Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20050608

Dossier : A-322-04

Référence : 2005 CAF 219

ENTRE :

                                                          JOAN A. WILLIAMSON

                                                                                                                                              appelante

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                              représentant le Ministre désigné en vertu de

                                la Loi sur l'exportation et l'importation des biens culturels

                                                                                                                                                   intimé

                                              TAXATION DES DÉPENS - MOTIFS

Charles E. Stinson

Officier taxateur


[1]                La demande de contrôle judiciaire de l'appelante à la Cour fédérale est en cours et a pour objet d'obtenir réparation à la suite d'un refus de désigner un bien donné conformément à la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, L.R.C. 1985, ch. C-51, paragraphe 32(2). Une telle désignation aurait pu occasionner des conséquences fiscales favorables. Au cours de ce contrôle judiciaire, la Cour fédérale a rendu une décision interlocutoire selon laquelle les auteurs d'affidavits soutenant l'intimé ne sont pas obligés de répondre à certaines questions en contre-interrogatoire en raison du secret professionnel avocat­-client. L'appel interjeté à la Cour par l'appelante à l'encontre de ladite décision a été rejeté avec dépens. J'ai établi un échéancier écrit de règlement du mémoire de dépens de l'intimé.

La position de l'appelante

[2]                L'appelante s'est appuyée sur un certain nombre de décisions pour faire valoir que, en l'absence de circonstances exceptionnelles ou extraordinaires, les dépens accordés dans les procédures interlocutoires, comme celle en l'espèce, ne peuvent pas être taxés avant la conclusion du procès. L'objet du présent appel, une ordonnance de la Cour fédérale concernant certaines communications et documents en possession du tribunal, était clairement une question d'ordre interlocutoire visée par le contrôle judiciaire et il s'ensuit que la question dont est saisie la Cour d'appel fédérale est interlocutoire, dans le contexte de l'audition dudit contrôle judiciaire qui doit actuellement avoir lieu le 6 juillet 2005 à la Cour fédérale. Il est trop tôt pour taxer ces dépens d'appel interlocutoire.

La position de l'intimé


[3]                L'intimé a convenu que les dépens interlocutoires ne sont en général pas payables avant la conclusion de l'instance principale, mais il a soutenu qu'un appel à la Cour d'appel fédérale est une instance en elle-même, séparée et distincte de l'instance de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. En outre, bien que le contrôle judiciaire soit toujours en cours, le jugement définitif rendu par la Cour d'appel fédérale signifie que cette instance d'appel est terminée et, par conséquent, que l'on peut immédiatement taxer ses dépens. L'intimé a fait valoir que la jurisprudence invoquée par l'appelante n'est pas pertinente parce qu'elle traite de procédures interlocutoires à l'intérieur d'un procès, contrairement aux conditions présentes où les dépens ont été accordés par le jugement définitif d'une cour d'appel instruisant l'appel d'une procédure interlocutoire du tribunal de première instance. Le contrôle judiciaire à la Cour fédérale et le présent appel à la Cour d'appel fédérale représentent des instances distinctes qui se déroulent devant deux tribunaux différents. Le juge instruisant le contrôle judiciaire n'est pas compétent à l'égard de la taxation des dépens en Cour d'appel fédérale.

Analyse

[4]                La deuxième édition du Jowitt's Dictionary of English Law (London : Sweet & Maxwell Limited, 1977) définit le jugement interlocutoire (à la page 1026) comme [traduction] _ un [jugement] qui ne met pas fin à l'action, parce qu'il n'est pas complet et défini... _ et définit l'instance interlocutoire (à la page 999) comme une instance _ accessoire à l'objet principal de l'action, soit le jugement » . Bien que ces définitions soient données dans le contexte d'une action, on peut dire, dans le sens le plus large de l'instance entre les présentes parties que, au moment du jugement de la Cour d'appel fédérale, les questions de fond soulevées dans le cadre du contrôle judiciaire par la Cour fédérale demeuraient en suspens et, par conséquent, le jugement de cette cour d'appel, encore dans son sens le plus large, est interlocutoire, car il est accessoire à l'objet du contrôle judiciaire et ne le tranche pas. Il pourrait donc s'ensuivre que la taxation des dépens accordés par la Cour d'appel est limitée par la jurisprudence de l'appelante.



