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Date : 20060607

Dossier : A-335-05

Référence : 2006 CAF 212

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

LE NAVIRE « ANANGEL SPLENDOUR »,

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES

PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE

« ANANGEL SPLENDOUR »,

ANANGEL SHIPPING ENTERPRISES S.A.,

GREYWING SHIPPING

 

appelants

et

L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES

intimé

 

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 7 juin 2006.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 7 juin 2006.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                          LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20060607

Dossier : A-335-05

Référence : 2006 CAF 212

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

LE NAVIRE « ANANGEL SPLENDOUR »,

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES

PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE

« ANANGEL SPLENDOUR »,

ANANGEL SHIPPING ENTERPRISES S.A.,

GREYWING SHIPPING

 

appelants

et

L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 7 juin 2006)

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

L’instance qui a mené au présent appel

 

[1]               Les appelants, par voie de requête présentée à la Cour fédérale, ont demandé que des représentants appropriés de la Compagnie Minière Cartier Québec (Cartier Québec) et du ministère des Pêches et des Océans (Pêches et Océans Canada) soient désignés comme représentants de l’intimé, l’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires (la Caisse d’indemnisation), aux fins des interrogatoires préalables.

 

[2]               La requête a été déposée en vertu de l’article 237 des Règles des Cours fédérales (les Règles), qui se lit comme suit :

 

Interrogatoire d’une personne morale

 

Representative selected

 

237. (1) La personne morale, la société de personnes ou l’association sans personnalité morale qui est soumise à un interrogatoire préalable désigne un représentant pour répondre en son nom.

 

237. (1) A corporation, partnership or unincorporated association that is to be examined for discovery shall select a representative to be examined on its behalf.

 

Interrogatoire de la Couronne

 

Examination of Crown

 

(2) Lorsque la Couronne est soumise à un interrogatoire préalable, le procureur général du Canada désigne un représentant pour répondre en son nom.

 

(2) Where the Crown is to be examined for discovery, the Attorney General of Canada shall select a representative to be examined on its behalf.

 

Substitution ordonnée

 

Order for substitution

 

(3) La Cour peut, sur requête d’une partie ayant le droit d’interroger une personne désignée conformément aux paragraphes (1) ou (2), ordonner qu’une autre personne soit interrogée à sa place.

 

(3) The Court may, on the motion of a party entitled to examine a person selected under subsection (1) or (2), order that some other person be examined.

 

Interrogatoire du cessionnaire

 

Examination of assignee

 

(4) Lorsqu’un cessionnaire est partie à l’action, le cédant peut également être soumis à un interrogatoire préalable.

 

(4) Where an assignee is a party to an action, the assignor may also be examined for discovery.

 

Interrogatoire du syndic

 

Examination of trustee in bankruptcy

 

(5) Lorsqu’un syndic de faillite est partie à l’action, le failli peut aussi être soumis à un interrogatoire préalable.

 

(5) Where a trustee in bankruptcy is a party to an action, the bankrupt may also be examined for discovery.

 

Interrogatoire d’une personne sans capacité d’ester en justice

 

Examination of party under legal disability

 

(6) La partie qui entend soumettre à un interrogatoire préalable la personne nommée, en application de la règle 121, pour agir au nom d’une personne qui n’a pas la capacité d’ester en justice peut aussi, avec l’autorisation de la Cour, soumettre cette dernière à un interrogatoire préalable.

 

(6) Where a party intends to examine for discovery a person appointed under rule 121 to act on behalf of a person under legal disability, with leave of the Court, the party may also examine the person under disability.

 

Interrogatoire d’une personne qui n’est pas une partie

 

Examination of nominal party

 

(7) Si une partie entend soumettre à un interrogatoire préalable une partie qui introduit ou conteste l’action pour le compte d’une personne qui n’est pas une partie, elle peut aussi, avec l’autorisation de la Cour, soumettre cette personne à un interrogatoire préalable.

(7) Where a party intends to examine for discovery a person bringing or defending an action on behalf of another person who is not a party, with leave of the Court, the party may also examine that other person.

 

 

[3]               Le protonotaire Morneau a entendu et rejeté la requête. Il a aussi examiné l’option que les appelants avaient suggérée, soit que les représentants de Cartier Québec et de Pêches et Océans Canada soient interrogés conformément à l’article 238. Cette disposition prévoit l’interrogatoire d’un tiers au cours de la procédure avec l’autorisation de la Cour. Elle se lit comme suit :

 

Interrogatoire d’un tiers

 

Examination of non-parties with leave

 

238. (1) Une partie à une action peut, par voie de requête, demander l’autorisation de procéder à l’interrogatoire préalable d’une personne qui n’est pas une partie, autre qu’un témoin expert d’une partie, qui pourrait posséder des renseignements sur une question litigieuse soulevée dans l’action.

