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Date : 20060307

Dossiers : A-189-05

A-276-05

Référence : 2006 CAF 97

CORAM :       LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MALONE

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34 avec ses modifications et les articles 3 et 49 des Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/94-290;

ET l'acquisition de Weldwood of Canada Limited par West Fraser Timber Co. Ltd.;   

ET une demande présentée en application du paragraphe 106(2) de la Loi sur la concurrence par la Burns Lake Native Development Corporation, la Lake Babine Nation, la bande de Burns Lake et la bande indienne Nee Tahi Buhn en vue de faire annuler ou modifier le consentement intervenu entre le commissaire de la concurrence et la West Fraser Timber Co. ainsi que la West Fraser Mills Ltd., déposé et enregistré au Tribunal de la concurrence le 7 décembre 2004, conformément à l'article 105 de la Loi sur la concurrence.

ENTRE :

LA BURNS LAKE NATIVE DEVELOPMENT CORPORATION, LE CONSEIL DE LAKE BABINE NATION ET EMMA PALMANTIER, EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES DE LAKE BABINE NATION, LE CONSEIL DE BANDE DE BURNS LAKE ET ROBERT CHARLIE, EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES DE LA BANDE DE BURNS LAKE et LE CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE NEE TAHI BUHN ET RAY MORRIS, EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES DE LA BANDE INDIENNE NEE TAHI BUHN

appelants

et

LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE, WEST FRASER TIMBER CO. LTD.

et WEST FRASER MILLS LTD.

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 6 mars 2006

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 7 mars 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                     LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE


Date : 20060307

Dossiers : A-189-05

A-276-05

Référence : 2006 CAF 97

CORAM :       LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MALONE

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34 avec ses modifications et les articles 3 et 49 des Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/94-290;

ET l'acquisition de Weldwood of Canada Limited par West Fraser Timber Co. Ltd;   

ET une demande présentée en application du paragraphe 106(2) de la Loi sur la concurrence par la Burns Lake Native Development Corporation, la Lake Babine Nation, la bande de Burns Lake et la bande indienne Nee Tahi Buhn en vue de faire annuler ou modifier le consentement intervenu entre le commissaire de la concurrence et la West Fraser Timber Co. ainsi que la West Fraser Mills Ltd., déposé et enregistré au Tribunal de la concurrence le 7 décembre 2004, conformément à l'article 105 de la Loi sur la concurrence.      

ENTRE :

LA BURNS LAKE NATIVE DEVELOPMENT CORPORATION, LE CONSEIL DE LAKE BABINE NATION ET EMMA PALMANTIER, EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES DE LAKE BABINE NATION, LE CONSEIL DE BANDE DE BURNS LAKE ET ROBERT CHARLIE, EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES DE LA BANDE DE BURNS LAKE et LE CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE NEE TAHI BUHN ET RAY MORRIS, EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES DE LA BANDE INDIENNE NEE TAHI BUHN

appelants

et

LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE, WEST FRASER TIMBER CO. LTD.

et WEST FRASER MILLS LTD.

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

[1]                Dans les appels réunis en l'espèce, la Burns Lake Native Development Corporation et d'autres personnes (les appelants) font appel d'ordonnances rendues par le Tribunal de la concurrence les 13 avril 2005 et 1er juin 2005. Les appelants soutiennent que le Tribunal de la concurrence a fait erreur en confirmant dans ses ordonnances le caractère approprié de la procédure de renvoi au Tribunal à laquelle le commissaire de la concurrence a eu recours et en ordonnant la tenue d'une audience quant à la première question du renvoi.

[2]                Dans le renvoi, le commissaire demande à la juge siégeant au Tribunal de trancher certaines questions relatives à l'interprétation des mots « directement touchée » , au paragraphe 106(2) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34 (la Loi), et à leur application à des faits précis.

[3]                Le paragraphe 106(2) est rédigé comme suit :

(2) Toute personne directement touchée par le consentement - à l'exclusion d'une partie à celui-ci - peut, dans les soixante jours suivant l'enregistrement, demander au Tribunal d'en annuler ou d'en modifier une ou plusieurs modalités. Le Tribunal peut accueillir la demande s'il conclut que la personne a établi que les modalités ne pourraient faire l'objet d'une ordonnance du Tribunal.

