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Date : 20000406


Dossiers : A-761-99

A-762-99


CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE EVANS

         LE JUGE MALONE



     A-761-99

ENTRE :

     LE MINISTRE DE L"ENVIRONNEMENT DU CANADA

     appelant

ET :

     LE COMMISSAIRE À L"INFORMATION DU CANADA

     intimé

     - et -

     ETHYL CANADA INC.

     nouvelle intimée


     A-762-99

ENTRE :

     LE COMMISSAIRE À L"INFORMATION DU CANADA

     appelant

ET :

     LE MINISTRE DE L"ENVIRONNEMENT DU CANADA

     intimé

     - et -

     ETHYL CANADA INC.

     nouvelle intimée







     Audience tenue à Ottawa (Ontario), le jeudi 6 avril 2000


     Jugement prononcé à l"audience, à Ottawa (Ontario), le jeudi 6 avril 2000






MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PRONONCÉS PAR : LE JUGE LÉTOURNEAU








Date : 20000406


Dossiers : A-761-99

A-762-99


CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE EVANS

         LE JUGE MALONE



     A-761-99

ENTRE :

     LE MINISTRE DE L"ENVIRONNEMENT DU CANADA

     appelant

ET :

     LE COMMISSAIRE À L"INFORMATION DU CANADA

     intimé

     - et -

     ETHYL CANADA INC.

     nouvelle intimée


     A-762-99

ENTRE :

     LE COMMISSAIRE À L"INFORMATION DU CANADA

     appelant

ET :

     LE MINISTRE DE L"ENVIRONNEMENT DU CANADA

     intimé

     - et -

     ETHYL CANADA INC.

     nouvelle intimée




     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l"audience, à Ottawa (Ontario),

     le jeudi 6 avril 2000)


LE JUGE LÉTOURNEAU


     Les procédures engagées dans les dossiers A-761-99 et A-762-99 visaient des appels interjetés par le ministre de l"Environnement (le ministre) et le Commissaire à l'information du Canada (le Commissaire). En vertu de l"ordonnance rendue par le juge Rothstein de la Cour d"appel en date du 19 janvier 2000, les deux appels ont été joints. Par la suite, le Commissaire s"est désisté de son appel dans le dossier A-762-99. L"appel interjeté par le ministre dans le dossier A-761-99 vise les conclusions suivantes du juge des requêtes :

    

a)      le paragraphe 36(2) et l"article 46 de la Loi sur l'accès à l'information , L.R.C. (1985), ch. A-1 ( la Loi) habilitent le Commissaire à verser au dossier de la Cour, pour utilisation éventuelle en preuve, des documents qui sont protégés par le secret des communications entre avocat et client lorsque ces documents n"étaient pas visés par une demande de renseignements sous le régime de la Loi;
b)      la question de la confidentialité des communications entre avocat et client et de l'admissibilité des documents se réclamant de cette protection est une question qu'examinera au fond le juge qui entend la demande de contrôle judiciaire;
c)      l"avocat de l"intimée, Ethyl Canada Inc. (Ethyl), aura accès aux documents protégés par le secret des communications entre avocat et client, après dépôt d'un engagement de non-divulgation.

     Le paragraphe 36(2) et l"article 46 portent :


36. (2) Notwithstanding any other Act of Parliament or any privilege under the law of evidence, the Information Commissioner may, during the investigation of any complaint under this Act, examine any record to which this Act applies that is under the control of a government institution, and no such record may be withheld from the Commissioner on any grounds.

36. (2) Nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité reconnue par le droit de la preuve, le Commissaire à l"information a, pour les enquêtes qu"il mène en vertu de la présente loi, accès à tous les documents qui relèvent d"une institution fédérale et auxquels la présente loi s"applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.



46. Notwithstanding any other Act of Parliament or any privilege under the law of evidence, the Court may, in the course of any proceedings before the Court arising from an application under section 41, 42 or 44, examine any record to which this Act applies that is under the control of a government institution, and no such record may be withheld from the Court on any grounds.


46. Nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité reconnue par le droit de la preuve, la Cour a, pour les recours prévus aux articles 41, 42 et 44, accès à tous les documents qui relèvent d"une institution fédérale et auxquels la présente loi s"applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.



