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Date : 20001003

Dossier : A-457-99

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

STEVEN WILLETT NELSON

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                           défendeur

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse) le lundi 25 septembre 2000.

JUGEMENT rendu à Ottawa (Ontario), le mardi 3 octobre 2000.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                      LE JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                            LE JUGE DÉCARY

                                                                            LE JUGE MALONE


Date : 20001003

Dossier : A-457-99

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

STEVEN WILLETT NELSON

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                           défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SHARLOW


[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt publiée sous l'intitulé Steven W. Nelson c. Sa Majesté la Reine, [1999] A.C.I. no 373 (QL). Le demandeur M. Nelson affirme que ses droits selon le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés ont été ignorés par l'application du paragraphe 118(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1. Le paragraphe 15(1) de la Charte est rédigé ainsi :

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

[2] Résumons les faits. M. Nelson est divorcé. Il y a deux enfants issus de son mariage, une fille née en 1988 et un fils né en 1991. Des ordonnances judiciaires accordent à M. Nelson et à son ex-épouse la garde partagée des deux enfants et obligent M. Nelson à payer à son ex-épouse une pension alimentaire pour les deux enfants. M. Nelson affirme qu'il assure le vivre et le couvert des deux enfants environ la moitié du temps. En 1996, le fils de M. Nelson a demeuré avec M. Nelson et il dépendait de lui. M. Nelson a réclamé et obtenu une déduction pour les paiements en question, en vertu de l'alinéa 60 b) ou c) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Pour 1996, la Couronne a accepté le droit de M. Nelson à la « prestation fiscale pour enfant » , c'est-à-dire pour son fils, conformément à l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu.


[3]         M. Nelson a aussi demandé le crédit d'impôt « équivalent de personne mariée » , en ce qui concerne son fils, selon l'alinéa 118(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu. En 1996, M. Nelson répondait aux conditions suivantes de l'alinéa 118(1)b) : il n'avait pas droit à un crédit d'impôt pour un conjoint à charge, il n'était pas marié, et il tenait un établissement domestique où il subvenait aux besoins de son fils.

[4]         Le problème est que le paragraphe 118(5) l'emporte sur ce qui serait autrement le droit de M. Nelson à un crédit d'impôt pour son fils selon l'alinéa 118(1)b). Pour l'année d'imposition 1996, le paragraphe 118(5) est rédigé ainsi :

Dans le cas où un particulier a droit à une déduction prévue à l'alinéa 60b), c) ou c.1) dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition au titre d'un paiement effectué pour subvenir aux besoins de son conjoint ou de son enfant, le conjoint ou l'enfant sont réputés, pour l'application du présent article... ne pas être le conjoint ou l'enfant du particulier.

[5]         La position de la Couronne est que le paragraphe 118(5) nie à M. Nelson tout crédit d'impôt pour son fils, parce que M. Nelson a versé en 1996 une pension alimentaire pour son fils et qu'il a été autorisé à déduire la pension alimentaire en question en vertu de l'alinéa 60 b) ou c).

[6]         M. Nelson a été cotisé sur cette base et il a fait opposition. Son opposition n'a pas été retenue et il a fait appel à la Cour de l'impôt selon la procédure informelle de cette juridiction. Le juge de la Cour de l'impôt a rejeté son appel sur la base du paragraphe 118(5) et a aussi conclu qu'il n'y avait pas eu contravention à la Charte. M. Nelson a alors introduit cette demande de contrôle judiciaire de la décision du juge de la Cour de l'impôt.


[7]         Le juge de la Cour de l'impôt a eu raison de conclure que le paragraphe 118(5) empêchait M. Nelson de réclamer le crédit d'impôt « équivalent de personne mariée » . Toutefois, il n'aurait pas dû considérer les arguments de M. Nelson au titre de la Charte parce que M. Nelson ne s'est pas conformé au paragraphe 57(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, dont le texte est le suivant :

57. (1) Les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes d'application, dont la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, est en cause devant la Cour ou un office fédéral, sauf s'il s'agit d'un tribunal militaire au sens de la Loi sur la défense nationale, ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet, à moins que le procureur général du Canada et ceux des provinces n'aient été avisés conformément au paragraphe (2).

[8]         Il a été établi, dans l'affaire Canada c. Fisher, (1996) 197 N.R. 60; [1996] 2 C.T.C. 103; 96 D.T.C. 6291; [1996] A.C.F. no 427; (C.A.) (Q.L.), que le paragraphe 57(1) de la Loi sur la Cour fédérale s'applique aux instances introduites devant la Cour de l'impôt selon la procédure informelle.

