Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19990126


Dossier : A-524-97

Coram :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL

Entre :


CLAUDE L. DESROSIERS,


Requérant,


ET


SA MAJESTÉ LA REINE,


Intimée.

Audience tenue à Ottawa, Ontario, le jeudi 21 janvier 1999

Jugement rendu à Ottawa, Ontario, le mardi 26 janvier 1999

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                      LE JUGE NOËL
Y ONT SOUSCRIT :                              LE JUGE DÉCARY

                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

                                            


Date :19990126


Dossier : A-524-97

Coram :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL

Entre :


CLAUDE L. DESROSIERS,


Requérant,


ET


SA MAJESTÉ LA REINE,


Intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire à l"encontre de la décision rendue par le juge Bowman de la Cour canadienne de l"impôt confirmant que le requérant avait reçu un avantage en vertu de son emploi et qu"il devait, à ce titre, inclure dans son revenu les sommes de 15 000 $ et de 50 000 $ pour les années d"imposition 1987 et 1988 respectivement.

[2]      Les faits évoqués par le requérant au soutien de son recours sont relativement simples. Au cours du mois de septembre 1986, il postulait avec succès le poste de greffier de l"Assemblé législative de la province de l"Ontario. Avant d"accéder à ce poste, il était greffier principal responsable de la direction des comités parlementaires et de la législation privée à la Chambre des communes à Ottawa.

[3]      Son nouvel emploi lui conférait une augmentation de salaire intéressante1 mais l"obligeait aussi à déménager avec sa famille à Toronto, là où le marché immobilier était plus dispendieux. Le requérant fit part de cette préoccupation après que le poste lui fut offert mais avant qu"il ne l"eût accepté. Son employeur l"aurait alors avisé qu"une aide financière lui serait offerte sans pour autant apporter plus de précision.2

[4]      Deux semaines après qu"il eût accepté son nouveau poste, l"employeur informait le requérant qu"un montant calculé à partir de la différence entre le prix de vente de sa maison à Aylmer et le prix d"achat d"une maison équivalente à Toronto lui serait versé.3 La maison du contribuable fut mise en vente mais demeura sur le marché pendant plusieurs mois si bien que l"employeur fut contraint d"en faire l"achat pour faciliter le déménagement. A cette fin, le prix de vente fut établi à 104 570 $ selon la juste valeur marchande telle que déterminée par des évaluateurs indépendants. Le requérant prétend qu"à l"époque, la valeur moyenne des maisons équivalentes à Toronto se situait à environ 250 000 $.4

[5]      Se disant soucieux de minimiser les sommes que son employeur s"était engagé à débourser à son égard, le requérant fit l"acquisition, en avril 1987, d"une maison située à Oakville qu"il considérait nettement inférieure à celle qu"il avait quittée. Selon lui, cette maison était inférieure en ce que :

     1.      elle était située à 45k de son lieu de travail alors que l"autre était située à 9k ;
     2.      il s"agissait d"une maison reliée alors que l"autre était unifamiliale ;
     3.      elle avait une superficie de 1 700 p.c. alors que l"autre avait une superficie de 2 400 p.c. ;
     4.      elle avait trois chambres à coucher alors que l"autre en avait quatre.

[6]      La maison en question fut acquise au coût de 171 000 $.5 Le requérant y déménagea avec son épouse et ses trois enfants en avril 1987. Conformément à l"engagement qu"il avait contracté, l"employeur versa au requérant les sommes de 15 000 $ en 1987 et 50 000 $ en 1988, soit au total un montant à peu près égal à la différence entre le prix de vente de l"ancienne maison et le coût d"acquisition de la nouvelle.

