Date : 20060612
ENTRE :
et
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 7 juin 2006.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 12 juin 2006.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE NOËL
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EVANS
LE JUGE PELLETIER
Date : 20060612
Dossier : A-381-05
Référence : 2006 CAF 216
CORAM : LE JUGE NOËL
LE JUGE EVANS
LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
RAY HAUSER
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il s’agit d’un appel d’un jugement du juge Rip de la Cour canadienne de l’impôt (2005 CCI 492) qui rejetait les appels de M. Hauser (l’appelant) contre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi), pour les années d’imposition 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001.
[2] Ces cotisations prélèvent un impôt à l’encontre de l’appelant en tant que résident canadien pour la période en cause. L’appelant soutient qu’il résidait aux Bahamas.
Les faits pertinents
[3] Les faits ont été entièrement exposés dans la décision faisant l’objet du présent appel. Le bref résumé qui suit souligne certains des points principaux.
[4] L’appelant était un pilote d’Air Canada en poste à Toronto. De 1992 à 1995, il a travaillé en Floride comme instructeur de vol pour Air Canada. Avant de prendre ce poste, il a vendu sa maison à Cambridge (Ontario) et sa famille a déménagé avec lui en Floride. Après avoir divorcé en 1996, il est revenu au Canada et a loué un appartement à Cambridge. En mai 1997, après avoir obtenu un permis de résidence des autorités de l’immigration des Bahamas, l’appelant a avisé son propriétaire qu’il quitterait son appartement à la fin juillet 1997.
[5] Le 17 avril 1997, il s’est remarié. Selon son épouse, il avait été entendu que le couple habiterait aux Bahamas. Par conséquent, elle a quitté son emploi au sein du ministère de l’Environnement de l’Ontario. En juin 1997, le couple a signé un bail avec option d’achat pour une maison en rangée meublée. Vers le 29 juillet 1997, le couple a déménagé aux Bahamas.
[6] Avant de quitter le pays, l’appelant a écrit aux autorités du Régime d’assurance-maladie de l’Ontario (RAMO) pour les aviser qu’il déménageait hors du pays et qu’il voulait faire annuler sa protection. Il a aussi expédié ses objets ménagers, sa voiture et son bateau aux Bahamas. Bien qu’il ait ouvert un compte en banque aux Bahamas, le couple a gardé un compte conjoint à Cambridge, enregistré à l’adresse de la belle-mère de l’appelant, où le salaire de l’appelant était déposé et servait à payer des dépenses personnelles. Pendant ces années, le couple a passé les vacances de Noël au Canada; la femme de l’appelant a passé la majeure partie de la saison des ouragans au Canada.
[7] Pendant toute la période en cause, l’appelant a continué son emploi de pilote au sein d’Air Canada. Il possédait un permis de Transports Canada et faisait partie d’une section canadienne d’un syndicat international de pilotes. Son lieu d’affectation était l’aéroport international Pearson à Toronto (Pearson). Air Canada exigeait que l’appelant se trouve à Toronto 24 heures avant qu’il ait à piloter. Air Canada exigeait aussi qu’il se trouve à moins de deux heures de Pearson lorsqu’il était de garde.
[8] Lorsqu’il était de garde, l’appelant demeurait habituellement dans une chambre chez sa belle-mère où il gardait des vêtements « saisonniers », ainsi qu’un uniforme d’Air Canada. Parfois, cependant, l’appelant restait chez sa mère et son père ou chez des amis à Cambridge. Lorsqu’il se trouvait à Cambridge, il était souvent accompagné de sa femme.
[9] Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu (motifs, paragraphe 44) que l’appelant se trouvait de fait au Canada chaque année pendant le nombre de jours suivant :
Année 1997 (après le 29 juillet) 1998 1999 2000 2001 |
Jours 99 215 113 184 142
|
La décision faisant l’objet de l’appel
[10] Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a noté au début de ses motifs que la Couronne reconnaissait que l’appelant s’était établi aux Bahamas en août 1997. Cependant, le juge a conclu que l’appelant n’avait pas pour autant cessé de résider au Canada. D’après le juge de la Cour canadienne de l’impôt, l’appelant avait gardé des liens importants avec le Canada qui soutenaient la conclusion selon laquelle il avait continué à résider au Canada pendant chacune des années d’imposition en cause.
Les erreurs alléguées
[11] L’appelant soutient que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur de principe en n’effectuant pas une analyse comparative des liens qu’il avait avec le Canada et de ceux qu’il avait avec les Bahamas. D’après l’appelant, une telle analyse, si elle avait été effectuée de façon qualitative, aurait mené à la conclusion qu’il a des liens considérablement plus importants avec les Bahamas et que ce pays, et non le Canada, est son pays de résidence.
[12] À ce sujet, l’appelant note qu’il a assigné un certain nombre de témoins à l’audience qui ont tous témoigné qu’il avait des liens importants avec les Bahamas. L’appelant note que le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas mentionné ces témoignages dans ses motifs. Par conséquent, il allègue que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a omis de tenir compte de preuves substantielles.
[13] L’appelant allègue aussi que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en effectuant une analyse trop générale centrée sur l’ensemble des années en cause. D’après l’appelant, le juge devait examiner chaque année et déterminer si la preuve appuyait les cotisations respectives pour chacune de ces années.
