Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040513

Dossier : A-336-03

Référence : 2004 CAF 193

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                            CATHERINE SPEARS

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 28 avril 2004

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 mai 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LE JUGE STONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                            LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                              LE JUGE EVANS


Date : 20040513

Dossier : A-336-03

Référence : 2004 CAF 193

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                            CATHERINE SPEARS

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STONE

[1]                Cette demande porte sur le contrôle et l'annulation d'une décision de la Commission d'appel des pensions, datée du 29 mai 2003. La décision rejetait l'appel d'une décision d'un tribunal de révision. La Commission a conclu que la demanderesse n'était pas atteinte « d'une invalidité physique [...] grave » , qui aurait fait qu'elle était « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » au sens du sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8.


Le contexte factuel

[2]                La demanderesse est née en 1952 et elle détient deux diplômes universitaires, y compris une maîtrise en éducation. La Commission décrit ses problèmes de santé de la façon suivante, au paragraphe 4 de ses motifs :

[4] En mars 1995, elle a soudainement eu une perte auditive à l'oreille droite, accompagnée d'un acouphène et d'étourdissements. Une audiométrie effectuée en mai 1996 a révélé une perte auditive importante à l'oreille droite, ainsi qu'un acouphène dans la même oreille. Un angiogramme du cerveau fait à la même époque a établi l'existence d'une aphasie fibro-musculaire, qui a contribué à ses étourdissements si elle se levait trop rapidement de la position accroupie ou si elle se retournait trop rapidement.

[3]                Lorsqu'elle a commencé à avoir ces problèmes, la demanderesse enseignait depuis 26 ans et la commission scolaire avait reconnu qu'elle était une enseignante dévouée. Par suite de ses problèmes de santé, elle a réduit ses heures d'enseignement à quatre jours par semaine, à compter de septembre 1996. Elle a aussi consulté plusieurs médecins, dont des spécialistes des maladies de l'oreille au Canada et à l'étranger, pour obtenir un diagnostic et rechercher un remède. Ses médecins ont constaté une surdité profonde à l'oreille droite et une légère perte auditive à l'oreille gauche. Cette situation ne s'est malheureusement pas améliorée et la demanderesse a été forcée de démissionner de son poste d'enseignante en raison de sa déficience auditive. Au vu de sa déficience, la demanderesse a demandé à la commission scolaire un poste de conseillère en orientation ou un poste d'encadrement d'enseignants. Rien de tel n'étant disponible, elle a présenté une demande au ministre le 22 janvier 2001, afin d'obtenir des prestations d'invalidité. Sa demande a été rejetée.


[4]                À l'appui de sa demande de pension d'invalidité en vertu du Régime, la demanderesse a déposé les rapports et avis de plusieurs médecins qui l'avaient examinée. À l'appui de son appel devant la Commission, elle a présenté l'avis du Dr C.C. Cron, un spécialiste en oto-rhino-laryngologie. Cet avis, daté du 4 mars 2003, fait suite à un examen réalisé le 24 février 2003. Le Dr Cron était d'avis que la demanderesse [traduction] « ne pouvait occuper un emploi rémunérateur et qu'il semblait certain qu'elle avait droit à une prestation d'invalidité » . Le médecin de famille de la demanderesse (le Dr Hanley), qui suivait son cas depuis mai 1995, a exprimé un avis semblable dans son rapport daté du 20 janvier 2003. Selon lui, la demanderesse [traduction] « n'était pas en mesure d'exercer son emploi ni aucun autre emploi » . Le Dr Hansen, psychiatre, était d'avis qu'au vu de ses problèmes de santé, [traduction] « il était peu probable qu'elle pourrait obtenir, et garder, un emploi dans le marché du travail normal » . De plus, l'audiologue Leslie Pratt était d'avis que [traduction] « elle pourrait très difficilement, ou pas du tout, occuper un poste de nature interactive » .