LES FAITS ET LA PROCÉDURE

La demande de renseignements initiale


     En 1995, le gouvernement a présenté le projet de loi C-94, visant la Loi sur les additifs à base de manganèse, qui a été adopté par le Parlement le 19 mai 19971.


     En 1997, a été présentée au ministre, pour le compte d'Ethyl, une demande de communication de "documents de travail " portant sur les décisions prises à l"égard d"un additif à l"essence, le méthylcyclopentadiényl manganèse tricarbonyle (MMT). La demande visait :

     [TRADUCTION] Les documents de travail destinés à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l'examen du Conseil privé de la Reine pour le Canada, en vue des décisions à prendre au sujet du méthylcyclopentadiényl manganèse tricarbonyle (MMT). 2

     Le ministre a rejeté la demande pour deux raisons. En premier lieu, le Cabinet n"utilise plus de " documents de travail " : en d"autres termes, les documents demandés n"existent pas3. En deuxième lieu, dans la mesure où il peut y avoir d"autres types de documents sur le sujet du MMT, ces documents ne sont pas assujettis à la divulgation en raison de l"article 69 de la Loi, lequel prévoit que la Loi ne s"applique pas aux documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada (le Cabinet)4.

L"enquête du Commissaire à l'information


     Ethyl a déposé une plainte, laquelle a donné lieu à une enquête du Commissaire. Le Commissaire a présenté une demande de documents au Bureau du Conseil privé et obtenu copie de certains documents non visés par la demande. Ces documents n"étaient pas des documents de travail, mais des documents portant sur l"utilisation de documents de travail au sein du système de dossiers du Cabinet. Selon le ministre, certains des documents obtenus par le Commissaire seraient protégés au titre du secret des communications entre avocat et client5.


     Dans sa décision, le juge des requêtes a clarifié la relation entre ces documents et ceux que tentent d"obtenir Ethyl et le Commissaire, d"abord au moyen d"une demande adressée au ministre, puis au moyen d"un contrôle judiciaire du refus du ministre :

     Il ne s'agit pas là de documents visés par le recours exercé par le Commissaire à l'information en application de l'article 42 de la Loi sur l'accès à l'information. Les documents qui font l'objet de cette requête sont ceux qu'il avait déjà obtenus lors de son enquête et qu'il cherche maintenant à déposer auprès de la Cour, à l'appui du recours principal.6

Le présent appel porte sur ces mêmes documents déjà obtenus par le Commissaire.

La demande de contrôle judiciaire


     Le Commissaire a demandé, sous le régime de l"alinéa 42(1)a ) de la Loi, le contrôle judiciaire du refus du ministre de communiquer les documents de travail du Cabinet demandés par Ethyl7. Le Commissaire a indiqué qu"il entendait appuyer sa demande en déposant auprès de la Cour tous les documents obtenus lors de son enquête, y compris ceux qui sont protégés au titre du secret des communications entre avocat et client8.

La requête demandant la restitution des documents ou l"interdiction de les déposer


     Le ministre a introduit une requête tendant à ordonnance au Commissaire de lui restituer un document qui avait été communiqué par erreur au Commissaire lors de son enquête. Le ministre a demandé subsidiairement une ordonnance interdisant que ce document soit versé au dossier public. Le ministre a aussi demandé une ordonnance portant interdiction au Commissaire de déposer et d"utiliser auprès de la Cour saisie du recours en révision les documents protégés par le secret des communications entre avocat et client9. Enfin, le ministre a demandé que tous les documents obtenus par le Commissaire au cours de son enquête au sujet de la plainte d"Ethyl soient traités à titre confidentiel et fassent l"objet d"une ordonnance en ce sens. Le Commissaire a convenu devant le juge des requêtes que certaines parties de ces documents peuvent être protégées et que, partant, il ne s"opposait pas à ce que les documents soient déposés à titre confidentiel conformément aux règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998) , DORS/98-106.

Analyse de la décision du juge des requêtes


     En supposant que le juge des requêtes a conclu que le Commissaire peut, en principe, déposer devant la Cour, dans l"instance en contrôle judiciaire introduite par lui, les documents qu"ils a obtenus lors de son enquête et à l"égard desquels l"appelant invoque la protection du secret des communications entre avocat et client, nous ne voyons aucune raison de modifier sa conclusion10.


