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     Date : 20000328

            

     Dossier : A-360-98

CORAM :      LE JUGE DÉCARY, J.C.A.
          LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.
          LE JUGE MALONE, J.C.A.

ENTRE :

     EMMANUEL SOLIS

     appelant

     (demandeur)

                         - et -

         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

intimé

(défendeur)



MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l"audience à Winnipeg, le mardi 28 mars 2000)

LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.             

            

[1]      Il s"agit d"un appel d"une décision qu"a rendue le juge Campbell en date du 19 mai 19981, relatif à des questions certifiées en application du paragraphe 83(1) de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration a conclu que l"appelant constituait un danger pour le public aux termes du sous-alinéa 46.01(1)e )(iv), de l"alinéa 53(1)d ) et du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration. Entre 1992 et 1995, il a été déclaré coupable de dix infractions criminelles et il a fait de la prison. Il a maintenant été expulsé.

[2]      La première question certifiée est la suivante :
     Le mot " citoyen " de l'article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés a-t-il un sens différent de celui qui lui est reconnu par la loi? Dans l'affirmative, un avis fondé sur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration va-t-il à l'encontre d'un droit reconnu par l'article 6?

[3]      L"appelant était un résident permanent aux termes de la Loi sur l"immigration, mais n"était pas un citoyen au sens de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29. Se fondant sur le paragraphe 6(1) de la Charte, qui permet à un citoyen de rester au Canada, l"appelant prétend qu"aux fins de la Charte, il était un citoyen. Autrement dit, malgré le fait qu"il n"était pas un citoyen au sens de la Loi sur la citoyenneté, il avait un droit indépendant fondé sur la Charte d"être considéré comme un citoyen, en grande partie en raison de ses liens familiaux et de ses racines au Canada. Selon l"appelant, ce droit de common law d"être considéré comme un citoyen s"ajoute aux dispositions législatives sur la citoyenneté contenues dans la Loi sur la citoyenneté , mais ne les remplace pas.

[4]      Nous convenons avec le professeur Hogg que la notion de citoyenneté n"a pas un sens différent de celui que lui reconnaît la loi2. Le concept de citoyenneté est une création du droit législatif fédéral. La Loi sur la citoyenneté est assujettie aux dispositions prépondérantes de la Charte, de sorte que si un tribunal arrive à la conclusion qu"une disposition de la Loi sur la citoyenneté contrevient à la Charte, il existe une réparation fondée sur la Charte. Toutefois, l"appelant en l"espèce ne conteste pas la Loi sur la cito yenneté à ce titre. Il affirme seulement qu"il existe un autre concept de citoyenneté, fondé sur la Charte. Pour les motifs exposés précédemment, nous ne pouvons accepter cet argument.

[5]      La réponse à la question 1 est que le mot " citoyen " de l"article 6 de la Charte n"a pas un sens différent de celui que lui reconnaît la loi.

[6]      Comme la réponse à la première partie de la question 1 est négative, il n"est pas nécessaire de répondre à la deuxième partie de celle-ci.

[7]      La question 2 est rédigée comme suit :

     Peut-il y avoir manquement à l'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés lorsqu'il n'y a pas manquement à l'article 7 de celle-ci? Dans l'affirmative, un avis fondé sur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration va-t-il à l'encontre du droit reconnu par l'article 12?

[8]      Il n"est pas nécessaire de répondre à la première partie de la question 2 parce que nous sommes d"avis qu"un avis fondé sur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration ne contrevient pas à l"article 12 de la Charte. L"argument de l"appelant semble être fondé sur la procédure relative au paragraphe 70(5). Selon l"appelant, avant que quelque chose d"aussi grave qu"une expulsion puisse avoir lieu, il devrait y avoir un examen équilibré des circonstances en fonction de l"equity plutôt que du droit. Il affirme que le paragraphe 70(5) l"a privé de ce droit et qu"il a donc subi un traitement cruel et inusité.

[9]      En vertu du paragraphe 70(5), ne peuvent interjeter appel d"une mesure d"expulsion devant la section d"appel de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié les personnes qui, de l"avis du ministre, constituent un danger pour le public et qui, selon la décision d"un arbitre, appartiennent à l"une des catégories non admissibles visées par certaines dispositions de la Loi sur l"immigration.

[10]      Avant d"émettre un avis de danger, le ministre invite la personne intéressée, et a invité l"appelant en l"espèce, à lui soumettre des arguments, y compris des arguments fondés sur des raisons d"ordre humanitaire. L"avis de danger est émis seulement après que l"intéressé a présenté ces arguments ou a omis de le faire dans le délai prévu. Si l"intéressé est mécontent de l"avis de danger, il peut en demander le contrôle judiciaire devant la Section de première instance de la Cour fédérale. Compte tenu de la possibilité de soumettre des arguments, y compris des arguments fondés sur l"equity, et de l"existence de garanties procédurales, dont le contrôle judiciaire, nous ne pouvons convenir avec l"appelant que la procédure relative au paragraphe 70(5) est telle qu"elle pourrait être considérée comme constituant une peine ou traitement cruel et inusité.