[5]                La demanderesse a comparu devant un tribunal de révision le 31 janvier 2002, en appel de la décision du ministre. Le tribunal de révision a conclu qu'elle était [traduction] « très efficace dans sa présentation [et que] son témoignage était clair et bien structuré » . Le tribunal a aussi noté [traduction] « qu'elle possédait déjà l'expérience de travail, les études et les compétences requises pour obtenir un emploi dans un environnement de travail compatible avec sa déficience auditive » . Par conséquent, il a rejeté l'appel. Cette décision a fait l'objet d'un autre appel à la Commission et c'est la décision de la Commission qui est soumise au contrôle judiciaire.

[6]                Le 28 mars 2003, le Dr Kennedy O'Brien, spécialiste de la médecine du travail, a témoigné comme expert au nom du ministre à l'audience de la Commission tenue à Halifax (N.-É.). Le curriculum vitae du Dr O'Brien a été déposé auprès de la Commission et transmis à la demanderesse le 7 mars 2003, soit trois semaines à peu près avant son témoignage. Deux jours avant l'audience, la demanderesse a reçu copie d'un [traduction] « résumé de témoignage » de quatre pages, préparé par le Dr O'Brien. Ce résumé a été déposé à l'audience lors du témoignage du Dr O'Brien. Dans ce résumé, le Dr O'Brien examine les divers avis médicaux déposés par la demanderesse à l'appui de son appel, à l'exception de celui du Dr Cron. Il mentionne spécifiquement l'avis du Dr Hansen et déclare ceci : [traduction] « La question consiste donc à savoir si elle a cherché à trouver un autre travail qui lui aurait convenu. » Le Dr O'Brien conclut son résumé comme suit :

[traduction]

La demanderesse a effectivement une déficience auditive, en ce qu'elle est « dure d'oreille » , mais elle n'est pas sourde. Elle aura des difficultés dans des environnements ou groupes interactifs bruyants. Elle devrait rechercher un emploi comme répétitrice (situation d'enseignement qui n'implique que l'enseignant et l'élève), ou elle devrait lancer une entreprise dans une telle fin. Subsidiairement, les institutions provinciales et fédérales offrent des environnements qui ne sont généralement pas bruyants ou distrayants, qui constituent des options positives. Elle a fait de bonnes études, elle a beaucoup d'expérience dans son domaine et elle est relativement jeune. Les programmes ou politiques en éducation, ainsi que l'enseignement privé ou des fonctions de répétitrice constituent des possibilités d'emploi appropriées. Il y a beaucoup de personnes dures d'oreille qui travaillent à leur compte ou pour des employeurs de cette sorte. En fait, il y a des gens qui souffrent de surdité profonde qui travaillent.


[7]                En concluant que la demanderesse n'était pas éligible à une pension d'invalidité en vertu du Régime, la Commission déclare ceci aux paragraphes 17 à 21 de ses motifs :

[17] L'avocat de l'appelante s'est reposé sur ses preuves et sur les opinions exprimées dans les rapports de quelques médecins, en particulier le Dr Hanley et le Dr Cron, pour étayer son argument selon lequel ses invalidités étaient si graves qu'elle était incapable d'occuper tout emploi rémunérateur.

[18] Il nous est impossible d'accueillir favorablement cet argument. Compte tenu de son éducation et de ses réalisations professionnelles, les preuves de son incapacité d'obtenir un emploi de tuteur dlèves ou un poste semblable ne sont pas convaincantes.

[19] Le Dr K. O'Brien, un spécialiste de la médecine du travail appelé à comparaître par l'intimé, a témoigné que, d'après ce qu'il sait, une personne qui a la formation et l'expérience de l'appelante et qui a les difficultés auditives incapacitantes de l'appelante trouverait facilement un emploi auprès d'un employeur partisan de l' « action positive » , comme le gouvernement fédéral du Canada, en particulier dans une profession énumérée par la Commission de la fonction publique du Canada. Selon lui, l'appelante pourrait trouver un emploi dans un poste de gestion ou de recherche. Les preuves produites par l'appelante indiquent qu'elle n'a pas essayé de chercher ou de trouver un emploi de ce genre auprès d'un employeur partisan de l'action positive.

[20] Après avoir pris en considération les preuves de certains médecins, en particulier celles des Drs Cron et Hanley, qu'elle ne pouvait pas occuper un emploi rémunérateur, nous accueillons les preuves du Dr O'Brien selon lesquelles l'appelante aurait probablement pu trouver un emploi auprès d'un employeur partisan de l'action positive.