     Si ces documents avaient été demandés auprès du gouvernement par Ethyl et que l"appelant avait invoqué le secret des communications entre avocat et client pour en refuser la communication en vertu de l"article 23 de la Loi, les éléments matériels auraient été déposés devant la Cour fédérale dans le cadre d"un contrôle, sous le régime des articles 41 ou 42 de la Loi, du refus du ministre de les communiquer. La Cour saisie du recours en révision doit examiner les éléments matériels se réclamant de la protection du secret des communications entre avocat et client pour en établir le bien-fondé. En fait, l"article 46 prévoit expressément que " nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité reconnue par le droit de la preuve , la Cour a... accès à tous les documents qui relèvent d'une institution fédérale et auxquels la présente loi s'applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé (non souligné dans le texte original). La Loi habilite clairement la Cour à rompre la confidentialité fondée sur le secret des communications entre avocat et client. Cela est cohérent avec l"un des objets de la Loi énoncés au paragraphe 2(1) : " les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif. "11. En bref, un document protégé par le secret des communications entre avocat et client est admissible en preuve de sorte que le juge appelé à effectuer le contrôle judiciaire puisse s"y pencher à titre confidentiel afin de décider si l"exception fondée sur l"article 23 a été invoquée à bon droit. Le pouvoir d"" examiner " les dossiers protégés conféré aux tribunaux par l"article 46 de la Loi est plus vaste qu"un simple pouvoir d"inspection : il englobe le pouvoir judiciaire de se servir de communications protégées comme moyen de preuve permettant d"apprécier le bien-fondé de l"exception invoquée et la légalité du refus de communication.


     Cela étant, nous ne pouvons voir comment, dans les circonstances de l"espèce, les documents obtenus par le Commissaire lors de son enquête ne pourraient être versés devant le juge saisi de la demande de contrôle judiciaire.


     En fait, le ministre a refusé de communiquer les documents de travail au motif que ces documents n"existaient pas et il a donné un avis en ce sens à Ethyl conformément à l"alinéa 10(1)a ) de la Loi. En vertu de l"alinéa 42(1)a ) de la Loi, le Commissaire à l'information a qualité pour exercer le recours en révision pour "refus de communication " d'un document demandé en vertu de la Loi. La Cour a donc compétence pour examiner un refus de communication fondé sur l"allégation d"inexistence de documents. Toutefois, lorsque le responsable d'une institution fédérale prétend que des documents n"existent pas, la Cour saisie du recours en révision ne peut évidemment pas employer sa méthode habituelle de contrôle d"une décision de refus. Contrairement à la situation où c"est une exception à la communication qui est revendiquée, la Cour ne peut examiner les documents retenus afin de décider s"ils appartiennent effectivement à la catégorie visée par l"exception. En pareil cas, nous croyons qu"il y a lieu pour la personne qui demande la communication ou pour le Commissaire de verser des documents accessoires qui sont pertinents à l"égard de l"existence des documents demandés et qui peuvent aider la Cour à exercer sa fonction de contrôle indépendant du refus de communication du pouvoir exécutif. À notre avis, le Parlement ne peut avoir voulu que la Cour ne dispose des éléments de preuve pertinents pour exercer sa fonction de contrôle que dans les cas de refus fondés sur des exceptions visées par la Loi, mais non dans les cas de refus fondés sur l"inexistence de documents. Nous trouvons confirmation de cet avis dans l"alinéa 63(1)b ) de la Loi qui permet au Commissaire de divulguer les renseignements dont la divulgation est nécessaire lors d"un recours en révision, engagé sous le régime de la Loi, d"un refus de communication. L"alinéa 63(1)b ) porte :


63. (1) The Information Commissioner may disclose or may authorize any person acting on behalf or under the direction of the Commissioner to disclose information

[...]

(b) in the course of a prosecution for an offence under this Act, a prosecution for an offence under section 131 of the Criminal Code (perjury) in respect of a statement made under this Act, a review before the Court under this Act or an appeal therefrom.

