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     Date : 19980416

     A-787-96

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 16 AVRIL 1998.

CORAM :      LE JUGE STONE
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE McDONALD
     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage         
     ET une demande de prestations présentée par Annalee Estabrooks,         
     ET un appel interjeté devant un juge-arbitre par Annalee Estabrooks d'une décision rendue par le Conseil arbitral le 8 novembre 1993.         

ENTRE :

     ANNALEE ESTABROOKS,

     Requérante,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Intimé.

     JUGEMENT

La demande fondée sur l'article 28 est rejetée.

     " A.J. STONE "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme :

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19980416

     A-787-96

CORAM :      LE JUGE STONE
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE McDONALD
     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage         
     ET une demande de prestations présentée par Annalee Estabrooks,         
     ET un appel interjeté devant un juge-arbitre par Annalee Estabrooks d'une décision rendue par le Conseil arbitral le 8 novembre 1993.         

ENTRE :

     ANNALEE ESTABROOKS,

     Requérante,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Intimé.

ET :

     A-299-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur l'assurance-chômage, 1970-71-72, ch. 48, art. 1, ses modifications et ses règlements d'application,         
     ET une décision rendue par le juge-arbitre concernant la demande présentée par Sean McIvor.         

ENTRE :

     SEAN MCIVOR,

     Requérant,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Intimé.

ET :

     A-302-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage,         
     ET une demande de prestations présentée par Kevin St. Aubin,         
     ET un appel interjeté devant un juge-arbitre par Kevin St. Aubin de la décision rendue par le Conseil arbitral le 26 octobre 1994.         

ENTRE :

     KEVIN ST. AUBIN,

     Requérant,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Requérant.

Audience tenue à Toronto (Ontario), le lundi 16 mars 1998

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le jeudi 16 avril 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      LE JUGE STONE

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE LÉTOURNEAU

     LE JUGE McDONALD

     Date : 19980416

     A-787-96

CORAM :      LE JUGE STONE
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE McDONALD
     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage         
     ET une demande de prestations présentée par Annalee Estabrooks,         
     ET un appel interjeté devant un juge-arbitre par Annalee Estabrooks d'une décision rendue par le Conseil arbitral le 8 novembre 1993.         

ENTRE :

     ANNALEE ESTABROOKS,

     Requérante,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Intimé.

ET :

     A-299-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur l'assurance-chômage, 1970-71-72, ch. 48, art. 1, ses modifications et ses règlements d'application.         
     ET une décision rendue par le juge-arbitre concernant la demande présentée par Sean McIvor.         

ENTRE :

     SEAN MCIVOR,

     Requérant,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Intimé.

ET :

     A-302-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage,         
     ET une demande de prestations présentée par Kevin St. Aubin,         
     ET un appel interjeté devant un juge-arbitre par Kevin St. Aubin d'une décision rendue par le Conseil arbitral le 26 octobre 1994.         

ENTRE :

     KEVIN ST. AUBIN,

     Requérant,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Intimé.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STONE :

[1]      Les trois demandes de contrôle judiciaire soulèvent une question commune, celle de savoir si le juge-arbitre a eu raison de décider dans chaque cas que le requérant en cause était exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi à temps partiel sans justification, encourant ainsi l'exclusion prévue à l'article 28 de la Loi sur l'assurance-chômage, (L.R.C. 1985), ch. U-1 (la Loi) et par l'article 59.1 du Règlement sur l'assurance-chômage, C.R.C. 1978, ch. 1576, modifié par DORS/93-178, art. 4 (le Règlement).

[2]      Je commencerai par résumer les faits en cause dans chacun des dossiers.

