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Date : 20020115

Dossier : A-747-00

Référence neutre : 2002 CAF 9

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                                 BCE NEXXIA INC.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                      COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

                                  et TELUS INTEGRATED COMMUNICATIONS INC.

                                                                                                                                                     défendeurs

                                     Audience tenue à Ottawa (Ontario) le 5 novembre 2001.

                        Jugement prononcé à l'audience à Ottawa (Ontario) le 5 novembre 2001.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                                       LA COUR


Date : 20020115

Dossier : A-747-00

Référence neutre : 2002 CAF 9

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                                 BCE NEXXIA INC.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                      COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

                                  et TELUS INTEGRATED COMMUNICATIONS INC.

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LA COUR

[1]                 La Cour a accueilli la présente demande de contrôle judiciaire à la clôture de l'audience, le 5 décembre 2001, en précisant que les motifs de sa décision, qui suivent, seraient publiés à une date ultérieure.


[2]                 La décision frappée d'appel a été rendue le 2 novembre 2000 par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE ou le Tribunal). Le Service correctionnel du Canada (le SCC) avait choisi BCE Nexxia Inc. (BCE) comme fournisseur de services téléphoniques aux détenus dans les prisons canadiennes administrées par le SCC. Le service téléphonique était conçu de façon à ce que le personnel du SCC puisse surveiller et contrôler son utilisation par les détenus.                                                   

[3]                 Telus Integrated Communications Inc. (Telus) a déposé une plainte auprès du TCCE au motif notamment que l'offre de fourniture de services téléphoniques faite par BCE ne respectait pas les conditions obligatoires précisées dans la demande de proposition publiée par le SCC.

[4]                 Le SCC a ensuite déposé un avis de requête auprès du TCCE pour contester la compétence du TCCE pour statuer l'affaire. BCE a déposé des observations à l'appui de la requête du SCC et Telus a elle aussi présenté des observations pour contester la requête du SCC.

[5]                 Le Tribunal a débouté le SCC de sa requête en concluant qu'il pouvait connaître de la plainte de Telus. Il a ensuite conclu que la plainte de Telus était fondée et il a recommandé au SCC d'adjuger le marché à Telus, au motif que c'était le seul soumissionnaire conforme pour ce qui était de la fourniture des services téléphoniques aux prisonniers relevant du SCC.

[6]                 Dans le cadre de la présente instance en contrôle judiciaire, BCE et le SCC affirment que le TCCE a commis une erreur en concluant qu'il pouvait connaître de la plainte de Telus. BCE soutient également que la décision du TCCE est manifestement déraisonnable. Nous sommes d'avis que le TCCE ne pouvait connaître de la plainte de Telus. Il n'est donc pas nécessaire de statuer sur le fond de la décision du TCCE.


NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[7]                 La question qui se pose en ce qui concerne la compétence est celle de savoir si le chapitre cinq de l'Accord sur le commerce intérieur (l'Accord) s'applique au présent marché public portant sur la fourniture de services téléphoniques à des prisonniers. Dans l'affirmative, le TCCE pouvait connaître de la plainte de Telus.

[8]                 Dans les motifs de sa décision, le TCCE a cité des extraits de la définition des termes « marché public » , « produits » et « valeur du marché public » que l'on trouve au chapitre cinq de l'Accord. Il a poursuivi en concluant, à la page 4 de ses motifs :

Chaque cas doit être examiné individuellement pour déterminer s'il existe une valeur vérifiable. Dans le cas de l'ACI, cette valeur doit être d'au moins 100 000 $ lorsque le marché porte principalement sur des services.                   

Ces dispositions prises ensemble ont conduit le Tribunal à conclure que l'appel d'offres relatif au RTD respecte le seuil monétaire minimum. Il est très manifeste que le marché public présente une valeur considérable pour le gouvernement au regard du matériel et des services dont il bénéficiera ainsi que pour le soumissionnaire retenu qui aura le droit exclusif de fournir des services téléphoniques pour lesquels il sera payé par les détenus pendant la durée du contrat.

