Décisions de la Cour d'appel fédérale

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     Date : 19981030

     Dossier : A-981-96

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 30 OCTOBRE 1998

CORAM :          LE JUGE DÉCARY

             LE JUGE LÉTOURNEAU

             LE JUGE CHEVALIER

     AFFAIRE INTÉRESSANT un appel de la Cour canadienne de l'impôt

Entre :

     PETER ALAN KUHLMANN,

     appelant

     (demandeur),

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).

     J U G E M E N T

     L'appel est accueilli avec dépens devant la présente cour et le tribunal de première instance, le jugement de la Cour canadienne de l'impôt est infirmé et l'affaire est renvoyée au ministre pour qu'il établisse de nouvelles cotisations au motif que les appelants devraient pouvoir déduire entièrement les pertes de la société Southern Cross Stables pour les années d'imposition 1986, 1987, 1988 et 1989.

                         Robert Décary

     Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


     Date : 19981030

     Dossier : A-982-96

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 30 OCTOBRE 1998

CORAM :          LE JUGE DÉCARY

             LE JUGE LÉTOURNEAU

             LE JUGE CHEVALIER

     AFFAIRE INTÉRESSANT un appel de la Cour canadienne de l'impôt

Entre :

     RUTH EDITH KUHLMANN,

     appelante

     (demanderesse),

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).

     J U G E M E N T

     L'appel est accueilli avec dépens devant la présente cour et le tribunal de première instance, le jugement de la Cour canadienne de l'impôt est infirmé et l'affaire est renvoyée au ministre pour qu'il établisse de nouvelles cotisations au motif que les appelants devraient pouvoir déduire entièrement les pertes de la société Southern Cross Stables pour les années d'imposition 1986, 1987, 1988 et 1989.

                         Robert Décary

     Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


     Date : 19981030

     Dossiers : A-981-96, A-982-96

CORAM :          LE JUGE DÉCARY

             LE JUGE LÉTOURNEAU

             LE JUGE CHEVALIER

     AFFAIRE INTÉRESSANT un appel de la Cour canadienne de l'impôt

     A-981-96

Entre :

     PETER ALAN KUHLMANN,

     appelant

     (demandeur),

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).

     A-982-96

Entre :

     RUTH EDITH KUHLMANN,

     appelante

     (demanderesse),

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).

Audience tenue à Montréal (Québec), les mercredi et vendredi 28 et 30 octobre 1998.

Jugement prononcé à Montréal (Québec), le vendredi 30 octobre 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      LE JUGE DÉCARY

     Date : 19981030

     Dossiers : A-981-96, A-982-96

CORAM :          LE JUGE DÉCARY

             LE JUGE LÉTOURNEAU

             LE JUGE CHEVALIER

     AFFAIRE INTÉRESSANT un appel de la Cour canadienne de l'impôt

     A-981-96

Entre :

     PETER ALAN KUHLMANN,

     appelant

     (demandeur),

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).

     A-982-96

Entre :

     RUTH EDITH KUHLMANN,

     appelante

     (demanderesse),

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DÉCARY

[1]      Il s'agit, pour reprendre les mots de mon confrère Robertson dans l'arrêt Canada c. Donnelly, [1998] 1 C.F. 513, à la page 517 (autorisation de pourvoi refusée par la Cour suprême du Canada, C.S.C. 26371), d'une autre de ces affaires concernant " des contribuables qui gagnent leur revenu à la ville et le perdent à la campagne ". La décision du juge de la Cour de l'impôt est publiée à 97 D.T.C. 865.

[2]      Les deux appels dont nous sommes saisis présentent un aspect nouveau en ce que, par suite d'une modification de dernière minute apportée à l'assiette des cotisations établies par le ministre, c'est le ministre qui a la charge de prouver que la société constituée par les appelants (Southern Cross Stables ou SCS) n'avait aucune attente raisonnable de profit dans les quatre années d'imposition visées par l'appel, c'est-à-dire 1986, 1987, 1988 et 1989. À l'origine, le ministre s'appuyait sur l'article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu (perte provenant d'une activité agricole), ce qui suppose qu'il y a une entreprise et une attente raisonnable de profit.

