Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date    : 20010504

Dossier : A-722-96

Référence neutre : 2001 CAF 142

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 4 MAI 2001

CORAM :       MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

MONSIEUR LE JUGE NOËL

MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

AUBREY ROGERVILLE

appelant

(défendeur)

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

(demandeur)

JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

             « Marshall Rothstein »             

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010504

Dossier : A-723-96

Référence neutre : 2001 CAF 142

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 4 MAI 2001

CORAM :       MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

MONSIEUR LE JUGE NOËL

MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

AUBREY ROGERVILLE

appelant

(demandeur)

- et -

LE COMITÉ D'APPEL DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE,

JOHN A. MOONEY ET LE DIRECTEUR DE L'ÉTABLISSEMENT D'EDMONTON, agissant pour le compte de l'administrateur général du MINISTÈRE DU SOLLICITEUR GÉNÉRAL,

À EDMONTON (ALBERTA)

intimés

(défendeurs)

JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

            « Marshall Rothstein »                 

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010504

Dossier : A-722-96

Référence neutre : 2001 CAF 142

CORAM :       MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

MONSIEUR LE JUGE NOËL

MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

AUBREY ROGERVILLE

appelant

(défendeur)

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

(demandeur)

A-723-96

AUBREY ROGERVILLE

appelant

(demandeur)

- et -

LE COMITÉ D'APPEL DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE, JOHN A.

MOONEY ET LE DIRECTEUR DE L'ÉTABLISSEMENT D'EDMONTON, agissant pour le compte de l'administrateur général du MINISTÈRE DU SOLLICITEUR GÉNÉRAL,

À EDMONTON (ALBERTA)

intimés

(défendeurs)

Audition tenue à Edmonton (Alberta), le jeudi 26 avril 2001

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le vendredi 4 mai 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                                             LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                                LE JUGE SHARLOW


Date : 20010504

Dossier : A-722-96

Référence neutre : 2001 CAF 142

CORAM :       MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

MONSIEUR LE JUGE NOËL

MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

AUBREY ROGERVILLE

appelant

(défendeur)

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

(demandeur)

A-723-96

AUBREY ROGERVILLE

appelant

(demandeur)

- et -

LE COMITÉ D'APPEL DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE,

JOHN A. MOONEY ET LE DIRECTEUR DE L'ÉTABLISSEMENT D'EDMONTON, agissant pour le compte de l'administrateur général du MINISTÈRE DU SOLLICITEUR GÉNÉRAL, À EDMONTON (ALBERTA)

intimés

(défendeurs)


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                 Les appels visent deux décisions (publiées, (1996) 117 F.T.R. 43 et 53) par lesquelles un juge des requêtes a accueilli la demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général à l'encontre d'une décision du Comité d'appel de la Commission de la fonction publique (le Comité d'appel) et rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l'appelant à l'encontre d'une partie de la décision du Comité d'appel. Les deux appels ont été entendus en même temps conformément à une ordonnance de la Cour. Les présents motifs tranchent les deux appels.

Les faits

[2]                 L'appelant a commencé à travailler comme psychologue au Service correctionnel du Canada (l'employeur) le 2 janvier 1986. Il travaillait à l'établissement d'Edmonton, un pénitencier fédéral.

[3]                 À la suite des meurtres d'un agent de police, en juin 1990, et d'un chauffeur de taxi, en décembre 1991, par deux détenus de l'établissement d'Edmonton bénéficiant d'une libération conditionnelle, une enquête a été ouverte pour évaluer la compétence de l'appelant dans l'exercice de ses fonctions. Dans les deux cas, c'est l'appelant qui avait rédigé les rapports psychologiques des détenus à l'intention de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC).


[4]                 Le 25 septembre 1992, le directeur de l'établissement d'Edmonton a recommandé le renvoi de l'appelant pour incompétence en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P.-33. La décision de renvoyer l'appelant s'appuyait principalement sur un rapport intitulé Report of the Board of Inquiry préparé par deux psychologues dans le cadre de l'enquête sur la compétence de l'appelant.

