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Date : 20000307


Dossier : A-619-98

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROTHSTEIN



ENTRE :

     VICEROY MINERALS CORPORATION

     demanderesse

     et


     TEAMSTERS LOCAL No 31

     défendeur









Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 7 mars 2000

JUGEMENT prononcé à Vancouver (Colombie-Britannique), le 7 mars 2000


MOTIFS DU JUGEMENT DU :      JUGE EN CHEF RICHARD



Date : 20000307


Dossier : A-619-98

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROTHSTEIN



ENTRE :

     VICEROY MINERALS CORPORATION

     demanderesse

     et


     TEAMSTERS LOCAL No 31

     défendeur



     MOTIFS DU JUGEMENT

     (Prononcés à l"audience

     à Vancouver, le 7 mars 2000)


LE JUGE EN CHEF RICHARD


[1]      Cette demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l"article 28 de la Loi sur la Cour fédérale , vise à obtenir l"annulation d"une décision du Conseil canadien des relations du travail datée du 24 septembre 1998 (motifs en date du 16 octobre 1998), qui accordait aux représentants autorisés du syndicat, en vertu de l"article 109 du Code canadien du travail, l"accès à des employés vivant dans des locaux appartenant à leur employeur près de Dawson City, dans le cadre d"une campagne de recrutement.

L"article 109, qui est intitulé " Accès aux locaux de l"employeur " est rédigé comme suit :


109. (1) Where the Board receives from a trade union an application for an order granting an authorized representative of the trade union access to employees living in an isolated location on premises owned or controlled by their employer or by any other person, the Board may make an order granting the authorized representative of the trade union designated in the order access to the employees on the premises of their employer or such other person, as the case may be, that are designated in the order if the Board determines that access to the employees

     (a) would be impracticable unless permitted on premises owned or controlled by their employer or by such other person; and
     (b) is reasonably required for purposes relating to soliciting union memberships, the negotiation or administration of a collective agreement, the processing of a grievance or the provision of a union service to employees.

(2) The Board shall, in every order made under subsection (1), specify the method of access to the employees, the times at which access is permitted and the periods of its duration.

1972, c. 18, s. 1; 1977-78, c. 27, s. 69.1.

109. (1) Sur demande d'un syndicat, le Conseil peut, par ordonnance, accorder à un représentant autorisé de celui-ci nommément désigné l'accès à des employés vivant dans un lieu isolé, dans des locaux " également précisés " appartenant à leur employeur ou à une autre personne, ou placés sous leur responsabilité, s'il en vient à la conclusion que cet accès_:





     (a) d'une part, serait pratiquement impossible ailleurs;


     (b) d'autre part, se justifie dans le cadre d'une campagne de recrutement ou en vue de la négociation ou de l'application d'une convention collective, du règlement d'un grief ou de la prestation de services syndicaux aux employés.

(2) L'ordonnance visée au paragraphe (1) doit préciser le mode d'accès, les moments où il sera permis et sa durée.

1972, ch. 18, art. 1; 1977-78, ch. 27, art. 69.1.


    

[2]      Comme le Conseil l"indique, l"article 109 a pour objectif de trouver un équilibre entre les intérêts de propriétaire de l"employeur et les droits des employés de s"affilier au syndicat de leur choix, droits qui sont garantis par le paragraphe 8(1) du Code.

[3]      Bien sûr, le Conseil doit tenir compte des critères imposés par l"article 109. Le Conseil reconnaît que l"article prévoit non seulement que les employés doivent vivre dans un lieu isolé et dans des locaux appartenant à leur employeur ou placés sous sa responsabilité, mais aussi que l"accès serait pratiquement impossible autrement et qu"il se justifie pour certaines activités, notamment une campagne de recrutement syndicale. Le Conseil a déjà conclu plusieurs fois que même s"il est possible pour un syndicat de mener une campagne de recrutement par la poste ou par téléphone, dans la plupart des industries des rencontres sont nécessaires.

[4]      Le Conseil a conclu que les employés vivent dans un lieu isolé. Ensuite, il a identifié deux groupes distincts d"employés : 1) ceux qui se rendent à la mine en automobile, en provenance de Dawson City ou des environs; et 2) ceux qui se rendent à Dawson City par avion.

[5]      Le Conseil a conclu que le syndicat n"avait pas démontré que l"accès aux employés qui se rendent à la mine par leurs propres moyens serait pratiquement impossible aux fins du recrutement. Toutefois, le Conseil a conclu que le syndicat avait démontré que l"accès aux employés qui rendent à Dawson City par avion et qui sont amenés de l"aéroport à la mine et vice-versa dans des véhicules fournis par l"employeur serait pratiquement impossible, à moins qu"on leur accorde l"accès dans les locaux de l"employeur.

