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Date : 20051110

 

Dossier : A‑26‑05

 

Référence : 2005 CAF 378

 

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

 

 

ENTRE :

 

 

                                     MOHINDER BAINS ET HARBHAJAN BAINS

 

                                                                                                                                            appelants

 

                                                                             et

 

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                                                                                                                intimée

 

 

 

                     Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 10 novembre 2005

 

           Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 10 novembre 2005

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                     LA JUGE SHARLOW

 


 

Date : 20051110

 

Dossier : A‑26‑05

 

Référence : 2005 CAF 378

 

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

 

 

ENTRE :

 

 

                                     MOHINDER BAINS ET HARBHAJAN BAINS

 

                                                                                                                                            appelants

                                                                             et

 

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                                                                                                                intimée

 

 

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

         (Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 10 novembre 2005)

 

LA JUGE SHARLOW

 


[1]                Les appelants, les époux Bains, ont été taxés sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15 (TPS), pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 2000, suivant le principe que le loyer que leur rapportaient les biens à usage commercial dont ils étaient conjointement propriétaires constituait un revenu de société en nom collectif. Ces cotisations ont été confirmées par un jugement de la Cour canadienne de l’impôt : Bains c. Canada, [2005] G.S.T.C. 83, 2005 G.T.C. 842 (C.C.I.). Les époux Bains EN appellent maintenant de ce jugement devant notre Cour.

 

[2]               Les thèses présentées au juge de la Cour canadienne de l’impôt étaient formulées de manière assez différente des thèses proposées à notre Cour. La question mise en litige devant la Cour de l’impôt était celle de savoir si les époux Bains formaient une coentreprise ou une société en nom collectif. Dans la présente espèce, la question posée est celle de savoir si les époux Bains étaient simplement copropriétaires de biens locatifs, plutôt qu’associés dans une entreprise de location.

 

[3]               Il n’est pas contesté que l’appel doit être accueilli si le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit en concluant que les appelants ont touché les loyers en question en tant que société en nom collectif. Le point de savoir s’il y a ou non société en nom collectif dépend de la législation provinciale applicable. Dans la présente espèce, la législation applicable est celle de la Colombie-Britannique. L’article 2 de la Partnership Act, R.S.B.C. 1996, ch. 348, porte la définition suivante :

 

 

[traduction] 2. La société en nom collectif est la relation qui existe entre des personnes qui exploitent une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice.

 

 


[4]               En l’occurrence, les loyers provenaient de la location de biens immobiliers. Rien ne donne à penser que l’administration du bail et l’entretien des biens eussent exigé des appelants d’autres activités que celles qu’exerceraient normalement les propriétaires conjoints de biens locatifs. Comme il s’agit ici essentiellement de la réception passive de revenus de location, il doit être présumé, sauf preuve du contraire, que les appelants sont simplement des propriétaires conjoints et non des associés. C’est là ce qui ressort de l’article 4 de la Partnership Act, dont nous reproduisons ci‑dessous les dispositions applicables :

 

 

[traduction]

 

4.  Pour établir s’il y a ou non société en nom collectif, il est tenu compte des règles suivantes :

 

a)         la tenance conjointe ou commune, la propriété conjointe ou commune ou la propriété partiaire ne crée pas, en soi, une société en nom collectif relativement à tout bien qui fait l’objet de cette forme de propriété, que les tenants ou les propriétaires partagent ou non les bénéfices tirés de son usage;

 

b)         le partage des recettes brutes n’a pas, en soi, pour effet de créer une société en nom collectif, que les personnes qui les partagent jouissent ou non d’un droit ou d’un intérêt conjoint ou commun sur le bien dont proviennent les recettes ou de l’usage duquel elles proviennent;

 

c)         la réception par une personne d’une quote-part des bénéfices d’une entreprise constitue la preuve, en l’absence de preuve contraire, qu’elle est un associé dans cette entreprise; toutefois, la réception d’une telle quote-part ou d’un tel paiement qui dépend des bénéfices d’une entreprise ou qui varie suivant ces derniers ne fait pas, en soi, de cette personne un associé dans cette entreprise [...]