[5]                 L'appelant a interjeté appel de la recommandation du directeur et un Comité d'appel a été constitué pour mener une enquête sur la recommandation de renvoyer l'appelant. Après une longue audition, le Comité d'appel a accueilli l'appel et recommandé que la Commission de la fonction publique ne donne pas suite à la recommandation du directeur de renvoyer l'appelant.

[6]                 Dans ses motifs, le Comité d'appel a conclu que la preuve était suffisante pour que le directeur conclue à l'incompétence de l'appelant (la conclusion d'incompétence). Il a toutefois conclu que la recommandation de renvoi devait être écartée parce que l'employeur n'avait pas averti préalablement l'appelant du fait que son rendement était insatisfaisant. Sur ce point, le Comité s'est appuyé sur l'arrêt Dansereau c. Canada (Commission de la fonction publique), [1991] 1 C.F. 444, de la Cour d'appel fédérale. Dans cet affaire, le juge Décary a tenu les propos suivants, à la page 460 :


Aussi, je conclus sur ce point, pour les fins du présent dossier, que lorsqu'un employé qui a exercé les mêmes fonctions pendant plusieurs années reçoit de façon constante des rapports de rendement satisfaisants et n'est l'objet d'aucune critique sérieuse de la part de son employeur, il se dégage une présomption qu'il a la compétence voulue pour exercer lesdites fonctions et l'employeur, sauf circonstances extraordinaires ou pressantes, ne saurait le congédier pour cause d'incompétence à moins qu'il ne l'ait informé des lacunes qui lui sont reprochées, qu'il ne lui ait donné la possibilité de les corriger et qu'il ne lui ait indiqué les dangers de congédiement auxquels il s'exposait s'il ne les corrigeait pas.

[7]                 Appliquant le critère établi dans Dansereau, le Comité d'appel a conclu qu'il n'existait pas en l'espèce de « circonstances extraordinaires ou pressantes » justifiant une dérogation à la règle de l'avertissement.

[8]                 L'employeur a demandé le contrôle judiciaire de la décision du Comité d'appel. Au même moment, dans une procédure distincte, l'appelant a demandé le contrôle judiciaire de la conclusion d'incompétence tirée par le Comité d'appel.

[9]                 Les deux demandes ont été entendues ensemble. Dans la première des deux décisions rendues en même temps, le juge des requêtes a accueilli la demande de l'employeur. Il a statué que le comité d'appel avait commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant qu'il n'existait pas de « circonstances extraordinaires ou pressantes » justifiant une dérogation à l'obligation de donner un avertissement établie par notre Cour dans l'arrêt Dansereau. Le juge des requêtes a donc annulé la décision du Comité d'appel et renvoyé l'affaire au Comité pour qu'il rende une décision conforme à une directive lui enjoignant de rejeter l'appel.

[10]            Dans la deuxième décision, le juge des requêtes a rejeté la demande de l'appelant en statuant qu'il n'avait pas compétence pour la trancher. À son avis, l'appelant demandait le contrôle des motifs de la décision, plutôt que de la décision elle-même qui, comme l'a souligné la Cour, était favorable à l'appelant.


[11]            L'appelant a interjeté appel de chacune de ces décisions.

[12]            À l'appui de son appel contre la première décision, l'appelant fait valoir que le juge des requêtes a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en statuant qu'il existait des « circonstances extraordinaires et pressantes » justifiant une dérogation à l'obligation de donner un avertissement établie dans Dansereau, précité. L'appelant soutient subsidiairement que le juge des requêtes a commis une erreur en renvoyant l'affaire au Comité avec la directive de rejeter l'appel.

[13]            À l'appui de son appel contre la deuxième décision, l'appelant affirme que le juge des requêtes a commis une erreur en statuant qu'il ne pouvait pas demander le contrôle judiciaire de la conclusion d'incompétence tirée par le Comité d'appel dans ses motifs indépendamment de la décision elle-même.

