Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050113

Dossier : A-163-04

Référence : 2005 CAF 8

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                       DELCO AVIATION LTÉE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                  MINISTRE DES TRANSPORTS

                                                                                                                                                  intimé

                              Audience tenue à Montréal (Québec), les 10 et 13 janvier 2005.

                         Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 13 janvier 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20050113

Dossier : A-163-04

Référence : 2005 CAF 8

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                       DELCO AVIATION LTÉE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                  MINISTRE DES TRANSPORTS

                                                                                                                                                  intimé

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                        (Prononcés à l'audience à Montréal (Québec), le 13 janvier 2005)

LE JUGE LÉTOURNEAU


[1]                L'appelante se porte en appel d'une ordonnance du juge Blanchard rendue le 24 février 2004. Elle demande que cette ordonnance soit annulée pour que puisse être fixée et tenue une audition formelle sur la requête qu'elle a présentée le 17 novembre 2003. Cette requête visait à obtenir l'annulation d'une ordonnance rendue le 9 octobre 2002, laquelle rejetait, pour cause de retard à procéder, sa demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-1923-01. Par audition formelle, il faut comprendre une audition orale où l'appelante veut faire entendre des témoins sur sa requête.

[2]                Malgré les circonstances regrettables qui ont entouré le déroulement des procédures dans le dossier T-1923-01 de la Cour fédérale, nous sommes d'avis que cet appel doit être rejeté.

[3]                L'appelante a contesté par voie de contrôle judiciaire une décision du Comité d'appel du Tribunal de l'aviation civile qui, le 19 septembre 2001, maintenait la condamnation de l'appelante pour deux infractions à la Loi sur l'aéronautique, LRC (1985), ch. A-2 (depuis, ce Tribunal a été remplacé par le Tribunal d'appel des transports du Canada, voir la Loi sur le Tribunal d'appel des transports, L.C., 2001, ch. 29). Le procureur qui représentait l'appelante à l'époque, et qui n'est pas celui qui a comparu pour elle sur cet appel, n'a pas poursuivi le recours en révision judiciaire qu'il avait intenté, bien qu'il ait été invité à le faire par la Cour fédérale, le 12 juillet 2002, au moyen d'un Avis d'examen de l'état de l'instance.

[4]                En fait, non seulement la négligence du procureur de l'appelante fut telle qu'il n'a pas répondu à cette invitation dans le délai imparti, qui était le 23 août 2002, mais il n'y a jamais donné suite, même si la Cour fédérale a attendu jusqu'au 9 octobre 2002 pour rejeter la demande de contrôle judiciaire.


[5]                L'appelante fut informée en mai 2003 que son procureur avait négligé de poursuivre son recours et que ce dernier avait été rejeté le 9 octobre 2002. Ce n'est toutefois que le 17 novembre 2003 que l'appelante, représentée par un nouveau procureur, a déposé une requête pour demander l'annulation de l'ordonnance de rejet du 9 octobre 2002. La requête en annulation fut elle-même rejetée, principalement pour le motif, selon une jurisprudence constante, que la négligence du procureur d'une partie ne constitue pas, à elle seule, un motif pour annuler une ordonnance rejetant une instance pour cause de retard : voir les pages 2 et 3 de la décision.

[6]                Le procureur de l'appelante ne remet pas en cause le bien fondé de cette conclusion du juge et du motif qui l'appuie. Il s'en prend plutôt à la procédure qui a été suivie en Cour fédérale, laquelle, dit-il, a fait fi des désirs clairement exprimés par sa cliente. Un mot descriptif et explicatif de cette procédure s'impose.

[7]                Le procureur de l'appelante a présenté, pour audition en bonne et due forme, sa requête en annulation de l'ordonnance de rejet. Celle-ci avait été mise au rôle des requêtes et devait être entendue le 26 janvier 2004. Elle en fut cependant rayée le 23 janvier 2004 par une Directive du juge Pinard. Cette Directive ordonnait également que la requête de l'appelante soit décidée, sans comparution des parties, conformément à la Règle 369, par le juge qui avait rendu l'ordonnance en premier lieu. Cette Directive signifiait donc que la décision serait prise sur dossier, sans audition de témoins.


[8]                Une fois informé de cette Directive, le procureur de l'appelante a immédiatement contacté l'administrateur du greffe pour lui indiquer qu'il demandait d'être entendu oralement dans le cadre d'une audition formelle. Il a fait parvenir au greffe une demande écrite en ce sens, le 29 janvier 2004. Les procureurs de l'intimé ont confirmé par écrit qu'ils n'avaient pas d'objection quant à cette façon de procéder, mais qu'ils s'en remettaient à la discrétion de la Cour. La décision sur la requête en annulation fut prise sur dossier, sans audition orale.

[9]                Le procureur de l'appelante ne conteste pas qu'elle n'a pas de droit strict à faire entendre des témoins et reconnaît que la Cour a discrétion pour déterminer cette question ainsi que la façon dont la requête en annulation peut être entendue. De fait, une convention entre les parties quant à la manière de procéder ne lie pas la Cour qui peut, dans l'exercice de sa discrétion, prescrire une autre méthode permise par les Règles, si elle la juge moins onéreuse et toute aussi apte à déterminer la question en litige. Mais, dit le procureur, encore faut-il que cette discrétion soit exercée d'une manière judiciaire et, dans l'exercice judiciaire de cette discrétion, l'accord des parties sur l'opportunité de procéder avec une audition orale est un facteur que la Cour doit prendre en considération. Or, en l'espèce, se plaint le procureur, rien dans la décision du juge n'indique qu'il ait été mis au courant de la demande de l'appelante pour une audition orale.