[7]      Au cours de l"été 1987, le requérant engagea des dépenses de l"ordre de 22 000 $ afin d"aménager sa nouvelle maison et d"y créer l"espace habitable nécessaire pour accommoder les membres de sa famille. Malgré ces dépenses, le requérant fut éventuellement forcé de constater que la maison demeurait inadéquate puisque trop petite. La décision fut prise d"en disposer et le requérant et sa famille aménagèrent dans une nouvelle demeure que l"on peut présumer plus spacieuse à la fin de l"année 1988.6

[8]      À la lumière de ces faits, le juge Bowman a conclu que les sommes de 15 000 $ et 50 000 $ reçues par le requérant au cours des années d"imposition 1987 et 1988 constituaient un avantage découlant de son emploi et que ces sommes étaient, à ce titre, imposables. Le requérant, qui se représente lui-même, considère ne pas avoir reçu d"avantage, évoquant essentiellement le fait que la maison qu"il a acquise à Oakville était inférieure à tous points de vue à celle qu"il a laissée en acceptant son nouveau poste. Il prétend qu"à tout le moins, l"on devrait défalquer de l"avantage qu"il aurait reçu les dépenses engagées afin d"aménager la maison à Oakville.7

[9]      La seule question qui se pose est celle à savoir si l"employeur en payant au requérant la somme de 65 000 $ afin de lui permettre d"acquérir une résidence dans un marché plus dispendieux et de faciliter ainsi sa venue à Toronto lui a conféré un avantage au sens de l"article 6(1)a) de la Loi de l"impôt sur le revenu.8 À mon point de vue, poser la question, c"est y répondre.

[10]      Le requérant, en acceptant son nouveau poste, savait qu"il devait déménager à Toronto. Le fait qu"il n"aurait pas accepté ce poste n"eut été de l"avantage financier qui lui fut promis n"aide pas sa cause,9 non plus que son affirmation à l"effet que la maison acquise à Toronto était, selon lui, nettement inférieure à celle qu"il a choisie de laisser.10 Le fisc n"a pas à se préoccuper de l"utilisation, bonne ou mauvaise, qu"a pu faire le requérant de l"aide financière qu"il a reçue. Ce qui importe, c"est l"existence d"un avantage quantifiable en terme d"argent. Or, en l"occurrence, l"employeur a versé à son employé la somme de 65 000 $ afin que ce dernier puisse faire l"acquisition d"un bien personnel. Un avantage égal au montant versé par l"employeur découle indubitablement de cette transaction.

[11]      Je ne m"attarderai pas non plus à l"argument du contribuable à l"effet que le bien acquis à même cet avantage avait une valeur fluctuante.11 Le juge de première instance a posé la question soulevée par le contribuable comme suit :

S"il l"avait vendue après la chute des prix résidentiels de 1989, il aurait subi une perte non-déductible. En quoi consiste l"avantage dont il est censé avoir joui, et à l"égard duquel il a été cotisé?12

Comme je l"ai mentionné, l"avantage est issu du montant qui fut versé au requérant afin de lui permettre d"acquérir une résidence dans un marché immobilier plus dispendieux. Cet avantage se mesure au moment où il a été conféré. Le fait que la résidence acquise à même cette aide financière puisse par la suite augmenter ou diminuer de valeur n"est d"aucun intérêt pour le fisc.

[12]      Le juge de première instance a dans son jugement fait état de l"incertitude juridique qui découle des récentes décisions rendues par notre cour dans les arrêts Phillips13 et Hoefele,14 et a ajouté qu"il est facile dans les circonstances de comprendre pourquoi le requérant perçoit comme étant "illusoire" ou "imaginaire"15 l"avantage que l"on cherche à imposer entre ses mains. Le juge Bowman a invité le requérant à se porter en appel de son jugement tout en suggérant que notre cour saisisse l"occasion pour clarifier l"état du droit.

[13]      Je ne crois pas qu"il y ait lieu ici d"en dire plus que ce qui est nécessaire pour disposer du présent recours. Il suffit de préciser que selon les faits ici en cause, il n"y a rien d"illusoire ou d"imaginaire quant à l"avantage qui fut conféré au requérant ou quant à la valeur de cet avantage au moment où il fut conféré.

[14]      La demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée. L"intimée n"ayant pas réclamé de frais, aucune ordonnance ne devrait être émise à cet égard.


"Marc Noël"

j.c.a.

"Je suis d"accord.

Robert Décary, j.c.a."

"Je suis d"accord.

Gilles Létourneau, j.c.a."

__________________

     1Le salaire du requérant passait de 65 000 $ à 79 500 $.

