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Date : 19990226


Dossier : A-468-95

Coram :     

             LE JUGE DESJARDINS

             LE JUGE LÉTOURNEAU

             LE JUGE NOËL

Entre :

     LE GROUPE COMMERCE

     COMPAGNIE D'ASSURANCES

     Appelante

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE

     Intimée

Audience tenue à Montréal, Québec, le mercerdi 24 février et le vendredi 26 février 1999.

Jugement rendu à Montréal, Québec, le vendredi 26 février 1999.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR:      LE JUGE NOËL


Date : 19990226


Dossier : A-468-95

CORAM:      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL

Entre :


LE GROUPE COMMERCE COMPAGNIE D"ASSURANCES


Appelante


et

     SA MAJESTÉ LA REINE


Intimée


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]          L"appelante se pourvoit en appel d"une décision de la Cour canadienne de l"impôt rendue par le juge Dussault rejetant son appel à l"encontre de la cotisation émise par le Ministre du revenu national à l"égard de son année d"imposition 1988.

[2]          La seule question soulevée par cet appel est celle de savoir si le juge de première instance a eu raison de conclure que l"appelante n"était pas en droit de réclamer la réduction d"impôt prévue à l"alinéa 123(1)a) in fine de la Loi de l"impôt sur le revenu, 1970-71-72 S.C., c. 63 telle qu"amendée [ci-après la Loi].

[3]          Plus précisément, le juge de première instance a conclu que la réduction prescrite à cet alinéa est limitée aux seules corporations privées, dont le contrôle est canadien, qui participent au régime de l"impôt remboursable au titre de dividendes prévu à l"article 129.1 Il est acquis de part et d"autre que l"appelante est exclue de ce régime.2

[4]          L"appelante maintient que l"alinéa 123(1)a) ne reflète aucune telle restriction et que le juge de première instance a commis une erreur de droit en refusant d"assujettir ses revenus de placement au taux réduit d"imposition.

[5]          Les dispositions pertinentes de l"alinéa 123(1)a) de la Loi se lisent comme suit:

123(1) L"impôt payable par une corporation en vertu de la présente partie sur son revenu imposable ou sur son revenu imposable gagné au Canada, selon le cas (appelé dans le présent article le "montant imposable") pour l"année est, sauf disposition contraire, le total

[...]

"a) de l"excédent éventuel du total :

     [...]
     (ii) du produit de 45% du montant imposable de la corporation pour l"année par le rapport entre le nombre de jours de l"année postérieurs à juin 1987 et antérieurs à juillet 1988 et le nombre total de jours de l"année,
     (iii) du produit de 38% du montant imposable de la corporation pour l"année par le rapport entre le nombre de jours de l"année postérieurs à juin 1988 et le nombre total de jours de l"année,
     (iv) dans le cas d"une corporation qui est tout au long de l"année une corporation privée dont le contrôle est canadien, le produit de 1 % du moins élevé :
         (A) de l"excédent éventuel du montant imposable de la corporation pour l"année sur le total du moins élevé des montants déterminés aux alinéas 125(1)a) à c) en ce qui concerne la corporation pour l"année [...]
         (B) du montant déterminé à la division 129(3)a)(i)(B) en ce qui concerne la corporation pour l"année,
     par le rapport entre le nombre de jours de l"année postérieurs à juin 1987 et antérieurs à 1988 et le nombre total de jours de l"année,
     [...]

sur, dans le cas d"une corporation qui est tout au long de l"année une corporation privée dont le contrôle est canadien, le produit de 7 % du moins élevé des montants déterminés aux divisions (iv)(A) et (B)* en ce qui concerne la corporation pour l"année par le rapport entre le nombre de jours de l"année postérieurs à 1987 et antérieurs à juillet 1988 et le nombre total de jours de l"année;"

[...] [mon souligné]

123(1) The tax payable under this Part for a taxation year by a corporation upon its taxable income or taxable income earned in Canada as the case may be, (in this section referred to as its "amount taxable") for the year is, except where otherwise provided, the aggregate of

...

