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Date : 20010104

Dossier : A-322-99

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE NOËL

LE JUGE EVANS

ENTRE :

SMITHKLINE BEECHAM PHARMA INC.

- et -

BEECHAM GROUP P.L.C.,

appelantes,

- et -

APOTEX INC.

- et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉ,

intimés.

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le jeudi 14 décembre 2000.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le jeudi 4 janvier 2001.

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE NOËL, J.C.A.,

AUXQUELS ONT SOUSCRIT LE JUGE STONE, J.C.A., ET LE JUGE EVANS, J.C.A.


Date : 20010104

Dossier : A-322-99

CORAM:        LE JUGE STONE

LE JUGE NOËL

LE JUGE EVANS

ENTRE :

SMITHKLINE BEECHAM PHARMA INC.

- et -

BEECHAM GROUP P.L.C.,

appelantes,

- et -

APOTEX INC.

- et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉ,

intimés.

                                                                             

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL


[1]         Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre de la décision par laquelle Madame le juge McGillis[1] a rejeté la demande que les appelantes ( « SmithKline » ) ont présentée sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) ( « Règlement » ), DORS/93-133, modifié par DORS/98-166, afin d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé ( « ministre » ) de délivrer un avis de conformité à Apotex Inc. ( « Apotex » ) relativement à ses comprimés de chlorhydrate de paroxétine avant l'expiration du brevet canadien no 1 287 060 ( « brevet 060 » ).

LES FAITS

[2]         Les faits pertinents, qui sont énoncés de façon détaillée dans les motifs du jugement de la juge des requêtes, ne sont pas contestés et il n'est donc pas nécessaire que je les répète.

[3]         Il suffit de dire, aux fins des présentes, que l'invention brevetée concerne, de façon générale, le nouveau composé, soit « ...le chlorhydrate de paroxétine semi-hydraté cristallin, ses procédés de préparation, les compositions qui en contiennent et son usage thérapeutique » .

[4]         Dans le brevet 060, l'invention est décrite de la façon suivante :

En général, à des fins thérapeutiques, on préfère utiliser un composé basique sous forme de chlorhydrate, le sel étant mieux toléré physiologiquement.

Par ailleurs, pour usage commercial, il est important que le produit sous forme solide soit facile à manipuler.

Nous avons trouvé que le chlorhydrate de paroxétine amorphe est un solide hygroscopique difficile à manipuler.

On découvre maintenant qu'on peut fabriquer le chlorhydrate de paroxétine sous forme cristalline reproductible à l'échelle commerciale.

La présente invention permet d'obtenir du chlorhydrate de paroxétine semi-hydraté cristallin, une substance nouvelle, en particulier sous une forme acceptable sur le plan pharmaceutique.

Le chlorhydrate de paroxétine semi-hydraté est stable et non hygroscopique.


[5]         Le produit breveté est du chlorhydrate de paroxétine semi-hydraté cristallin ( « semi-hydrate » ) sous une forme pharmaceutiquement acceptable. L'invention permet par ailleurs d'obtenir le semi-hydrate en comprimant le chlorhydrate de paroxétine anhydre cristallin ( « anhydre » ). Dans un exemple de l'invention présentée dans le brevet 060, il est mentionné ce qui suit (exemple 8) :

[TRADUCTION] Des échantillons de la forme anhydre ont été comprimés à environ 750 MNm-2 et à environ 375 MNm-2 pour des périodes d'environ deux minutes. Dans le cas des premiers, la conversion vers le semi-hydrate atteint environ 45 p. 100, tandis que les seconds sont demeurés inchangés.

Un nouvel examen des échantillons conservés depuis plusieurs jours a permis de constater que les premiers s'étaient complètement transformés en semi-hydrates, tandis que dans le cas des seconds, à peu près la moitié du processus de conversion était terminée.

Après une autre semaine, la conversion des derniers échantillons était presque terminée.

[6]         Le brevet 060 compte dix revendications, dont la dernière (la revendication 10) se rapporte au semi-hydrate. Les parties conviennent qu'il s'agit de la seule revendication pertinente aux fins du présent appel. Le litige porte donc sur le produit breveté que constitue le semi-hydrate, quel qu'en soit le procédé de fabrication.

