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Date : 20040504

Dossier : A-496-02

Référence : 2004 CAF 181

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE NOËL

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                        FUARAN FOUNDATION

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                          AGENCE CANADIENNE DES DOUANES ET DU REVENU

                                                                                                                                                intimée

Appel entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le 4 mai 2004.

Jugement prononcé à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique) le 4 mai 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                          LE JUGE SEXTON


                                                                                                                                 Date : 20040504

Dossier : A-496-02

Référence : 2004 CAF 181

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE NOËL

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                        FUARAN FOUNDATION

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                          AGENCE CANADIENNE DES DOUANES ET DU REVENU

                                                                                                                                                intimée

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

        (Jugement prononcé à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique) le 4 mai 2004)

LE JUGE SEXTON

[1]                L'appelante interjette appel à l'encontre d'une décision de l'Agence canadienne des douanes et du revenu (ACDR) refusant d'enregistrer l'appelante à titre d'oeuvre de bienfaisance, tel que prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu.


[2]                La principale activité sur laquelle s'appuie l'appelante pour établir son statut d'oeuvre de bienfaisance concerne le soutien et l'exploitation d'un centre de retraite chrétien en Grande-Bretagne. L'appelante a conclu une entente avec Stillicidia, une société à responsabilité limitée privée constituée et enregistrée en vertu des lois de l'Angleterre et du pays de Galles. Stillicidia agit comme mandataire pour l'appelante et exploite le centre, qui est établi sur une propriété apparemment acquise par l'appelante dans la région des lacs en Angleterre.

[3]                Bien que la liste des fins et des objectifs de l'appelante soit axée sur la religion chrétienne, le contenu de la brochure faisant la promotion du centre est révélateur. Tout en faisant référence à la vie et à la spiritualité chrétienne, elle mentionne également d'autres fins qui n'ont aucun caractère religieux. La brochure précise ce qui suit, notamment :

[Traduction] En plus de pouvoir accueillir des personnes seules et des familles pour un séjour dans un studio doté de l'équipement nécessaire pour la préparation des repas, nous pouvons également accueillir des groupes de huit à dix personnes pour passer la journée avec nous. Cette journée peut être consacrée au recueillement ou réservée à des activités récréatives pour vous permettre d'exploiter vos talents cachés en dessin, en peinture, en sculpture sur bois, en taille de pierres précieuses, en iconographie ou en photographie. Avec l'aide de Richard, vous pourrez trouver des moyens de découvrir vos talents créatifs tout en profitant de votre retraite.

Nous pouvons aussi vous proposer un thème d'étude pour répondre à vos besoins.

Voici quelques exemples de sujets :

Les icônes et la prière

Les formes et la figure de la Création

La prière contemplative et créative

La prière fantaisiste

Réflexion sur la prière du Seigneur

Peinture et dessin créatifs

Sculpture sur bois

Fabrication de bougies

Et autres - n'hésitez pas à venir nous parler de ce qui vous intéresse.

Notre prix est de 10 £ par personne pour une journée de recueillement et de 30 £ par personne pour un atelier créatif. Des rafraîchissements vous sont offerts dans la matinée et l'après-midi lorsque vous passez toute la journée au centre.

Veuillez apporter votre déjeuner.


Pour les groupes plus nombreux, nous pouvons parfois nous déplacer pour offrir nos ateliers (selon les techniques utilisées et le sujet), moyennant les frais de déplacement et un tarif négociable.

Le dépliant contient également ceci :

À Stillicidia, nous accueillons les débutants ainsi que les personnes expérimentées dans l'artisanat ou la prière. Vous êtes invités à venir nous rejoindre pour notre courte liturgie matinale, notre séance de méditation du soir ou à tout moment de la journée. Nous n'obligeons personne à prier - nous vous invitons à découvrir et à vivre les rituels qui vous conviennent.

Venez nous voir et découvrir quelque chose de nouveau chez nous - ou venez simplement nous voir et laissez-vous aller! Si vous cherchez simplement à vivre un moment de recueillement, vous êtes le bienvenu...