"(a) the amount, if any, by which the aggregare of

     ...   
     (ii) that proportion of 45% of its amount taxable for the year that the number of days in the year that are after June, 1987 and before July, 1988 is of the number of days in the year,
     (iii) that proportion of 38% of its amount taxable for the year that the number of days in the year that are after June, 1988 is of the number of days in the year,
     (iv) in the case of a corporation that was throughout the year a Canadian-controlled private corporation that proportion of 1% of the lesser of
         (A) the amount, if any, by which
             (I) its amount taxable for the year
             exceeds the aggregate of
             (II) the least of the amounts determined under paragraphs 125(1)(a) to (c) in respect of the corportion for the year,
             ...
         (B) the amount determined under clause 129(3)(a)(i)(B) in respect of the corporation for the year,
         that the number of days in the year that are after June, 1987 and before 1988 is of the number of days in the year, and
     ...
     exceeds
     (vi) in the case of a corporation that was throughout the year a Canadian-controlled private corporation, that proportion of 7% of the lesser of the amounts determined under clauses (iv) (A) and (B)* in respect of the corporation for the year that the number of days in the year that are after 1987 and before July, 1988 is of the number of days in the year, and"
     ... (emphasis added)
         * Il est admis qu"en l"espèce le montant de la division 123(1)a)(iv)(B) serait moins élevé que le montant de la division 123(1)a)(iv)(A). Motifs du jugement, Dossier d"appel, p. 22.     

[6]          On remarque, à la lecture du dernier paragraphe de cette disposition et en particulier du renvoi qu"il comporte, que la réduction d"impôt est conditionnelle à ce qu"un montant soit déterminé à la division 129(3)(i)(B) " en ce qui concerne la corporation pour l"année. "3 Or, seule une corporation qui participe au régime de l"impôt remboursable au titre de dividendes est susceptible de voir un montant ainsi déterminé à son égard. Il est donc inexact de prétendre, comme l"appelante le fait, que la réduction d"impôt prévue à l"alinéa 123(1)a) n"est pas par son libellé réservée aux corporations qui participent au régime prévu à l"article 129.

[7]          S"il devait subsister quelque doute à cet égard, il se dissipe lorsque l"on considère le contexte législatif dans lequel la réduction d"impôt prévue à l"alinéa 123(1)a) fut promulguée. Le juge de première instance a relaté ce contexte comme suit :

                 L'article 129 prévoit, en plus du remboursement de l'impôt payé sous la Partie IV, le remboursement d'une partie de l'impôt payé par une "corporation privée dont le contrôle est canadien" sur son revenu de placements, et ce, lors du versement de dividendes imposables à ses actionnaires.    Le revenu de placements comprend, entre autres, aux termes des paragraphes 129(3) et (4), la portion imposable des gains en capital réalisés et le revenu d'intérêt ou autre revenu de bien gagné par une "corporation privée dont le contrôle est canadien" au cours d'une année donnée.    Le compte d'"impôt en main, remboursable au titre de dividendes" défini au paragraphe 129(3), est, en principe, constitué d'un pourcentage donné de ce revenu de placements. Dans le cadre de la réforme fiscale de 1987, la réduction des taux d'imposition des particuliers et du crédit pour dividendes à compter du 1er janvier 1988 nécessitait des modifications à l'article 129.    La portion remboursable de l'impôt de la Partie I payée sur le revenu de placements et faisant partie du compte d'"impôt en main remboursable au titre de dividendes" devait être diminuée de 25% à 20%.    De plus, le solde de ce compte au 31 décembre 1987 devait être diminué du tiers alors que le niveau du remboursement lors du versement de dividendes était réduit à 1 $ pour chaque 4 $ au lieu de chaque 3 $ versé en dividendes.    Tous ces rajustements étaient nécessaires afin de maintenir l'intégration de l'impôt sur les corporations à l'impôt sur les particuliers et la neutralité, du moins théorique, du système.                 
                      Dans ce contexte, on comprend facilement que la réduction générale du taux de base de l'impôt des corporations de 45% à 38% à compter du 1er juillet 1988 aurait requis une nouvelle série de modifications.    Au lieu de procéder ainsi, on a préféré réduire directement le taux de base de 7% sur le revenu de placements faisant l'objet de l'impôt remboursable de l'article 129 de la Loi.    À mon avis, c'est de cette façon qu'il faut comprendre la réduction prescrite par l'alinéa 123(1)a) in fine pour la période du 1er janvier au 30 juin 1988.4                 
     [8]          Puisque par ailleurs, le revenu de placement assujetti à ce régime comprend aussi la portion imposable des gains en capital, la réduction du taux de 45 % à 38 % à compter du 1er janvier 1988 avait aussi comme conséquence celle d"atténuer l"effet de la hausse de la portion d"inclusion des gains en capital également en vigueur à compter de cette date.5 À cet égard, le commentaire du Ministre des finances émis lors de l"annonce de la modification se lit comme suit :     
                 De plus, le taux d'inclusion des gains en capital des SPCC passera de la moitié aux deux tiers au 1er janvier 1988. En conséquence, pour les sociétés de ce genre dont les exercices chevauchent le 1er janvier 1988, la fraction d'inclusion sera calculée au prorata de la moitié et des deux tiers, en fonction du nombre de jours de l'année d'imposition qui sont antérieurs et postérieurs à cette date.    Ainsi, l'abaissement du taux d'imposition des revenus de placement et la hausse de la fraction d'inclusion des gains en capital pour les SPCC entreront en vigueur en même temps.6                 
     [9]          C"est donc à bon droit que le juge de première instance a conclu que la réduction d"impôt prévue à l"alinéa 123(1)a) s"inscrit dans le cadre du mécanisme d"intégration prévu à la Loi à l"égard du revenu de placements. Or, l"appelante est exclue de ce mécanisme depuis près de 25 ans.7     
     [10]          De toute évidence, l"appelante a soit été laissée pour compte ou le législateur a tout simplement décidé de ne pas atténuer l"effet de l"augmentation de la portion imposable des gains en capital dans son cas. Quoiqu"il en soit et comme l"a conclu le juge Dussault, la solution à l"inéquité dont se réclame l"appelante ne saurait être de lui accorder une réduction qui ne lui était pas destinée.8     
     [11]          L"appel devrait donc être rejeté avec dépens contre l"appelante.     
     Marc Noël     
     j.c.a.     
     [12]COUR D'APPEL FÉDÉRALE     

NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NO. DU DOSSIER DE LA COUR:A-468-95


INTITULÉ DE LA CAUSE:LE GROUPE COMMERCE

COMPAGNIE D'ASSURANCES


Appelante


ET


SA MAJESTÉ LA REINE


Intimée


LIEU DE L'AUDITION:Montréal (Québec)


DATE DE L'AUDITION:le 24 février 1999


MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR (LES HONORABLES JUGES DESJARDINS, LÉTOURNEAU ET NOËL)


LUS À L'AUDIENCE PAR:le juge Noël


EN DATE DU:26 février 1999


ONT COMPARU:Me Pierre Martel

Me Maurice Régnier. c.r.pour l'appelante


Me Chantal Jacquierpour l'intimée


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


                 STIKEMAN, ELLIOTT

                 Montréal, Québec      pour l'appelante


                 Morris Rosenberg                     

                 Sous-procureur général du Canada

                 Montréal (Québec)      pour l'intimée

__________________

     1L"article 129 prévoit le remboursement d"une partie de l"impôt payé par une corportion privée dont le contrôle est canadien sur son revenu de placements et ce lors du versement de dividendes imposables à ses actionnaires.

     2L"article 141.1 prévoit :

Nonobstant toute autre disposition de la présente loi, une corporation d"assurance (à l"exclusion d"une corporation d"assurance vie) qui serait, sans le présent article, une corporation privée, est réputée ne pas être une corporation privée aux fins de l"article 129 [...] [mon soulignée] Notwithstanding any other provision of this Act, an insurance corporation (other than a life insurance corporation) that would, but for this section, be a private corporation shall be deemed not to be a private corporation for the purposes of section 129 ... [emphasis added]

         Il faut remonter à 1974 pour retracer l"origine de cette disposition. Elle tient du fait que les revenus de placements d"une compagnie d"assurance font partie intégrante de son entreprise puisqu"elle doit investir ses fonds de façon à maintenir de façon constante la liquidité nécessaire pour assurer le paiement des indemnités. À compter de 1974, le revenu de placements d"une compagnie d"assurance fut donc traité pour fin fiscale comme étant un revenu d"entreprise active.

     3Puisque la réduction de 7 % s"applique au " moins élevé " des montants déterminés aux divisions (iv)(A) et (B), l"inexistence d"un montant à l"un ou l"autre de ces postes annule l"effet de la déduction.

     4Motifs du jugement, Dossier d"appel, pp. 31-32.

     5Alinéa 38(2)b) de la Loi telle que modifiée par le paragraphe 19(1) de la Loi modifiant la Loi de l"impôt sur le revenu, c. 55, 1988.

     6Motifs du jugement, Dossier d"appel, p. 32

     7Motifs du jugement, Dossier d"appel, p. 30.

     8Motifs du jugement, Dossier d"appel, p. 33.

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