 

238. (1) A party to an action may bring a motion for leave to examine for discovery any person not a party to the action, other than an expert witness for a party, who might have information on an issue in the action.

 

Signification de l’avis de requête

 

Personal service on non-party

 

(2) L’avis de la requête visée au paragraphe (1) est signifié aux autres parties et, par voie de signification à personne, à la personne que la partie se propose d’interroger.

 

(2) On a motion under subsection (1), the notice of motion shall be served on the other parties and personally served on the person to be examined.

 

Autorisation de la Cour

 

Where Court may grant leave

 

(3) Par suite de la requête visée au paragraphe (1), la Cour peut autoriser la partie à interroger une personne et fixer la date et l’heure de l’interrogatoire et la façon de procéder, si elle est convaincue, à la fois :

 

(3) The Court may, on a motion under subsection (1), grant leave to examine a person and determine the time and manner of conducting the examination, if it is satisfied that

 

a) que la personne peut posséder des renseignements sur une question litigieuse soulevée dans l’action;

 

(a) the person may have information on an issue in the action;

 

b) que la partie n’a pu obtenir ces renseignements de la personne de façon informelle ou d’une autre source par des moyens raisonnables;

 

(b) the party has been unable to obtain the information informally from the person or from another source by any other reasonable means;

 

c) qu’il serait injuste de ne pas permettre à la partie d’interroger la personne avant l’instruction;

 

(c) it would be unfair not to allow the party an opportunity to question the person before trial; and

 

d) que l’interrogatoire n’occasionnera pas de retards, d’inconvénients ou de frais déraisonnables à la personne ou aux autres parties.

(d) the questioning will not cause undue delay, inconvenience or expense to the person or to the other parties.

 

 

[4]               En ce qui a trait à la requête des appelants fondée sur l’article 238 des Règles, le protonotaire a décidé que la condition prévue à l’alinéa 238(3)b) n’avait pas été remplie et a pris des mesures, sous forme d’une ordonnance, pour garantir qu’elle le soit. L’alinéa b) exigeait que les appelants démontrent qu’ils n’avaient pas pu obtenir les renseignements de façon informelle de la part de Cartier Québec et de Pêches et Océans Canada.

 

[5]               Les appelants ont porté la décision du protonotaire en appel devant la Cour fédérale. Le juge Pinard (le juge) a rejeté la demande des appelants qu’il rende une ordonnance infirmant l’ordonnance rendue par le protonotaire et qu’il rende une ordonnance exigeant que l’administrateur de la Caisse d’indemnisation désigne, comme je l’ai mentionné précédemment, des représentants convenables de Cartier Québec et de Pêches et Océans comme ses représentants aux fins des interrogatoires préalables.

 

Renseignements sur le contexte

 

[6]               L’administrateur de la Caisse d’indemnisation, l’intimé en l’espèce, est le plaignant dans une action intentée contre les appelants. La Caisse d’indemnisation a été créée en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 (la Loi). Il s’agit d’un mécanisme de financement de premier et de dernier recours pour les réclamations en matière de pollution maritime aux termes de la Loi.

 

[7]               À la suite d’un incident de pollution par déversement d’hydrocarbures qui serait survenu à Port Cartier (Québec), le 12 ou le 13 mai 2000 ou vers ces dates, Cartier Québec et Pêches et Océans Canada ont engagé des frais liés au nettoyage du déversement et ont réclamé un remboursement à la Caisse d’indemnisation en vertu de l’article 85 de la Loi. Cartier Québec est le propriétaire et l’exploitant du port de Port-Cartier. Lorsque l’administrateur de la Caisse d’indemnisation a reçu les deux réclamations, il a effectué une enquête approfondie au sujet de la source de la pollution et du caractère raisonnable des frais de nettoyage réclamés par Cartier Québec et Pêches et Océans Canada, conformément au paragraphe 86(2) de la Loi. Comme l’administrateur a été convaincu, conformément au paragraphe 86(4) de la Loi, que la pollution n’avait pas été causée par une source terrestre, il a offert à Cartier Québec et Pêches et Océans Canada une indemnité pour les frais liés au nettoyage et pour les dommages qu’ils avaient tous les deux subis, ce qu’ils ont finalement accepté.