[5]                La jurisprudence de l'appelante appuie la proposition très sensée, qui n'est, d'après moi, pas contestée par l'intimé autrement qu'en matière de pertinence, qu'il ne devrait y avoir qu'une seule taxation des dépens dans une instance donnée, y compris tout octroi interlocutoire des dépens. Cependant, je doute que l'on puisse dire que le prononcé d'un jugement définitif de la Cour d'appel fédérale statuant sur l'appel d'un jugement interlocutoire de la Cour fédérale soit visé par les paramètres de la jurisprudence de l'appelante. L'ouvrage Halsbury's Laws of England, 4e éd. réimprimée, vol. 37 (London : Butterworths, 2001), à la page 485, au paragraphe 1501, définit l'appel comme [traduction] _ une demande adressée à une cour ou un tribunal supérieur en vue de faire infirmer, modifier ou annuler le jugement, l'ordonnance, la décision ou l'octroi d'une cour ou d'un tribunal inférieur dans la hiérarchie, pour le motif qu'il a été rendu à tort ou qu'il faut le corriger pour des raisons de justice ou de droit _. L'ouvrage indique également que le droit d'appel [traduction] _ n'est pas qu'une simple question de pratique ou de procédure _. La Cour d'appel de la C.-B., dans la décision Ecstall Mining Corp. c. Tagish Resources Ltd. (1993), 77 B.C.L.R. (2d) 156, à la page 164, a conclu, quoique dans un autre cadre légal, qu'un appel, [traduction] _ dans son sens juridique général _, désigne le nouvel examen par un tribunal supérieur d'une décision d'un tribunal inférieur _ et [traduction] _ n'englobe pas une procédure qui a eu lieu à l'intérieur du même tribunal _. La Cour d'appel de la C.-B. a cité comme exemples de cette dernière procédure les effets d'une décharge ou d'une modification. Bien que l'on n'ait pas soulevé les facteurs de réexamen énumérés à l'article 397 des Règles des Cours fédérales, je trouve instructifs les résumés de décisions concernant cette règle qui figurent dans l'ouvrage de David Sgayias et coll., Federal Court Practice (Toronto : Thomson Carswell, 2005), aux pages 810 à 813, avec une mention particulière pour les décisions Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), Benipal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) et Kun Shoulder Rest c. Joseph Kun Violin & Bow Maker, Inc.


[6]                Toute cette jurisprudence renforce la thèse selon laquelle une cour d'appel, en l'occurrence la Cour d'appel fédérale, est au-delà, distincte ou en dehors des paramètres de toute instance, y compris une instance interlocutoire, d'une cour de première instance dans la même hiérarchie de tribunaux, en l'occurrence la Cour fédérale. Le paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales définit le jugement définitif comme un _ jugement ou autre décision qui statue au fond, en tout ou en partie, sur un droit d'une ou plusieurs des parties à une instance. _ L'article 52 de la Loi sur les Cours fédérales établit les pouvoirs de la Cour d'appel fédérale. Compte tenu de mon opinion sur la notion de _ droit quant au fond _ dans la hiérarchie des tribunaux, la taxation interlocutoire des dépens à la Cour fédérale est visée par les paramètres de la jurisprudence de l'appelante, car il s'agit clairement d'une instance faisant partie de l'instance principale et accessoire à celle-ci, soit en l'espèce le contrôle judiciaire, mais une taxation des dépens à la Cour d'appel fédérale faisant suite au règlement de l'appel d'une décision interlocutoire n'est pas visée par cette jurisprudence, car il s'agit clairement d'une instance qui ne fait pas partie de l'instance principale, bien que l'on pourrait dire, dans son sens le plus large, qu'elle soit accessoire à l'issue du contrôle judiciaire. Par conséquent, je ne pense pas que l'instance au fond d'une Cour d'appel soit assimilable à la procédure interlocutoire d'un tribunal de première instance, et je ne pense pas que cette instance au fond puisse être considérée comme se déroulant à l'intérieur de la procédure du tribunal de première instance, si bien qu'elle se situe dans les paramètres de la jurisprudence de l'appelante. Je conclue que la thèse avancée par la jurisprudence de l'appelante reflète l'état du droit, mais n'est pas pertinente aux circonstances de la présente affaire. L'intimé a droit à la taxation des dépens.

[7]                Je suppose que l'appelante, bien qu'invitée à le faire dans l'échéancier, n'a pas présenté d'observations visant les montants demandés dans le mémoire de dépens, croyant qu'elle aurait gain de cause sur la question préliminaire du droit de l'intimé d'obtenir maintenant la taxation des dépens. J'ai examiné, puis rejeté, la proposition de proroger le délai pour permettre à l'appelante de peaufiner ses observations. Les documents du répondant indiquaient des honoraires d'avocat raisonnables réclamés à leur valeur minimale selon les échelles d'honoraires disponibles et, en fait, passaient sous silence ce qui aurait constitué des dépenses légitimes comme les articles 25 (significations après jugement) et 26 (taxation des dépens). La réclamation de faux-frais de 373,08 $ est modeste eu égard aux circonstances de l'espèce. Le mémoire de dépens de l'intimé est taxé et les dépens sont accordés tel que demandés au montant de 1 253,08 $.

                                                                                                                          _ Charles E. Stinson _                     

                                                                                                                                    Officier taxateur                         

Vancouver (Colombie-Britannique)

le 8 juin 2005

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       A-322-04

INTITULÉ :                                       JOAN A. WILLIAMSON

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

représentant le ministre désigné en vertu de

la Loi sur l'exportation et l'importation des biens culturels

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS COMPARUTION PERSONNELLE DES PARTIES.

MOTIFS DE LA TAXATION

DES DÉPENS :                                 CHARLES E. STINSON

DATE DES MOTIFS :                     LE 8 JUIN 2005

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Parlee McLaws LLP                                                                 POUR L'APPELANTE

Edmonton, AB

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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