Analyse et décision

[14]            En ce qui concerne la première décision, l'appelant soutient que le juge des requêtes a modifié irrégulièrement la conclusion de fait tirée par le Comité d'appel en statuant qu'il existait des « circonstances extraordinaires et pressantes » justifiant une dérogation à l'obligation de donner un avertissement établie dans Dansereau. La conclusion tirée par le Comité d'appel sur ce point est la suivante (page 120 des motifs) :

[TRADUCTION] Le Ministère a également fait valoir qu'il s'agissait là de l'une des circonstances pressantes mentionnées dans la décision Dansereau, puisque l'appelant représentait un danger pour les détenus qu'il traitait et pour le public en raison de son rôle auprès de la CNLC. Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas. Les services psychologiques qu'il rendait aux détenus auraient bien pu être surveillés par ses supérieurs ou ses collègues au cours de la période de préavis. Ce même genre de surveillance aurait pu être effectué à l'égard des rapports qu'il présentait à la CNLC. Cette commission aurait pu elle aussi être mise en garde à propos des rapports de l'appelant. De nombreux autres rapports sont présentés à la CNLC et celle-ci aurait pu facilement déterminer les cas dans lesquels les recommandations de l'appelant n'étaient pas conformes à celles d'autres intervenants dans la décision relative à la libération conditionnelle.

[15]            Avant d'infirmer cette conclusion, le juge des requêtes a souligné qu'il fallait faire preuve d'un degré élevé de retenue à l'égard du Comité d'appel concernant les questions de fait et que seule une erreur fondamentale commise au mépris des éléments de preuve présentés pouvait justifier son intervention. Sur ce point, les parties ont reconnu, au cours de l'audition de l'appel, que le juge des requêtes a correctement identifié la norme de contrôle applicable. L'appelant soutient toutefois que cette norme n'a pas été appliquée correctement.

[16]            La conclusion d'incompétence tirée par le Comité d'appel reposait sur une preuve qui confirmait les graves lacunes cliniques et techniques de l'appelant, sa propension à agir comme défenseur des détenus et ses antécédents démontrant qu'il avait intentionnellement induit la CNLC en erreur concernant l'aptitude des détenus à la libération conditionnelle. Le comité d'enquête est allé jusqu'à dire ce qui suit, dans son rapport :

[TRADUCTION] ... Il s'est, de façon répétée, mis lui-même et mis d'autres personnes dans des situations très dangereuses par suite de sa répugnance ou de son inaptitude à établir les limites nécessaires dans ses rapports avec les détenus.


Il n'a démontré aucune conscience de l'étendue de son conflit d'intérêts dans ses multiples rôles d'évaluateur, de conseiller et de défenseur des détenus. Il n'a démontré également aucune conscience des limites de son jugement clinique souvent cité. Des preuves établissent qu'il s'est délibérément placé dans une position de pouvoir et d'influence auprès de la CNLC, puis qu'il a utilisé cette influence pour exhorter la Commission à prendre des décisions à propos des détenus fondées sur des renseignements insuffisants et des avis dénués de fondement. (Report of the Board of Inquiry, Dossier d'appel, vol. 1, page 146).

[17]            Bien que le Comité d'appel ait conclu que l'appelant représentait un danger pour les détenus et le public, il a conclu qu'il n'était pas urgent de renvoyer l'appelant compte tenu de la capacité de l'employeur de surveiller ses activités professionnelles de la manière proposée dans l'extrait cité au paragraphe 14 des présents motifs.

[18]            Je suis d'accord avec le juge des requêtes pour dire que le Comité d'appel a conclu qu'il n'existait pas de circonstances pressantes justifiant le renvoi immédiat de l'appelant au mépris flagrant des éléments de preuve et qu'il a ainsi commis une erreur susceptible de contrôle.

[19]            Comme le juge des requêtes le démontre de façon détaillée dans ses motifs, la preuve présentée au Comité d'appel établissait que personne au sein de l'établissement n'était capable de surveiller l'appelant compte tenu de la nature spécialisée de ses activités.

