Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

        



Date : 19991001


Dossier : ITA-2508-98

ENTRE:     

     DANS L"AFFAIRE DE LA LOI DE L"IMPÔT SUR LE REVENU

     et

     DANS L"AFFAIRE D"UNE COTISATION OU DES COTISATIONS ÉTABLIES

     PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL EN VERTU D"UNE OU

     PLUSIEURS DES LOIS SUIVANTES: LA LOI DE L"IMPÔT SUR LE REVENU,

     LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA ET

     LA LOI SUR L"ASSURANCE-EMPLOI

     Partie demanderesse

     CONTRE:

     9003-0172 QUÉBEC INC.

     Partie défenderesse

     ET

     9067-1819 QUÉBEC INC.

     Opposante



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS


[1]      Il s"agit d"une requête présentée par la compagnie 9067-1819 Québec Inc., opposante, visant à obtenir l"annulation de la saisie effectuée le 5 décembre 1998 concernant les biens suivants:

     -      1 remorque Rodech, fermée (copeaux), immat. RM 87170, no de série 2M5341555G1012699 et access;
     -      1 remorque plate-forme noire, immat. RM 87169, no de série sur le chassis à la soudure DXK734512.

[2]      L"opposante 9067-1819 Québec Inc. prétend qu"elle est en droit de s"opposer à la saisie exécution des biens décrits aux conclusions des présentes puisqu"elle est seule et unique propriétaire desdits biens.

[3]      L"opposante a déposé deux affidavits circonstanciés de Monsieur Gilles Castonguay et de Madame Yolande Cyr.

[4]      Le procureur de l"opposant soutient d"abord que plusieurs paragraphes de l"affidavit de Monsieur André Deschênes, fonctionnaire au ministère du Revenu national sont du ouï-dire, nommément les paragraphes 23, 24, 26 et 27 de son affidavit.

[5]      Le procureur de l"opposant mentionne également que le paragraphe 18 devrait être rejeté pour le motif qu"il contient la mention conjointement ce qui est inexact dans les circonstances.

[6]      Essentiellement, l"opposant soutient que la compagnie opposante 9067-1819 Québec Inc. est séparée de la partie défenderesse 9003-0172 Québec Inc. et que les autres compagnies, propriétés soit de Monsieur Gilles Castonguay ou encore de Madame Yolande Cyr ont été structurées sur le plan corporatif de cette façon pour rencontrer les exigences de la Commission des transports du Québec, laquelle divise la province en régions pour fins d"accorder des permis de transport en vrac et que les compagnies doivent avoir leur siège social dans la région pour laquelle elles requièrent un permis.

[7]      L"opposante s"objecte donc à ce que le voile corporatif puisse être levé dans les circonstances et affirme que chacune des compagnies opère différemment l"une de l"autre et doit être traitée comme une entité indépendante.

[8]      Quant à la partie demanderesse, elle soutient que l"affidavit de Monsieur André Deschênes est tout à fait recevable et cela conformément aux dispositions des Règles de la Cour fédérale et particulièrement la Règle 81 qui autorise le ouï-dire dans la production d"affidavit.

[9]      Le procureur de la demanderesse soutient qu"il apparaît clair à la lecture de l"affidavit de Monsieur Deschênes que toutes les compagnies alléguées et notamment les compagnies 9067-1819 Québec Inc. et 9003-0172 Québec Inc. appartiennent à Monsieur Gilles Castonguay ou encore à Madame Yolande Cyr, sa conjointe, ou encore à d"autres compagnies telles Gestion Vincycas Inc. laquelle est une compagnie de gestion appartenant à 100% à Madame Yolande Cyr.

[10]      La demanderesse soutient qu"il est important de lever le voile corporatif en pareille circonstance.