[7]         SmithKline a déposé, conformément au Règlement, quatre listes de brevets en liaison avec le semi-hydrate et mentionné le brevet 060 dans les quatre listes.

[8]         Dans des lettres datées du 15 octobre 1996 et du 27 août 1997, Apotex a donné deux avis d'allégation dont la portée était à peu près identique. Voici le texte complet du premier avis ( « l'avis d'allégation » ) :


Nous remettrons au ministre fédéral de la Santé une présentation de drogue nouvelle relativement aux comprimés renfermant le chlorhydrate de paroxétine. Nous sommes d'avis que la fabrication et la vente de notre produit n'emportent la contrefaçon d'aucun brevet. Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) exige que nous vous signifions un avis d'allégation de façon que nous puissions joindre une copie de l'avis et la preuve de sa signification à notre présentation.

Par conséquent, la présente constitue un avis d'allégation au sens de l'alinéa 5(3)b) du Règlement. En ce qui concerne les brevets 1287060, 1290340 et 1310649, nous soutenons que la fabrication, la réalisation, l'utilisation ou la vente, par Apotex Inc., de comprimés renfermant le médicament appelé chlorhydrate de paroxétine n'emporteraient la contrefaçon d'aucune revendication visant le médicament comme tel ou son utilisation. Le fondement juridique et factuel de cette allégation est le suivant.

Aucun des brevets susmentionnés ne renferme une revendication du médicament lui-même, le chlorhydrate de paroxétine, ou de son utilisation. En outre, le produit que nous vendons ne sera visé par aucune revendication susceptible d'être assimilée à la revendication d'un médicament, même s'il ne s'agit pas du médicament.

Plus particulièrement, en ce qui concerne le brevet 1287060 :

(i)             les revendications 1 à 6 ne visent que des procédés, et non le médicament lui-même ou son utilisation;

(ii)            les revendications 7 et 8 visent des intermédiaires susceptibles d'être utilisés dans la fabrication du médicament, et non le médicament lui-même;

(iii)           les revendications 9 et 10 se rapportent uniquement au chlorhydrate de paroxétine semi-hydraté cristallin, ce qui n'est pas le même composé que le médicament, le chlorhydrate de paroxétine;

(iv)           quoi qu'il en soit, les comprimés d'Apotex Inc. ne seront pas fabriqués à l'aide de chlorhydrate de paroxétine semi-hydraté cristallin, mais à partir du médicament, le chlorhydrate de paroxétine.

En ce qui concerne les brevets 1290340 et 1310649, leurs revendications ne visent que des procédés et des intermédiaires pouvant être utiles dans la fabrication du médicament; elles ne visent pas le médicament ou son utilisation.

[9]         Le 4 décembre 1996, SmithKline a déposé une demande en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex, demande que Madame le juge McGillis a finalement rejetée dans la décision susmentionnée.

LE JUGEMENT PORTÉ EN APPEL

[10]       La juge des requêtes a relevé deux grandes questions à trancher :


           (i)      l'avis d'allégation d'Apotex est-il ambigu et énonce-t-il insuffisamment de faits à l'appui de l'allégation de non-contrefaçon?

(ii)      SmithKline a-t-elle établi que l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex n'est pas fondée?

[11]       En ce qui a trait à la première question, la juge des requêtes a souligné que l'avis d'allégation était ambigu, compte tenu de l'absence de renvoi spécifique à la forme anhydre, mais que cette ambiguïté n'était pas importante au point de rendre l'avis non conforme. En ce qui concerne la suffisance des faits allégués, la juge a décidé que l'avis d'allégation, examiné dans son ensemble, pouvait mener à une conclusion d'absence de contrefaçon.

[12]       Dans le cas de la seconde question, la juge des requêtes a statué que la transformation de la forme anhydre en semi-hydrate était au centre de l'affaire. En l'absence de cette transformation, il est évident que les comprimés de la substance anhydre d'Apotex ne seraient pas visés par les revendications du brevet 060.

[13]       SmithKline s'est donc attardée à démontrer que la substance anhydre se transformerait avec le temps en semi-hydrate et que l'allégation d'absence de contrefaçon d'Apotex n'était pas fondée. Une série d'expériences ont été menées à cette fin. Ces expériences ont incité les experts de SmithKline à conclure que la forme anhydre se transforme en semi-hydrate avec le temps par suite de la fabrication des comprimés.