[3]      Madame Estabrooks a travaillé à temps plein en qualité de secrétaire administrative à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, pour l'entreprise Job Oriented Training Inc., jusqu'en septembre 1992. Ce mois-là, elle a perdu son emploi. Elle a donc demandé et commencé à recevoir des prestations d'assurance-chômage. En février 1993, pendant qu'elle recevait toujours des prestations d'assurance-chômage, Mme Estabrooks a accepté un emploi à temps partiel en qualité de caissière pour BMA Enterprises-Imperial Oil. Le 8 août 1993, elle a quitté cet emploi à temps partiel et elle a déménagé en Ontario afin d'y trouver du travail et de fréquenter l'université. Le 23 septembre 1993, la Commission a informé Mme Estabrooks qu'à partir du 8 août 1993, elle était exclue du bénéfice des prestations d'assurance-chômage par application des articles 28 et 30.1 de la Loi et du paragraphe 59.1(1) du Règlement, parce qu'elle avait quitté volontairement son emploi à temps partiel sans justification, de sorte qu'elle avait reçu un paiement excédentaire de 656 $. Les appels qu'elle a interjetés d'abord devant le Conseil arbitral, puis devant un juge-arbitre, ont échoué.

[4]      Monsieur McIvor a travaillé à temps plein pour l'Université d'Ottawa. Il occupait simultanément un emploi à temps partiel en qualité de cuisiner au Main Street Roadhouse. Le 31 décembre 1994, M. McIvor a perdu son emploi pour l'Université. Il a donc demandé et commencé à recevoir des prestations d'assurance-chômage. Le 25 février 1995, pendant qu'il recevait toujours des prestations, il a quitté son emploi à temps partiel au Main Street Roadhouse. Le 1er septembre 1995, la Commission a informé M. McIvor qu'il était exclu du bénéfice des prestations par application des articles 28 et 30.1 de la Loi et du paragraphe 59.1(1) du Règlement, parce qu'il avait quitté volontairement son emploi à temps partiel sans justification. En conséquence, il avait reçu des paiements excédentaires de 3 468 $. Les appels qu'il a interjetés devant un Conseil arbitral et devant un juge-arbitre n'ont pas été accueillis.

[5]      Monsieur St. Aubin a travaillé à temps plein en qualité de chef de succursale pour la Newman Oil Company à Kingston, en Ontario, jusqu'au 14 juillet 1993. Ce jour-là, il a perdu son emploi. Il a demandé des prestations d'assurance-chômage et en a reçu à partir du 18 juillet 1993. Monsieur St. Aubin a par la suite fait une demande d'admission à un cours de l'Ontario Business College qui débutait seulement le 10 novembre 1993. À la mi-août 1993, il a accepté un poste à temps partiel en qualité de serveur au Moroni Restaurant and Tavern à Gananoque, en Ontario, puis il a quitté cet emploi le 4 septembre 1993. Monsieur St. Aubin a omis de déclarer son emploi à temps partiel à la Commission. Le 26 septembre 1994, la Commission a informé M. St. Aubin qu'il était exclu du bénéfice des prestations depuis le 4 septembre 1993, par application des articles 38 et 30.1 de la Loi et du paragraphe 59.1(1) du Règlement, parce qu'il avait quitté volontairement son emploi à temps partiel sans justification. Selon la Commission, M. St. Aubin avait reçu des paiements excédentaires de 17 034 $. Les appels qu'il a interjetés devant le Conseil arbitral, puis devant un juge-arbitre, ont été rejetés.

[6]      Lorsque les juges-arbitres ont rejeté les appels de Mme Estabrooks et de M. McIvor, ils s'estimaient liés par la décision de la Cour dans l'affaire Canada c. Locke, [1996] 3 C.F. 171. Le rejet de l'appel de M. St. Aubin devant le juge-arbitre est compatible avec le résultat de cette cause. Le juge-arbitre s'est dit d'avis que M. St. Aubin avait peut-être un bon motif de quitter son emploi, soit son retour aux études, mais qu'il ne s'agissait pas d'une " justification " au sens de l'article 28 de la Loi .