[11]      L"appelant semble également soutenir que la procédure relative au paragraphe 70(5) ne devrait pas être considérée isolément parce qu"elle conduit à l"expulsion de l"intéressé. Même si cet argument était accepté, nous sommes d"avis que l"expulsion, en soi, ne constitue pas une peine ou traitement cruel et inusité. Dans l"arrêt Ministre de l"Emploi et de l"Immigration c. Chiarelli3, le juge Sopinka a affirmé à la page 735 :

     Comme le juge Pratte, j"estime que l"expulsion n"est pas prononcée à titre de peine. [...] Il se peut toutefois que l"expulsion constitue un " traitement " au sens de l"art. 12. [...] C"est toutefois là un point qu"il n"est pas nécessaire de trancher aux fins du présent pourvoi puisque, à mon avis, l"expulsion autorisée par le sous-al. 27(1)d )(ii) et le par. 32(2) n"est ni cruelle ni inusitée.

Et à la page 736, il déclare :

     L"expulsion d"un résident permanent qui, en commettant une infraction criminelle punissable d"au moins cinq ans de prison, a délibérément violé une condition essentielle pour qu"il lui soit permis de demeurer au Canada, ne saurait être considérée comme incompatible avec la dignité humaine. Au contraire, c"est précisément le fait de permettre que les personnes ayant pu entrer au Canada sous condition violent délibérément et impunément ces conditions qui tendrait vers l"incompatibilité avec la dignité humaine.

Nous sommes d"avis que les motifs du juge Sopinka dans l"arrêt Chiarelli tranchent la question.

    

[12]      La réponse à la deuxième question est qu"un avis fondé sur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration ne contrevient pas à l"article 12 de la Charte.

[13]      L"appel sera rejeté.

     " Marshall Rothstein "

     J.C.A.

Winnipeg (Manitoba)

Le 28 mars 2000

Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION D"APPEL

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

IL S"AGIT D"UN APPEL DE LA DÉCISION DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DATÉE DU 19 MAI 1998 (IMM-4898-96)

NO DU GREFFE :              A-360-98

            

INTITULÉ DE LA CAUSE :      EMMANUEL SOLIS c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

LIEU DE L"AUDIENCE :          Winnipeg (Manitoba)

                                        

DATE DE L"AUDIENCE :          Le 28 mars 2000

                        

     MOTIFS DU JUGEMENT DE

     MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

     DATÉS DU 28 MARS 2000

ONT COMPARU :

David Matas      pour l"appelant (demandeur)

Sharlene Telles-Langdon

Ministère de la Justice      pour l"intimé (défendeur)

301 - 310, Broadway

Winnipeg (Manitoba)

R3C 0S6


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas      pour l"appelant (demandeur)

602 - 225, rue Vaughan

Winnipeg (Man.) R3C 1T7


Morris Rosenberg     

Sous-procureur général du Canada      pour l"intimé (défendeur)





Date : 20000328


Dossier : A-360-98


CORAM :      LE JUGE DÉCARY, J.C.A.

         LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.

         LE JUGE MALONE, J.C.A.


ENTRE :

     EMMANUEL SOLIS

            

     appelant

     (demandeur)

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     intimé

     (défendeur)



Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 28 mars 2000

JUGEMENT prononcé à l"audience à Winnipeg (Manitoba), le 28 mars 2000


MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.




     Date : 20000328

            

     Dossier : A-360-98


Winnipeg (Manitoba), le 28 mars 2000

EN PRÉSENCE DE :      Monsieur le juge Décary
                  Monsieur le juge Rothstein
                  Monsieur le juge Malone

ENTRE :

     EMMANUEL SOLIS

     appelant

     (demandeur)

                         - et -


         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION



intimé

(défendeur)


                         JUGEMENT

     L"appel est rejeté.

     La Cour répondra comme suit à la question certifiée, reformulée par la Cour :

     1)      Le mot " citoyen " de l'article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés a-t-il un sens différent de celui qui lui est reconnu par la loi?

    

         La réponse est non.




     2)      Un avis fondé sur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration constitue-t-il un traitement cruel et inusité contrairement à l"article 12 de la Charte ?
         La réponse est non.

     Il n"y aura pas d"ordonnance quant aux dépens.



     " Robert Décary "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

__________________

11998, 147 F.T.R. 272

2Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 3rd ed. Toronto: Carswell,1992, à la page 833.

3[1992] 1 R.C.S. 711.

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