[21] Bien que nous sympathisions avec l'appelante pour ses déficiences auditives, nous ne sommes pas convaincus qu'elle est incapable d'occuper tout emploi véritablement rémunérateur.

La législation pertinente

[8]                L'alinéa 44(1)b) du Régime porte que « une pension d'invalidité doit être payée à un cotisant qui n'a pas atteint l'âge de soixante-cinq ans [...] qui est invalide » . Le sous-alinéa 42(2)a)(i) et l'alinéa 42(2)b) sont rédigés comme suit :



42(2)Pour l'application de la présente loi_:a) une personne n'est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l'application du présent alinéa_:

(i) une invalidité n'est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

[...]

b) une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d'être invalide à la date qui est déterminée, de la manière prescrite, être celle où elle est devenue ou a cessé d'être, selon le cas, invalide, mais en aucun cas une personne n'est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d'une demande à l'égard de laquelle la détermination a été établie.

42(2) For the purposes of this Act,

(a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in prescribed manner to have a severe and prolonged mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

(i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect of whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation,

               ...

(b) a person shall be deemed to have become or to have ceased to be disabled at such time as is determined in the prescribed manner to be the time when the person became or ceased to be, as the case may be, disabled, but in no case shall a person be deemed to have become disabled earlier than fifteen months before the time of the making of any application in respect of which the determination is made.

Analyse


[9]                Lors d'une demande comme celle-ci, le rôle de la Cour n'est pas de déterminer le bien-fondé de la demande de prestation d'invalidité, mais seulement de décider si l'un des motifs énumérés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, est avéré, ce qui justifierait le renvoi de la question à la Commission pour nouvel examen : Brychka c. Canada (Procureur général) (1998), 141 F.T.R. 258 (1re inst.), au paragraphe 27. En arrivant à sa décision, la Cour doit tenir compte de la norme de contrôle appropriée au vu des questions soulevées par la décision de la Commission. On a déjà jugé que la détermination du sens d'invalidité « grave » , au sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime - une question de droit - doit respecter la norme de la décision correcte : Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 C.F. 130, 2001 CAF 248, au paragraphe 22.

[10]            Toutefois, la question principale en litige ici porte sur l'application de la loi aux faits et non sur l'interprétation de la loi. En conséquence, la question de savoir si l'invalidité de Mme Spears est « grave » aux fins du sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime est une question mixte de droit et de fait. Comme la réponse à cette question repose sur une composante factuelle importante, la jurisprudence de notre Cour établit que la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable : Canada (Procureur général) c. Hutchison, 2004 CAF 105, au paragraphe 3; Wilganowski c. Canada, 2002 CAF 373, au paragraphe 4; McKerrow c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 433, au paragraphe 3; Vogt c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 52, au paragraphe 4.

[11]            La notion du « caractère manifestement déraisonnable » de la décision d'un tribunal a fait l'objet d'un commentaire récent du juge Binnie dans l'arrêt S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, 2003 CSC 29, au paragraphe 164 :


Cependant, lorsqu'il applique la norme du caractère manifestement déraisonnable qui commande plus de déférence, le juge doit intervenir s'il est convaincu qu'il n'y a pas de place pour un désaccord raisonnable concernant l'omission du décideur de respecter l'intention du législateur. Dans un sens, une seule réponse est possible tant selon la norme de la décision correcte que selon celle du caractère manifestement déraisonnable. La méthode de la décision correcte signifie qu'il n'y a qu'une seule réponse appropriée. La méthode du caractère manifestement déraisonnable signifie que de nombreuses réponses appropriées étaient possibles, sauf celle donnée par le décideur.