[20]            L'appelant a soutenu qu'il existait des personnes qualifiées à l'extérieur de l'établissement qui auraient pu jouer ce rôle et que le juge des requêtes a commis une erreur en ne reconnaissant pas cette possibilité. Il a mentionné plus particulièrement le Dr Leis qui occupait, à l'époque pertinente, le poste de psychologue régional.


[21]            La preuve présentée au Comité d'appel établissait que la Dr Leis travaillait à Saskatoon et que, en sa qualité de psychologue régional, il ne jouait aucun rôle fonctionnel ni de surveillance auprès de l'appelant et de ses collègues. Bien qu'il ait été recommandé qu'il joue pareil rôle après la production du Report of the Board of Inquiry, rien n'indique qu'il l'a effectivement joué, ni qu'il aurait pu le jouer. Je constate, sur ce point, que le Dr Leis a témoigné à l'audition devant le Comité d'appel environ trois ans après la formulation de cette recommandation et qu'il a été contre-interrogé par l'avocat de l'appelant.

[22]            L'appelant a aussi suggéré que le Dr Howes, un employé de l'établissement de Stoney Mountain au Manitoba, aurait aussi pu le surveiller. Toutefois, le témoignage du Dr Howes, relaté par le Comité d'appel, révèle très clairement qu'il n'était pas en mesure de surveiller l'appelant (motifs du Comité d'appel, page 45).

[23]            L'appelant a aussi soutenu que l'employeur aurait pu obtenir les fonds nécessaires pour embaucher un psychologue qualifié de l'Université d'Alberta pour surveiller ses activités professionnelles. Toutefois, rien ne laisse croire que pareil financement pouvait être obtenu, ni qu'il aurait été raisonnable ou possible qu'une personne surveille les activités de l'appelant sans appartenir à l'organisation de l'employeur.


[24]            Enfin, je juge non fondée la prétention que le juge des requêtes a ignoré la conclusion du Comité d'appel selon laquelle l'appelant aurait pu être surveillé par deux psychologues qui travaillaient avec lui à l'établissement. La preuve sur ce point révèle que l'appelant se considérait lui-même comme leur supérieur (motifs du Comité d'appel, page 42) et que leurs rapports professionnels étaient, pour reprendre les termes du Comité d'appel, [TRADUCTION] « conflictuels » en raison du comportement de l'appelant (motifs, pages 116 et 117). La preuve révèle aussi que l'un de ces deux collègues était en congé pour cause de stress au moment de l'audition devant le Comité d'appel et que l'autre a affirmé, selon le dossier, qu'il quitterait son emploi si l'appelant revenait travailler à l'établissement d'Edmonton (motifs, page 81). Compte tenu de ces faits, le Comité d'appel a apparemment suggéré que les activités de l'appelant pourraient être surveillées par ses collègues sans tenir compte de la preuve ni, en fait, de sa propre conclusion.

[25]            Le juge des requêtes a poursuivi en examinant la suggestion suivante du Comité d'appel selon laquelle le danger engendré par l'incompétence de l'appelant quant au processus de libération conditionnelle pourrait être compensé par une mise en garde jointe aux rapports préparés par l'appelant à l'intention de la CNLC. Le juge des requêtes a souligné à cet égard que la preuve présentée au Comité d'appel établissait que les membres de la CNLC attribuaient un poids considérable aux rapports psychologiques et que certains n'avaient pas de formation en psychologie, ce qui l'a amené à affirmer, à la page 12 de ses motifs :

... Je ne comprends donc pas pourquoi on pouvait s'attendre à ce que la CNLC exerce ses fonctions si elle recevait un rapport psychologique préparé par [l'appelant], accompagné d'une invitation à la prudence. Les membres de la CNLC qui n'ont aucune formation en psychologie ne pouvaient d'aucune manière évaluer l'exactitude des rapports de [l'appelant].


[26]            Selon moi, le juge des requêtes s'est appuyé sur des bases solides pour statuer que le Comité d'appel avait commis une lourde erreur en décidant que les circonstances ne commandaient pas le renvoi immédiat de l'appelant compte tenu de la capacité de l'employeur de le surveiller. Je ne décèle aucune erreur dans le jugement du juge des requêtes annulant la décision du Comité d'appel pour ce motif.

