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Date : 20050421

Dossier : A-45-05

Référence : 2005 CAF 145

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE :

                                                    QUALITY GOODS IMD INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                            TOMMY HILFIGER LICENSING INC.

                                                                             et

                                              TOMMY HILFIGER CANADA INC.

                                                                                                                                              intimées

                                    Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

                                   Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 21 avril 2005.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20050421

Dossier : A-45-05

Référence : 2005 CAF 145

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE :

                                                    QUALITY GOODS IMD INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                            TOMMY HILFIGER LICENSING INC.

                                                                             et

                                              TOMMY HILFIGER CANADA INC.

                                                                                                                                              intimées

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                L'appelante présente une requête en vertu des règles 54 et 343 des Règles de la Cour fédérale pour que la Cour détermine le contenu du dossier d'appel, à la suite de son appel et de l'appel incident des intimées à l'encontre de la décision d'un juge de la Cour fédérale. Le juge de première instance a conclu que l'appelante avait contrefait la marque de commerce Hilfiger Flag Logo, contrevenant ainsi à l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13.


[2]                La présente requête a ceci de particulier que l'appelante souhaite obtenir une ordonnance condamnant les intimées aux dépens du dossier d'appel au prorata des exigences de ces dernières relativement à l'inclusion de documents dans le dossier d'appel. Subsidiairement, l'appelante sollicite une ordonnance portant que chaque partie produise son propre dossier d'appel et en supporte les dépens.

[3]                Le paragraphe 343(5) des Règles de la Cour fédérale prévoit que le dossier d'appel est préparé par l'appelant à moins que la Cour n'ordonne à l'administrateur de le préparer. Ce n'est pas ce type d'ordonnance qui est demandé en l'espèce, mais si c'était le cas, je ne l'aurais pas accordée.

[4]                Aucune disposition des Règles de la Cour fédérale ne porte sur la requête spécifique de l'appelante visant à partager les dépens de la préparation du dossier d'appel. Toutefois, l'alinéa 400(6)a) des Règles de la Cour fédérale donne à la Cour le pouvoir d'adjuger les dépens à l'égard d'une question litigieuse ou d'une procédure particulières :



400. (6) Autres pouvoirs discrétionnaires de la cour - Malgré toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut :

a) adjuger ou refuser d'adjuger les dépens à l'égard d'une question litigieuse ou d'une procédure particulières;

b) adjuger l'ensemble ou un pourcentage des dépens taxés, jusqu'à une étape précise de l'instance;c) adjuger tout ou partie des dépens sur une base avocat-client;

d) condamner aux dépens la partie qui obtient gain de cause.

400. (6) Further discretion of Court - Notwithstanding any other provision of these Rules, the Court may

(a) award or refuse costs in respect of a particular issue or step in a proceeding;

(b) award assessed costs or a percentage of assessed costs up to and including a specified step in a proceeding;

(c) award all or part of costs on a solicitor-and-client basis; or

(d) award costs against a successful party.

[5]                Il se peut que l'alinéa 400(6)a) puisse être utilisé, dans un cas qui s'y prête, pour obtenir le résultat souhaité par l'appelante soit à l'étape de la préparation, soit plus tard, au moment de trancher l'appel. Dans Canada (Ministre de l'Environnement) c. Canada (Commissaire à l'information) (2001), 14 C.P.R. (4th) 574, à la page 576, j'ai réservé le pouvoir d'adjuger les dépens des dossiers d'appel à la formation qui entendra l'appel, indépendamment de la décision quant au bien-fondé de l'appel.

[6]                En outre, en cas d'abus par l'intimé quant au contenu du dossier d'appel, je suis persuadé que la Cour peut intervenir pour protéger le droit d'appel de l'appelant et empêcher l'abus de procédure. Une telle intervention pourrait prendre la forme d'une ordonnance condamnant aux dépens ou partageant les dépens.


[7]                L'appelante prétend que les intimées se sont montrées délibérément intransigeantes et qu'elles n'ont pas coopéré en ce qui concerne le contenu du dossier d'appel afin d'exercer une pression financière injuste sur l'appelante; leur conduite est à l'origine de la présente requête. Toujours selon l'appelante, l'intransigeance des intimées est prouvée par le fait que, lorsque la requête leur a été signifiée, elles ont réexaminé les documents pour justifier leur demande globale. Ce faisant, [traduction] « elles en sont arrivées à l'inéluctable conclusion que leurs demandes globales antérieures sont indéfendables. En conséquence, [...] elles consentent maintenant à retirer volontairement du dossier d'appel deux volumes du cahier conjoint de documents, le cahier conjoint supplémentaire de documents et un volume du cahier supplémentaire de documents confidentiels » : voir les paragraphes 4 et 5 de la réponse de l'appelante.