[3]      C'est précisément sur la question de la charge de la preuve que le juge de la Cour de l'impôt a, à notre avis, commis sa première erreur. Il a conclu que l'aveu qu'avaient fait les appelants de leurs pertes et la production en preuve des états financiers de SCS de 1984 à 1994, inclusivement, constituaient " une preuve prima facie en faveur de l'intimée ". Cette conclusion, comme la présente Cour en a récemment décidé dans l'arrêt Watt c. Ministre du Revenu national , [1997], 220 N.R. 47 (C.A.F.), n'est pas appuyée par la jurisprudence.

[4]      Les faits ne sont pas réellement contestés. Les deux appelants sont mari et femme. Ce sont tous deux des médecins. Aucun d'eux ne fait de l'équitation, mais ils portent tous deux un vif intérêt aux chevaux et particulièrement à l'équitation classique (saut d'obstacles, dressage, concours complet, endurance, voltige et attelage). Les circonstances dans lesquelles ils ont mis sur pied ce qu'ils prétendent être une entreprise sont décrites comme suit par le juge aux pages 867 et 868 (p. 6 à 9 du jugement) :

         [..]                 
             C'est par suite des leçons d'équitation qu'ont prises Ruth et les deux aînés en 1983 que les appelants ont eu l'idée d'établir leur propre centre d'équitation classique. Le manège où il prenait leurs leçons était vétuste, plein de courants d'air, très poussiéreux et froid en hiver. En outre, il était situé dans l'ouest de la ville de Windsor alors que la plupart des clients potentiels vivaient dans l'est de la ville. Ruth a conclu qu'il était difficile de faire de l'équitation classique à Windsor, les installations étant inadéquates et situées dans le mauvais secteur de la ville. Les appelants ont examiné la situation et décidé qu'une nouvelle école d'équitation classique serait rentable dans l'est de la ville puisqu'elle serait située près des clients potentiels et que Windsor est une ville industrielle opulente.                 
         [...]                 
             Au début de l'année 1984, les appelants ont trouvé 26 acres de terrain à vendre tout juste à l'extérieur des limites de Windsor du côté est. Par l'entremise de CMS Inc., ils ont acheté le terrain 130 000 $. Ils ont installé des tuyaux de drainage partout sur le terrain pour permettre l'écoulement adéquat des eaux, puis ont donné à contrat la construction d'une écurie/manège. La pièce A-21 est une série de 15 photographies de la propriété montrant l'immeuble. Outre les stalles pour pouvoir recevoir 22 chevaux, il y a un manège intérieur où des leçons d'équitation peuvent être données tout l'hiver et lorsqu'il fait mauvais. Les appelants ont beaucoup réfléchi à la conception de cet immeuble, prévoyant les installations nécessaires pour l'entreposage du foin, l'évacuation du crottin ainsi que deux stalles supplémentaires pour toiletter les chevaux, afin que les soins à prodiguer aux chevaux ne nécessitent pas un grand nombre d'employés. La construction du centre fut achevée à la fin de l'année 1984 ; CMS Inc. avait alors investi 360 000 $, ce qui inclut le coût du terrain, la pose des tuyaux de drainage, le stationnement et l'écurie/manège. Au cours des quatre à cinq ans qui ont suivi, la compagnie a investi un autre 100 000 $ pour installer des clôtures et des abris couverts.                 
         (n.b. :      CMS Inc. est une société constituée par les appelants et a acheté le terrain à Windsor et fait construire l'immeuble où les appelants ont leurs pratiques médicales.)                 
         [...]                 
             SCS comptait deux divisions tout à fait différentes. La première pourrait être appelée la division des " leçons et de la pension " et l'autre, celle du " développement des chevaux ". En ce qui concerne les leçons et la pension, SCS réclamait des honoraires pour les leçons qu'elle donnait à ceux (adultes et enfants) qui voulaient apprendre à faire de l'équitation classique, et exigeait des frais pour garder en pension (nourrir et panser) les chevaux appartenant à des particuliers n'ayant pas d'écurie.                 
         [...]                 
             La division du développement des chevaux devait acheter de jeunes chevaux de qualité supérieure à celle des chevaux " d'école " et les entraîner pour qu'ils puissent participer à des concours dans le circuit " A ". M. Millar (un témoin expert) a décrit les trois étapes de l'entraînement comme suit. L'entraînement de base permet d'apprendre au cheval l'obéissance, le pas, le trot et le canter, à faire une série de petits sauts et à participer aux concours locaux. L'entraînement intermédiaire amène le cheval à un niveau qui lui permet de participer, partout au Canada, à une série de concours classés par la fédération nationale et connus sous l'appellation de circuit " A ". Le summum du sport est le Grand Prix des sauts à obstacles ou le Grand Prix de dressage, qui est une compétition internationale. Pour ce qui est de l'âge, le cheval peut recevoir l'entraînement de base à compter de l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de cinq ou six ans. L'entraînement intermédiaire peut se faire à partir de l'âge de cinq ou six ans et jusqu'à l'âge de huit ou neuf ans. Et, suivant les aptitudes du cheval, celui-ci peut participer au Grand Prix ou à la compétition internationale dès l'âge de huit ou neuf ans jusqu'à l'âge de 15 ou 16 ans. Le plan d'entreprise des appelants reposait sur l'hypothèse suivant laquelle l'entraînement accroît la valeur du cheval. S'ils pouvaient acheter des chevaux de bonne qualité en bas âge et leur donner les entraînements de base et intermédiaire leur permettant de concourir avec succès dans le Circuit " A ", ils s'attendaient à vendre ces chevaux et à faire un bon profit.                 