[27]            L'appelant a soutenu que, même si le juge des requêtes pouvait rendre la décision à laquelle il est parvenu, l'ordonnance qu'il a prononcée avait pour effet de le priver de son droit d'être entendu relativement à la conclusion d'incompétence tirée par le Comité d'appel. Cette question chevauche celle soulevée par le deuxième appel. L'appelant fait valoir que ces deux décisions ont eu pour effet combiné d'empêcher que soit entendue son argumentation contre la conclusion d'incompétence tirée par le Comité d'appel.

[28]            En ce qui concerne le deuxième appel, il ne fait aucun doute que le juge des requêtes a statué à bon droit que les motifs de la décision n'étaient pas susceptibles de contrôle judiciaire indépendamment de la décision elle-même. Dans cette mesure, il a eu raison de refuser d'entendre la demande de contrôle judiciaire présentée par l'appelant. Pour reprendre les propos du juge Rothstein de la Cour d'appel dans l'affaire GKO Engineering - A Partnership c. Sa Majesté la Reine, (A-384-00) 2001 CAF 73 :

Lors d'un contrôle judiciaire, le litige porte sur la décision du tribunal d'instance inférieure soumise à la révision et non sur les motifs de la décision. Une partie qui demande le contrôle judiciaire cherche à obtenir qu'on réexamine la question en vue d'obtenir un dispositif différent que celui qui a été accordé par le tribunal d'instance inférieure.


Un intimé est habituellement d'accord avec le dispositif prononcé par le tribunal d'instance inférieure et, par conséquent, il n'a pas de raison de rechercher le contrôle judiciaire de la décision en cause. Il se peut toutefois qu'un intimé ne soit pas d'accord avec tous les motifs du tribunal d'instance inférieure. Toutefois, à moins qu'il ne recherche un dispositif différent, un intimé n'a pas de fondement lui permettant de présenter sa propre demande de contrôle judiciaire. Lorsqu'un intimé ne désire pas faire réexaminer la question pour obtenir un résultat différent, la procédure appropriée pour lui consiste à soulever, dans son dossier sur la demande de contrôle judiciaire, les arguments qu'il a l'intention de présenter au sujet des éléments des motifs avec lesquels il est en désaccord.

[29]            Toutefois, comme le laisse entendre cet extrait, l'appelant avait le droit de faire valoir ses arguments contre la conclusion d'incompétence tirée par le Comité d'appel en réponse à la demande de contrôle judiciaire de l'employeur et on comprend difficilement pourquoi il n'a pas été invité à les faire valoir, d'autant plus que les deux demandes ont été entendues ensemble.

[30]            Les arguments que l'appelant avait l'intention d'invoquer devant le juge des requêtes sur cette question ont été exposés dans son mémoire des faits et du droit déposé à l'appui du premier appel et, dans les circonstances, nous avons accepté d'entendre ces arguments en appel bien qu'ils n'aient pas été présentés au juge des requêtes.

[31]            L'appelant a soulevé cinq moyens à l'appui de sa prétention que la conclusion d'incompétence tirée par le Comité d'appel doit être infirmée. Le premier concerne la procédure. Le deuxième porte que le Comité d'appel a commis une erreur en permettant qu'un témoin soit appelé à déposer en contre-preuve après la présentation de la preuve des parties. Les trois derniers arguments s'appuient sur des allégations portant que le Comité d'appel a commis une erreur dans son appréciation de la preuve ou ne tenant pas compte d'éléments de preuve pertinents.


[32]            En ce qui a trait au premier moyen, l'appelant soutient que le directeur n'avait pas le pouvoir de recommander son renvoi pour cause d'incompétence parce qu'il n'a pas consulté les divisions de la Dotation et des relations de travail de la région avant de recommander son renvoi, enfreignant ainsi une directive du commissaire, datant du 19 août 1991, et plus particulièrement son annexe A qui prévoit ce qui suit :

Pouvoir à exercer [par le directeur] seulement après avoir consulté les divisions de Dotation et des Relations de travail de la région ou de l'Administration centrale selon qu'il s'agisse d'un poste relevant de l'Administration régionale ou centrale.