[7]      Aucun des requérants ne conteste les conclusions des juges-arbitres portant qu'ils ont quitté volontairement leur emploi à temps partiel sans justification. Comme l'a affirmé la Cour dans l'affaire Tanguay et autres c. Commission de l'assurance-chômage et autres (1985), 68 N.R. 154, à la page 156, le mot " justification " dans l'article 28 n'est pas synonyme de " raison " ou " motif ". Il doit plutôt être interprété " en ayant égard à l'obligation qui pèse normalement sur tout assuré de ne pas provoquer délibérément la réalisation du risque " de chômage. Le juge Pratte a souligné, au nom de la Cour d'appel, à la page 156, qu'un employé

     qui a volontairement quitté son emploi et n'en a pas trouvé un autre s'est placé délibérément dans une situation lui permettant de forcer des tiers à lui payer des prestations d'assurance-chômage. Il n'est justifié d'avoir agi ainsi que s'il existait, au moment où il a quitté, des circonstances qui l'excusent d'avoir ainsi pris le risque de faire supporter par d'autres le fardeau de son chômage.         

[8]      Les requérants soutiennent tous que leur demande est régie par la jurisprudence de la Cour antérieure à la décision Locke, précitée, et que, selon cette jurisprudence, ils ne doivent pas être privés du droit à des prestations à moins qu'il existe un lien causal entre l'événement donnant lieu à l'exclusion et l'emploi à l'origine de leur demande de prestations. C'est le raisonnement adopté par la Cour, par exemple, dans Canada (Procureur général) c. McLaughlin, [1995] 1 C.F. 134. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour a tenu compte du libellé du paragraphe 30(1) de la Loi alors en vigueur. Cette disposition prévoyait que le prestataire exclu par application des articles 27 ou 28 l'était " pour un nombre de semaines qui suivent le délai de 40 et pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations ". Il faut toutefois souligner que la décision McLaughlin , précitée, a été rendue avant le 4 avril 1993.

[9]      La Cour est parvenue à un résultat similaire dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Jenkins (1995), 182 N.R. 388, qui a également été tranchée avant le 4 avril 1993.

[10]      Comme je l'ai déjà souligné, la Loi et le Règlement ont été modifiés le 4 avril 1993. Il est utile de reproduire ici le texte des paragraphes 28(1) et (3) de la Loi, ainsi que les modifications pertinentes effectuées en 1993 et qui se trouvent aux paragraphes 30.1(1) et (2) de la Loi, ainsi qu'aux paragraphes 59.1(1) et (2) du Règlement. Voici ces dispositions :

     28.      (1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations versées en vertu de la présente partie s'il perd son emploi en raison de sa propre inconduite ou s'il quitte volontairement son emploi sans justification.         
     ...         
     (3)      Au présent article, " emploi " désigne le dernier emploi que le prestataire a exercé avant de formuler sa demande de prestations, sauf prescription contraire des Règlements .         
     30.1      (1) Lorsqu'un prestataire est exclu du bénéfice des prestations en vertu de l'article 28, il l'est pour toutes les semaines de sa période de prestations qui suivent le délai de carence et pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations.         
         (2) Dans les cas où l'événement à l'origine de l'exclusion visée au paragraphe (1) survient au cours de sa période de prestations, l'exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celles où survient l'événement.         
     59.1      (1) Sous réserve du paragraphe (2), pour l'application de l'article 28 de la Loi, "emploi" s'entend du dernier emploi que le prestataire a perdu en raison de sa propre inconduite ou qu'il a quitté volontairement sans justification depuis le début de la période de référence.         
         (2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas lorsque le prestataire a, depuis qu'il a perdu ou quitté l'emploi visé au paragraphe (1), exercé un emploi assurable :         
         a) soit pendant le nombre de semaines exigé à l'alinéa 6(2)a) de la Loi;         
         b) soit pendant 20 semaines, lorsque le prestataire est une personne qui devient ou redevient membre de la population active au sens du paragraphe 6(4) de la Loi.         
         (3) Les paragraphes (1) et (2) s'appliquent à l'égard d'un prestataire qui perd ou quitte son emploi le 4 avril 1993 ou après cette date.         