Analyse et décision
[14] À mon humble avis, l’appel ne peut pas être accueilli. Il est depuis longtemps établi qu’une personne peut résider à plus d’un endroit à la fois (Thomson c. M.R.N., [1946] R.C.S. 209, à la page 213, le juge Kerwin). En l’espèce, le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’avait pas à déterminer seulement quel était le pays avec lequel l’appelant avait le plus de liens, comme l’appelant le laisse entendre. En fait, comme la Couronne le soutient, le juge devait plutôt déterminer si l’appelant, malgré le fait qu’il se soit établi aux Bahamas, avait continué à résider au Canada.
[15] Tel est le contexte dans lequel le juge de la Cour canadienne de l’impôt a examiné l’argument de l’appelant selon lequel il avait cessé de résider au Canada en 1997 lorsqu’il s’est établi aux Bahamas. Le juge a cité (motifs, paragraphe 56) les commentaires du juge Rand dans l’affaire Thomson, précitée, à la page 225, dans lequel il expliquait que la résidence d’une personne n’était pas nécessairement :
[TRADUCTION]
[…] une maison, ni un endroit particulier où elle demeure ni même un abri. Elle peut dormir en plein air. Ce qui importe seul, c’est de déterminer dans l’espace les limites dans lesquelles elle passe sa vie ou auxquelles se rattache le mode de vie ordonné ou coutumier. La meilleure façon d’apprécier la résidence ordinaire est d’en examiner l’antithèse, la résidence occasionnelle ou temporaire ou extraordinaire. Cette dernière semble nettement être non pas seulement temporaire et exceptionnelle quant à ses circonstances, mais s’accompagne également d’une notion de provisoire et de retour.
[16] Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a appliqué les principes exposés par le juge Rand et a conclu (au paragraphe 58) :
Le Canada était l’aimant qui attirait les Hauser. Même après l’installation de leur résidence aux Bahamas, Monsieur et Madame Hauser, plus particulièrement M. Hauser, continuaient d’être présents au Canada. M. Hauser passait plus [du] tiers de l’année au Canada, au cours de chaque année en cause. Air Canada exigeait [de] M. Hauser d’être au Canada pour [piloter des] avions; il devait se présenter au travail à l’aéroport Pearson et dans d’autres aéroports du Canada. La plupart [de] ses vols commençaient et se terminaient à l’aéroport Pearson. Sa formation s’est déroulée en grande partie à l’aéroport Pearson. L’aéroport Pearson faisait partie de la routine de sa vie. La présence de M. Hauser au Canada au cours des années en [cause] n’était pas de circonstance, occasionnelle, de passage, intermittente ou transitoire. Il se trouvait au Canada principalement parce qu’il était obligé de s’y trouver, pour gagner sa vie.
Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a ajouté que l’appelant était toujours un résident du Canada parce qu’il ne s’était jamais détaché du Canada (motifs, paragraphe 61).
[17] Je ne relève aucune erreur dans l’approche utilisée par le juge de la Cour canadienne de l’impôt pour tirer cette conclusion.
[18] Malgré le fait qu’il est devenu un résident des Bahamas, l’appelant a gardé des liens importants avec le Canada et a continué à y être présent pendant de longues périodes à chaque année (voir le paragraphe 9 des présents motifs). La question de savoir dans quel ou quels lieux une personne réside au cours d’une année est une question de fait (Beamant c. M.R.N., 52 D.T.C. 1183, à la page 1186). En l’espèce, la conclusion du juge de la Cour canadienne de l’impôt se fonde sur la preuve et n’est entachée d’aucune erreur manifeste ou dominante.
[19] De plus, il n’y a aucun fondement à l’allégation de l’appelant selon laquelle le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas tenu compte des témoignages de témoins pour son compte. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a expliqué dans ses motifs qu’il a bien tenu compte de leurs témoignages, mais qu’il n’était pas nécessaire d’exposer les éléments de preuve tirés de ces témoignages parce que leur but était d’établir que l’appelant résidait aux Bahamas, un fait que la Couronne avait reconnu (motifs, paragraphe 2). L’avocat de l’appelant a ajouté qu’aucun des témoignages ne contredisait les conclusions de fait du juge de la Cour canadienne de l’impôt.
[20] Finalement, il n’a pas été démontré que le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas traité de la question de la résidence par rapport à chacune des années en cause. En effet, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a explicitement dit dans ses motifs qu’il s’agissait de déterminer si l’appelant était un résident du Canada « au cours [d’]une ou de plusieurs des années » en cause (motifs, paragraphe 52).
[21] Dans un cas comme en l’espèce, où le mode de vie de l’appelant est au centre du débat, une bonne partie de la preuve s’applique à n’importe quelle des années en cause. Ce fait entraîne donc une analyse d’ensemble. Cependant, il ressort clairement des motifs que le juge de la Cour canadienne de l’impôt était conscient de son obligation d’évaluer la situation de l’appelant pour chacune des années en cause.
[22] Je rejetterais l’appel avec dépens.
« Je souscris aux présents motifs
John M. Evans, juge »
« Je souscris aux présents motifs
J.D.Denis Pelletier, juge »
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-381-05
INTITULÉ : Ray Hauser c. Sa majesté la Reine
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 juin 2006
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE NOËL
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EVANS
DATE DES MOTIFS : Le 12 juin 2006
.
COMPARUTIONS :
Michael Eng
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POUR L’APPELANT |
Ernest Wheeler |
POUR L’INTIMÉE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ottawa (Ontario) |
POUR L’APPELANT
|
Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
POUR L’INTIMÉE
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