[14]       Malgré les conclusions qu'ont tirées les experts de SmithKline, la juge des requêtes a statué qu'il n'avait pas été établi selon la prépondérance des probabilités que l'allégation d'Apotex quant à l'absence de contrefaçon n'était pas justifiée. Elle a également statué que les résultats des expériences ne soulevaient rien de plus qu'une possibilité de contrefaçon « avec le temps » . La juge des requêtes a conclu non seulement que les tests de SmithKline n'étaient pas fiables en raison des conditions dans lesquelles ils ont été faits, mais aussi que les appelantes n'avaient pas démontré quel était le délai pouvant être appliqué à l'expression « avec le temps » .

[15]       Étant donné que les expériences de SmithKline comportaient des lacunes, la juge des requêtes n'a pas tenu compte non plus de l'admission apparente de l'expert d'Apotex selon laquelle le procédé de fabrication de comprimés a pour effet de transformer la forme anhydre en semi-hydrate. Selon la juge des requêtes, cette admission était fondée sur la présomption de validité formulée à l'égard des expériences de SmithKline.

[16]       Madame le juge a également conclu que la preuve présentée par SmithKline ne soulevait « qu'une possibilité de contrefaçon » de la part d'Apotex et qu'il n'avait pas été prouvé selon la prépondérance des probabilités que l'allégation d'Apotex quant à l'absence de contrefaçon n'était pas justifiée.

MOYENS D'APPEL


[17]       SmithKline allègue que la décision de la juge des requêtes comportait trois erreurs. D'abord, l'avis d'allégation rédigé par Apotex était ambigu, parce qu'il ne comportait aucun renvoi à la forme anhydre, et incomplet, étant donné que les faits allégués, même s'ils étaient reconnus, ne pouvaient permettre en droit de conclure que le brevet 060 ne ferait pas l'objet de contrefaçon (Merk Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302, p. 319). Selon l'avocat, la juge des requêtes a effectivement rédigé à nouveau l'avis d'allégation de façon à corriger cette lacune, ce qui a donné naissance à une nouvelle cause d'action (Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 60 C.P.R. (3d) 129, p. 134).

[18]       L'avocat a ajouté que, même si l'avis d'allégation pouvait mener à une conclusion d'absence de contrefaçon, la juge des requêtes n'a pas tenu compte des décisions que la Cour fédérale a rendues en omettant de donner effet à la présomption de common law qui devait s'appliquer en faveur de l'appelante, en raison de l'omission d'Apotex de divulguer son procédé de fabrication de comprimés (Hoffmann-La Roche c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 70 C.P.R. (3d) 206, p. 212, par. 10, et Eli Lilly & Co. c. Nu-Pharm Inc. (1996), 69 C.P.R. (3d) 1, p. 20). L'avocat soutient que, lorsque cette présomption est appliquée, il devient évident que SmithKline s'est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait.


[19]       En tout état de cause, SmithKline allègue qu'elle s'est déchargée du fardeau de la preuve qui lui incombait en raison de l'admission sans réserve que l'expert d'Apotex a formulée lorsqu'il a mentionné dans son affidavit que la forme anhydre se transforme en semi-hydrate par suite de la fabrication de comprimés. L'avocat fait valoir que la juge des requêtes a mal lu l'affidavit lorsqu'elle a conclu que cette admission était fondée sur les expériences que les experts de SmithKline avaient menées.

ANALYSE

[20]       En ce qui a trait au premier moyen d'appel, l'avocat de l'appelante a admis au cours de l'audience que l'omission de renvoyer expressément à la forme anhydre dans l'avis d'allégation n'était pas fatale, étant donné que les renseignements qu'Apotex a subséquemment fournis confirmaient l'utilisation de cette forme. Cependant, il a fait allusion à l'énoncé détaillé qui était joint à l'avis d'allégation et soutenu que les alinéas (iii) et (iv) (reproduits au paragraphe 8 des présents motifs) font état des seuls faits qui sont pertinents quant à l'allégation d'absence de contrefaçon en ce qui concerne la revendication 10 du brevet 060. Il a ajouté que, même s'ils étaient présumés ou établis, les faits allégués dans ces paragraphes ne permettent pas en droit de conclure qu'il n'y aurait pas contrefaçon du brevet 060 de la part d'Apotex; par conséquent, a-t-il souligné, l'avis d'allégation n'est pas conforme.