[5]      Pour parvenir à la décision concluant que le ministre s'était acquitté de la charge qui lui incombait, le juge a essentiellement considéré les facteurs suivants :

         a)      " [l]'un des éléments dominants des présents appels est l'amour de Peter (Kuhlmann) pour les chevaux depuis qu'il est tout petit " (p. 869, p.10) ;
         b)      " [l]es appelants ont été aveuglés par leur amour des chevaux et leur détermination à être connus dans le circuit " A " (c.-à-d. en dehors du secteur de Windsor) et ont poursuivi leur lancée alors que des gens d'affaires impartiaux, détachés de leur " produit " (les chevaux) auraient adopté une position de repli ou changé de cap. Je décrirai trois situations précises où l'objectivité des appelants a été subordonnée à leur désir, en tant que passionnés de chevaux, d'être connus dans le circuit " A " comme propriétaires d'une écurie de bonne qualité.
             " La première situation concerne la décision, prise en 1986, d'envoyer certains chevaux de développement à Toronto " [...] (p. 869, p. 12) ;
             " La deuxième situation [...] est leur décision d'acheter trois chevaux dispendieux " (p. 872, p. 20 et 21), un en 1989 et deux en 1990 ;
             " La troisième situation [...] fut leur décision de confier l'entraînement de certains chevaux à Ian Millar " (p. 873, p. 22) en août 1990.

[6]      En s'appuyant sur ces facteurs comme il l'a fait, le juge a, à notre avis, commis une erreur dans son interprétation et son application du concept de " l'attente raisonnable de profit ", élaboré par la jurisprudence.

[7]      Il a commis une erreur en accordant à " l'élément personnel " de ce concept une portée plus grande que celle que lui donne la jurisprudence. Il faut beaucoup plus que l'amour de son travail pour justifier l'examen minutieux que l'on exige dans Tonn c. Canada , [1996] 2 C.F. 73 (C.A.F.) lorsqu'un un " élément personnel est établi " (p. 103). Ce critère a été décrit comme suit par le juge Mahoney (tel était alors son titre) dans la décision La Reine c. Matthews , [1974] 74 D.T.C. 6193, à la page 6196 :

         [J]e suis convaincu que les divers aspects de son exploitation arboricole, en 1969, sur les deux propriétés, constituaient une entreprise et ne correspondaient pas simplement à un passe-temps ou à une distraction auxquels il se serait consacré sérieusement. Le simple fait qu'une personne prenne plaisir à des activités d'ordre commercial, comme c'était indubitablement le cas pour le défendeur en ce qui concerne ses activités forestières, ou, soit dit en passant, le fait qu'il prenne plaisir à mener personnellement certaines activités sur les terrains de l'entreprise, comme c'était le cas lorsqu'il parcourait à pied ou à cheval ses terres de North Gwillimbury, ne modifie pas obligatoirement la nature " commerciale " des biens ou des activités en cause. Vu la preuve qui m'a été soumise, je ne peux conclure que les exploitations arboricoles du défendeur sur l'une ou l'autre des propriétés, constituaient un simple " trompe-l'oeil " ou prétexte. À mon avis, il ne se serait probablement pas engagé dans une exploitation arboricole s'il ne s'était pas intéressé de manière durable aux questions forestières, mais je suis convaincu que c'est de bonne foi qu'il a considéré ces activités, dès leur début, comme une entreprise, au sens ordinaire de ce terme, et qu'il voulait en faire une entreprise rentable.                 