  


[9]                 Pour en arriver à sa conclusion que l'appel d'offres relatif au Réseau téléphonique des détenus (le RTD) respectait le seuil monétaire minimum, le Tribunal n'a pas procédé à une analyse fouillée de l'expression « estimation de l'engagement financier total qui résulte d'un marché public » que l'on trouve dans la définition de l'expression « valeur du marché public » à l'article 518. Ces mots revêtent une importance capitale lorsqu'il s'agit de déterminer s'il existe une « valeur du marché public » , ce qui constitue une condition préalable nécessaire pour conférer au TCCE la compétence pour statuer sur une plainte. Lorsqu'un terme fait l'objet d'une définition, c'est le libellé de cette définition qui doit être interprété. Une fois interprété, ce libellé doit ensuite être appliqué aux faits de l'espèce d'une façon logique.

[10]            À notre humble avis, ce n'est pas ce que le TCCE a fait en l'espèce. Malgré le fait qu'il a reproduit le texte de la définition de l'expression « valeur du marché public » , le TCCE n'a pas analysé l'expression « engagement financier » . Il s'est contenté de conclure que « le RTD suppose nécessairement des engagements financiers » (motifs du TCCE, à la page 5) sans se pencher sur la signification de l'expression « engagement financier » , qui constitue la question centrale à trancher.

[11]            Le TCCE est un tribunal spécialisé et le tribunal saisi d'une demande de contrôle judiciaire d'une de ses décisions fera normalement preuve de déférence en ce qui concerne son interprétation de l'Accord. Cet appel à la retenue judiciaire est toutefois affaibli par l'absence d'explication logique justifiant l'interprétation que le Tribunal a donnée des dispositions applicables de l'Accord (voir l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, à la page 780, citant et approuvant R.P. Kerans, Standards of Review Employed by Appellate Courts. Edmonton, Juriliber, 1994, à la page 17.) Dans l'arrêt Cougar Aviation Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2000] F.C.J. No. 1946, le juge Evans déclare, au paragraphe 25 :


L'interprétation que le Tribunal donne de l'Accord aura normalement droit à un degré élevé de retenue judiciaire [...] De plus, l'appel à la retenue judiciaire à l'égard de la décision du Tribunal est affaibli par l'absence d'explication logique justifiant l'interprétation que le Tribunal a donnée des dispositions applicables de l'Accord.

Dans l'arrêt Cougar, précité, le juge Evans, qui était saisi d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du TCCE, a appliqué la norme du bien-fondé de la décision. Faute d'explication logique justifiant l'interprétation que le TCCE a donnée de la définition de l'expression « valeur du marché public » en l'espèce, la Cour doit, tout en reconnaissant la compétence spécialisée générale que possède le TCCE par rapport à la sienne, effectuer sa propre analyse et procéder au contrôle judiciaire en appliquant la norme du bien-fondé de la décision du TCCE.

ANALYSE

[12]            La question en litige est celle de savoir si un « engagement financier » a été pris en l'espèce. Si c'est le cas, il y a une « valeur du marché public » . Si la « valeur du marché public » est de 100 000 $ ou plus, le chapitre cinq de l'Accord intitulé « Marchés publics » s'applique à l'achat, par le SCC, de services téléphoniques pour les prisonniers et le TCCE pouvait connaître de la plainte de Telus.

[13]            L'article 518 définit la « valeur du marché public » comme étant « l'estimation de l'engagement financier total qui résulte d'un marché public » :

« valeur du marchépublic » Estimation de l'engagement financier total qui résulte d'un marché public, déterminé sans tenir compte des renouvellements facultatifs lorsque la partie obligatoire du marché s'étend sur une durée d'au moins un an.


[14]            Pour l'application du chapitre cinq, les seuils monétaires sont précisés au paragraphe 502(1). Les parties s'entendent pour dire qu'en l'espèce, le marché porte principalement sur des services et que le seuil monétaire est, par conséquent, de 100 000 $. Le paragraphe 502(1) dispose :

1.    Le présent chapitre s'applique aux mesures adoptées ou maintenues par une Partie relativement aux marchés publics suivants, passés au Canada par une de ses entités énumérées à l'annexe 502.1A :

a) les marchés d'une valeur d'au moins 25 000 $ et portant principalement sur des produits :

b) les marchés d'une valeur d'au moins 100 000 $ et portant principalement sur des services, sauf ceux précisés à l'annexe 502.1B;

c) les marchés d'une valeur d'au moins 100 000 $ et portant sur des travaux de construction.