(2) A person directly affected by a consent agreement, other than a party to that agreement, may apply to the Tribunal within 60 days after the registration of the agreement to have one or more of its terms rescinded or varied. The Tribunal may grant the application if it finds that the person has established that the terms could not be the subject of an order of the Tribunal.

[4]                Cette question a été soumise au Tribunal par le commissaire à la suite d'une demande faite au Tribunal par les appelants en application du paragraphe 106(2) en vue de faire annuler ou modifier certaines modalités d'un consentement intervenu entre le commissaire de la concurrence et deux sociétés (West Fraser) après l'acquisition de Weldwood Canada Co. Ltd. par West Fraser. Le consentement a été enregistré par le Tribunal conformément à l'article 105 de la Loi. Les appelants ont désigné le commissaire et West Fraser comme intimés dans le cadre de leur demande.

[5]                Les appelants allèguent notamment qu'ils seront lésés par une disposition du consentement selon laquelle West Fraser devra céder certains intérêts dans une scierie de sciages légers et certains droits d'exploitation. Ils affirment également que le consentement est invalide parce qu'aucune preuve ne démontre que l'acquisition réduirait considérablement la concurrence et parce qu'il contrevient aux obligations du commissaire envers les peuples des Premières Nations de Burns Lake.

[6]                Le commissaire fonde le renvoi au Tribunal sur le paragraphe 124.2(2) de la Loi, rédigé comme suit :

(2) Le commissaire peut, en tout temps, soumettre au Tribunal toute question de droit, de compétence, de pratique ou de procédure liée à l'application ou l'interprétation des parties VII.1 à IX.

(2) The Commissioner may, at any time, refer to the Tribunal for determination a question of law, jurisdiction, practice or procedure, in relation to the application or interpretation of Parts VII.1 to IX.

[7]                Le caractère approprié de la première question du renvoi continue d'être contesté. Voici la teneur de cette question :

1.          (a)        Quelles sont la nature et l'importance de l'intérêt requis pour avoir qualité de                             « personne directement touchée » aux termes du paragraphe 106(2) de la Loi?

(b)                Notamment, le demandeur au titre du paragraphe 106(2) doit-il être « touché » :

(i)                   en matière de concurrence; et

(ii)                 quant à ses droits substantiels et/ou quant à ses intérêts pécuniaires?

(c)                 Notamment, le demandeur au titre du paragraphe 106(2) doit-il être touché « directement » , à savoir que l'effet allégué du consentement doit être :

(i)                   subi par le demandeur (ou le menacer) par suite du seul consentement à l'exclusion de tout autre facteur, influence ou circonstance; et

(ii)                 imminent et réel, et non hypothétique ou spéculatif?

(d)                Quant à l'application du paragraphe 106(2), l'avis de demande des demandeurs regroupés ci-dessous énonce-t-il des faits qui, s'ils sont prouvés, établiront qu'ils sont « directement touchés » pour les fins du paragraphe 106(2) :

(i)                   la Burns Lake Native Development Corporation, une personne morale constituée en 1974 (la société);

(ii)                 le conseil de bande de Burns Lake, le conseil de Lake Babine Nation, le conseil de la bande indienne de Nee Tahi Buhn (les bandes); et

(iii)                Robert Charlie, Emma Palmantier et Ray Morris (les chefs)?

[8]                Le commissaire a soumis cette question au Tribunal pour permettre la résolution de questions juridiques susceptibles d'être soulevées de nouveau quant à l'intérêt requis pour présenter une demande en vertu du paragraphe 106(2) et pour que le Tribunal décide, en appliquant les critères juridiques appropriés, si les appelants ont l'intérêt requis pour présenter leur demande à titre de personnes « directement touchées » . Si le Tribunal apportait aux questions (particulièrement à la question 1d)) la réponse préconisée par le commissaire, il n'aurait probablement pas besoin d'examiner le fond de la demande des appelants. La résolution tardive de la demande au titre du paragraphe 106(2) peut aussi nuire aux intérêts de West Fraser.

