Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20051028

Dossier : A-521-04

Référence : 2005 CAF 354

CORAM :       LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE ROTHSTEIN                    

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

KAREN J. KLYWAK

intimée

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 20 octobre 2005.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 octobre 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                   LE JUGE LINDEN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER


Date : 20051028

Dossier : A-521-04

Référence : 2005 CAF 354

CORAM :       LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE ROTHSTEIN                    

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

KAREN J. KLYWAK

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LINDEN

[1]                Il s'agit d'un appel interjeté par la Couronne à l'encontre du jugement de la Cour canadienne de l'impôt du 13 août 2004 (publié sous (2004) 5 C.T.C. 2220, et 2004 CCI 523) relativement à la déductibilité par la contribuable, qui souffre de fibromyalgie, du coût d'une cuve thermale à titre de crédit d'impôt pour frais médicaux (CIFM). La principale question juridique en litige consiste à savoir si la cuve thermale est un « dispositif qui est conçu à l'intention du particulier à mobilité réduite pour l'aider à marcher » , en application du sous-alinéa 118.2(2)m)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'alinéa 5700(i) du Règlement, dont voici les libellés respectifs :


118.2 2) Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés:...

(i) [dispositifs] -- au titre d'un membre artificiel, d'un poumon d'acier, d'un lit berceur pour les personnes atteintes de poliomyélite, d'un fauteuil roulant, de béquilles, d'un corset dorsal, d'un appareil orthopédique pour un membre, d'un tampon d'iliostomie ou de colostomie, d'un bandage herniaire, d'un oeil artificiel, d'un appareil de prothèse vocale ou auditive ou d'un rein artificiel, pour le particulier, son époux ou conjoint de fait ou une personne à charge visée à l'alinéa a);

. . .

m) [dispositif visé par règlement] -pour tout dispositif ou équipement destiné à être utilisé par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l'alinéa a) et qui répond aux conditions suivantes, dans la mesure où le montant payé ne dépasse pas le montant fixé par règlement, le cas échéant, relativement au dispositif ou à l'équipement:

(i) il est d'un genre visé par règlement,

(ii) il est utilisé sur ordonnance d'un médecin,

(iii) il n'est pas visé à un autre alinéa du présent paragraphe,

(iv) il répond aux conditions prescrites quant à son utilisation ou à la raison de son acquisition;


118.2 (2) For the purposes of subsection 118.2(1), a medical expense of an individual is an amount paid ...

(i) [devices] -- for or in respect of an artificial limb, iron lung, rocking bed for poliomyelitis victims, wheel chair, crutches, spinal brace, brace for a limb, iliostomy or colostomy pad, truss for hernia, artificial eye, laryngeal speaking aid, aid to hearing or artificial kidney machine, for the patient;

. . .

(m) [prescribed in regulations] - for any device or equipment for use by the patient that

      (i) is of a prescribed kind,

      (ii) is prescribed by a medical practitioner,

      (iii) is not described in any other paragraph of this subsection, and

      (iv) meets such conditions as are prescribed as to its use or the reason for its acquisition;

to the extent that the amount so paid does not exceed the amount, if any, prescribed in respect of the device or equipment;

5700. Les dispositifs ou équipements suivants sont prescrits pour l'application de l'alinéa 118.2(2)m) de la Loi :

. . .

i) tout dispositif qui est conçu à l'intention du particulier à mobilité réduite pour l'aider à marcher;

5700. For the purposes of paragraph 118.2(2)(m) of the Act, a device or equipment is prescribed if it is a

. . .

(i) device that is designed to assist an individual in walking where the individual has a mobility impairment;

[2]                L'appelante a abandonné la question soulevée dans son mémoire des faits et du droit, à savoir si la cuve thermale est utilisée sur « ordonnance d'un médecin » . Compte tenu de notre décision en ce qui concerne la principale question en litige, nous n'aurons pas à nous pencher sur l'argument subsidiaire avancé par la contribuable portant que la dépense peut être réclamée à titre de « rénovations ou transformations » en application du paragraphe 118.2(l.2).

[3]                Étant donné qu'il s'agit en l'espèce d'un appel à l'encontre de la décision d'un tribunal d'instance inférieure, l'on se référera aux principes énoncés dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235 (l'arrêt Housen), pour déterminer la norme de contrôle applicable. Suivant l'arrêt Housen, la norme de contrôle est, pour les questions de droit, la norme de la décision correcte et, pour les conclusions et les inférences de fait, celle de l'erreur manifeste et dominante. En présence d'une question mixte de fait et de droit, la norme de l'erreur manifeste et dominante s'appliquera, à moins de pouvoir isoler facilement une erreur de principe en droit commise par le tribunal d'instance inférieure, auquel cas l'erreur peut constituer une erreur de droit.

[4]                Au terme d'une audience suivant la procédure informelle, le juge de la Cour canadienne de l'impôt a conclu, sur la base des conclusions de fait qu'il a tirées en l'espèce, que la cuve thermale [traduction] « était ainsi conçue, du moins en partie, dans le but thérapeutique d'aider l'appelante à marcher, la fibromyalgie dont elle souffrait ayant causé une mobilité réduite » (par. 12). Il s'agit là d'une conclusion mixte de droit et de fait qui « soulève l'interprétation de l'ensemble de la preuve par le juge de première instance » et dans laquelle « le principe juridique n'est pas facilement isolable » (Housen, par. 36). Je ne vois aucune erreur manifeste et dominante dans cette conclusion.