[12]            La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en concluant qu'elle n'était pas invalide, parce qu'elle a donné une mauvaise interprétation au critère de « gravité » de la loi. La jurisprudence de notre Cour a depuis réitéré le fait que les exigences du sous-alinéa 42(2)a)(i) devaient être interprétées dans un contexte « réaliste » : Villani, précité. La question a été à nouveau abordée et expliquée plus longuement par notre Cour dans l'arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Rice, 288 N.R. 34, 2002 CAF 47, où le juge Rothstein déclare, aux paragraphes 9 et 10 :

9. La décision du 3 août 2001 du juge Isaac dans l'affaire Villani c. Procureur général du Canada (2001), 205 D.L.R. (4th) 58 (C.A.F.) dispose de la présente affaire. L'arrêt Villani nous apprend que même si le sous-alinéa 42(2)a)(i) devrait recevoir une interprétation généreuse, la définition d'une invalidité grave doit rester dans les limites du texte de cette disposition (paragraphe 29). Il n'y a rien dans le texte du sous-alinéa 42(2)a)(i) qui laisse entendre que les conditions du marché du travail sont pertinentes dans une évaluation sur l'invalidité.

10. En outre, l'exigence d'une invalidité grave doit être appliquée dans un contexte « réaliste » . Cela signifie que « les occupations hypothétiques qu'un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d'instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie (paragraphe 38) » . La référence du juge Isaac à « l'occupation hypothétique » indique clairement que ce qui est pertinent c'est l'existence de n'importe quelle occupation véritablement rémunératrice au regard de la situation personnelle du requérant, mais non la question de savoir si des emplois sont véritablement disponibles sur le marché du travail.


D'autres décisions encore plus récentes de notre Cour vont dans le même sens. Voir, par exemple, l'arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Scott, 300 N.R. 136, 2003 CAF 34. Un examen des motifs de la Commission au vu de cette jurisprudence n'indique pas qu'elle aurait mal appliqué le critère de gravité prévu au sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime.

[13]            En arrivant à sa conclusion que la demanderesse ne souffrait pas d'une invalidité grave, la Commission a pris en considération la preuve médicale à son sujet, y compris l'avis du Dr Cron daté du 4 mars 2003. Elle a aussi pris en considération l'avis de l'expert de l'intimé, le Dr O'Brien. Bien que ce dernier ne mentionne pas le rapport du Dr Cron dans son « résumé de témoignage » , il en avait eu connaissance lorsqu'il a témoigné à l'audience de la Commission le 28 mars 2003. Il est clair que la Commission a trouvé des arguments à l'appui de sa conclusion dans l'ensemble du témoignage du Dr O'Brien, y compris dans ce qui est énoncé dans le « résumé de témoignage » . Il est clair que la Commission n'a pas omis de tenir compte du dossier médical de la demanderesse et qu'elle a aussi tenu compte de la preuve du Dr O'Brien. Le dossier médical soumis à la Commission a été examiné assez longuement dans la décision soumise à notre contrôle. Une partie de cette preuve vient appuyer la réclamation de la demanderesse. En définitive, c'est la Commission qui devait soupeser cette preuve, ainsi que le reste du dossier d'appel, pour ensuite rendre sa décision. Il ne ressort pas que la décision de la Commission était manifestement déraisonnable.


[14]            La demanderesse attaque aussi la décision de la Commission au motif que celle-ci aurait excédé sa compétence en ne tenant pas compte de certaines exigences de procédure. Les lacunes avancées portent que la Commission n'aurait pas tenu compte de l'exigence exprimée à l'alinéa 42(2)b) du Régime, savoir que l'invalidité en vue d'une pension doit être déterminée de la « manière prescrite » ; que la Commission a commis une erreur en s'appuyant pour l'essentiel sur le témoignage du Dr O'Brien, un expert qui [traduction] « contrairement à ses propres médecins ne l'avait jamais examinée ou soignée, et qui n'avait aucune compétence en audiologie ou en oto-rhino-laryngologie » ; que la Commission a commis une erreur en s'appuyant sur le témoignage du Dr O'Brien pour déterminer que l'invalidité de la demanderesse n'était pas grave au lieu de se confiner à utiliser ce témoignage dans l'interprétation de la preuve médicale de la demanderesse.

[15]            Ces arguments ne sont pas fondés. Le premier s'appuie sur les exigences prévues à l'article 68 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, C.R.C., ch. 385 (1978), qui prescrit la façon dont un requérant doit établir qu'il est invalide au sens du paragraphe 42(2) du Régime. L'article 68 exige que les requérants fournissent au ministre les renseignements prévus au paragraphe 68(1) du Règlement. De plus, le paragraphe 68(2) autorise le ministre à exiger du requérant « de se soumettre à tout examen spécial et de fournir tout rapport que le ministre estimera nécessaire en vue de déterminer l'invalidité » . La demanderesse soutient donc que la Commission ne pouvait pas en droit accueillir le témoignage du Dr O'Brien à l'audience de son appel, à moins que ce témoignage ne respecte le paragraphe 68(2) du Règlement.


