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Date : 20000526


A-140-99

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE MALONE



E n t r e :

     JABEL IMAGE CONCEPTS INC.

     (S/N ACADEMY OF LEARNING)

     appelante

     - et -

    

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée





     A-141-99

E n t r e :


     PEACH HILL MANAGEMENT LTD.

     appelante

     - et -

    

     SA MAJESTÉ LA REINE

                                         intimée




     A-142-99

E n t r e :

     COASTAL PACIFIC FLIGHT CENTRE LTD.

     S/N COASTAL PACIFIC AVIATION

     appelante

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée




     A-143-99

E n t r e :

     OTTER TRAINING SCHOOL LIMITED

     appelante

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée



     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE


[1]      La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 3 février 1999 par laquelle le juge E.A. Bowie, de la Cour canadienne de l'impôt, a décidé que certains revenus que les appelantes avaient reçus sous forme de frais d'inscription à des cours destinés à des étudiants parrainés par un ou plusieurs organismes gouvernementaux ne remplissaient pas les conditions prévues au paragraphe 259(3) de la Loi sur la taxe d'accise1 pour ouvrir droit à un remboursement de la taxe sur les produits et services (la TUS).

[2]      Les appelantes sont toutes des établissements d'enseignement postsecondaire qui exploitent une entreprise à but lucratif. Elles seraient toutes admissibles à un remboursement de la TUS pour la période qui précède le 23 avril 1996 si elles peuvent démontrer qu'elles répondent à la définition de l'expression « collège public » qui se trouve au paragraphe 259(1) de la Loi2. Les périodes de demande visées varient selon les appelantes et couvrent la période du 1er juillet 1991 au 31 mars 1996. Aucune des appelantes n'a, au cours des périodes de demande pertinentes, reçu d'argent d'un gouvernement ou d'une municipalité sous forme de subventions.

[3]      Le juge Bowie, de la Cour de l'impôt, a conclu que les appelantes n'étaient pas des collèges publics parce qu'elles « ne recevaient pas de subventions d'un gouvernement » , étant donné que cette expression exige que les bénéficiaires reçoivent de l'argent du gouvernement sous forme de subvention et non sous la forme de frais versés en contrepartie de services rendus.

[4]      La seule question en litige en l'espèce est celle de savoir si le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur justifiant un contrôle judiciaire en concluant que les appelantes n'étaient pas des « collèges publics » et qu'elles n'étaient par conséquent pas admissibles à un remboursement de TPS en vertu du paragraphe 259(3) de la Loi.

[5]      Le juge de la Cour de l'impôt aurait commis une erreur de droit dans son interprétation des dispositions applicables de la Loi. Les appelantes lui reprochent en effet de ne pas avoir tenu compte de la définition de l'expression « montant de financement public » que l'on trouve à l'article 2 du Règlement sur les remboursements aux organismes de services publics (TPS/TVH)3. Cette expression s'entend notamment de toute somme d'argent payée à une personne par le gouvernement « en contrepartie des biens ou des services qu'elle met à la disposition d'autres personnes [...] au moyen de fournitures exonérées » .

[6]      Les appelantes nous ont renvoyés aux modifications apportées en 1997 par le législateur fédéral à la définition des expressions « collège public » et « organisme déterminé de service public » , modifications qui, soutiennent-elles, ont eu pour effet de changer le sens de ces expressions. Les appelantes affirment qu'il ne s'agissait pas là de simples éclaircissements donnés par le législateur au sujet de l'esprit de la loi. À titre subsidiaire, elles font valoir que la question à se poser est celle de savoir pourquoi le législateur n'a rendu les modifications rétroactives qu'au 23 avril 19964. Ce raisonnement n'aide cependant pas leur cause, car la modification d'un texte de loi n'implique pas que le droit a changé. Le paragraphe 45(2) de la Loi d'interprétation5 répond d'ailleurs à cet argument :

45. (2) The amendment of an enactment shall not be deemed to be or to involve a declaration that the law under that enactment was or was considered by Parliament or other body or person by whom the enactment was enacted to have been different from the law as it is under the enactment as amended.