[11]      La partie demanderesse soutient qu"il appert de l"enquête menée par le ministère du Revenu national que la débitrice saisie et l"opposante malgré leur personnalité juridique distincte, sont liées et ont participé seules et avec d"autres personnes morales liées et leurs administrateurs et actionnaires à l"exploitation de la même entreprise de transport de marchandise.

[12]      Il appert que Madame Yolande Cyr est actionnaire unique et administratrice de la débitrice saisie et Monsieur Gilles Castonguay est actionnaire unique et administrateur de l"opposante en instance.

[13]      Monsieur Gilles Castonguay et Madame Yolande Cyr sont conjoints de fait.

[14]      Il appert de la preuve présentée que les deux entreprises précitées ainsi que Madame Cyr et Monsieur Castonguay ont indistinctement opéré une entreprise de transport de marchandises et indistinctement reçu paiement de sommes d"argent par chèques pour l"exploitation de la même entreprise de transport de marchandises suivant plusieurs photocopies de chèques recto-verso déposés au soutien.

[15]      La preuve en l"instance démontre clairement que la personnalité juridique distincte des personnes morales impliquées en l"instance a manifestement été utilisée dans le but de tromper les créanciers, et afin d"éviter à la débitrice saisie d"avoir à rembourser des sommes qu"elles avaient perçues en tant que fiduciaires au nom du ministère du Revenu national et qu"elle a négligé de rembourser.

[16]      L"article 317 du Code civil du Québec précise:

La personnalité juridique d"une personne morale ne peut être invoquée à l"encontre d"une personne de bonne foi dès lors qu"on invoque cette personnalité pour masquer la fraude, l"abus de droit ou une contravention à une règle intéressant l"ordre public.

In no case may a legal person set up juridical personality against a person in good faith if it is set up to dissemble fraud, abuse of right or contravention of a rule of public order.

[17]      Bien que des contrats de vente aient été déposés pour illustrer la vente des biens saisis de la Compagnie 9003-0172 Québec Inc. à Gilles Castonguay et par la suite de Gilles Castonguay à la Compagnie 9067-1819 Québec Inc., il ne semble pas que des échanges d"argent aient accompagnés ces transactions et il semble plutôt que ces transactions n"ont été faites que pour éluder les sommes à payer à la partie demanderesse.

[18]      La Cour ne croit pas les prétentions ni de l"opposante ni de la partie défenderesse représentées particulièrement par les deux affidavits circonstanciés de Madame Yolande Cyr et de Monsieur Gilles Castonguay.

[19]      La Cour estime que l"opposante ne peut invoquer la personnalité juridique d"une personne morale autre que la défenderesse pour s"opposer à la saisie et à la vente des biens saisis.

[20]      Le procureur du ministère a cité la décision du juge Denault dans un dossier similaire1. Dans ce dossier, le juge précise:

L"incorporation par Yvon Latouche de diverses compagnies, tantôt à son nom tantôt au nom de son épouse, en prenant soin de ne jamais transférer les actifs de la compagnie qu"il mettrait au rancart au nom de celle avec laquelle il s"apprêtait à faire affaires, a manifestement été faite dans le but de tromper les créanciers, d"éviter le paiement de dettes et, comme en l"instance, d"éviter d"avoir à rembourser des sommes qu"il avait perçues en tant que fiduciaire mais qu"il avait négligé de rembourser. La Cour ne saurait être dupe ou complice de telles machinations.

[21]      Dans les circonstances l"opposition de la requérante constitue un abus de droit et une tentative bien maladroite de se soustraire à ses obligations à l"endroit de la partie demanderesse.

[22]      Pour ces raisons, l"opposition de la Compagnie 9067-1819 Québec Inc. est rejetée avec dépens.







                         Pierre Blais

                         Juge


OTTAWA, ONTARIO

Le 1er octobre 1999


__________________

1      Le Sous-Ministre du Revenu du Québec et Couverture C.G.I. Inc. et Les Entreprises Yvon Latouche Inc. (GST-100-94) 17 février 1994.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.