[11]      Mise à part la décision Locke, précitée, la Cour a rendu deux autres décisions dans lesquelles elle a interprété l'article 28 de la Loi et l'article 59.1 du Règlement depuis l'entrée en vigueur des modifications de 1993. La première est la décision Canada (Procureur général) c. Larocque (1996), 195 N.R. 316 (C.A.F.), dans laquelle la Cour a statué qu'une prestataire n'était pas exclue du bénéfice des prestations après avoir perdu son emploi à temps plein en raison d'une mise à pied, bien qu'elle ait auparavant quitté volontairement et sans justification un emploi qu'elle occupait simultanément à temps partiel. La deuxième est la décision Canada (Procureur général) c. Droege (1996), 197 N.R. 296 (C.A.F.). Le prestataire dans cette cause a perdu son emploi à temps plein en août 1993 pour avoir manqué ses quarts de travail. Plus tard, au cours du même mois, il a commencé à travailler à temps partiel pour un autre employeur qui l'a mis à pied en décembre 1993. Il a soutenu que les semaines d'emploi assurable qu'il avait accumulées pendant qu'il occupait un emploi à temps plein pouvaient s'ajouter aux semaines accumulées pendant qu'il occupait un emploi à temps partiel pour lui donner droit à des prestations par application du paragraphe 59.1(2) du Règlement. La Cour a rejeté cet argument au motif qu'il avait perdu son emploi à temps plein en raison de sa propre inconduite et que les semaines d'emploi assurable accumulées au cours de cet emploi ne pouvaient s'ajouter aux semaines d'emploi assurable accumulées au cours de son emploi à temps partiel pour lui donner droit à des prestations en vertu du paragraphe 59.1(2) du Règlement. Selon moi, la décision Droege, précitée, n'est d'aucun secours pour trancher les présentes demandes.

[12]      Les requérants en l'espèce soutiennent que la décision Locke, précitée est incompatible avec les décisions McLaughlin, Jenkins et Larocque, précitées. Comme je l'ai souligné, les décisions McLaughlin et Jenkins s'appuyaient toutefois sur les dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement qui s'appliquaient avant l'entrée en vigueur des modifications de 1993, le 4 avril 1993. La décision Larocque est postérieure au 4 avril 1993. Toutefois, comme le fait valoir l'intimé en l'espèce, ce que dit la décision Larocque, c'est que seul l'emploi à temps plein pouvait être pris en compte parce que la prestataire a perdu cet emploi après l'emploi à temps partiel qu'elle occupait simultanément.

[13]      Par ailleurs, dans l'affaire Locke, précitée, la Cour a rendu sa décision en s'appuyant fortement sur le libellé de ces dispositions interprétées conjointement avec le paragraphe 59.1(1) du Règlement1. Voici comment peuvent être résumés les faits en cause dans l'affaire Locke. Le 5 novembre 1992, le prestataire a été privé de son emploi à temps plein en raison d'une pénurie de travail. Il a demandé et commencé à recevoir des prestations d'assurance-chômage. Pendant la semaine du 22 novembre 1992, le prestataire a commencé à occuper un emploi à temps partiel qu'il a déclaré à la Commission. Le 23 avril 1993, il a été congédié de son emploi à temps partiel pour avoir manqué un quart de travail sans en informer son superviseur. Il a continué à recevoir des prestations jusqu'en juin 1993. En janvier 1994, la Commission a informé le prestataire qu'il était exclu du bénéfice des prestations depuis le 23 avril 1993 parce qu'il avait perdu son emploi à temps partiel en raison de sa propre inconduite. Cette exclusion s'appuyait sur les articles 28 et 30.1 de la Loi ainsi que sur le paragraphe 59.1(1) du Règlement qui sont entrés en vigueur le 4 avril 1993. La décision de la Commission a été confirmée par le Conseil arbitral mais infirmée par le juge-arbitre. La Cour n'a pas approuvé le raisonnement du juge-arbitre et elle a rétabli la décision du Conseil arbitral.