45. (2) La modification d'un texte ne constitue pas ni n'implique une déclaration portant que les règles de droit du texte étaient différentes de celles de sa version modifiée ou que le Parlement, ou toute autre autorité qui l'a édicté, les considérait comme telles.


[7]      Le principal argument qu'avancent les appelantes est que les mots « reçoit des subventions d'un gouvernement » (paragraphe 123(1) de la Loi) équivalent aux mots « montant de financement public » (alinéa 2a)(ii) du Règlement sur la TPS) et qu'il n'est donc pas nécessaire d'aller plus loin. Les appelantes font valoir que, comme elles tombent de toute évidence sous le coup du sous-alinéa 2a)(ii) du Règlement, elles reçoivent en conséquence un montant de financement public et sont donc des collèges publics qui ont droit au remboursement de la TPS payée avant les modifications de 1997. Elles ajoutent que ces mots sont nets, simples et précis et qu'on doit par conséquent leur attribuer des conséquence juridiques et pratiques.

[8]      Il ressort de l'économie générale de la partie IX de la Loi que les personnes qui fournissent des biens ou des services taxables doivent percevoir la TPS sur les biens et services qu'elles fournissent. En règle générale, les personnes inscrites sous le régime de la Loi ont le droit de défalquer la TPS qu'elles ont payée (crédit de taxe sur les intrants) de la TPS qu'elles ont perçue et elles doivent en remettre la différence au Receveur général6. Si, au lieu d'effectuer des fournitures taxables, un fournisseur effectue des fournitures exonérées au sens de l'annexe V de la Loi, ce fournisseur ne perçoit pas de TPS à l'égard de ces fournitures et il ne peut demander de crédit de taxe sur les intrants. La partie III de l'annexe V prévoit notamment que les « services d'enseignement » constituent des fournitures exonérées.

[9]      Pour interpréter les dispositions d'une loi fiscale, il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et courant qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur7. Je suis d'avis que le sens courant de l'expression « qui reçoit des subventions d'un gouvernement » dans le contexte de la définition de l'expression « collège public » est celui de la réception d'une aide financière publique, notamment sous forme de subventions. À l'appui de cette conclusion, je constate que toutes les personnes ayant droit à un remboursement en vertu du paragraphe 259(1) sont des organismes sans but lucratif (c.-à-d. des hôpitaux, des municipalités et des écoles et universités sans but lucratif) qui ne gagnent aucun revenu imposable.

[10]      En anglais, le verbe « to fund » signifie « procurer les capitaux nécessaires au fonctionnement de » ou « déposer dans un fond » , par opposition au paiement d'une somme d'argent en contrepartie des services exécutés conformément à un contrat8. Mon interprétation de l'expression anglaise « funded » est également appuyée par les mots employés dans la version française de la loi, en l'occurrence « reçoit des subventions d'un gouvernement ou d'une municipalité » . L'emploi du mot « subvention » montre bien que, pour qu'une institution puisse être considérée comme un « collège public » , il faut que l'argent qu'elle reçoit soit de la nature d'une aide financière telle qu'une subvention. Le sens courant et ordinaire des mots « reçoit des subventions » exclut tout paiement effectué dans le cadre d'un contrat exécuté pour des motifs commerciaux. Le mot « subvention » s'entend de tout « secours financier que l'État ou une association accorde à un groupement ou à une personne » . Les équivalents anglais les plus proches sont « grant » et « subsidy » 9.

[11]      La jurisprudence de notre Cour va dans le même sens. Notre Cour a en effet déjà décidé que la somme d'argent reçue dans le cadre de l'exécution d'un contrat commercial négocié entre les parties pour des motifs commerciaux ne peut être considérée comme une subvention10.

[12]      Je rejette également l'argument des appelantes suivant lequel les expressions « reçoit des subventions d'un gouvernement » (en anglais « funded by a government » ) et « l'expression « montant de financement public » (en anglais, « government funding » ) sont des équivalents et qu'en conséquence, la définition de l'expression « montant de financement public » (en anglais, « government funding » ) est utile pour déterminer le sens de l'expression « reçoit des subventions d'un gouvernement » (en anglais « funded by a government » ). Lorsqu'une loi emploie des mots différents pour traiter du même sujet, ce choix du législateur doit être considéré comme délibéré et être tenu pour une indication de changement de sens ou de différence de sens11. Pour préciser les cas d'admissibilité à un remboursement de TPS, le législateur fédéral a choisi de faire une distinction entre les expressions « montant de financement public » (en anglais, « government funding » ) et « reçoit des subventions d'un gouvernement » (en anglais « funded by a government » ). Il s'ensuit que ces expressions ne sont pas équivalentes.