 

 


[5]               Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que les appelants étaient des associés plutôt que des coentrepreneurs pour les raisons qu’il expose au paragraphe 9 de ses motifs :

 

 

La preuve a révélé que les deux associés a) avaient un droit de propriété conjointe; b) avaient un droit mutuel de gestion de l’entreprise; et c) avaient le pouvoir de lier la société de personnes. Je signale en outre que l’alinéa 4c) de la Partnership Act applicable précise en partie que [traduction] « la réception par une personne d’une quote-part des bénéfices d’une entreprise constitue la preuve, en l’absence de preuve contraire, qu’elle est un associé dans cette entreprise [...] ». C’est le cas en l’espèce puisque le revenu tiré de l’immeuble à usage locatif était partagé également entre les deux appelants et était déposé dans un compte bancaire conjoint. De plus, ils produisaient des déclarations de revenus distinctes dans lesquelles ils déclaraient ce revenu après avoir tenu compte de leurs parts respectives des dépenses. Il n’est pas possible dans les circonstances de conclure qu’il n’y a eu aucune distribution des fonds de la société.

 

[6]               La preuve indiquait que les appelants étaient conjointement propriétaires de l’immeuble en question, qu’ils s’occupaient tous deux de l’administration du bail et de l’entretien de l’immeuble, qu’ils étaient conjointement et individuellement responsables de l’hypothèque grevant celui­‑ci, que les loyers étaient déposés dans un compte bancaire conjoint des appelants et que les frais afférents à l’immeuble étaient payés à partir de ce compte. Compte tenu de l’article 4 de la Partnership Act, ces faits ne suffisaient pas à établir que les appelants étaient associés dans la location de l’immeuble. Ces éléments de preuve sont au contraire compatibles avec la thèse des appelants selon laquelle ils étaient simplement copropriétaires du bien en question.

 


[7]               Le juge a conclu que l’utilisation par les appelants d’un compte conjoint où les loyers étaient déposés et à partir duquel les frais étaient payés attestait l’existence d’un « partage des bénéfices » au sens de l’alinéa 4c) de la Partnership Act. À notre avis, ce raisonnement ne tient pas. L’utilisation d’un compte conjoint dans cette situation n’est rien de plus qu’une façon normale de gérer les ressources de la famille. Cela est compatible avec la thèse des appelants selon laquelle ils étaient simplement copropriétaires de l’immeuble.

 

[8]               Pour ce qui concerne la conclusion du juge selon laquelle les appelants « avaient le pouvoir de lier la société de personnes » (ce qui signifie, selon notre interprétation, qu’ils étaient habilités, au sens proprement juridique, à agir comme mandataires l’un de l’autre relativement à l’immeuble en question), aucun élément de preuve n’indiquait que l’un des appelants fût légalement capable de lier l’autre en quoi que ce soit touchant l’immeuble. Ils étaient tous deux parties au bail comme à l’hypothèque.

 


[9]               En ce qui a trait à la production de leurs déclarations d’impôt, M. Bains, interrogé par son propre avocat, a expliqué que sa femme et lui déclaraient chacun 50 % du revenu des loyers dans leurs déclarations d’impôt sur le revenu. L’avocat de la Couronne n’a pas demandé à M. Bains de préciser s’il voulait dire qu’ils produisaient leurs déclarations d’impôt comme associés (c’est‑à‑dire en déclarant chacun une part de 50 % du revenu net des loyers, comme le feraient des associés), ou s’ils déclaraient chacun 50 % des revenus bruts et déduisaient leurs parts respectives des dépenses (comme le feraient des copropriétaires). Les déclarations d’impôt sur le revenu des appelants ne figuraient pas dans la preuve. Le dossier étant ce qu’il est, la preuve concernant la manière dont les appelants ont produit leurs déclarations d’impôt sur le revenu ne peut établir qu’ils les aient produites en tant qu’associés.

 

[10]           Force nous est donc de conclure que le juge ne disposait pas d’éléments de preuve sur la base desquels il ait pu raisonnablement conclure que les appelants étaient autre chose que les copropriétaires de l’immeuble en question.

 

[11]           L’appel sera accueilli avec dépens.

 

 

          « Karen R. Sharlow »       

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


                                                     COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

                                                                             

DOSSIER :                                                        A‑26‑05

 

 

INTITULÉ :                                                      MOHINDER BAINS et al.

c.

SA MAJESTÉ LA REINE                                                                     

                                                                             

LIEU DE L’AUDIENCE :                                VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              LE 10 NOVEMBRE 2005

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                            LES JUGES NOËL, SHARLOW ET MALONE

 

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :          LA JUGE SHARLOW

 

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 10 NOVEMBRE 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kim E. Johnson                                                                        POUR LES APPELANTS

 

 

Lynn M. Burch                                                                         POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ross, Johnson & Associates                                                     POUR LES APPELANTS

Victoria (Colombie-Britannique)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR L’INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

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