 

[8]               L’administrateur a poursuivi son enquête quant à la source de la pollution. Celle‑ci a fourni des preuves qui l’ont amené à conclure que les dommages dus à la pollution avaient été causés par le navire des appelants, qui était amarré à Port-Cartier. Compte tenu de cette preuve, l’administrateur a intenté l’action dont il a été question ci-dessus, contre les appelants, en vertu des alinéas 87(3)c) et d) de la Loi. Il cherche à recouvrer les montants qu’il a versés à Cartier Québec et à Pêches et Océans Canada.

 

[9]               L’administrateur de la Caisse d’indemnisation a été subrogé dans les droits de Cartier Québec et de Pêches et Océans Canada. Comme l’y autorise l’alinéa 87(3)d) de la Loi, il a intenté une procédure contre les appelants en son propre nom plutôt qu’au nom de Cartier Québec et de Pêches et Océans Canada.

 

La décision du juge

 

[10]           Essentiellement, le juge a décidé que le paragraphe 237(3) des Règles sur lequel les appelants avaient fondé leur requête ne s’appliquait pas en l’espèce.

 

[11]           Le juge était d’avis que le paragraphe 237(3) des Règles permet la substitution de représentants d’une même partie pour les besoins d’un interrogatoire préalable. Selon lui, cette disposition ne permet pas, à cette fin, la substitution d’une personne qui n’est pas partie à l’instance, sauf pour les exceptions précises et limitées décrites aux paragraphes 237(4), (5), (6) et (7) des Règles. Les subrogeants, soit Cartier Québec et Pêches et Océans Canada, ne sont pas des personnes prévues par les paragraphes 4 à 7. En fait, c’est l’article 238 qui s’applique parce qu’il traite expressément et de manière générale de l’interrogatoire préalable de personnes qui ne sont pas une partie à l’instance.

 

Décision

 

[12]           Malgré les arguments de l’avocat des appelants, nous n’avons pas été convaincus que le juge a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 237(3) et de l’article 238 des Règles. Il est évident que « [l’]autre personne [qui peut être] interrogée », mentionnée au paragraphe 237(3), est le représentant de la personne morale, de la société de personnes ou de l’association sans personnalité morale mentionnée au paragraphe 237(1), ou la Couronne, mentionnée au paragraphe 237(2).

 

[13]           En fait, les appelants nous demandent de créer une nouvelle exception à l’article 237 en y ajoutant un paragraphe 8 qui comprendrait, comme personnes représentant les entités mentionnées au paragraphe 237(1), les subrogeants qui ne sont pas parties à l’instance. Si la Cour acceptait de le faire, elle ne ferait pas que contourner et usurper le rôle du Comité des règles, elle ferait aussi abstraction des dispositions précises de l’article 238 édictées par le Comité des règles et approuvées par le gouverneur en conseil au sujet de l’interrogatoire d’un tiers.

 

[14]           De plus, il ne nous semble pas évident que l’administrateur de la Caisse d’indemnisation est une « personne morale, [une] société de personnes ou [une] association sans personnalité morale » au sens du paragraphe 237(1).

 

[15]           L’appel sera rejeté avec dépens en faveur de l’intimé, de Cartier Québec et de Pêches et Océans Canada, qui seront taxés selon la valeur minimale de la colonne III du Tarif B.

 

 

« Gilles Létourneau »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          A-335-05

 

 

INTITULÉ :                                                         LE NAVIRE « ANANGEL SPLENDOUR » et al. c. L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES

                                                                              DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 Le 7 juin 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT                                 LES JUGES LÉTOURNEAU, NOËL

DE LA COUR :                                                    ET PELLETIER

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :             LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nicholas Spillane

POUR LES APPELANTS

 

Azim Hussain

 

Simon Clément

 

 

Sébastien Gagné

POUR L’INTIMÉ

 

POUR LA COMPAGNIE MINIÈRE CARTIER QUÉBEC

 

POUR LE MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BRISSET BISHOP s.e.n.c.

Montréal (Québec)

 

POUR LES APPELANTS

 

OGILVY RENAULT LLP

Montréal (Québec)

 

LANGLOIS GAUDREAU O’CONNOR

Québec (Québec)

 

John Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

 

POUR LA COMPAGNIE MINIÈRE CARTIER QUÉBEC

 

POUR LE MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

 

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