[13]      Le juge de la Cour de l'impôt n'a commis aucune erreur de droit. Je suis d'avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire. Aucuns dépens n'ont été demandés.

                             (Signature) « A.M. Linden »

                                 J.C.A.

                             (Signature) « J. Edgar Sexton »

                             J.C.A.

                             (Signature) « B. Malone »

                                  J.C.A.




Le 26 mai 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)


Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.




Date : 20000526


A-140-99

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE MALONE



E n t r e :

     JABEL IMAGE CONCEPTS INC.

     (S/N ACADEMY OF LEARNING)

     appelante

     - et -

    

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée





     A-141-99

E n t r e :


     PEACH HILL MANAGEMENT LTD.

     appelante

     - et -

    

     SA MAJESTÉ LA REINE

                                         intimée








     A-142-99

E n t r e :

     COASTAL PACIFIC FLIGHT CENTRE LTD.

     S/N COASTAL PACIFIC AVIATION

     appelante

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée




     A-143-99

E n t r e :

     OTTER TRAINING SCHOOL LIMITED

     appelante

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée


Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique) le 25 mai 2000

JUGEMENT rendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le 26 mai 2000


MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE MALONE


     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



Nos DU GREFFE :              A-140-99 Jabel Image Concepts Inc c. SMR

                     A-141-99 Peach Hill Management Ltd. c. SMR

                     A-142-99 Coastal Pacific Flight Centre Ltd c. SMR

                     A-143-99 Otter Training School Limited c. SMR


LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 25 mai 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE MALONE en date du 26 mai 2000

Y ONT SOUSCRIT :           le juge Linden
                     le juge Sexton

ONT COMPARU :

Me Stephen P. Grey              pour l'appelante

Me Elizabeth Junkin

Me Denise Dinsdale              pour l'intimée

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Stephen P. Grey Law Corporation

Avocats et procureurs

Richmond (C.-B.)              pour l'appelante

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur

général du Canada              pour l'intimée
__________________

1L.R.C. (1985), ch.E-15, parties VIII et IX, et annexes V to X (la Lot).

2Les « collèges publics » sont assimilés à des « organismes déterminés de services publics » , expression qui est définie au paragraphe 259(1). Ces organismes sont au nombre des personnes admises à demander le remboursement d'un taux prescrit de la TPS qu'elles ont payée. Avant le 23 avril 1996, la Loi définissait de la façon suivante les « collège publics » : « Institution ou partie d'institution qui admnistre un collège d'enseignement postsecondaire ou un institut technique d'enseignement qui, à la fois : a) reçoit des subventions d'un gouvernement ou d'une municipalité, b) a pour principal objet d'offrir des programmes de formation professionnelle, technique ou générale. »

3DORS/91-37.

4Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette et des lois connexes, L.C.1997, ch. 10, paragraphe 1(7).

5L.R.C. (1985), ch. I-21.

6Articles 165, 169, 221 et 240 de la Loi.

7Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103

8Concise Oxford Dictionary of Current English, 7e éd. s.v. « fund » .

9Le Nouveau Petit Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1996, s.v. « subvention » .
Dictionnaire anglais-français, français-anglais Robert-Collins, 4e éd.., s.v. « subsidy » .

10Ottawa Valley Power Company v. Minister of National Revenue, [1969] 2 R.C. de l'Éch. 64, (1969) 69 DTC 5166, conf. à [1970] R.C.S. 941.

11Glaxo Wellcome Inc. c. S.M.R.C., 96 D.T.C. 1159 (C.C.I.), conf. à [1998] 234 N.R. 26 (C.A.F.)
R. Sullivan, Dreidger on the Construction of Statutes, 3e éd., Toronto, Butterworths, 1994, aux pages 163 à 165.

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