[8]      Dans l'arrêt Tonn (précité, p. 99), le juge Linden parle " d'un élément de satisfaction personnelle ". Il explique ceci à la page 105 :

         Bien entendu, par satisfaction personnelle, je veux dire que la location ne constituait ni un passe-temps ni une source d'avantages personnels. Les contribuables ont acheté la propriété à titre de placement d'entreprise. Il ne s'agissait pas d'une résidence pour eux ni d'une maison de retraite future dans un pays au climat plus doux. Il ne s'agissait pas non plus d'une résidence pour enfants ou pour d'autres parents. L'immeuble était une propriété résidentielle qui a été acheté à des fins commerciales. Aucun élément de l'opération ne soulevait de doute.                 

[9]      Dans l'arrêt Watt, précité, la Cour a rappelé à la page 49 qu'un " élément personnel peut effectivement coexister avec un but lucratif ".

[10]      De toute évidence, les appelants aimaient les chevaux. Manifestement, ils ont choisi de se lancer dans des activités d'équitation parce qu'ils aimaient les chevaux. Ce facteur " d'amour ", en supposant que tous les autres facteurs requis sont présents, ne peut être retenu contre eux. Bien au contraire, il semblerait en l'espèce que le fait que Peter Kuhlmann ait aimé les chevaux depuis sa tendre enfance et qu'il ait activement participé avec son père à des courses de chevaux, à leur sélection et à leur formation, le qualifiait d'autant mieux comme un entrepreneur compétent dans le domaine de l'équitation.

[11]      En outre, le juge a commis une erreur quand il s'est appuyé presque exclusivement sur le montant des dépenses engagées comme s'il avait entrepris d'examiner le caractère raisonnable des dépenses en vertu de l'article 67 de la Loi. Il aurait plutôt dû regarder plus attentivement les éléments et attributs essentiels de l'activité en cause, par exemple la capitalisation, l'expérience de l'appelant et le plan opérationnel prévu, le professionnalisme du travail accompli et la progression lente mais constante vers la réalisation de profits. Il est en fait remarquable que le juge n'ait pas réussi à identifier quelque lacune ou faiblesse que ce soit dans le plan commercial initial des appelants ou dans le choix des instructeurs et des chevaux.

[12]      Le juge a également commis une erreur en faisant des conjectures sur les décisions commerciales prises par les appelants. La présente Cour, dans l'arrêt Tonn (précité) et dans l'arrêt P.G. Canada c. Mastri [1997] 97 D.T.C. 5420 (C.A.F.), a mis les juges en garde contre la tentation de profiter de l'avantage qu'ils ont de pouvoir examiner a posteriori des décisions commerciales qui pouvaient être raisonnables au moment où elles ont été prises. En l'espèce, le juge a conclu beaucoup trop rapidement, quand les décisions commerciales prises par les appelants n'ont pas donné les résultats attendus, que ces décisions avaient été dictées par un " élément personnel " qu'il a identifié comme étant l'amour des chevaux. Des trois situations qui l'ont amené à conclure que les appelants ont été guidés davantage par leur passion pour les chevaux que par un désir réaliste de faire des profits, seule la première se rapporte en entier aux années en question. Il ne s'agit pas d'un cas où les décisions commerciales contestables ont été si nombreuses depuis le tout début que l'on puisse douter de la légitimité de l'attente de profit. D'après les faits de la cause, le juge a commis une erreur en s'appuyant sur les décisions prises à la fin de 1989 et en 1990 -- même si l'on suppose qu'il s'agit là de décisions contestables -- pour nier toute attente raisonnable de profit au cours des années 1986 à 1989.

[13]      Qui plus est, le juge, en reconsidérant comme il l'a fait certains jugements de valeur portés par les appelants, n'a pas pris en compte les risques inévitables qui sont associés à l'industrie de l'équitation, comme la démission soudaine du premier entraîneur, les blessures subies par les chevaux, la non-performance inattendue d'un cheval des plus prometteurs et la mort exceptionnelle d'un cheval atteint du cancer. Dans un monde idéal, les appelants auraient pu faire des profits plus tôt, bien que cela ne soit pas le critère qu'ils devaient respecter. Dans le monde imparfait et concurrentiel dans lequel ils vivent, ils ont néanmoins réussi à générer graduellement certains profits, si minces soient-ils.