[9]                La juge du Tribunal, qui agit comme juge responsable de la gestion de ladite demande, a rendu relativement au renvoi deux ordonnances qui ont donné lieu aux appels en l'espèce. D'abord, elle a conclu que la procédure du renvoi n'était pas inappropriée du fait que le renvoi a été exécuté par le commissaire après que les appelants eurent déposé leur demande au titre du paragraphe 106(2). Cette question constitue l'objet de l'appel dans le dossier de la Cour A-189-05.

[10]            Deuxièmement, elle a jugé que la première question n'était pas inappropriée quant au fond au motif qu'elle aurait pour objet de soumettre au Tribunal des questions abstraites ou hypothétiques, ou des questions de fait et de droit. Le paragraphe 124.2(2) ne permet au commissaire de soumettre au Tribunal que des questions de droit, de compétence ou de procédure.

[11]            Je dois préciser que le Tribunal a déjà tenu une audience de deux journées et demie pour statuer sur la question de savoir si les appelants sont « directement touchés » par le consentement. La décision a été mise en délibéré. Dans l'espoir d'obtenir du Tribunal une décision qui éviterait la tenue d'une instruction au fond qui pourrait être longue sur la demande au titre du paragraphe 106(2), le commissaire a convenu que le critère « évident et manifeste » applicable aux requêtes en radiation devrait aussi s'appliquer à la décision portant sur le renvoi.

[12]            Ayant ainsi établi le contexte des appels, j'examinerai maintenant chacun d'eux séparément.

L'appel dans le dossier A-189-05

[13]            Je ne suis pas convaincu que le Tribunal a commis une erreur lorsqu'il a décidé que le pouvoir du commissaire de soumettre « en tout temps » une question à la Cour en application du paragraphe 124.2(2) lui permet de soumettre une question survenant durant une instance engagée devant le Tribunal en vertu de la Loi et à laquelle le commissaire est partie.

[14]            Compte tenu du sens ordinaire des mots « en tout temps » , l'on ne saurait justifier d'en limiter l'étendue en les interprétant de manière à ce qu'aucune question relative à une instance déjà introduite devant le Tribunal et à laquelle le commissaire est partie ne puisse faire l'objet d'un renvoi. Le fait que le commissaire puisse, comme les appelants, soulever une question au moyen d'une requête en radiation est sans pertinence, et l'existence possible d'un chevauchement entre le paragraphe 124.2(2) tel qu'il est interprété par le Tribunal et le paragraphe 124.2(1) n'est pas un motif justifiant l'imposition de limites implicites aux mots « en tout temps » .

[15]            L'avocat des appelants soutient qu'il convient d'interpréter les mots « en tout temps » dans leur contexte. À son avis, du fait que le paragraphe 124.2(2) est une disposition de la Loi sur la concurrence, et non de la Loi sur le Tribunal de la concurrence,L.R.C. 1985, ch. 19 (2e suppl.), il ne devrait pas être considéré comme une simple règle de procédure applicable aux procédures devant le Tribunal.

[16]            Je ne suis pas d'accord. L'article 7 de la Loi sur la concurrence crée le poste de commissaire de la concurrence. Le paragraphe 124.2(2) confère un pouvoir au commissaire; il n'est donc pas surprenant qu'il soit compris dans la Loi sur la concurrence plutôt que dans la Loi sur le Tribunal de la concurrence. Cette disposition, en effet, ne traite pas de la procédure régissant le Tribunal, mais d'un pouvoir dévolu au commissaire pour l'application de la Loi.

[17]            Je ne suis pas convaincu non plus que le droit des appelants à une audition équitable a été enfreint lorsque le Tribunal a rendu décision en se fondant sur une conférence de règlement des litiges tenue par téléphone. Les parties ont eu l'occasion de faire valoir pleinement, par écrit et verbalement, leurs observations quant au bien-fondé du recours à la procédure de renvoi après l'institution d'une poursuite. Dans les circonstances, l'équité procédurale n'exigeait pas que le Tribunal permette aux appelants de présenter une requête formelle en radiation du renvoi.