[21]       Plus précisément, SmithKline fait valoir que l'alinéa (iii) énonce un fait non contesté qui ne permet pas de conclure à l'absence de contrefaçon et que l'alinéa (iv) ne renferme aucune allégation selon laquelle les comprimés qu'Apotex vendra ne renfermeront pas de semi-hydrate. Étant donné que le brevet indique que la forme anhydre se transforme en semi-hydrate lorsqu'elle est sous pression et que le procédé de fabrication de comprimés exige que la substance anhydre soit placée sous pression, SmithKline soutient qu'il était essentiel qu'Apotex énonce comme fait que ses comprimés d'anhydre ne renfermeraient pas de semi-hydrate lorsqu'ils seraient vendus.


[22]       La juge des requêtes n'a pas semblé en désaccord avec la position de SmithKline à cet égard. Toutefois, elle a estimé que l'énoncé de fait nécessaire était intégré dans l'avis d'allégation.

Je suis convaincue que, considéré dans son ensemble, l'avis d'allégation indique qu'Apotex ne contreferait pas le brevet 060 en fabricant, en réalisant, en utilisant ou en vendant des comprimés qui renferment du semi-hydrate. (paragraphe 33 de ses motifs) (non souligné à l'original).

SmithKline fait valoir qu'en concluant en ce sens, la juge des requêtes a effectivement rédigé à nouveau l'avis d'allégation et ignoré les décisions dans lesquelles la Cour fédérale a statué qu'une fois déposé, un avis d'allégation ne peut être modifié (Bayer AG, supra. Voir également Hoffmann-La Roche, supra, p. 211, par. 7).

[23]       D'après la façon dont je comprends le Règlement qui s'appliquait à l'époque pertinente, Apotex devait s'acquitter de trois obligations distinctes en vertu de l'article 5 dans les circonstances de la présente affaire. La première consistait à formuler, conformément au sous-alinéa 5(1)b)(iv), une allégation selon laquelle :

... aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

La deuxième, qui est prévue à l'alinéa 5(3)a), consistait à « fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde » . La troisième, qui est énoncée à l'alinéa 5(3)b), était de « signifier un avis d'allégation à la première personne et une preuve de cette signification au ministre » .


[24]       Même si je ne m'oppose pas au fait qu'Apotex ait réuni l'avis d'allégation et l'énoncé détaillé dans un seul document, il ne faut pas oublier que chaque document a sa propre utilité. À mon avis, l'avis d'allégation prévu au sous-alinéa 5(1)b)(iv) sert à informer à la fois le ministre et le titulaire du brevet que la délivrance de l'avis de conformité ne donnerait lieu à aucune contrefaçon d'un brevet énuméré. En revanche, l'énoncé détaillé vise à placer le titulaire de brevet dans la position de décider s'il y a lieu de contester la délivrance d'un avis de conformité en engageant une procédure fondée sur l'article 6 ou de ne pas s'opposer. Pour se trouver dans cette position, le titulaire de brevet doit être pleinement informé du fondement de l'allégation selon laquelle le brevet ne ferait pas l'objet de contrefaçon (Hoffman-La Roche, supra p. 211, par. 8).

[25]       Je ne m'oppose pas au contenu de l'avis d'allégation en soi. Il reprend simplement les termes utilisés au sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement.


[26]       SmithKline soutient que l'avis d'allégation n'a pas été suffisamment appuyé par l'énoncé détaillé. À cet égard, je conclurais dans le même sens que l'a fait la juge des requêtes, mais j'ai du mal à accepter la raison qu'elle a invoquée pour en arriver à cette conclusion et qui est expliquée au paragraphe 22 des motifs. À mon humble avis, il est impossible de remédier à une lacune d'un énoncé détaillé en lisant cet énoncé conjointement avec un avis d'allégation. Comme je l'ai souligné, l'objet de l'énoncé détaillé est d'informer pleinement le titulaire du brevet des raisons que la personne ayant demandé un avis de conformité entend invoquer pour dire qu'il n'y aura pas de contrefaçon du brevet. La réponse à la question de savoir si cet objectif a été atteint doit, à mon avis, dépendre des faits et des règles de droit invoqués dans l'énoncé détaillé lui-même.