  

[15]            Telus concède que le SCC ne verse pas de somme en argent en contrepartie des services qu'elle reçoit. Elle fait valoir, en revanche, que le SCC fournit une certaine contrepartie au fournisseur des servies en lui accordant une « franchise exclusive » relativement à la fourniture de services téléphoniques aux prisonniers se trouvant dans les établissements du SCC. Telus soutient que cette franchise exclusive a une valeur [TRADUCTION] « au moins égale aux millions de dollars en équipement et en services qui sont offerts par le fournisseur » . Il semble que le TCC a accepté une variante de cet argument lorsqu'il a conclu que le marché public représentait une valeur tant pour le gouvernement, en raison des services qui permettraient au SCC de surveiller et de contrôler les appels téléphoniques des détenus, que pour le soumissionnaire retenu, qui aurait le droit exclusif de fournir des services téléphoniques pour lesquels il sera payé par les détenus (motifs du TCCE, à la page 4).


[16]            Nous sommes d'accord pour dire que le fournisseur qui obtient un contrat prévoyant la fourniture exclusive de services téléphoniques reçoit une contrepartie. On ne retrouve cependant pas dans la définition de l'expression « valeur du marché public » les vastes concepts de « valeur » et de « contrepartie » au sens contractuel du terme. La « valeur du marché public » est simplement définie comme étant « l'estimation de l'engagement financier total qui résulte d'un marché public » . Le TCCE n'a pas analysé cette définition. C'est ce que nous allons maintenant faire.

[17]            Les mots-clés sont « engagement financier » . En règle générale, ces mots évoquent une obligation pécuniaire (voir, par exemple, la définition des mots financial ( « financier » ), dans The Encyclopedia of Words and Phrases Legal Maxims Canada, 40e supplément cumulatif, à la page 2-231, et commitment ( « engagement » ) dans le Black's Law Dictionary, 7e éd., à la page 266). Bien qu'une définition générale ne soit pas d'une grande utilité, le contexte dans lequel la définition de l'expression « valeur du marché public » est utilisée appuie l'interprétation suivant laquelle l'expression « engagement financier » suppose une obligation pécuniaire.

[18]            L'expression « valeur du marché public » est employée pour déterminer si les seuils monétaires prévus au paragraphe 502(1) sont respectés pour l'application du chapitre cinq. Les seuils sont exprimés sous forme de simples sommes d'argent. L'objectif visé est d'amener l'entité acheteuse à estimer l'obligation pécuniaire qu'elle contractera pour les produits, les services ou les travaux de construction qu'elle acquiert.


[19]            En l'espèce, le SCC ne verse aucune somme d'argent au fournisseur. Bien que l'octroi d'une « franchise exclusive » , pour reprendre le terme employé par Telus pour qualifier l'entente intervenue en l'espèce, puisse représenter une valeur pour le fournisseur, il ne constitue pas une obligation de l'entité publique de lui verser une somme d'argent.

[20]            Le paragraphe 505(2) du chapitre cinq appuie cette conclusion. Le paragraphe 505(2) prévoit en effet que, pour calculer la « valeur du marché public » , on doit tenir compte de toutes les formes de rémunération. Le paragraphe 505(2) dispose :

Dans le calcul de la valeur d'un marché public, l'entité tient compte de toutes les formes de rémunération, notamment les primes, les honoraires, les commissions et l'intérêt.

Les mots « primes, honoraires, commissions et intérêt » sont tous des termes qui évoquent des obligations pécuniaires. La rémunération qui est susceptible d'être calculée en argent doit correspondre aux types de rémunération visés au paragraphe 505(2) parce que, si l'on tient compte de « toutes les formes de rémunération » , c'est pour décider si le seuil monétaire prévu au paragraphe 502(1) est respecté.