[14]      Il me semble que les enseignements fondamentaux de l'arrêt Locke, précité, se trouvent dans les passages suivants de l'opinion exprimée par le juge Marceau au nom de la Cour. Voici ce qu'il dit à la page 176 :

         Ces dispositions ne permettaient pas de résoudre deux questions qui ont un certain lien avec les questions précitées. La première question est de savoir si l'emploi dont il faut tenir compte est celui à partir duquel la demande de prestations a été formulée ou tout autre emploi que le prestataire peut occuper simultanément. Jusqu'à récemment, l'opinion majoritaire semblait indiquer que le libellé du paragraphe 30(1), jumelé à une analyse utilitaire des dispositions relatives à l'exclusion, menait à la conclusion qu'un lien causal devait exister entre l'emploi perdu de façon inexcusable et susceptible d'entraîner l'exclusion et la demande de prestations à l'encontre de laquelle elle devait être opposée. Le courant majoritaire jugeait que, pour autant que le mauvais comportement des travailleurs sur le marché du travail soit une préoccupation légitime du régime d'assurance-chômage, il ne pouvait avoir d'effet que sur le paiement des prestations. Mais la décision majoritaire de la présente Cour dans R. c. Bronislawa Cymerman (nE de greffe A-415-95, en date du 28 mars 1996) ne semble pas approuver une telle conclusion.         
         La deuxième question qui n'a pas été complètement résolue par les dispositions législatives en vigueur avant 1993 est précisément celle dont la Cour est saisie. La perte de l'emploi envisagée par le législateur à l'article 28 doit-elle se produire avant l'approbation d'une demande de prestations formulée par le prestataire et l'établissement d'une période de prestations en sa faveur?         

À la page 177 :

         Avant 1993, donc, il était à toutes fins pratiques définitivement accepté que la perte d'emploi qui était pénalisée par une déclaration d'exclusion fondée sur l'article 28 de la Loi devait se produire avant la formulation d'une demande de prestations et l'établissement d'une période de prestations.         

Aux pages 179 et 180 :

         Le fait est, toutefois, que les nouvelles dispositions réglementaires n'ont pas été adoptées dans l'abstrait ni de façon isolée. En 1993, le Parlement a modifié la Loi elle-même et, parmi les nouvelles dispositions adoptées, il y avait le paragraphe 30.1(2) qui doit être lu de concert avec le paragraphe 30.1(1) :         
     ...         
     Il se peut que les rédacteurs des modifications de 1993 aient incorporé le paragraphe 30.1(2) en pensant à certains cas spéciaux, par exemple à une "demande de renouvellement" après une suspension de la période de prestations déjà établie, mais les termes utilisés n'impliquent même pas une restriction. Une simple lecture suffit pour constater que la disposition rend obsolète la proposition, qui doit maintenant être rejetée, selon laquelle une analyse utilitaire de l'ensemble de la loi mène à la conclusion que, pour que l'article 28 trouve application, il doit y avoir un lien entre la perte non justifiée de l'emploi du prestataire et le paiement des prestations. Comme on l'a vu ci-dessus, le paragraphe 59.1(1) du Règlement a tiré entièrement profit de ce fait dans les cas où la perte d'emploi survient avant l'établissement de la période de prestations. Mais il est encore plus clairement et plus directement établi que la disposition appuie entièrement la prétention du procureur général selon laquelle, aux termes de l'article 59.1, la sanction pénale de l'article 28 est applicable après, aussi bien qu'avant, l'établissement de la période de prestations et que l'emploi perdu sans justification ait eu ou non un effet sur le paiement des prestations. Il n'est manifestement plus possible de prétendre que "les prestations continues déjà obtenues", pour reprendre l'expression du juge-arbitre, c'est-à-dire les prestations payables à un prestataire au cours d'une période de prestations continues établie en sa faveur, ne peuvent être touchées par la perte d'un emploi à temps partiel, aussi insignifiant soit-il.         

