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Date: 19980929


Dossier: A-332-98

CORAM:      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL

ENTRE:

     GESTION DE BREVETS FRACO LIMITEE,

     et

     LES PRODUITS FRACO LIMITEE,

     Appelantes

ET:

     AVANT-GARDE ENGINEERING (1994) INC.,

     Intimée

     - et -

     LE COMMISSAIRE DES BREVETS

     Mis-en-cause

     Audience tenue à Ottawa (Ontario), le mardi, 29 septembre 1998

     Jugement prononcé à l'audience à Ottawa (Ontario), le mardi, 29 septembre 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR:      LE JUGE LÉTOURNEAU


Date: 19980929


Dossier: A-332-98

CORAM:     

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL

ENTRE:

     GESTION DE BREVETS FRACO LIMITEE, et

     LES PRODUITS FRACO LIMITEE,

     Appelantes

ET:

     AVANT-GARDE ENGINEERING (1994) INC.,

     Intimée

     - et -

     LE COMMISSAIRE DES BREVETS

     Mis-en-cause

     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario)

     le mardi, 29 septembre 1998)

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]      Nous sommes d'avis que cet appel doit être accueilli.

[2]      De toute évidence, le juge de première instance a mal lu et interprété le brevet no. 1,304,109 dont l'intimée allègue une contrefaçon par les appelantes lorsqu'il a conclu à la page 11 de sa décision que "la particularité essentielle de cet échafaudage est le système de levage à vérins hydrauliques qui permet à la plate-forme de travail d'être soulevée ou abaissée par l'engagement automatique d'organes d'ancrage".

[3]      D'une part, il a fait porter l'essence de l'invention revendiquée sur l'utilisation d'un système de levage à vérins hydrauliques alors que, selon la philosophie même de l'inventeur, le but de l'invention est de produire un échafaudage plus souple, plus fonctionnel et moins coûteux à opérer que les échafaudages conventionnels, l'une des caractéristiques essentielles de l'invention étant que les deux poteaux soutenant la plate-forme seraient constitués d'organes modulaires susceptibles d'être installés par un seul ouvrier contrairement aux échafaudages conventionnels exigeant, pour l'installation des poteaux et leur élévation en hauteur, le recours à une grue à flèche allongée. Il est évident à la lecture des revendications du brevet no. 1,304,109, de celle du domaine de l'invention ainsi que de l'état de la technique auquel l'inventeur réfère que l'invention porte sur une structure d'échafaudage formée de plusieurs composantes essentielles dont le système de levage à vérins hydrauliques n'en est qu'une.

[4]      D'autre part, le juge de première instance, influencé sans doute par sa compréhension erronée du brevet en litige, a omis dans son appréciation de l'allégation de contrefaçon de prendre en considération des éléments essentiels du brevet qui en identifiaient et cernaient les paramètres. Ce faisant, il a, à toute fin pratique, réécrit le brevet en lui donnant une portée beaucoup plus générale et plus large qui va bien au delà de l'intention exprimée par l'inventeur.

[5]      Par exemple, le juge a erronément conclu qu'il n'y avaient que trois différences mineures entre le mécanisme de fonctionnement du brevet no. 1,304,109 et celui utilisé par les appelantes. Or, ces différences sont, d'une part, plus nombreuses et, d'autre part, loin d'être mineures, elles se rapportent à l'essence ou à la substance même du brevet.

[6]      À ce chapitre, nous avons déjà mentionné comme élément essentiel du but de l'invention, ainsi que du brevet, le fait que les deux poteaux peuvent être allongés par un seul ouvrier alors que le système utilisé par les appelantes requiert l'usage d'une grue étant donné le poids des tronçons de ces poteaux (voir aux pages 3, 4, 5, 6 et 9 du brevet). Il y a lieu de souligner également que le brevet no. 1,304,109 décrit, comme éléments essentiels de l'échafaudage, des étages de balancement de niveau qui sont nécessaires pour permettre l'installation de barres d'attaches en diagonale entre les deux poteaux ainsi que de points d'ancrage desdits poteaux au mur (voir aux pages 4, 7, 8, 11 et 22 du brevet). Le mécanisme des appelantes ne comprend pas et ne requiert pas pour son fonctionnement de tels étages.

[7]      En outre, l'invention en litige décrit la nécessité au plan de la sécurité d'installer des croisillons entre les poteaux pour les solidifier. C'est d'ailleurs à l'une de ces fins que servent les étages de balancement des niveaux. Or, le mécanisme des appelantes ne requiert aucunement l'usage de croisillons puisqu'il n'est constitué que d'un seul poteau. Encore là, le juge de première instance s'est mépris lorsqu'il a conclut que cette caractéristique du mécanisme des appelantes, soit l'usage d'un seul poteau plutôt que de deux, ne constituait pas une différence importante ou essentielle. Au contraire, l'usage d'un seul poteau rend caducs plusieurs des éléments essentiels du brevet no. 1,304,109 en plus d'apporter une amélioration significative au niveau opérationnel. De fait, l'appareil des appelantes peut accéder à des endroits profonds qui, à cause de leur étroitesse, ne pourraient accommoder le passage et l'installation des deux poteaux équidistants requis par le système décrit au brevet.

[8]      Enfin, nous pourrions énumérer d'autres caractéristiques fondamentales du système des appelantes qui diffèrent d'une manière substantielle des éléments revendiqués par le brevet. Nous croyons que celles déjà mentionnées suffisent à illustrer la méprise du juge, sauf à ajouter qu'il a aussi confondu le brevet no. 1,304,109 et le système des appelantes lorsqu'il a conclu à la page 33 de sa décision que le système des appelantes a recours pour son fonctionnement au principe de la gravité et à l'usage de tiges pivotantes. Or, le système des appelantes n'utilise pas ces éléments qui, encore une fois, sont cependant des éléments essentiels du brevet no. 1,304,109.

[9]      En conclusion, le juge de première instance, dans son interprétation du brevet no. 1,304,109, en a ignoré des éléments essentiels pour erronément conclure à une contrefaçon par les appelantes qui, à juste titre, lui reprochent cette erreur de droit (O'Hara Manufacturing Ltd. v. Eli Lilly & Co., (1989) 26 C.P.R. (3d) 1).

[10]      Pour les motifs exprimés, nous sommes d'avis d'accueillir l'appel avec dépens tant devant cette Cour qu'en première instance, y compris les frais d'expert encourus devant cette dernière par les appelantes, et d'annuler le jugement de la Section de première instance rendu le 7 mai 1998. Les appelantes pourront, à l'expiration des délais d'appel du présent jugement, recouvrer les sommes qu'elles ont déposées au greffe de la Cour conformément au sursis d'exécution du jugement de première instance octroyé pendant l'appel.

     "Gilles Létourneau"

     j.c.a.


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