[21]            L'octroi d'une franchise exclusive est d'une autre nature. On ne peut l'assimiler aux autres mots qui sont employés au paragraphe 505(2) pour désigner les divers types de rémunération. Le contrat aux termes duquel un fournisseur offre des services téléphoniques à des prisonniers a incontestablement une valeur pour le fournisseur. Mais il ne constitue pas une forme de rémunération telle que des « primes, [des] honoraires, [des] commissions et [de] l'intérêt » , lesquels constituent des obligations pécuniaires. Il n'existe pas de rémunération de ce type qui passe du SCC au fournisseur en l'espèce. Dans le cas qui nous occupe, le fournisseur désire fournir des services téléphoniques aux prisonniers et, en retour, il s'attend à être rémunéré sous forme de frais téléphoniques payés par les prisonniers. Voilà la rémunération qui sera versée au fournisseur. Elle proviendra toutefois des prisonniers, et non du SCC.

[22]            En fait, ni le SCC ni les prisonniers n'ont d' « engagement financier » envers le fournisseur. Le SCC ne verse aucune rémunération. Et les prisonniers ne prennent aucun engagement d'aucune sorte. Le fournisseur accepte le risque que les prisonniers n'utilisent pas suffisamment les services téléphoniques pour justifier son investissement. Comme il n'y a aucun « engagement financier » découlant de l'achat fait par le SCC ou les prisonniers, il n'y a pas de « valeur du marché public » au sens de l'alinéa 502(1)b).

[23]            Le Tribunal reconnaît ce qui suit, à la page 4 de ses motifs :

Par conséquent, le Tribunal conclut que le marché public a une valeur pécuniaire pour le SCC. Que le SCC ait conçu ce marché public de façon à transmettre les engagements financiers aux détenus ne change rien au fait fondamental que le RTD suppose nécessairement des engagements financiers. Le Tribunal prend également note du paragraphe 505(3) de l'ACI qui précise, entre autres, qu'aucune entité acheteuse ne doit concevoir un marché en vue de se soustraire aux obligations du chapitre cinq de l'ACI.

  


À notre humble avis, le Tribunal a commis une erreur en tirant ces conclusions. Nous avons déjà conclu que, pour qu'il y ait une « valeur du marché public » , il faut qu'il y ait un « engagement financier » . Or, il n'y a pas d'engagement financier en l'espèce. Ensuite, aucun « engagement financier » n'est transmis aux détenus, de sorte que le SCC n'a jamais pris d' « engagement financier » et que les détenus n'ont pas pris à leur charge d' « engagement financier » . Qui plus est, le Tribunal cite le paragraphe 505(3) à mauvais escient en l'espèce. Telus ne prétend pas que le SCC a conçu son appel d'offres de manière à se soustraire aux obligations que le chapitre cinq met à sa charge. Il n'y a aucun élément de preuve en ce sens et le Tribunal n'a pas procédé à une analyse des faits qui permettrait de conclure que le SCC a conçu son appel d'offres de manière à se soustraire aux obligations que le chapitre cinq lui impose.

[24]            Telus affirme qu'il doit y avoir une « valeur du marché public » en l'espèce [TRADUCTION] « pour empêcher le SCC de se soustraire purement et simplement à l'Accord » . Les marchés publics qui ne mettent aucune obligation pécuniaire à la charge de l'entité acheteuse sont toutefois rares. Ainsi que le TCCE l'a fait remarquer :

Il est rare, mais pas sans précédent qu'un appel d'offres soit sans coût apparent pour l'entité acheteuse.

À notre avis, il s'agit en l'espèce d'un de ces rares cas. Exclure l'application du chapitre cinq lorsqu'il n'y a pas d' « engagement financier » et, partant, pas de « valeur du marché public » ne constituerait pas une façon simple de se soustraire à l'Accord, contrairement à ce que Telus prétend.

[25]            En outre, ceux qui ont rédigé l'Accord n'ont jamais voulu que le chapitre cinq s'applique dans tous les cas. Signalons notamment les exceptions suivantes :


1.        les acquisitions dont la « valeur du marché public » est inférieure au seuil monétaire prévu au paragraphe 502(2);

2.        les marchés publics portant sur des produits destinés à la revente au public, les marchés publics portant sur des produits, services ou travaux de construction achetés pour le compte d'une entité non visée par le chapitre cinq, les marchés publics des établissements philanthropiques, de personnes incarcérées ou de personnes handicapées et les autres marchés publics mentionnés à l'article 507;

3.        les acquisitions impliquant une aide gouvernementale ou fourniture par l'État de produits et services à des personnes ou à d'autres organisations gouvernementales qui ne répondent pas à la définition de « marché public » à l'article 518.