     2Mémoire du requérant, partie I, para. 11 et 12.

     3La résolution du comité interne de l"Assemblée législative autorisant cette décision se lit comme suit :              An amount be allowed to the Clerk as a differential payment between the cost of selling his Ottawa home and purchasing a Toronto home, plus whatever other benefits are recommended for allocation expenses according to Management Board Guidelines;
         Dossier de la demande, document A-2.

     4Mémoire du requérant, partie I, para.15.

     5Le requérant finança cette acquisition par le biais d"un prêt hypothécaire de 94 000 $ négotié à un taux d"intérêt comparable à l"hypothèque de l"ordre de 40 000 $ qui grèvait sa maison à Aylmer.

     6Aucun détail ne fut mis en preuve quant à cette nouvelle demeure non plus que le prix de vente de la maison à Oakville.

     7Un montant de 20 000 $ aurait été dépensé dans le seul but de loger sa famille à même l"espace restreint de sa nouvelle demeure et devrait à ce titre être déduit de l"avantage reçu. (Voir mémoire supplémentaire du requérant.)

     8

6(1) Doivent être inclus dans le calcul du revenu d"un contribuable tiré, pour une année d"imposition, d"une charge ou d"un emploi, ceux des éléments appropriés suivants:a) [...] la valeur de la pension, du logement et autres avantages de quelque nature que ce soit qu"il a reçus ou don"t il a joui dans l"année au titre, dans l"occupation ou en vertu d"une charge ou d"un emploi, [...] [mon souligné] 6(1) There shall be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year as income from an office or employment such of the following amounts as are applicable:(a) ... the value of board, lodging and other benefits of any kind whatever received or enjoyed by him in the year in respect of, in the course of, or by virtue of an office or employment, ... [my emphasis]

     9Mémoire du requérant, partie II, para 1. L"article 6(3) de la loi prévoit inter alia que :

         Une somme qu"une personne a reçue d"une autre personne,          [...]              b) au titre ou en paiement intégral ou partiel d"une obligation découlant d"une entente intervenue entre le payeur et le bénéficiaire immédiatement avant, pendant ou immédiatement après une période où ce bénéficiaire faisait partie des cadres du payeur ou était employé par ce dernier,              est réputée être, aux fins de l"article 5, une rémunération des services que le bénéficiaire a rendus à titre de cadre ou pendant sa période d"emploi, sauf s"il est établi que, indépendamment de la date où a été conclue l"entente, [...] cette somme ne peut pas raisonnablement être considérée comme ayant été reçue                  c) à titre de contrepartie totale ou partielle de l"acceptation de la charge ou de la conclusion du contrat d"emploi,              [...] [mon souligné] An amount received by one person from another...      (b) on account or in lieu of payment of, or in satisfaction of, an obligation arising out of an agreement made by the payer with the payee immediately prior to, during or immediately after a period that the payee was an officer of, or in the employment, of the payer,shall be deemed, for the purposes of section 5, to be remuneration for the payee"s services rendered as an officer or during the period of employment, unless it is established that, irrespective of when the agreement, if any, under which the amount was received was made ... it cannot reasonably be regarded as having been received      (c) as consideration or partial consideration of accepting the office or entering into the contract of employment,... [my emphasis]

     10Je dis "selon lui" puisqu"en terme de valeur monétaire, la maison de Toronto était de toute évidence nettement supérieure à celle d"Aylmer.

     11Mémoire du requérant, partie II, para. 10 :              Je n"ai pas reçu d"avantage au sens de la loi de l"impôt parce que l"équité rattachée à une valeur immobilière est au plus éphémère et la réalisation du profit ou de la perte ne se calcule qu"au moment de la vente de la dernière résidence et qu"il est impossible à un moment donné autre que celui-là de calculer s"il y a eu gain ou perte de capital.

     12Motifs du jugement, Dossier de la demande, partie III, p. 5.

     13M.R.N. c. Phillips [1994] 2 C.F. 680.

     14Procureur général du Canada c. Hoefele [1996] 1 C.F. 322.

     15Motifs du jugement, Dossier de la demande, p. 5.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.