[8]                L'appelante conteste un nombre considérable des conclusions tirées par le juge de première instance sur la confusion ou la possibilité de confusion, le caractère distinctif, l'étendue de l'emploi de la marque de commerce, la renommée et la réputation de la marque de commerce, la nature du commerce, etc. Un exemple suffit pour illustrer la portée générale de l'appel interjeté par l'appelante. Au paragraphe 11 de son avis d'appel, l'appelante invoque ce qui suit pour étayer son appel :

[TRADUCTION]

Les intimées n'ont pu prouver l'intention de l'appelante d'employer leur dessin Explore Canada en tant que marque de commerce. Alors, les intimées ont dû se fonder sur l'argument de « reconnaissance publique » soulevé dans l'affaire International Clothiers. Cependant, les intimées non seulement n'ont pas réussi à prouver l'intention de l'appelante d'employer le dessin Explore Canada comme marque de commerce, mais elles ont de plus omis de présenter une quelconque preuve de la reconnaissance publique dont jouit le dessin Explore Canada en tant que marque de commerce.

Dans la mesure où des preuves ont été soumises au procès démontrant ou pouvant être interprétées comme démontrant l'intention de l'appelante d'utiliser le dessin Explore Canada en tant que marque de commerce, comme l'affirment les intimées, les preuves dont disposait le juge de première instance doivent assurément être incluses dans les dossiers d'appel même si elles ne sont pas concluantes ou même si elles ne révèlent pas à première vue l'intention de l'appelante.


[9]                Les intimées font observer que leur appel incident n'exige l'inclusion d'aucun document supplémentaire aux dossiers d'appel autres que ceux qui leur sont nécessaires pour répondre aux allégations formulées par l'appelante dans son avis d'appel.

[10]            Quand il y a un nombre considérable de motifs d'appel, comme en l'espèce, c'est une lourde tâche pour la Cour que de tenter d'arbitrer les points de vue contradictoires des parties et de statuer sur le contenu des dossiers d'appel de manière équitable pour les deux parties. Par exemple, dans le paragraphe 10 de sa réponse, l'appelante doute de la nécessité d'inclure, tel que demandé par les intimées, quatre volumes de documents interentreprises et de contrats de licence visant prétendument à démontrer l'emploi répandu de la marque de commerce, alors que tous les noms et chiffres de vente respectifs de ces titulaires de licence ont déjà été reproduits ailleurs dans les dossiers d'appel. Je partage certainement l'inquiétude de l'appelante. Je suis toujours abasourdi par le nombre de dossiers d'appels déposés mais jamais employés ou ni même mentionnés en appel. Je suppose que la conduite des parties est guidée généralement par l'idée qu'il vaut mieux avoir les documents à portée de main, même s'ils s'avèrent inutiles, que de ne pas les avoir lorsqu'on en a besoin.


[11]            Comme je l'ai affirmé dans l'arrêt Canada (Ministre de l'Environnement), précité, à la page 576, « la prudence et la sagesse me dictent que si je dois commettre une erreur, il est préférable d'opter pour l'option qui comporte le moins de risques » . Cependant, je prendrai les mesures qui s'imposent pour diminuer au minimum le risque d'erreur et d'iniquité envers les deux parties ainsi que pour éliminer, si possible, les coûts non nécessaires. J'ordonnerai aux intimées d'examiner de nouveau les documents en vue d'exclure, si possible, ce qui n'est pas essentiel au règlement des questions soulevées dans l'appel et dans l'appel incident. Toutefois, je souhaite qu'il soit très clair que la présente ordonnance ne doit d'aucune façon être considérée comme tranchant les allégations faites par l'appelante relativement à l'intransigeance et au manque de volonté de coopérer des intimées lors de la constitution et de la préparation des dossiers d'appel. Au contraire, ma décision n'est dictée que par les considérations énoncées plus haut. Les intimées doivent rendre compte par écrit à la Cour, dans les 20 jours suivant l'ordonnance, du résultat de leur examen. Je finaliserai alors le contenu des dossiers d'appel et trancherai la requête de l'appelante.

[12]            Je dois signaler aux parties que l'ordonnance finale consécutive à la requête de l'appelante comprendra une clause analogue à celle qui se trouve dans l'arrêt Canada (Ministre de l'Environnement), précité, où je réserve à la formation qui entendra l'appel le droit d'adjuger les dépens des dossiers d'appel indépendamment de la décision sur le bien-fondé de l'appel.

                                                                                                                            « Gilles Létourneau »               

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        A-45-05

INTITULÉ :                                       QUALITY GOODS IMD INC. c. TOMMY HILFIGER LICENSING INC ET AL.

                                                                             

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE LÉTOURNEAU

DATE DE L'ORDONNANCE :       le 21 avril 2005

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Arthur Sanft

POUR L'APPELANTE

Glen A. Bloom

Melissa E. Fisher

POUR LES INTIMÉES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

770, rue Sherbrooke Ouest

Montréal (Québec)

POUR L'APPELANTE

Osler, Hoskin & Harcourt

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉES


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