Le chapitre cinq n'est donc pas censé tout englober. Interpréter l'expression « engagement financier » de manière à exclure les marchés publics dans lesquels l'État n'assume pas l'obligation pécuniaire de payer le fournisseur n'est pas incompatible avec le champ d'application restreint du chapitre cinq.

[26]            Telus soutient finalement -- et le TCCE a conclu dans le même sens -- que le coût supporté par le fournisseur pour fournir les services de contrôle au SCC excédait de beaucoup le seuil minimal de 100 000 $ prévu par l'Accord. Le coût assumé par le fournisseur pour fournir le service pourrait-il constituer l' « engagement financier » dont il est question dans la définition de la « valeur du marché public » ? Nous ne le croyons pas. L' « engagement financier » doit être celui de l'entité acheteuse. Il y a deux raisons qui justifient cette conclusion.


[27]            Premièrement, le paragraphe 505(1) prévoit que c'est l'entité gouvernementale qui doit estimer la « valeur du marché public » . Le paragraphe 505(1) est ainsi libellé :

L'entité qui lance un appel d'offres estime la valeur du marché public au moment de la publication de l'avis d'appel d'offres prévu à l'article 506.

  

Bien qu'il ne puisse y avoir qu'une seule « valeur du marché public » , il est probable que le coût variera d'un fournisseur à l'autre. Il s'ensuit nécessairement que la « valeur du marché public » correspond à l' « engagement financier » estimé de l'entité acheteuse et non au coût supporté par le fournisseur.

[28]            En second lieu, le paragraphe 505(3), la disposition anti-évitement, vise l'entité acheteuse. En voici le texte :

Les entités ne peuvent préparer, concevoir ou établir de quelque façon un marché, ni choisir une méthode d'évaluation ou répartir les biens ou services à acquérir entre plusieurs marchés publics en vue de se soustraire aux obligations du présent chapitre.

  

Il s'ensuit que la « valeur du marché » et, partant, l' « engagement financier » estimé, correspondent à l' « engagement financier » de l'entité acheteuse et non à celui du fournisseur.

[29]            Pour ces motifs, nous ne pouvons convenir que le coût supporté par le fournisseur pour fournir les services constitue l' « engagement financier » dont il est question dans la définition de la « valeur du marché public » .


[30]            Nous concluons que le chapitre cinq de l'Accord ne s'applique pas en l'espèce et que le TCCE n'était pas compétent pour examiner la plainte de Telus et pour formuler une recommandation par suite de cet examen.

[31]            Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Les dépens sont adjugés à la demanderesse et au défendeur, le Service correctionnel du Canada, et la décision rendue le 2 novembre 2000 par le Tribunal canadien du commerce extérieur est annulée.

  

                                                                                           « A.J. Stone »                

                                                                                                             Juge                       

                                                                                « Marshall Rothstein »       

                                                                                                             Juge                      

                                                                                    « J. Edgar Sexton »         

                                                                                                             Juge                      

   

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                               COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                               A-747-00

INTITULÉ :                              BCE NEXXIA INC. c. COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA et TELUS INTEGRATED COMMUNICATIONS INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :    Le 5 décembre 2001

  

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (les juges Stone, Rothstein et Sexton)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR LE JUGE STONE

  

COMPARUTIONS :

Ronald D. Lunau                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Phuong T.V. Ngo

  

Christopher Rupar                                                     POUR LE DÉFENDEUR, LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

Gordon Cameron                                                        POUR LA DÉFENDERESSE, TELUS INTEGRATED COMMUNICATIONS INC.

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON LLP          POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR, LE COMMISSAIRE DU

Sous-procureur général du Canada                           SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

BLAKE, CASSELS & GRAYDON LLP POUR LA DÉFENDERESSE,

Ottawa (Ontario)                                                         TELUS INTEGRATED COMMUNICATIONS INC.

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