[27]       Cela étant dit, l'énoncé détaillé qui a été présenté en l'espèce n'était pas insuffisant au sens où il a contraint SmithKline à deviner les motifs réels de l'allégation des intimés selon laquelle il n'y aurait pas de contrefaçon du brevet. Effectivement, SmithKline semble avoir bien compris à l'époque où la demande fondée sur l'article 6 a été engagée que la transformation de la forme anhydre en semi-hydrate a été soulevée dans l'énoncé détaillé et que les comprimés d'Apotex ne renfermeraient pas de semi-hydrate. C'est ce qui appert nettement des documents qu'elle a déposés au soutien de sa demande. À mon avis, l'énoncé détaillé fournissait le fondement factuel et juridique exigé par l'alinéa 5(3)b) du Règlement et ce fondement était suffisant pour informer pleinement les appelantes des raisons pour lesquelles les intimés ont allégué qu'il n'y aurait pas de contrefaçon du brevet si l'avis de conformité était délivré.

[28]       SmithKline allègue que la juge des requêtes a commis une erreur connexe lorsqu'elle s'est exprimée comme suit au paragraphe 39 de ses motifs :

Dans son avis d'allégation, Apotex soutient que ses comprimés n'emporteront pas la contrefaçon du brevet 060. Cette allégation est tenue pour véridique " sauf dans la mesure que [SmithKline] prouve le contraire ". [Voir Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (1994), 55 C.P.R. (3d) 302, à la p. 319 (F.C.A.)].

Selon SmithKline, cet extrait indique que la juge des requêtes a appliqué la présomption qui concerne les allégations de fait (Hoffmann-La Roche, supra p. 211, par. 4) à la conclusion de droit qu'Apotex a formulée dans son avis d'allégation.


[29]       À mon avis, ce n'est pas ce qu'a fait la juge des requêtes, dont les motifs indiquent qu'elle a établi une distinction claire entre l'allégation obligatoire de l'absence de contrefaçon (sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement) et les faits invoqués au soutien de celle-ci (voir, notamment, le paragraphe 33 de ses motifs). De toute évidence, la juge des requêtes a répété, dans l'extrait cité plus haut, la règle de base selon laquelle les faits qu'une deuxième personne invoque au soutien d'un avis d'allégation sont tenus pour véridiques.

[30]       Même si les avis d'allégation ne comportaient pas de lacune, SmithKline fait valoir que l'allégation demeure injustifiée, étant donné que la présomption de common law doit s'appliquer en sa faveur. Selon SmithKline, la juge des requêtes n'a pas donné effet à cette présomption.

[31]       Au soutien de cet argument, SmithKline invoque le fait que les seuls renseignements qu'elle a obtenus d'Apotex concernaient la méthode et le procédé relatifs à la fabrication de la forme anhydre; aucun renseignement n'a été fourni au sujet de la façon dont la forme anhydre serait préparée sous forme de comprimés et au sujet des mesures qui seraient prises pour éviter la transformation. Étant donné que seule Apotex était au courant de ces renseignements, SmithKline allègue que la juge des requêtes devait forcément présumer que le processus de fabrication de comprimés d'Apotex donnerait lieu à la conversion de la forme anhydre en semi-hydrate.

[32]       SmithKline n'a prouvé que l'une des deux conditions nécessaires pour que la présomption de common law s'applique :

... avant de donner effet à la présomption, la Cour devra être convaincue que les renseignements nécessaires ne se trouvent pas en la possession des intimées et qu'ils relèvent tout particulièrement de la connaissance de l'appelante. Il faudra aussi que les intimées établissent que les renseignements nécessaires n'ont pas été produits en preuve par l'appelante et qu'elles ne pouvaient les obtenir d'aucune autre façon. (Nu-Pharm, précité, p. 19.) (Non souligné à l'original).

[33]       Le dossier produit en appel n'indique pas que SmithKline a tenté d'une façon ou d'une autre d'obtenir ces renseignements ou d'en forcer la production. Pourtant, d'après la jurisprudence qui existait à l'époque pertinente, SmithKline aurait peut-être pu obtenir les renseignements en question en présentant la requête qui convenait (SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc., (1969) 3 C.P.R. (4th) 22, p. 27). De plus, si la demande lui avait été faite, Apotex les aurait peut-être fournis volontairement. Il s'ensuit que SmithKline ne peut invoquer la présomption reconnue en common law en l'espèce.