Notre objectif consiste à vous offrir ce que vous recherchez - qu'il s'agisse d'un moment de solitude et de recueillement ou d'une occasion de parler des moments difficiles dans votre vie... Mais nous vous offrons en même temps la chance d'apprendre ou d'améliorer vos talents d'artisanat...

Veuillez indiquer la nature de votre visite (p. ex. journée de recueillement). N'oubliez pas de mentionner tout métier d'artisanat, sujet ou problème sur lequel que vous aimeriez travailler avec nous.

[4]                Le centre est établi dans une région assez éloignée et offre seulement une chambre où les participants peuvent passer la nuit. Les autres personnes doivent se trouver un hébergement ailleurs ou effectuer un aller-retour quotidien vers le centre.

[5]                Le centre a reçu un don de 1,5 million de dollars de la part de l'un des membres fondateurs de l'appelante. L'appelante demande que l'enregistrement de son statut d'oeuvre de bienfaisance prenne effet le 31 décembre 2000 pour les fins de l'impôt sur le revenu de ce membre donateur.


[6]                L'ACDR a refusé l'enregistrement pour plusieurs raisons, dont voici les principales. La première, le libellé de la charte corporative de l'appelante est tellement large qu'il lui permet de se livrer à des activités autres que des activités de bienfaisance, y compris la prestation d'une aide financière à des bénéficiaires non admissibles. Au paragraphe 2a) de la charte corporative de l'appelante, on peut lire ce qui suit :

[Traduction]

2. « Les fins et les objectifs de la fondation sont de promouvoir la religion chrétienne et la formation grâce à la mise en oeuvre de programmes et de projets en vue de réaliser ses objectifs, qui sont de nature exclusivement caritative aux termes de la loi, en :

a)             offrant une aide financière pour l'établissement et le soutien continu de chrétiens et d'organisations chrétiennes partout dans le monde qui :

(i)            enseignent la Parole de Dieu et l'Évangile de Jésus Christ à toute personne;

(ii)           aident toute personne par le biais de l'enseignement à accepter et à développer un style de vie chrétien et biblique dans le cadre duquel elle reconnaît et applique les principes de la vie chrétienne, tels qu'énoncés dans la Sainte Bible et révélés par le Saint Esprit de Dieu;

(iii)          aident les pauvres, les malades et les nécessiteux par des actes de charité chrétienne.

[7]                Deuxièmement, les personnes qui participent aux ateliers de l'appelante sont entièrement libres de participer ou non aux activités religieuses. L'appelante n'a pas établi clairement que sa principale activité consistait à diriger des retraites religieuses et non à exploiter purement et simplement un « centre de villégiature » comme n'importe quelle auberge dans un coin tranquille. Dans la brochure, l'appelante fait la promotion de ces deux activités avec des tarifs distincts.


[8]                La Cour suprême du Canada dans Vancouver Society of Immigrant and Visible Minority Women c. Ministre du Revenu national 99 D.T.C. 5034, établit deux critères pour l'enregistrement d'une oeuvre de bienfaisance. Le premier, les fins poursuivies par l'organisation doivent être des fins de bienfaisance et elles doivent définir le champ des activités menées par l'organisation. Deuxièmement, toutes les ressources de l'organisation doivent être consacrées aux activités de bienfaisance.

[9]                Dans le cas en l'espèce, l'appelante prétend qu'elle a pour objet de promouvoir la religion chrétienne.

