Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20051128

Dossier : A-454-04

Référence : 2005 CAF 393

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE EVANS     

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

JAMES WALKER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

intimée

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 27 octobre 2005.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2005.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :

 

LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE EVANS

 


 

Date : 20051128

Dossier : A-454-04

Référence : 2005 CAF 393

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE EVANS     

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

JAMES WALKER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

intimée

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE

I. Introduction

[1]               Il s’agit d’un appel qui concerne la portée de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 (la Loi) et les pouvoirs de la Cour fédérale, lorsque le pouvoir de prendre des mesures de recouvrement du ministre du Revenu national (le ministre) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR) est contesté. L’article 18.5 de la Loi est libellé comme suit :

 

18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu'une loi fédérale prévoit expressément qu'il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l'impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d'une décision ou d'une ordonnance d'un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d'un tel appel, faire l'objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi.

18.5 Despite sections 18 and 18.1, if an Act of Parliament expressly provides for an appeal to the Federal Court, the Federal Court of Appeal, the Supreme Court of Canada, the Court Martial Appeal Court, the Tax Court of Canada, the Governor in Council or the Treasury Board from a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal made by or in the course of proceedings before that board, commission or tribunal, that decision or order is not, to the extent that it may be so appealed, subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with that Act.

 

[2]               L’ordonnance dont il est fait appel a été délivrée par le juge Beaudry, un juge de la Cour fédérale (le juge des demandes), le 11 août 2004. Les motifs de sa décision sont publiés à 2004 CF 1105.

 

II. Contexte

[3]               M. Walker a produit sa déclaration de revenus de 1998 le 30 avril 1999; le 20 mai 1999, il a reçu un avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1998.

 

[4]               Selon la déclaration assermentée d’un responsable de l’Agence des douanes et du revenu Canada (ADRC), un avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1998 a été envoyé à l’appelant par courrier recommandé le 13 mai 2002; ce document a été retourné à l’ADRC avec la mention « non réclamé ». M. Walker prétend qu’il n’a jamais reçu l’avis de nouvelle cotisation. Selon lui, la première fois qu’il a entendu parler de cet avis de nouvelle cotisation, c’est lorsqu’un agent de recouvrement l’a appelé en août 2002, pour lui réclamer un montant présumément exigible pour l’année d’imposition 1998. Les mesures de recouvrement prises par le ministre sont fondées sur l’envoi de l’avis de nouvelle cotisation à l’appelant.

 

[5]               Le 7 octobre 2003, l’appelant a déposé une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale en vue d’obtenir une ordonnance déclarant qu’il ne doit aucune somme à l’égard de l’année d’imposition 1998, au motif que l’ADRC n’a jamais envoyé d’avis de nouvelle cotisation, et interdisant au ministre de prendre toute autre mesure de recouvrement à son endroit.

 

[6]               Le 31 octobre 2003, un document supposé être une copie de l’avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1998 a été remis à l’avocat de M. Walker. L’appelant a déposé un avis d’opposition à l’encontre de ce document le 19 décembre 2003 et subséquemment, un avis d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Cette instance est actuellement en suspens, le ministre ayant déposé une requête, qui n’a pas encore été entendue, alléguant que l’avis d’opposition a été déposé après l’expiration du délai de prescription, tel que mentionné au paragraphe 165(1) de la LIR. Cette disposition est formulée comme suit :

165. (1) Le contribuable qui s'oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d'opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents, dans les délais suivants:

 

a) lorsqu'il s'agit d'une cotisation relative à un contribuable qui est un particulier (sauf une fiducie) ou une fiducie testamentaire, pour une année d'imposition, au plus tard le dernier en date des jours suivants :

 

(i) le jour qui tombe un an après la date d'échéance de production qui est applicable au contribuable pour l'année,

 

(ii) le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation;

 

 

b) dans les autres cas, au plus tard le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation.

165. (1) A taxpayer who objects to an assessment under this Part may serve on the Minister a notice of objection, in writing, setting out the reasons for the objection and all relevant facts,

 

 

 

(a) where the assessment is in respect of the taxpayer for a taxation year and the taxpayer is an individual (other than a trust) or a testamentary trust, on or before the later of

 

 

(i) the day that is one year after the taxpayer's filing-due date for the year, and

 

 

(ii) the day that is 90 days after the day of mailing of the notice of assessment; and

 

(b) in any other case, on or before the day that is 90 days after the day of mailing of the notice of assessment.

 

III. La décision en cause

[7]               La demande de contrôle judiciaire a été entendue par le juge Beaudry le 20 juillet 2004. Le juge des demandes a conclu que l’article 18.5 de la Loi empêchait M. Walker de déposer une demande de contrôle judiciaire parce qu’il a un droit d’appel en vertu du paragraphe 169(1) de la LIR. Cette disposition se lit comme suit :

 

169. (1) Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation:

 

a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

b) après l'expiration des 90 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l'expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l'article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

169. (1) Where a taxpayer has served notice of objection to an assessment under section 165, the taxpayer may appeal to the Tax Court of Canada to have the assessment vacated or varied after either

 

(a) the Minister has confirmed the assessment or reassessed, or

 

 

(b) 90 days have elapsed after service of the notice of objection and the Minister has not notified the taxpayer that the Minister has vacated or confirmed the assessment or reassessed,

 

but no appeal under this section may be instituted after the expiration of 90 days from the day notice has been mailed to the taxpayer under section 165 that the Minister has confirmed the assessment or reassessed.