[5]                La Cour canadienne de l'impôt a rendu plusieurs décisions contradictoires en matière de réclamations au titre du CIFM pour des cuves thermales, mais ces différences sont attribuables aux faits particuliers à chaque espèce dont la Cour est saisie. Comme l'a expliqué le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) au paragraphe 17 de l'arrêt Whitfield c. R., [2005] 3 C.T.C. 2116, 2004 CCI 606 (l'arrêt Whitfield) :

[traduction]

[Si] au vu de la preuve, le juge conclut que, pour l'essentiel, la finalité et l'utilisation de la cuve thermale visent à faciliter la mobilité du particulier, le tribunal semble enclin à autoriser la dépense.

Dans l'arrêt Whitfield, au paragraphe 17, le juge en chef Bowman a tout particulièrement cité la décision de la Cour canadienne de l'impôt faisant l'objet du présent appel pour dire que le juge de la Cour canadienne de l'impôt y avait [traduction] « précisément tiré la conclusion de fait selon laquelle la cuve thermale avait pour finalité et effet d'aider l'appelante à marcher » .

[6]                Bien qu'on ne puisse certainement pas dire que la preuve déposée au procès à l'appui de cette conclusion était abondante, vu la nature de ladite preuve et vu le recours à procédure informelle, nous ne voyons aucun fondement à l'application de la norme de l'erreur manifeste et dominante pour justifier l'annulation de cette conclusion. Le paragraphe 18.15(4) de la Loi sur la cour canadienne de l'impôt,L.R.C. 1985, ch. T-2, précise que dans le cadre de la procédure informelle, la Cour « n'est pas liée par les règles de preuve lors de l'audition d'un appel » et que « ces appels sont entendus d'une manière informelle et le plus rapidement possible, dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent » . Bien que la preuve médicale déposée en l'espèce ait été plutôt limitée et imprécise, le juge de la Cour de l'impôt a précisément demandé à la contribuable si la cuve thermale l'aidait à marcher, ce à quoi celle-ci a répondu par l'affirmative. En raison du caractère informel de la procédure et vu l'application de la norme de contrôle invitant à la déférence, je ne vois aucun motif me permettant de modifier cette conclusion.

[7]                Recherchant naturellement une interprétation claire, l'avocat de la Couronne appelante a avancé, dans un excellent exposé détaillé, plusieurs arguments qui en définitive n'ont pas convaincu la Cour. La principale prétention de l'appelante était que la portée de cette disposition ne s'étendait qu'aux dispositifs [traduction] « fournissant un soutien physique direct pour aider un individu à marcher » , comme les cannes et les marchettes. En réponse à cet argument, le juge de la Cour de l'impôt a opiné, au paragraphe 11 de ses motifs, [traduction] « qu'il n'est sans doute pas possible de donner à l'expression "conçu à l'intention du particulier à mobilité réduite pour l'aider à marcher" une portée limitée aux dispositifs mécaniques d'assistance externe qui, tout en facilitant la marche, n'aideraient pas à soulager la maladie interne » . Je ne peux être en désaccord avec lui.

[8]                Le libellé de cet article n'étaye pas la position adoptée par la Couronne. L'alinéa 5700i) du Règlement comprend notamment les termes « conçu [...] pour l'aider » , et non pas [traduction]

« conçu exclusivement » pour l'aider. Par contre, l'adverbe « exclusivement » est employé dans plusieurs autres dispositions du même Règlement pour limiter leur portée strictement aux dispositifs déductibles. (Voir les alinéas c), m), n), o), t) et u).) Comme l'adverbe « exclusivement » n'apparaît pas dans la disposition en litige, on ne peut à bon droit conclure que la cuve thermale aurait dû être conçue « exclusivement » pour aider le particulier à marcher. Il suffit que l'une de ses finalités ait été d'aider le particulier à marcher, ce que le juge de la Cour de l'impôt a estimé être le cas. L'avocat de la Couronne a fait un vaillant effort pour convaincre la Cour d'incorporer l'adverbe « exclusivement » à l'alinéa 5700i) du Règlement, mais il appartient au Parlement et non pas à la Cour de le faire. D'ailleurs, on a fait valoir que le ministère du Revenu se proposait d'ajouter l'adverbe « exclusivement » au libellé de cette disposition afin d'en « clarifier » la portée. (Voir Stikeman, Income Tax Act Annotated (2005), à la p. 985.) L'argument de la Couronne aura beaucoup plus de poids lorsque cette modification entrera en vigueur, le cas échéant, mais à l'heure actuelle je n'en suis pas convaincu.

[9]                Le renvoi à la décision de la Cour dans Gibson c. La Reine, [2002] 1 C.T.C. 147, 2001 CAF 356 (l'arrêt Gibson), une autre affaire portant sur l'admissibilité d'une cuve thermale, ne fait pas obstacle à la conclusion de la Cour en l'espèce. L'avocat de la Couronne a reconnu dans son mémoire des faits et du droit que le commentaire formulé au premier paragraphe de l'arrêt Gibson - selon lequel « le coût de la cuve thermale n'était pas admissible à titre de frais médicaux » - n'était qu'une remarque incidente parce que cette dépense n'était pas en cause en appel. Cette remarque incidence ne saurait donc lier la Cour.

[10]            Par conséquent, l'appel sera rejeté.

« A.M. Linden »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

            Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris aux présents motifs

            J.D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-521-04

INTITULÉ :                                        SA MAJESTÉ LA REINE c. KAREN J. KLYWAK

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 20 octobre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le juge Linden

Y ONT SOUSCRIT :                        Les juges Rothstein et Pelletier

DATE DES MOTIFS :                       Le 28 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Perry Derksen                                                              POUR L'APPELANTE

Paul K. Grower                                                             POUR L'INTIMÉE

Dean G. Giles

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.                                                          POUR L'APPELANTE

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice, Toronto

Fillmore Riley LLP                                                         POUR L'INTIMÉE

Winnipeg (Manitoba)


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.