Norme de contrôle

[10]            Bien que la Cour suprême du Canada n'ait pas expressément examiné la question de la norme de contrôle dans Vancouver Society, précité, le paragraphe suivant tiré des motifs du juge Iacobucci laisse entendre que l'on doit appliquer la norme du caractère raisonnable lorsqu'il s'agit de déterminer si des activités sont de nature caritative ou non :

Cette conclusion est, je crois, renforcée par la nature des activités qui, de l'avis de l'association, étaient visées par l'alinéa a). Sur la base des observations de l'association et des conversations de suivi, il n'était pas déraisonnable pour Revenu Canada de conclure que les activités censément éducatives envisagées par l'association n'étaient pas structurées ou présentées de façon systématique.                                                                                                          [C'est nous qui soulignons]


Analyse

[11]            Nous sommes d'avis que les conclusions de l'ACDR ne sont pas déraisonnables. La charte corporative de l'appelante précise qu'elle a pour fin d'offrir une aide financière aux chrétiens et aux organisations chrétiennes. Il n'y a aucune restriction exigeant que le bénéficiaire soit admissible au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. Selon nous, un engagement de l'appelante de donner uniquement aux personnes admissibles n'est pas suffisant. L'appelante n'a présenté aucune source permettant de conclure qu'un tel engagement peut effectivement réduire la portée de sa charte corporative.

[12]            En outre, on ne peut affirmer que les activités de l'appelante sont exclusivement consacrées à la promotion de la religion chrétienne.


[13]            Le concept de promotion de la religion a été défini à plusieurs reprises par les tribunaux. Ainsi, dans United Grand Lodge of Ancient Free and Accepted Masons of England c. Holborn Borough Council, [1957] 1 W.L.R. 1080, le tribunal définit la promotion de la religion comme suit : [traduction] « en faire la promotion, faire connaître son message toujours plus loin parmi les hommes, prendre des mesures positives pour préserver et renforcer la foi religieuse; ces objectifs peuvent être réalisés de plusieurs manières, que l'on peut globalement décrire comme pastorales et missionnaires » . Dans Keren Kayemeth Le Jisroel Ltd. c. The Commissioners of Inland Revenue [1931] 2 KB 465 (CA), le juge Rowlatt affirme ce qui suit : [traduction] « il me semble que la promotion de la religion signifie la promotion de l'enseignement spirituel de l'association concernée et le maintien de l'esprit des principes et des règles sur lesquels il repose » .

[14]            L'analyse du juge Iacobucci dans Vancouver Society, précité, même si la cour examinait alors la « promotion de l'éducation » , peut semble-t-il s'appliquer à la « promotion de la religion » :

J'estime que le critère minimal qui doit être respecté pour qu'une activité puisse être qualifiée d'éducative est la présence d'efforts légitimes et ciblés d'éducation d'autrui, soit par un enseignement traditionnel ou non, soit par des activités de formation ou encore par des programmes d'autoformation ou d'autres types de mesures. Le simple fait de donner aux gens la possibilité de s'instruire, par exemple en mettant à leur disposition de la documentation utile à cette fin mais non indispensable, ne suffit pas.

[15]            Dans les faits, ce que l'appelante propose est de simplement offrir un endroit où l'on peut se livrer à une réflexion religieuse. Elle ne prend aucune tentative ciblée ni aucune mesure positive en vue de préserver et de renforcer la foi religieuse. Il ne semble y avoir aucun programme structuré pour la promotion de la religion et, dans la publicité de l'appelante, l'emphase n'est pas uniquement mise sur la religion mais aussi sur le bien-être personnel et la possibilité de profiter d'une période de recueillement. Les faits dans la présente instance sont essentiellement identiques à ceux dont était saisie la U.S. Tax Court dans Schoger Foundation c. Commissioner of Internal Revenue 1981 U.S. Tax Ct. LEXIS 167.

[16]            On ne peut affirmer que toutes les ressources de l'appelante sont consacrées aux activités de bienfaisance.


[17]            En conséquence, l'appel est rejeté avec dépens.

                « Edgar Sexton »            

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                A-496-02

INTITULÉ :               FUARAN FOUNDATION c. A.C.D.R.

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                            4 mai 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE SEXTON

DATE :                       4 mai 2004

COMPARUTIONS :

T. Charles De Jager                                       POUR L'APPELANTE

Lynn Burch                                                      POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

T.Charles De Jager                                       POUR L'APPELANTE

De Jager Volkenant & Company

Morris Rosenberg                                          POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada


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