[33]            Le Comité d'appel a tranché cet argument comme suit, à la page 118 de ses motifs :

[TRADUCTION] N'est pas non plus fondée la prétention de l'appelant portant que je dois accueillir son appel parce que le directeur n'a pas consulté la division de Dotation de la région avant de décider de renvoyer l'appelant. Les directives disent que le directeur a le pouvoir délégué de recommander le renvoi d'un employé pour incompétence, mais qu'il doit consulter au préalable les divisions de Dotation et des Relations de travail de la région (pièce D-95). Le représentant du ministère a affirmé que le directeur avait dit dans son témoignage à l'audition de l'appel avoir consulté la division de Dotation de la région, mais mes notes ne contiennent aucune mention d'une telle affirmation. La seule preuve sur ce point établit qu'il a envoyé une copie du Report of the Board of Inquiryà Mme de Loat des Relations de travail. On ne peut interpréter cette mesure comme une consultation. Je suis toutefois d'avis qu'il s'agit d'une irrégularité mineure qui ne vicie pas la recommandation du directeur de renvoyer l'appelant.

L'appelant soutient que le défaut de se conformer à l'obligation de consulter ne constituait pas une irrégularité mineure et emporte la nullité de la recommandation du directeur.


[34]            Je constate toutefois que le Comité d'appel n'a pas conclu qu'aucune consultation n'avait été effectuée. Bien que l'audition ait été enregistrée, la transcription n'a pas été versée au dossier et les parties ont convenu que pour savoir quelle preuve a été présentée devant le Comité d'appel sur cette question il faut se reporter à l'extrait cité précédemment. Dans ce contexte, les seules conclusions tirées dans cet extrait sont, premièrement, que le directeur n'a pas dit dans son témoignage avoir consulté et, deuxièmement, que « la seule preuve sur cette question » établit qu'une copie du Report of the Board of Inquiry a été transmise aux Relations de travail, ce qui n'équivaut pas en soi à une consultation. La preuve ainsi décrite n'établit ni qu'il y a eu consultation, ni qu'il n'y a pas eu consultation.

[35]            Selon le paragraphe 4 de la directive du commissaire, chaque directeur, y compris le directeur de l'établissement d'Edmonton, a le pouvoir délégué de recommander qu'un employé soit renvoyé pour incompétence. Dans la mesure où l'appelant avait l'intention de démontrer que ce pouvoir n'avait pas été exercé régulièrement en l'espèce parce que le directeur n'a pas consulté, il lui incombait de présenter une preuve à cet effet.

[36]            Néanmoins, le Comité d'appel a conclu que le directeur n'avait rien dit à ce sujet et que la « seule preuve sur cette question » établissait qu'une copie du Report of the Board of Inquiry avait été envoyée aux Relations de travail. Il faut déduire de ces conclusions que l'avocat de l'appelant n'a pas confronté le directeur à son prétendu défaut de consulter lors de son témoignage et n'a pas établi autrement qu'il n'y avait pas eu consultation. C'est tout ce qu'il est possible de déduire de l'extrait cité précédemment. Le dossier tel qu'il est constitué présentement ne permet pas de conclure que le directeur a outrepassé les limites fixées par la directive du commissaire.


[37]            Le deuxième moyen invoqué pour attaquer la décision du Comité d'appel porte qu'il a irrégulièrement admis en contre-preuve la déposition d'un témoin cité par l'employeur, un psychologue, M. Bennett. L'appelant soutient que le Comité d'appel a aggravé cette erreur en utilisant la déposition de ce témoin à une fin différente de celle visée par son admission en preuve.