[34]       Enfin, SmithKline allègue que la juge des requêtes a commis une erreur en omettant de donner effet à l'admission d'Apotex selon laquelle la forme anhydre se transformera en semi-hydrate avec le temps et, surtout, selon laquelle « la forme anhydre se transforme en semi-hydrate suite à la fabrication des comprimés » (affidavit de Petrov, par. 10, dossier d'appel, p. 579).

[35]       Voici comment la juge des requêtes s'est exprimée au sujet de ces admissions au paragraphe 39 de ses motifs :

À mon avis, M. Petrov a simplement confirmé qu'il était d'accord avec les conclusions [des témoins experts de SmithKline] tirées à l'issue des expériences qu'ils ont effectuées.


Étant donné qu'elle a jugé que ces expériences n'étaient ni fiables ni concluantes, elle a statué que l'admission de M. Petrov avait peu de force probante dans l'affaire.

[36]       Je ne vois pas comment il serait possible de donner à l'affidavit de M. Petrov une interprétation différente de celle qu'a donnée la juge des requêtes. M. Petrov s'est montré d'accord avec les avis que les experts de SmithKline ont exprimés en se fondant sur les expériences qu'ils ont menées. Considérer l'affidavit de M. Petrov comme une admission sans réserve du fait que la transformation découlera de tout procédé de fabrication de comprimés utilisé, indépendamment de la méthode employée, équivaudrait à donner à cet affidavit, du point de vue d'Apotex, les effets d'une confession de jugement. À mon sens, la juge des requêtes n'a pas mal interprété l'admission que M. Petrov a formulée dans son affidavit lorsqu'elle a statué que cette admission concernait les expériences menées par les experts de SmithKline.

[37]       Je rejetterais l'appel avec dépens.

                   « Marc Noël »                    

J.C.A.

« Je souscris aux motifs du juge Noël »

A.J. Stone

« Je souscris aux motifs du juge Noël »

John M. Evans

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 20010104

Dossier : A-321-99

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 4 JANVIER 2001

CORAM:     LE JUGE STONE

LE JUGE NOËL

LE JUGE EVANS

ENTRE :

SMITHKLINE BEECHAM PHARMA INC.

- et -

BEECHAM GROUP P.L.C.,

appelantes,

- et -

APOTEX INC.

- et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉ,

intimés.

                                                     

JUGEMENT

Pour les motifs exposés dans le dossier numéro A-322-99, l'appel est rejeté avec dépens.

               « A.J. Stone »                  

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 20010104

Dossier : A-322-99

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 4 JANVIER 2001

CORAM:     LE JUGE STONE

LE JUGE NOËL

LE JUGE EVANS

ENTRE :

SMITHKLINE BEECHAM PHARMA INC.

- et -

BEECHAM GROUP P.L.C.,

appelantes,

- et -

APOTEX INC.

- et -

LE MINISTRE DE LASANTÉ,

intimés.

                                                     

JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

                     « A.J. Stone »                  

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                        COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                     SECTION D'APPEL

        AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                     A-322 et A-321

INTITULÉ DE LA CAUSE :                SMITHKLINE BEECHAM PHARMA INC. et BEECHAM GROUP PLC

et

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

LIEU DE L'AUDIENCE :                     OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :                    14 décembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE NOËL AUXQUELS ONT SOUSCRIT LES JUGES STONE ET EVANS

EN DATE DU :                                     4 janvier 2001

ONT COMPARU :

Me Anthony G. Creber                          POUR LES APPELANTES

Me James E. Mills

Me Harry B. Radomski                          POUR L'INTIMÉE APOTEX INC.

Me Andrew Brodkin

Me Ivor Hughes

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling, Lafleur, Henderson                              POUR LES APPELANTES

LLP

Ottawa (Ontario)

Goodman, Phillips & Vineberg               POUR L'INTIMÉE APOTEX INC.

Toronto (Ontario)

Me Morris Rosenberg                          POUR L'INTIMÉ MINISTRE DE LA SANTÉ

Sous-procureur général du Canada



[1] Décision publiée dans 166 F.C.R. 67.

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