[16]            Cette suggestion ne tient pas compte de l'objectif déclaré du paragraphe 68(2), qui est d'autoriser le ministre à exiger qu'un requérant se soumette à tout examen spécial et fournisse tout rapport que le ministre estime nécessaire en vue de déterminer l'invalidité de la personne en cause. Ce paragraphe n'interdit pas à la Couronne de déposer une preuve d'expert, comme le témoignage du Dr O'Brien, à l'occasion d'un appel. En fait, le paragraphe 16(1) des Règles de procédure de la Commission d'appel des pensions (prestations), C.R.C., ch. 390 (1978), autorise expressément la Commission à « assigner toute personne à comparaître devant elle, par citation, et l'obliger à témoigner sous serment et à produire les documents qu'elle juge nécessaires » . Cet article des Règles accorde à la Commission toute la compétence nécessaire pour obtenir le témoignage de personnes comme le Dr O'Brien à l'audition d'un appel.


[17]            Il n'y a qu'un seul autre argument de procédure qui mérite examen. Cet argument est fondé sur une déclaration de la demanderesse que l'on trouve au paragraphe 5 de son affidavit du 13 août 2003. Elle y déclare que [traduction] « un ou plusieurs des membres de la Commission d'appel des pensions a déclaré, avant le témoignage du Dr K. O'Brien, que le seul objectif de ce témoignage était d'aider la Commission à interpréter le dossier médical » . La demanderesse soutient que le fait que la Commission a utilisé le témoignage du Dr O'Brien à l'appui de sa conclusion que la demanderesse ne souffrait pas d'une invalidité grave est contraire avec l'objectif plus limité que contenait la déclaration qu'elle impute aux membres de la Commission. Elle déclare donc qu'elle n'a pas reçu l'occasion de contester de façon efficace l'avis du Dr O'Brien. Il faut noter à nouveau que la demanderesse a été informée dès le 7 mars 2003 que le Dr O'Brien présenterait un témoignage d'expert pour la Couronne. De plus, son avocat a reconnu avoir reçu, au moins deux jours avant l'audition de l'appel, copie du « résumé de témoignage » du Dr O'Brien. Il est clair que le contenu du témoignage du Dr O'Brien, tel qu'il ressort de ce document, n'était pas restreint de la façon avancée par la demanderesse. De toute façon, le fait d'indiquer que l'objectif était d'aider la Commission à interpréter le dossier médical, bien que peut-être ambigu, ne voulait pas nécessairement dire que le Dr O'Brien restreindrait son témoignage à une simple interprétation des rapports des conseillers médicaux de la demanderesse, ou qu'il ne suggérerait pas à la Commission l'examen de possibilités d'autres emplois pour la demanderesse dans le marché du travail. Il avait déjà résumé son point de vue à ce sujet dans son « résumé de témoignage » .

[18]            En résumé, la demanderesse n'a pas démontré l'existence d'une erreur dans la décision de la Commission qui justifierait l'intervention de la Cour. Cette décision s'appuie sur le contenu du dossier. En conséquence, la demande est rejetée. Comme on n'a pas demandé les dépens, il n'en aura pas d'octroyés.

      « A.J. Stone »

                                                                                                     Juge                          

« Je souscris à ces motifs

    Gilles Létourneau, juge »

« Je souscris à ces motifs

    John M. Evans, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                  A-336-03

INTITULÉ :                                  CATHERINE SPEARS

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                 HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 28 AVRIL 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE STONE

Y ONT SOUSCRIT :                         LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

DATE DES MOTIFS :                       LE 13 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Jeremy Gay                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Katia Bustros                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Livingstone & Company                                               POUR LA DEMANDERESSE

Dartmouth (N.-É.)

Le sous-procureur général du Canada               POUR LE DÉFENDEUR

Ottawa (Ont.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.