[10]            À l'audience, le procureur de l'appelante nous a expliqué que le président de la corporation voulait se faire entendre pour expliquer ses déboires avec son premier procureur et qu'il était frustré de ne pas l'avoir été.


[11]            La règle 371 des Règles de procédure des Cours fédérales limite l'audition de témoins sur une question de fait soulevée dans une requête à des circonstances particulières. En vertu de la règle 363, la preuve des faits se fait par affidavit. Le désir ou la préférence d'un témoin d'être entendu oralement ne constitue pas une circonstance particulière : Ye v. Canada (Min. of Employment and Immigration) (1992), 17 Imm. L.R. (2d) 77 (C.A.F.). En outre, aucune preuve n'a été soumise qu'il était impossible en l'espèce de relater par affidavit les faits entourant la négligence du premier procureur. Il est donc loin d'être acquis que, même en cas d'audition orale, permission d'entendre le témoin eut été accordée. Bien au contraire.


[12]            Quant à l'audition orale proprement dite, le juge Pinard avait déjà, en ordonnant que l'analyse se fasse sur dossier, sans comparution des parties, évoqué la jurisprudence constante à l'égard de ce genre de requête. La partie adverse, par sa lettre adressée au greffe de la Cour, s'en remettait à la discrétion de la Cour. Les lettres de l'appelante et de l'intimé du 29 janvier 2004 furent transmises au juge Blanchard le même jour, par télécopieur, à 10h04 et 11h47, comme le révèle le dossier de la Cour fédérale. L'appelante demandait dans sa lettre d'aviser le juge Blanchard de sa demande d'audition en bonne et due forme, ce qui fut fait aussitôt par monsieur Poggi, au nom de la Cour fédérale. Même si le juge n'a pas fait de mention spécifique de cet échange de correspondance, il n'est pas déraisonnable de croire qu'il a pris connaissance de la demande de l'appelante et qu'il l'a considérée en fonction de la Directive de son collègue, de la pratique qui a cours pour ce genre de requête et de la réponse de l'intimé qui s'en remettait à la discrétion de la Cour.

[13]            Quoiqu'il en soit, le juge s'est penché sur les motifs qui étaient à l'origine de l'ordonnance de rejet de la demande de contrôle judiciaire et il a conclu, à bon droit, que la négligence du procureur ne permettait pas d'excuser le retard à procéder. De là, il ne pouvait faire autrement que de rejeter la requête en annulation puisque l'ordonnance de rejet était bien fondée en droit.

[14]            Enfin, nous sommes préoccupés par cet appel de l'appelante qui, en janvier 2005, demande d'annuler une décision d'octobre 2002, par ailleurs bien fondée, sanctionnant la négligence de son mandataire, pour lui permettre de se faire relever de son défaut d'avoir poursuivi ses procédures avec diligence et, si victorieuse, lui permettre de contester, à partir de ce moment-là, avec droit d'appel et délais conséquents, deux condamnations maintenues en septembre 2001 pour des gestes posés en mai 1999. On peut déjà anticiper un autre trois ou quatre ans de litige judiciaire avant qu'il n'y soit mis un terme final.


[15]            Tant le droit procédural que le droit pénal reconnaissent, aussi bien pour le bénéfice salutaire des parties que de l'administration de la justice, le principe de la finalité des jugements. Les règles de procédure qui régissent la poursuite des procédures et la contestation des jugements imposent des délais dans le but précisément d'amener avec célérité un litige à une décision qui revêt enfin l'autorité de la chose jugée.

[16]            Nous pouvons comprendre la déception et la frustration de l'appelante. Mais nous ne croyons pas qu'il est dans l'intérêt de l'administration de la justice de réactiver un dossier de requête en annulation et de contrôle judiciaire dont les chances de succès sur le rescindant, le rescisoire et ultimement les deux accusations de décollage sont bien minimes, compte tenu des admissions de fait, de la preuve, de la norme de contrôle judiciaire, des décisions et des conclusions de fait du Tribunal et du Comité d'appel ainsi que de l'expertise de ces deux organismes d'adjudication.

[17]            Pour ces motifs, l'appel sera rejeté sans frais.

                                                                                                                             « Gilles Létourneau »              

                                                                                                                                                     j.c.a.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    A-163-04

INTITULÉ :                                                    DELCO AVIATION LTÉE c. MINISTRE DES TRANSPORTS

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal

DATES DE L'AUDIENCE :                          les 10 et 13 janvier 2005

MOTIFS DU JUGEMENT                            LE JUGE LÉTOURNEAU

DE LA COUR :                                               LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR:         LE JUGE LÉTOURNEAU

DATE DES MOTIFS :                                   le 13 janvier 2005

COMPARUTIONS :

Me Stéphane Gauthier                                                           POUR L'APPELANTE

Me Bernard Letarte                                                              POUR L' INTIMÉ

Me Marie-Eve Sirois Vaillancourt                      POUR L' INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CAIN LAMARRE CASGRAIN WELLS                             POUR L'APPELANTE

Montréal (Québec)

John Sims                                                                             POUR L'INTIMÉ

Sous-Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.