À la page 181 :

     Il ne fait aucun doute que le nouveau paragraphe 59.1(1) du Règlement, interprété de concert avec le paragraphe 30.1(2) de la Loi, nous oblige à accepter que la perte inexcusable d'un emploi par un prestataire, depuis le début de sa période de référence, entraîne l'application de l'article 28, c'est-à-dire son exclusion, qu'il s'agisse d'un emploi à temps partiel occupé simultanément avec un autre, ou que le prestataire ait perdu son emploi après l'établissement d'une période de prestations se fondant sur la perte d'un autre emploi régulier.         

[15]      Les requérants en l'espèce invoquent deux arguments additionnels. Premièrement, ils prétendent que l'effet de l'article 59.1 du Règlement, tel qu'il a été interprété dans l'arrêt Locke, précité, est de rendre inopérant l'article 27 de la Loi. Voici, en partie, le libellé de cet article :

     27.      (1)      Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations prévu par la présente partie si, sans motif valable, depuis l'arrêt de rémunération qui est à l'origine de sa demande, selon le cas :         
     ...         
         b)      il a négligé de profiter d'une occasion d'obtenir un emploi convenable; ...         

[16]      Cet argument porte qu'il suffit au prestataire qui reçoit des prestations d'avoir un " motif valable " pour négliger de profiter d'une occasion d'obtenir un emploi convenable, alors que, selon le paragraphe 28(1) de la Loi , une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans " justification ". Par exemple, M. St. Aubin qui est un ancien chef de succursale aurait probablement pu refuser un emploi à temps partiel pour le Moroni Restaurant and Tavern pour un " motif valable " parce qu'il ne s'agit pas d'un " emploi convenable " et il ne subirait pour ce motif aucune perte de prestations. Or, il a plutôt été exclu du bénéfice des prestations parce qu'il a accepté ce poste à temps partiel et qu'il l'a volontairement quitté sans " justification ".

[17]      Une prétention semblable semble avoir été formulée dans l'affaire Locke, précitée, mais le juge Marceau, à la page 180, a considéré qu'elle n'était pas " fondée " parce que " l'article 27 exige une condition de base, savoir que l'emploi refusé était ' convenable ' ". Je partage son opinion. J'ajouterais que les articles 27 et 28 visent tous les deux à décourager les prestataires, pour paraphraser le juge Pratte dans l'affaire Tanguay précitée, de " provoquer délibérément la réalisation du risque " de chômage. L'article 27 vise à encourager les prestataires à accepter un emploi convenable pendant la période de prestations, tandis que l'article 28, combiné à l'article 30(1) de la Loi et au paragraphe 59.1(1) du Règlement, vise à encourager les prestataires à conserver leur emploi à moins d'avoir une justification pour le quitter.

[18]      Le deuxième argument porte que la conclusion tirée par la Cour dans l'arrêt Locke, précité, selon laquelle l'article 30.1 de la Loi appuie son interprétation de l'article 59.1 du Règlement revient à " mettre la charrue devant les boeufs ", parce que c'est uniquement lorsque l'exclusion est imposée à juste titre dès le départ en vertu de l'article 28 que la durée et le moment de l'exclusion prévue par l'article 30.1 peuvent être pris en compte. Les requérants soutiennent qu'il doit plutôt être établi que l'article 59.1 crée le pouvoir d'imposer une exclusion pendant une période de prestations en vertu du paragraphe 28(3) avant que le paragraphe 30.1(2) de la Loi entre en jeu. L'article 59.1 renvoie uniquement à l'emploi perdu pendant la période de référence. En conséquence, l'article 28 de la Loi doit être interprété comme s'appliquant à la perte de l'emploi qui a conféré au prestataire le droit de recevoir des prestations au départ -- en d'autres termes, à la demande initiale de prestations du prestataire. Les requérants soutiennent qu'une fois que le prestataire a fait une première demande de prestations et qu'il a été reconnu admissible à des prestations, il ne peut plus être exclu parce que l'article 28 a déjà joué le rôle qui lui a été attribué.