L'appel dans le dossier A-276-05

[18]            Subsidiairement, les appelants font valoir deux motifs pour étayer leur argument selon lequel le Tribunal a commis une erreur en rejetant leur requête pour faire radier la première question du renvoi.

[19]            En premier lieu, ils soutiennent que toute question soumise au Tribunal par le commissaire en application du paragraphe 124.2(2) doit avoir un fondement factuel. Ils prétendent que les alinéas a), b) et c) de la première question sont essentiellement théoriques, hypothétiques ou posés à titre consultatif. Ils invoquent des précédents de la Cour qui traitent de questions soumises par des tribunaux administratifs en vertu de l'article 18.3 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, dont le libellé est semblable.

[20]            Je ne retiens pas cet argument. Le paragraphe 106(2) permet la présentation d'une demande en dehors de toute instance précise, alors que selon le paragraphe 18.3(1), les offices fédéraux peuvent renvoyer une question à la Cour fédérale « à tout stade de leurs procédures » . Par conséquent, j'estime que la jurisprudence établie en vertu de l'article 18.3 n'est d'aucune utilité aux appelants.

[21]            Quant à l'alinéa d) de la première question, les appelants s'appuient sur l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, pour affirmer que l'application aux faits allégués des mots « directement touchée » employés dans la Loi est une question de fait et de droit, non une stricte question de droit, et que dès lors, elle n'est pas autorisée en vertu du paragraphe 124.2(2). Ils prétendent qu'une question de renvoi doit être basée sur des faits non contestés, ce qui n'est pas le cas de la question 1d), puisque le commissaire conteste de nombreux faits énoncés dans l'exposé des motifs de leur avis de demande au titre du paragraphe 106(2).

[22]            Le Tribunal a décidé de répondre à la question 1d) en supposant que les faits exposés par les appelants dans leur demande au titre du paragraphe 106(2) étaient avérés. Vu les circonstances, je ne partage pas l'avis que les faits, pour les fins du renvoi, étaient contestés.

[23]            Les appelants reconnaissent que la question de savoir s'ils ont qualité de personnes « directement touchées » pour l'application du paragraphe 106(2) aurait constitué une question de droit si les faits à l'origine du renvoi n'avaient pas été contestés. Cependant, pour les motifs donnés ci-dessus, j'estime, comme le Tribunal, que les faits n'étaient pas contestés.

[24]            Le commissaire fait aussi valoir que suivant le paragraphe 124.2(2), le commissaire peut soumettre au Tribunal une question liée à l'interprétation ou à l'application de la Loi; en conséquence, le législateur doit avoir prévu que certaines questions relatives à l'application de la loi sont des questions de droit.

Conclusion

[25]            Pour ces motifs, je rejetterais les deux appels et j'ordonnerais que les dépens y afférents soient payés par les appelants au commissaire. L'avocat de West Fraser n'a sollicité aucuns dépens.

« John M. Evans »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

            K. Sharlow, juge »

« Je souscris aux présents motifs

            B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS

DOSSIERS :                                                   A-189-05

                                                                        A-276-05

INTITULÉ :                                                    LABURNS LAKE NATIVE DEVELOPMENT CORPORATION ET AL.

                                                                                                                        appelants

                                                                        et

            LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE         ET AL.           

                                                                                                                        intimés

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 6 MARS 2006

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                               LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                      LA JUGESHARLOW

                                                                        LE JUGE MALONE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 7 MARS 2006        

COMPARUTIONS :                         

Orestes Pasparakis

D. Michael Brown                                             POUR LES APPELANTS

Melanie Aitken

Derek Bell                                                         POUR L'INTIMÉ, LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE

James Musgrove                                                POUR LES INTIMÉES, WEST FRASER TIMBER CO. LTD. ET AL.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Ogilvy Renault s.r.l.                 

Avocats

Toronto (Ontario)                                              POUR LES APPELANTS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                    POUR L'INTIMÉ, LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE

Lang Michener s.r.l.Toronto (Ontario)                POUR LES INTIMÉES, WEST FRASER TIMBER CO. LTD ET AL.

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