[9]         Ce point suffirait à rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Toutefois, la Couronne n'a pas soulevé le paragraphe 57(1) de la Loi sur la Cour fédérale devant le juge de la Cour de l'impôt. Par conséquent, et par déférence pour l'exposé réfléchi et lucide de M. Nelson devant la Cour d'appel fédérale, je me propose d'examiner brièvement le point qu'il a soulevé au regard de la Charte. M. Nelson s'est conformé au paragraphe 57(1) en ce qui a trait à l'instance introduite devant la Cour d'appel fédérale.


[10]       L'argument de M. Nelson est que le paragraphe 118(5), qui lui refuse le crédit d'impôt « équivalent de personne mariée » pour son fils, entraîne pour lui un désavantage qui équivaut à une négation des droits que lui confère le paragraphe 15(1) de la Charte. La position de M. Nelson est que pour 1996, il devrait avoir droit à la fois à une déduction selon l'alinéa 60 b) ou c) pour les versements de pension alimentaire, et au crédit d'impôt « équivalent de personne mariée » .

[11]       Comme expliqué ci-dessus, le fait essentiel qui a conduit à l'application du paragraphe 118(5) est l'obligation de M. Nelson de payer à son ex-épouse une pension alimentaire pour son fils même s'il vit avec son fils et subvient à ses besoins et qu'il en assume la garde partagée. Je dirais que, dans le cas de M. Nelson, le groupe de référence à retenir est celui d'un parent célibataire qui vit avec un enfant et subvient à ses besoins en vertu d'un accord de garde partagée conclu avec l'autre parent de l'enfant, mais qui n'a pas l'obligation juridique de payer à l'autre parent une pension alimentaire pour l'enfant.


[12]       À mon avis, le traitement distinct établi par le paragraphe 118(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas fondé sur l'un des motifs énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte ou sur un motif analogue. Le paragraphe 118(5) n'établit pas une distinction entre M. Nelson et le groupe de référence au titre de caractéristiques personnelles, ou au titre de l'application stéréotypée de présumés caractéristiques collectives ou personnelles, et il ne met pas en jeu la vocation du paragraphe 15(1) de la Charte à corriger des écarts tels que les préjugés, les stéréotypes et les handicaps historiques. L'application du paragraphe 118(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu n'offense pas non plus la dignité, la valeur intrinsèque ou l'amour-propre de M. Nelson. Par conséquent, le traitement distinct qui résulte du paragraphe 118(5) n'est pas discriminatoire au sens de la Charte.

[13]       Le postulat qui sous-tend l'argument de M. Nelson est que le législateur fédéral devrait offrir le même allégement fiscal à tous les parents célibataires qui subviennent aux besoins de leurs enfants en vertu d'un accord de garde partagée. Il s'agit là sans doute d'un objectif louable de politique publique, mais ce n'est pas un objectif qui puisse être avancé dans une demande fondée sur le paragraphe 15(1) de la Charte. M. Nelson ne peut que s'en remettre au législateur fédéral.


[14]       Je note que la Cour de l'impôt est arrivée à la même conclusion dans l'affaire Werring c. Canada, [1997] A.C.I. no 361 (QL); 97 D.T.C. 3290. M. Nelson a présenté ses arguments un peu différemment. Il a fait valoir ce qu'il appelait les droits des enfants, en affirmant que les enfants sont défavorisés par une fiscalité qui offre un dégrèvement fiscal moins généreux aux parents qui exercent une garde partagée et qui ont l'obligation juridique de verser une pension alimentaire pour enfants, qu'aux parents qui n'ont pas cette obligation juridique. Le dossier ne renferme aucun fondement factuel à l'appui de cet argument. Il ne dit pas non plus que, dans l'hypothèse où les enfants sont ainsi défavorisés, le problème ne peut être adéquatement résolu au moyen d'une demande présentée au tribunal de la famille pour qu'il rajuste en conséquence les obligations alimentaires des parents.

[15]       La demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

                 Karen R. Sharlow                  

Juge                             

« Je souscris aux présents motifs

Robert Décary »

« Je souscris aux présents motifs

Brian Malone »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                               A-457-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :

STEVEN WILLETT NELSON c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 25 SEPTEMBRE 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU         JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :              LE JUGE DÉCARY

LE JUGE MALONE

EN DATE DU                                     3 OCTOBRE 2000

ONT COMPARU :

Steven Willett Nelson,               POUR LUI-MÊME

Lynn Gillis,                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Steven Willett Nelson

Dartmouth (Nouvelle-Écosse)    POUR LUI-MÊME

Morris Rosenberg

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)                                   POUR LE DÉFENDEUR

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