63. (1) Le Commissaire à l"information peut divulguer, ou autoriser les personnes agissant en son nom ou sous son autorité à divulguer, les renseignements:

[...]

b) dont la divulgation est nécessaire, soit dans le cadre des procédures intentées pour infraction à la présente loi ou pour une infraction à l"article 131 du Code criminel (parjure) se rapportant à une déclaration faite en vertu de la présente loi, soit lors d"un recours en révision prévu par la présente loi devant la Cour ou lors de l"appel de la décision rendue par celle-ci.



La divulgation peut se faire par le dépôt des renseignements auprès du juge siégeant en révision.


     Ainsi qu"il a déjà été mentionné, le Parlement a expressément établi comme l"un des objets clés de la Loi la nécessité d"offrir des recours indépendants de contrôle des décisions en matière de communication du pouvoir exécutif. C"est ce qui explique la permission claire et vaste donnée aux tribunaux par l"article 46 de la Loi d"examiner tous les documents, même ceux qui sont protégés, dans le cadre d"une demande de contrôle judiciaire. En effet, l"article 46 énonce clairement l"intention de retirer à un large éventail de documents protégés leur protection habituelle contre une utilisation judiciaire. Lorsque des documents accessoires à une demande de communication constituent le seul type de preuve disponible dans un contrôle judiciaire d"un refus fondé sur l"inexistence de documents, il ne fait pas de doute que ces documents, s"ils ne sont pas protégés, sont admissibles dès lors qu"ils ont un rapport avec la question de l"existence des documents demandés. Le fait qu"ils puissent être protégés n"a pas d'importance puisque l"obstacle qu"est la protection est éliminé par le libellé clair de l"article 46.


     Nous croyons que les documents obtenus par le Commissaire, dès lors qu"ils ont un rapport avec l"utilisation de " documents de travail " au sein du Cabinet ainsi qu"il est allégué, sont en principe admissibles dans une instance de contrôle judiciaire. Ils devraient être admis si le juge siégeant en révision est convaincu qu"ils peuvent l"aider à établir le bien-fondé et la légalité du refus du pouvoir exécutif de communiquer des renseignements fondé sur la prétention selon laquelle, depuis 1984, le Cabinet n"utilise ni ne conserve plus de "documents de travail ".


     En ce qui a trait au deuxième moyen d"appel, nous sommes d"avis que le juge des requêtes a exercé à bon droit son pouvoir discrétionnaire en réservant au juge siégeant en révision la question de l"admissibilité des documents détenus par le Commissaire.


     Comme lui, nous nous préoccupons du délai inhérent qu"entraîne l"engagement de procédures interlocutoires dans un processus de contrôle judiciaire conçu pour être expéditif et sommaire12. La présente espèce constitue un exemple clair et éclatant du problème qui devrait précisément être évité. La décision du juge des requêtes a été rendue le 15 novembre 1999 et, près de cinq mois plus tard, le recours en révision au fond n"a toujours pas eu lieu.


     Un autre motif porte à décourager l"engagement de procédures interlocutoires sur la question de l"admissibilité d"éléments de preuve dans ce type d"instance. Il est possible que la décision que rendra le juge siégeant en révision sur la question de l"admissibilité ou sur le fond de la demande de contrôle judiciaire s"avère satisfaisante pour les parties, ce qui établirait soit que l"objection n"était pas fondée, soit qu"une opposition interlocutoire antérieure n"était pas nécessaire13.


     Cela nous amène au dernier moyen d"appel de l"appelant, à savoir que la Loi n"abroge pas la protection du secret des communications entre avocat et client dans des documents qui ne sont pas visés par la demande de communication et que, partant, elle ne permet pas leur divulgation à la partie qui en fait la demande. Selon la prétention de l"appelant, la Loi autorise un examen par le Commissaire et par la Cour saisie du recours en révision.