[19]      Cet argument n'a pas réussi à me persuader que l'analyse de l'article 28 effectuée dans l'arrêt Locke, précité, est erronée. Premièrement, je ne suis pas d'avis que le paragraphe 59.1(1) du Règlement, interprété seul, touche uniquement l'emploi perdu pendant la période de référence. Cette disposition mentionne plutôt le " dernier emploi que le prestataire a perdu [...] depuis le début de la période de référence " [non souligné dans l'original]. Comme l'a souligné le juge Marceau dans l'affaire Locke , à la page 181, lorsque le paragraphe 59.1(1) est examiné conjointement avec le paragraphe 30.1(2) de la Loi, il devient clair que l'exclusion prévue par l'article 28 ne se limite pas à l'emploi qui est perdu sans justification pendant une période de référence, mais qu'elle peut frapper pendant une période de prestations du prestataire. Je partage en outre l'opinion exprimée par le juge Marceau à la page 180, selon lequel il est clair que le libellé du paragraphe 30.1(2) de la Loi " rend obsolète " la proposition selon laquelle il doit exister un lien causal entre l'exclusion prévue par l'article 28 et la demande de prestations à l'égard de laquelle elle est imposée.

[20]      Le principe voulant qu'un prestataire soit exclu du bénéfice des prestations découlant de la perte d'un emploi à temps plein, parce qu'il a par la suite perdu un emploi à temps partiel en raison de son inconduite ou parce qu'il l'a quitté volontairement sans justification, a été sévèrement critiqué par des juges et des juges-arbitres. Dans l'arrêt Jenkins, précité, à la page 389, le juge Robertson a cité son propre jugement dans Canada (Procureur général) c. Sears, [1995] 1 C.F. 393, et déclaré que selon lui " la Loi ne vise pas à décourager les prestataires de chercher un emploi à temps partiel " et qu'agir ainsi, pour paraphraser le juge Hugessen dans Canada (Procureur général) c. Fortin (1989), 109 N.R. 385 (C.A.F.), à la page 395, " semble ne favoriser que l'oisiveté ". La même opinion générale a été exprimée par le juge McDonald dans l'affaire Larocque , précitée, à la page 318, lorsqu'il a déclaré que le prestataire en cause " ne doit pas être pénalisé parce qu'il est un bon travailleur ". Dans l'arrêt Locke , précité, le juge Marceau n'acceptait manifestement pas aisément le résultat que semblaient commander les modifications de 1993. À la page 181, il a déclaré :

     L'exclusion en l'espèce frappe sans condition. Son effet, il me semble, est de favoriser un système dans lequel l'inactivité totale est la meilleure solution que le prestataire puisse adopter pendant qu'il touche des prestations. À moins qu'un emploi réputé " convenable " aux termes de la Loi lui soit proposé, le prestataire le mieux avisé est celui qui n'accepte aucun emploi pendant qu'il touche des prestations. Cela ne fait qu'encourager les chômeurs à ne pas accepter d'emploi à temps partiel.         

[21]      Le juge-arbitre dans l'un des dossiers dont la Cour est saisie, le dossier McIvor, a formulé une critique semblable en déclarant, aux pages 5 et 6 de ses motifs :

     [Traduction] J'ai gardé cette décision en délibéré pendant un certain temps, en espérant qu'il puisse exister une façon de la distinguer de la décision Locke. Tout comme le juge Marceau, je suis déconcertée par les conséquences de ces dispositions législatives. Je ne puis croire que, si le Parlement avait bien réfléchi à la question, il aurait approuvé les résultats qui en découlent.         

[22]      L'avocat de l'intimé a reconnu dans sa plaidoirie orale que le résultat obtenu dans l'affaire Locke, précitée, semble effectivement sévère, mais que le nouveau libellé de la Loi adoptée en 1993 l'exige. La personne qui n'accepte pas d'emploi à temps partiel après avoir été licenciée de son emploi à temps plein aura habituellement droit aux prestations prévues par le régime d'assurance auquel elle a versé les cotisations exigées par la Loi. Par contre, la personne licenciée qui trouve un emploi à temps partiel et le quitte sans justification est exclue du bénéfice des prestations à partir de la date de la cessation de son emploi à temps partiel.