 

[8]               En parvenant à cette conclusion, le juge Beaudry s’est appuyé sur la décision de la Cour dans Optical Recording Corp. c. Canada, [1991] 1 C.F. 309 (C.A) [Optical], selon laquelle la LIR prévoit toutes les procédures nécessaires devant la Cour canadienne de l’impôt pour faire appel de toutes les questions relatives à un avis de cotisation ou à un avis de nouvelle cotisation, y compris la question de savoir si l’avis de nouvelle cotisation a été envoyé le 13 mai 2002.

 

[9]               L’appelant interjette aujourd’hui appel, alléguant que l’article 18.5 de la Loi autorise la Cour fédérale à contrôler la légalité des mesures de recouvrement du ministre et, incidemment, à décider si le ministre a réussi à prouver que l’avis de nouvelle cotisation a bel et bien été envoyé. L’appelant soutient que toute question relative à l’envoi de l’avis de nouvelle cotisation est nécessairement accessoire au contrôle judiciaire des agissements du ministre.

 

IV. Norme de contrôle applicable

[10]           La question en litige est la suivante : l’article 18.5 habilite-t-il la Cour fédérale à contrôler ces mesures de recouvrement ou au contraire, l’article 169 de la LIR interdit-il à la Cour fédérale de se prononcer sur ces questions, cette disposition conférant une compétence exclusive à la Cour canadienne de l’impôt? Puisqu’il s’agit d’une question de droit, la norme de contrôle applicable est donc celle de la décision correcte.

 

V. Analyse

[11]           En promulguant l’article 18.5, le Parlement voulait éviter les procédures parallèles devant la Cour fédérale, dans les instances où une loi fédérale prévoit expressément un recours en appel devant un autre tribunal. En l’espèce, l’avis de nouvelle cotisation est une mesure administrative prise par un fonctionnaire, qui relève de la portée étendue de l’article 18.1 de la Loi; à ce titre, elle peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire (voir les motifs du juge Evans, alors juge de première instance, dans Markevich c. La Reine, [1999] 3 C.F. 28, au paragraphe 14). Par ailleurs, le Parlement a également édicté les articles 165, 169 et 180 de la LIR, qui établissent une procédure d’appel complète autorisant l’appelant à saisir la Cour canadienne de l’impôt sur toutes les questions se rapportant à sa nouvelle cotisation.

 

[12]           L’appelant reconnaît que, devant la Cour canadienne de l’impôt, la question de savoir si l’avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1998 lui a été envoyé ou non dans le délai prescrit sera soulevée. Pour trancher cette question, il faudra déterminer si l’avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1998 a été envoyé à l’appelant au plus tard le 20 mai 2003, date à laquelle prenait fin la « période normale de nouvelle cotisation », telle que définie au paragraphe 152 (3.1) de la LIR.

 

[13]           Autrement dit, la validité juridique du document clé en l’espèce, à savoir le document intitulé « avis de nouvelle cotisation » que le ministre prétend avoir envoyé le 13 mai 2002, est une question qui doit être tranchée par la Cour canadienne de l’impôt dans une procédure d’appel en matière d’impôt. L’article 18.5 de la Loi doit être interprété, dans la mesure du possible, de manière à éviter les procédures parallèles devant la Cour fédérale et la Cour canadienne de l’impôt, à l’égard de deux questions essentiellement identiques. En l’espèce, l’article 18.5 empêche la Cour fédérale d’examiner une demande de contrôle judiciaire portant essentiellement sur la validité juridique de ce document clé. Selon moi, le fait que l’appelant prétende que la décision qu’il cherche à obtenir n’est pas une fin en soi, que cette décision viserait seulement à soutenir sa demande en vue d’obtenir une ordonnance interdisant au ministre de se fonder sur le document clé en cause pour justifier sa mesure de recouvrement, ne fait aucune différence.

 

[14]           À l’appui de ses arguments, l’appelant cite la décision de la Cour suprême du Canada dans Markevich c. La Reine, [2003] 1 R.C.S. 94. Dans cette affaire, la Cour fédérale a effectué un contrôle judiciaire de la décision du ministre de prendre des mesures de recouvrement pour une somme due au titre de l’impôt sur le revenu qui était prescrite mais ce faisant, la Cour n’était pas tenue de trancher une question qui aurait également pu être tranchée par la Cour canadienne de l’impôt. En conséquence, Markevich n’est d’aucune utilité à l’appelant dans la présente instance.

 

[15]           Il est possible de présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale pour contester la validité des mesures prises par le ministre en vue de recouvrer des sommes exigibles au titre de l’impôt. Cependant, la compétence de la Cour fédérale ne s’étend pas à une demande contestant la validité de la nouvelle cotisation sur laquelle sont fondées ces mesures de recouvrement. En l’espèce, l’appelant affirme que le ministre ne peut pas justifier ses mesures de recouvrement en se fondant sur une nouvelle cotisation présumément établie en mai 1998, sans prouver que l’avis de nouvelle cotisation connexe a été envoyé à l’appelant. Cela suffit à déclencher l’application de l’article 18.5.

 

[16]           Pour ces motifs, je rejetterai l’appel avec dépens.

 

« B. Malone »

Juge

 

« Je souscris à ces motifs.

Alice Desjardins, juge »

 

« Je souscris à ces motifs.

John M. Evans, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                              A-454-04

 

INTITULÉ :                             James Walker c. La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :       Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :     Le 27 octobre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :              Le juge Malone

 

Y ONT SOUSCRIT :               La juge Desjardins

                                                  Le juge Evans

 

DATE DES MOTIFS :            Le 28 novembre 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Thomas M. Boddez

POUR L’APPELANT

 

Elizabeth G. McDonald

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Thorsteinssons Tax Lawyers

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L’APPELANT

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

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