     Dans l"arrêt Hunter c. Canada (Ministère des Consommateurs et des Sociétés)14, la Cour a reconnu que, dans des circonstances appropriées, l"avocat d"une partie qui en fait la demande devrait, sous réserve de certaines conditions, avoir accès à des renseignements confidentiels ou à suffisamment de renseignements pertinents pour lui permettre de présenter ses arguments, les conditions pouvant varier en fonction de circonstances particulières. À titre d"exemples de situations où il pourrait y avoir rejet, le juge Décary a mentionné les demandes frivoles et extravagantes ou d"un caractère exploratoire trop vaste, et les cas mettant en cause les affaires internationales, la défense ou des activités subversives15. Ce point de vue a été réitéré à l"unanimité par la Cour dans l"arrêt Molson Breweries c. Labatt Brewing Co.16, qui portait sur une action en passing off et en contrefaçon d"une marque de commerce. Une ordonnance de confidentialité rendue par le juge des requêtes était contestée par Labatt. En ce qui a trait à la question de la communication, la Cour a déclaré :

     [L]a manière normale de concilier les exigences en matière de transparence et de confidentialité, lorsque les documents l"imposent, est de divulguer aux avocats des parties l"information confidentielle, sur engagement de ces derniers de préserver la confidentialité même à l"égard de leurs clients.

     Les faits de la présente espèce sont toutefois très différents. L"ordonnance du juge des requêtes ne se limite pas à accorder à l"avocat d"Ethyl l"accès à des renseignements confidentiels. Elle comprend l"accès à des documents protégés par le secret des communications entre client et avocat. Ainsi que l"a dit le juge Linden de la Cour d"appel dans l"arrêt Stevens c. Canada (Premier ministre)17, la protection accordée au secret des communications entre client et avocat est très forte tant que le revendiquant du privilège demeure dans le cadre de la relation client-avocat. Le privilège des communications entre client et avocat n"est pas une revendication aussi large qu"une revendication de la confidentialité, mais à notre avis, il mérite une protection accrue et supérieure. Dans son examen de la vaste question du secret des communications entre avocat et client, le juge des requêtes a cité un extrait des motifs du juge Lamer dans Descôteaux c. Mierzwinski18 et énoncé la règle selon laquelle il ne devrait être porté atteinte à ce privilège que dans la mesure absolument nécessaire à la réalisation des fins recherchées par la Loi.


     En appliquant ce principe à la présente espèce, nous ne voyons toutefois pas comment la communication à l"avocat d"Ethyl de renseignements protégés par le secret des communications entre avocat et client est absolument nécessaire dans les circonstances. Le juge siégeant en révision verra les documents protégés. En outre, le Commissaire a déjà vu les documents. C"est lui qui a introduit la demande de contrôle judiciaire et il représente avec compétence l"intérêt de la communication des documents demandés. Il ne s"agit pas d"une instance où, pour reprendre les mots du juge Décary dans l"arrêt Hunter19, il est nécessaire de permettre à l"avocat de prendre connaissance d"éléments matériels confidentiels pour éviter l"injustice qu"il y aurait à obliger le tribunal à prendre d"importantes décisions " en n"ayant entendu qu"une seule version ".


     Pour ces motifs, l"appel sera accueilli en partie. Compte tenu du fait que les documents visés par l"ordonnance de confidentialité sont exclusivement des documents à l"égard desquels la protection du secret des communications entre avocat et client est invoquée, le paragraphe 8 de l"ordonnance du juge des requêtes, en date du 15 novembre 1999, sera radié sous réserve du pouvoir du juge siégeant en révision, aux conditions et engagements qu"il jugera à propos d"exiger, d"accorder à l"avocat d"Ethyl l"accès aux éléments matériels jugés ne pas être ainsi protégés. La Cour ne se prononce pas sur les dépens.


     " Gilles Létourneau "

     J.C.A





Traduction certifiée conforme,



Raymond Trempe, BCL





Date : 20000406


Dossiers : A-761-99

A-762-99

     OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 6 AVRIL 2000


CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE EVANS

         LE JUGE MALONE



     A-761-99

ENTRE :

     LE MINISTRE DE L"ENVIRONNEMENT DU CANADA

     appelant

ET :

     LE COMMISSAIRE À L"INFORMATION DU CANADA

     intimé

     - et -

     ETHYL CANADA INC.

     nouvelle intimée


     A-762-99

ENTRE :

     LE COMMISSAIRE À L"INFORMATION DU CANADA

     appelant

ET :

     LE MINISTRE DE L"ENVIRONNEMENT DU CANADA

     intimé

     - et -

     ETHYL CANADA INC.

     nouvelle intimée









     JUGEMENT



         L"appel est accueilli en partie. Le paragraphe 8 de l"ordonnance du juge des requêtes, en date du 15 novembre 1999, est radié sous réserve du pouvoir du juge siégeant en révision, aux conditions et engagements qu"il jugera à propos d"exiger, d"accorder à l"avocat d"Ethyl l"accès aux éléments matériels jugés ne pas être protégés par le secret des communications entre avocat et client.