[23]      Malgré la sévérité de ce résultat et les critiques formulées contre l'article 30.1 de la Loi, j'estime que le jugement rendu dans l'affaire Locke, précitée, est bien fondé et que tous les dossiers dont la Cour est saisie sont régis par cet arrêt. Bien que je sois tout à fait d'accord pour dire que l'article 30.1 semble mal rédigé et en totale contradiction avec les buts sous-jacents de la Loi et que le résultat auquel il mène dans les présentes instances est extrêmement malheureux, je suis d'avis que l'interprétation de l'article 28 proposée dans Locke est " inévitable " comme l'a soutenu le juge Marceau à la page 181. Le Parlement a, évidemment, la possibilité d'examiner la question et d'atténuer la sévérité des dispositions prévoyant l'exclusion s'il le juge approprié.

[24]      Chacune des demandes de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

     " A.J. STONE "

     J.C.A.

" Je souscris à ces motifs,

     Gilles Létourneau, J.C.A. "

" Je souscris à ces motifs,

     F.J. McDonald, J.C.A. "

Traduction certifiée conforme :

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     Date : 19980416

     Dossier : A-787-96

ENTRE :

Annalee Estabrooks

- et -

Le procureur général du Canada,

     Dossier : A-299-97

ENTRE :

Sean McIvor

- et -

Le procureur général du Canada,

     Dossier : A-302-97

ENTRE :

Ken St. Aubin

- et -

Le procureur général du Canada.

     MOTIFS DU JUGEMENT


     COUR D'APPEL FÉDÉRALE         
     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER         
NUMÉRO DU GREFFE :A-787-96         
INTITULÉ DE LA CAUSE :Annalee Estabrooks c. Le procureur général du Canada         
LIEU DE L'AUDITION :Toronto (Ontario)         
DATE DE L'AUDITION :Le 16 mars 1998         
MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE STONE         
Y ONT SOUSCRIT :Le juge Létourneau         
Le juge McDonald         
DATE DES MOTIFS :Le 16 avril 1998         
ONT COMPARU :         
Me Randy Schroeder      pour la requérante         
Me Laurie Joe         
Me André Chamberlainpour l'intimé         
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :         
Dundurn Community Legal Services         
Hamilton (Ontario)pour la requérante         
Me George Thomson         
Procureur général du Canada              pour l'intimé         

     Date : 19980416

     A-299-97

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 16 AVRIL 1998.

CORAM :      LE JUGE STONE
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE McDONALD

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur l'assurance-chômage, 1970-1-72, ch. 48, art. 1, ses modifications et ses règlements d'application.

ET une décision rendue par le juge-arbitre concernant la demande de Sean McIvor.

ENTRE :

     SEAN MCIVOR,

     Requérant,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Intimé.

     JUGEMENT

La demande fondée sur l'article 28 est rejetée.

     " A.J. STONE "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme :

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19980416

     A-302-97

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 16 AVRIL 1998.

CORAM :      LE JUGE STONE
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE McDONALD
     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage,
     ET une demande de prestations formulée par Kevin St. Aubin,
     ET un appel interjeté devant un juge-arbitre par Kevin St. Aubin d'une décision rendue par le Conseil arbitral le 26 octobre 1994

ENTRE :

     KEVIN ST. AUBIN,

     Requérant,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Intimé.

     JUGEMENT

La demande fondée sur l'article 28 est rejetée.

     " A.J. STONE "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme :

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     Date : 19980416

     Dossier : A-787-96

ENTRE :

Annalee Estabrooks

- et -

Le Procureur général du Canada

     Dossier A-299-97

ENTRE :

Sean McIvor

- et -

Le Procureur général du Canada

     Dossier A-302-97

ENTRE :

Ken St. Aubin

- et -

Le Procureur général du Canada

     MOTIFS DU JUGEMENT

__________________

     1      Il ressort clairement du dossier dans l'affaire Locke , que dans la plaidoirie qu'il a présentée devant la Cour, le requérant a soulevé expressément la question de l'application de l'article 30.1 de la Loi.

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