[14]      De façon plus générale, le juge a commis une erreur en ne reconnaissant pas la nature particulière des activités dans lesquelles les appelants se sont engagés. La preuve non contredite indique qu'il faut un minimum de cinq ou six ans dans les meilleures circonstances pour qu'une activité comme celle à laquelle se livraient les appelants génère des profits. Les quatre années d'imposition en cause tombent dans cette période que le juge Linden décrit dans l'arrêt Tonn comme un " délai de grâce pour les nouvelles entreprises " (p. 107). Il est vrai que les appelants ont à un moment donné abandonné la division du " développement des chevaux " quand ils se sont rendu compte qu'ils ne pouvaient plus raisonnablement attendre d'en tirer des profits, mais c'est précisément la capacité de s'adapter aux circonstances changeantes que l'on doit attendre d'un contribuable dans les premières phases d'une opération potentiellement rentable. La preuve démontre que les appelants devaient essayer d'exploiter les deux divisions de leur entreprise s'ils souhaitaient avoir une attente raisonnable de profit. Le fait est que, sur une période de dix ans, une des divisions a fini par faire des profits, alors que l'autre n'y est pas parvenue et que la division qui est maintenant rentable peut espérer se suffire à elle-même. Selon M. Millar, qui a témoigné en 1995, la société Southern Cross Stables a acquis [TRADUCTION] " la meilleure réputation dans le domaine de l'équitation classique " dans la région de Windsor (dossier d'appel volume 2, page 159). Il y a des éléments de preuve au dossier qui prouvent que cette réalisation est en grande partie attribuable à la partie non rentable de l'opération qui a donné aux appelants visibilité, crédibilité et respectabilité.

[15]      Les deux avocats conviennent qu'une attente " raisonnable " ne doit pas être " irrationnelle, absurde et ridicule ". En l'espèce, le ministre devait établir que, d'après la prépondérance des probabilités, l'attente de profit était irrationnelle, absurde ou ridicule. Manifestement, à notre avis, le ministre n'a pas réussi à faire cette preuve et le juge de la Cour de l'impôt n'aurait pas dû conclure autrement, s'il avait appliqué les principes juridiques appropriés.

[16]      L'appel est accueilli avec dépens devant la présente cour et le tribunal de première instance, le jugement de la Cour de l'impôt du Canada est infirmé et l'affaire est renvoyée au ministre pour qu'il établisse de nouvelles cotisations au motif que les appelants devraient pouvoir déduire entièrement les pertes de la société Southern Cross Stables pour les années d'imposition 1986, 1987, 1988 et 1989.

                         Robert Décary

     Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     DIVISION D'APPEL

     Date : 19981030

     Dossiers : A-981-96, A-982-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT un appel

     de la Cour canadienne de l'impôt

     A-981-96

Entre :

     PETER ALAN KUHLMANN,

     appelant

     (demandeur),

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).

     A-982-96

Entre :

     RUTH EDITH KUHLMANN,

     appelante

     (demanderesse),

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).

     MOTIFS DU JUGEMENT


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA         
     DIVISION D'APPEL         
     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER         
NE DU GREFFE :                      A-981-96, A-982-96         
ENTRE :                          PETER ALAN KUHLMANN         
                             RUTH EDITH KUHLMANN         
     appelants         
     (demandeurs)         
             ET         
                             SA MAJESTÉ LA REINE         
     intimée         
     (défenderesse)         
LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)         
DATES DE L'AUDIENCE :              les 28 et 30 octobre 1998         
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (LES JUGES DÉCARY, LÉTOURNEAU ET LE JUGE SUPPLÉANT CHEVALIER)         
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :          LE JUGE DÉCARY         
ONT COMPARU :         
     Me Claude Nadeau                  pour les appelants         
     Me Margaret Nott         
     Susan Shaughnessy                  pour l'intimée         
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :         
     LAFLAMME NADEAU         
     Montréal (Québec)                  pour les appelants         
     Morris Rosenberg         
     Sous-procureur général du Canada         
     Ottawa (Ontario)                  pour l'intimée         
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