[6]      Le Conseil a conclu qu"une ordonnance était nécessaire pour les employés qui se rendent à Dawson City par avion (25 p. 100 de l"effectif) et il a aussi conclu qu"une ordonnance prononcée en vertu de l"article 109 devait s"appliquer à tous les employés. En conséquence, le Conseil a fait droit à la demande.

[7]      Le Conseil a tiré les conclusions de fait suivantes :

     a.      Le site de la mine se trouve à 70 kilomètres à peu près de Dawson City, à 20 kilomètres de la route Dempster.
     b.      La mine est exploitée d"avril à octobre chaque année et, durant cette période, elle est accessible en automobile. Les employés que le syndicat désire recruter vivent sur le site de la mine et travaillent par postes.
     c.      Il y a trois postes impliquant chacun à peu près 30 employés. Deux équipes sont sur place et se rendent au travail chaque jour. Ils travaillent deux semaines et ont deux semaines de repos. Les changements de poste ont lieu le lundi matin.
     d.      À l"occasion des changements de poste, les employés qui arrivent n"ont pas l"occasion de rencontrer ou de parler aux employés qui quittent.
     e.      À peu près 25 p. 100 des employés de chaque poste quittent Dawson City par avion immédiatement après leur poste de deux semaines de travail.
     f.      À l"arrivée comme au départ, c"est l"employeur qui assure le transport de ces employés en taxi.
     g.      Les employés qui ne se rendent pas à Dawson City par avion vivent à Dawson City ou dans les environs, et quelques-uns se rendent en voiture jusqu"à Whitehorse. Certains vivent dans des " maisons ordinaires " lorsqu"ils sont en congé hors des locaux de l"employeur, alors que d"autres vivent dans des " roulottes ou tentes ". Ces employés se rendent à la mine en voiture et le trafic le plus important sur la route qui mène à la mine est logiquement les lundis, alors que les employés vont de leurs maisons, roulottes ou tentes jusqu"à la mine, ou quittent la mine pour retourner à leurs maisons, roulottes ou tentes.

[8]      La demanderesse soutient que l"article 109 est attributif de compétence et que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte. Subsidiairement, la demanderesse soutient que le Conseil a interprété l"article 109 d"une façon manifestement déraisonnable. La demanderesse soutient notamment que le Conseil a excédé sa compétence ou appliqué incorrectement l"article 109 en :

     a)      n"examinant pas le sens des termes " lieu isolé ";
     b)      interprétant de façon incorrecte l"exigence que l"accès soit " pratiquement impossible "; et/ou
     c)      ne tenant pas compte de l"exigence qui veut que les employés " vivent " dans des locaux appartenant à leur employeur ou placés sous sa responsabilité.

[9]      Le Parlement a voulu confier au Conseil la compétence de déterminer l"accès du syndicat aux locaux de l"employeur. Le Conseil a fait l"enquête qui est prévue par la loi.

[10]      Le Conseil s"est penché sur tous les facteurs énumérés à l"article 109, qui sont pour l"essentiel des questions de fait.

[11]      Comme le Conseil avait compétence pour déterminer le droit d"accès, une norme élevée de retenue judiciaire s"impose. Sa décision doit être maintenue à moins qu"on détermine qu"elle était manifestement déraisonnable ou, en d"autres mots, nettement irrationnelle. Cette conclusion est clairement confirmée par la clause privative générale et explicite contenue à l"article 22 du Code canadien du travail1.

[12]      Les conclusions de fait du Conseil ne sont pas manifestement déraisonnables, non plus que son interprétation et son application de l"article 109. Notamment, il n"était pas manifestement déraisonnable que le Conseil arrive à la conclusion que les termes " les employés " se rapportaient aux employés dans leur ensemble et que, par conséquent, l"ordonnance devait s"appliquer à tous les employés et non seulement à ceux qui satisfaisaient aux conditions énoncées.

[13]      En conséquence, la demande est rejetée avec dépens.


                             J. Richard

                             Juge en chef

Le 7 mars 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)



Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION D"APPEL

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :      A-619-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Viceroy Minerals Corporation

     c.

     Teamsters Local no 31


LIEU DE L"AUDIENCE :      Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L"AUDIENCE :      Le 7 mars 2000


MOTIFS DE JUGEMENT DU JUGE EN CHEF RICHARD


EN DATE DU :      7 mars 2000



ONT COMPARU

Colin G. M. Gibson      pour la demanderesse
Rebecca Murdock      pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Schiller Coutts Weiler & Gibson

Barristers & Solicitors

Vancouver (C.-B.)      pour la demanderesse

Rebecca Murdock

Barrister & Solicitor

Delta (C.-B.)      pour le défendeur
__________________

1 Voir : Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Ltd., [1996] 2 R.C.S. 432.

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