[38]            Le Comité d'appel a reçu ce témoignage malgré l'objection de l'appelant. Voici ce que le Comité a dit, à la page 85 de ses motifs :

[TRADUCTION] M. Wayne Bennett a été appelé à déposer en contre-preuve par le ministère. Le représentant de l'appelant s'est opposé à ce que M. Bennett témoigne à ce moment, soit après que l'appelant a présenté sa propre preuve. Le représentant du ministère a expliqué que M. Bennett a été cité à ce moment parce que son témoignage ne visait qu'à attaquer la crédibilité de l'appelant. J'ai accepté d'entendre M. Bennett à ce moment à la condition qu'il ne parle que de questions visant à attaquer la crédibilité de l'appelant. J'ai ajouté, cependant, que l'appelant pourrait citer n'importe quel autre témoin pour réfuter le témoignage de M. Bennett s'il le désirait.

[39]            Selon l'appelant, une contre-preuve ne peut être produite que pour contredire des faits nouveaux, et non pour présenter une preuve qui aurait dû être produite au moment de la preuve principale de l'employeur.

[40]            Cet argument n'est pas fondé. Hormis le fait que le Comité d'appel n'est pas assujetti aux règles de preuve techniques, le Comité d'appel n'a pas commis d'erreur en l'espèce en recevant cette preuve visant à attaquer la crédibilité de l'appelant.


[41]            L'appelant a nié pendant son témoignage avoir communiqué des renseignements à la presse sur le profil psychologique d'un détenu (motifs, à la page 73). Le détenu en cause était un patient de M. Bennett et M. Bennett a expliqué dans son témoignage pourquoi il croyait que l'appelant avait communiqué les renseignements en cause même s'il le niait.

[42]            L'appelant soutient que, même si le témoignage de M. Bennett a été reçu à bon droit, le Comité d'appel a commis une erreur en utilisant cette preuve pour statuer que ses relations de travail avec ses pairs étaient médiocres. Sur ce point, le Comité disposait déjà de nombreux éléments de preuve (voir les témoignages de M. Headrick, du Dr King, du directeur Linklater et de Mme Mitts, décrits par le Comité d'appel aux pages 16, 37, 40 et 42 de ses motifs, respectivement). De plus, l'appelant conservait la possibilité de produire la preuve de son choix pour contrer le témoignage de M. Bennett.

[43]            Selon moi, on ne peut dire que la décision intérimaire du Comité d'appel de recevoir le témoignage de M. Bennett en contre-preuve ou que l'utilisation qu'il en a faite ont causé une injustice.

[44]            Les trois autres moyens que l'appelant fait valoir à l'encontre de la conclusion d'incompétence tirée par le Comité d'appel touchent l'appréciation de la preuve. L'appelant soutient plus précisément que le Comité d'appel a commis une erreur en statuant qu'il avait des rapports irréguliers avec les contrevenants en liberté conditionnelle, qu'il ne s'entendait pas bien avec ses pairs et que l'employeur avait des motifs de conclure à l'incompétence de l'appelant.


[45]            Le Comité d'appel disposait d'éléments de preuve sur lesquels appuyer chacune de ces conclusions et, bien que l'appelant soit en désaccord avec l'issue du litige, il n'a pas démontré que le Comité d'appel a commis une erreur en tirant les conclusions auxquelles il est parvenu..

[46]            Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter les deux appels avec dépens.

                       « Marc Noël »                   

J.C.A.                         

« Je souscris à ces motifs,

Marshall Rothstein, J.C.A. »

« Je souscris à ces motifs,

Karen R. Sharlow, J.C.A. »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                       A-722-96

A-723-96

APPEL DU JUGEMENT RENDU PAR LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA LE 19 JUILLET 1996 DANS LES DOSSIERS T-2120-94 ET T-2141-94

INTITULÉ DE LA CAUSE : AUBREY ROGERVILLE c. LE COMITÉ D'APPEL DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE et autres ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                   EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 26 avril 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :              LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SHARLOW

DATE DU JUGEMENT :                    le 4 mai 2001   

ONT COMPARU

Me Murray D. McGown                         POUR L'APPELANT

Me Ronald M. Snyder                              POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

McGown, Johnson                                 POUR L'APPELANT

Avocats

Calgary (Alberta)


Me Morris Rosenberg                              POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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