     " Gilles Létourneau "

     J.C.A .





Traduction certifiée conforme,



Raymond Trempe, BCL

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION D"APPEL

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIERS Nos :                  A-761-99/A-762-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Le ministre de l'Environnement du Canada c. Le Commissaire à l'information du Canada et Ethyl Canada Inc. (A-761-99)

                         Le Commissaire à l'information du Canada c. Le ministre de l'Environnement du Canada et Ethyl Canada Inc. (A-762-99)
                         (joints par l"ordonnance du juge Rothstein, J.C.A., du 19 janvier 2000)
LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              6 avril 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE LÉTOURNEAU, DU JUGE EVANS ET DU JUGE MALONE

LE :                          6 avril 2000

ONT COMPARU :

M. David Sgayias, c.r.              pour le ministre appelant

M. Christopher Rupar

M. Daniel Brunet                  pour le Commissaire à l'information du

Mme Karen Rudner                  Canada, intimé

M. Bruce Campbell                  pour Ethyl Canada Inc., intimée



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Morris Rosenberg                  pour le ministre appelant

Sous-procureur général du Canada

Commissaire à l'information du Canada      pour le Commissaire à l'information du

Ottawa (Ontario)                  Canada, intimé

Genest Murray                  pour Ethyl Canada Inc., intimée

Toronto (Ontario)



__________________

1      Dossier d"appel, vol. 2, à la p. 2.

2      Ibid.

3      Ibid., onglet 7. Cette position est expliquée de façon plus détaillée dans une lettre du Bureau du Conseil privé au Commissaire : ibid., onglet 13.

4      Ibid., onglet 7.

5      DA, vol. I, à la p. 56. Les documents en question sont décrits et énumérés dans la pièce " D " de l"affidavit de Katharine MacCormick. Voir les p. 73 ss.

6      Ibid., à la p. 24.

7      Avis de requête, ibid., aux pp. 46 à 48.

8      Affidavit de Sluzar, DA, vol. 2, onglet 11.

9      Avis de requête, DA, vol. 1, à la p. 52, alinéa b).

10      Les parties ne s"entendent pas sur la question de savoir si le juge des requêtes a tiré cette sorte de conclusion ou s"il a tout simplement renvoyé toute l"affaire devant le juge appelé à trancher au fond. Le paragraphe 64 de la décision du juge des requêtes, qui vient clore un examen fondamental de la portée des articles 36 et 46 de la Loi, porte : " En conséquence, je conclus que la confidentialité revendiquée en l'espèce ne peut avoir pour effet d'empêcher le Commissaire à l'information de verser les documents en question au dossier. " Il n"est pas déraisonnable de conclure qu"il a jugé que le secret des communications entre avocat et client ne constituait pas un obstacle au dépôt des documents, mais qu"il a laissé au juge du fond le soin d"établir si les documents en cause dans la présente espèce pouvaient être admis en preuve devant lui. Au paragraphe 69 de sa décision, il a écrit : " La question de la confidentialité des communications entre avocat et client et de l'admissibilité des documents se réclamant de cette protection est une question de preuve, qu'examinera au fond le juge qui entend la demande. "

11      Le libellé intégral du paragraphe 2(1) porte :

12      L"article 45 de la Loi prévoit que les recours visés à l"article 42 " sont entendus et jugés en procédure sommaire ".

13      Szczecka c. Canada (Min. de l"Emploi et de l"Immigration), (1993), 170 N.R. 58 (C.A.F.).

14      [1991] 3 C. F. 186 (C.A.F.).

15      Id., à la p. 211.

16      [1992] 3 C.F. 78, à la p. 84 (C.A.F.).

17      [1998] 4 C.F. 89, à la p. 105.

18      [1982] 1 R.C.S. 860, à la p. 875.

19      [1991] 3 C.F. 186, à la p. 203.

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