous puissions en juger, le juge de première instance n'a pas pris en compte les preuves et témoignages produits par l'appelant quant au caractère raisonnable du montant revendiqué. L'appelant a témoigné au sujet de la précarité de l'entreprise et de la situation financière de l'acheteur, telle qu'il était presque certain que celui-ci ne pouvait pas payer l'intégralité du prix. Il a également témoigné au sujet de la dévalorisation de la propriété, citant des éléments de preuve dignes de foi telle la diminution de la valeur imposable de l'immeuble. Tels quels, ces éléments de preuve, tirés pour la plupart des sources autres que l'appelant lui-même, représentent un fondement raisonnable et objectif pour le calcul de la créance douteuse, par la diminution de la valeur du seul bien dont la réalisation permette le recouvrement d'une partie du prix d'achat. Devant cette preuve, la Cour de l'impôt s'est contentée de conclure, comme noté supra, " qu'il n'y avait aucun fondement objectif quant au calcul ". Cette conclusion constitue une erreur susceptible d'erreur judiciaire. Dans ce contexte cependant, puisque nous avons conclu au bien-fondé de la décision que l'appelant ne peut revendiquer aucune déduction puisqu'il n'a pas déclaré le prix de vente initial de la propriété, l'issue de la cause demeure la même.

DÉCISION

[15]      Par ces motifs, l'appel sera rejeté quant à la déduction de 132 146,00 $ à titre de créance douteuse en 1991.

[16]      Il y avait cependant deux autres motifs d'appel sur lesquels l'intimée est tombée d'accord avec l'appelant comme suit. Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que l'appelant avait déduit deux fois la même dépense de 5 113,00 $ à l'égard de son année d'imposition 1988. L'intimée convient maintenant avec l'appelant qu'aucune preuve n'a été administrée à ce sujet, qu'il ne s'agissait pas là d'un point litigieux et que la question ne faisait l'objet d'aucune nouvelle cotisation par le ministre. Il y a donc lieu de faire droit à l'appel sur ce point, sur consentement mutuel des parties.

[17]      La Cour de l'impôt a aussi jugé qu'il y avait lieu d'imposer les pénalités prévues au paragraphe 163(2) à l'appelant pour défaut de déclarer certains revenus provenant de la vente de sa résidence personnelle, défaut qu'elle assimile à la " faute lourde ". L'intimée convient maintenant avec l'appelant que cette conclusion n'était pas justifiée par les preuves et témoignages produits et qu'il n'y avait pas lieu à pareilles pénalités. Il y a donc lieu de faire droit à l'appel sur ce point aussi, sur consentement mutuel des parties.

[18]      Il y a lieu d'allouer à l'intimée les dépens de l'appel.

     Signé : Barry Strayer

     ________________________________

     J.C.A.

Ottawa (Ontario),

le 20 mars 2000


Je souscris aux motifs ci-dessus.

     Signé : J. Richard, juge en chef

Je souscris aux motifs ci-dessus.

     Signé : Marshall Rothstein




Traduction certifiée conforme,




Bernard Olivier, LL.B.


     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              A-437-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Grant Langdon c. Sa Majesté la Reine


LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)


DATE DE L'AUDIENCE :          9 mars 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE STRAYER


Y ONT SOUSCRIT :          Le juge en chef

                     Le juge Rothstein


LE :                      20 mars 2000



ONT COMPARU :


M. William Ruskin                  pour l'appelant

Mme Linda Bell                  pour l'intimée



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Clark, Wilson                      pour l'appelant

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                  pour l'intimée

Sous-procureur général du Canada



     Date : 20000320

     Dossier : A-437-98

Ottawa (Ontario), le lundi 20 mars 2000

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

     GRANT LANGDON

     appelant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée.


     JUGEMENT


     LA COUR :

1.      Déboute l'appelant de son appel contre le rejet par le ministre de la déduction de la somme de 132 146,00 $ à titre de créance douteuse pour l'année d'imposition 1991;

2.      Fait droit, sur consentement mutuel des parties, à l'appel contre le rejet par la Cour canadienne de l'impôt d'une déduction de 5 113,00 $ au titre de l'année d'imposition 1988 et l'application par le ministre d'une pénalité contre l'appelant pour défaut de déclarer l'aliénation de l'immeuble sis au 2534 Panorama Drive, North Vancouver; et réforme en conséquence le jugement de la Cour canadienne de l'impôt;

3.      Alloue à l'intimée les dépens de l'appel.

     Signé : J. Richard

     ______________________________

     Juge en chef



Traduction certifiée conforme,





Bernard Olivier, LL.B.

__________________

1      8 Dossier d'appel, pages 1262 et 1263.

2      2 Dossier d'appel, page 55.

3      Cf. 92735 Canada Ltd. c. Sa Majesté la Reine, [1999] 2 C.T.C. 2662 (C.C.I.).

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