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Dossier : A-454-98

(T-1191-97)

OTTAWA (ONTARIO), LE 31 JANVIER 2000


CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE EVANS

ENTRE :


     TED BULAT,

     appelant,


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par LE CONSEIL DU TRÉSOR,


intimée.



JUGEMENT

     L"appel est accueilli avec dépens et

     a) l"ordonnance rendue par la Section de première instance le 8 juillet 1998 est annulé;
     b) la décision rendue le 6 mai 1997 par la personne désignée par le sous-chef est annulée et l"affaire est renvoyée à un comité de règlement des griefs de classification différemment constitué pour réexamen de la recommandation faite au sous-chef, ou à la personne qu"il désigne, relativement au poste de l"appelant s"estimant lésé, en conformité avec les motifs du jugement prononcés par le juge Evans en l"espèce.


" A.J. Stone "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, LL.L.





Date : 20000131


Dossier : A-454-98


CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE EVANS

ENTRE :


     TED BULAT,

     appelant,


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par LE CONSEIL DU TRÉSOR,


intimée.


     Audience tenue à Ottawa (Ontario), le mardi 18 janvier 2000.

     Jugement rendu à Ottawa, (Ontario), le 31 janvier 2000.


MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE STONE

     LE JUGE LÉTOURNEAU

    

Date : 20000131


Dossier : A-454-98

(T-1191-97)


CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE EVANS


ENTRE :

     TED BULAT,

     appelant,


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

     représentée par LE CONSEIL DU TRÉSOR,

     intimée.

                

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

A.      INTRODUCTION

[1]      En septembre 1994, Ted Bulat, qui était alors agent d"administration au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, a déposé une plainte devant le comité de règlement des griefs de classification selon laquelle la classification de son poste au sein de la fonction publique fédérale devait être rehaussée du niveau AS-02 au niveau AS-O3.

[2]      Le grief a été entendu par le comité le 8 avril 1997. Dans son rapport adressé à la personne désignée par le sous-chef pour s"occuper des griefs de classification, le comité a recommandé que la classification du poste demeure inchangée. Dans une lettre en date du 6 mai 1997, la personne désignée par le sous-chef a communiqué à M. Bulat sa décision de suivre la recommandation du comité.

[3]      La principale question visée par l"appel est celle de savoir si l"appelant s"est vu accorder une possibilité raisonnable, compte tenu des circonstances, de présenter son point de vue au comité de règlement des griefs de classification. Plus précisément, le comité a-t-il manqué à son obligation d"agir équitablement en fondant sa recommandation défavorable sur des renseignements obtenus d"un représentant de la direction, qui n"ont pas été divulgués à l"appelant pour qu"il les commente, selon lesquels certaines des tâches de l"appelant ne devaient pas être prises en considération pour la classification de son poste parce que l"appelant avait décidé de les accomplir de sa propre initiative.

B.      LE CONTEXTE

[4]      Dans une ordonnance en date du 8 juillet 1998, le juge des requêtes a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Bulat. Le juge des requêtes a conclu que le comité n"avait pas manqué à son obligation d"agir équitablement. Les renseignements reçus par le comité n"étaient pas de nature à exiger que M. Bulat y réponde en produisant des documents qu"il n"aurait pas pu présenter au comité lorsque sa cause a été plaidée, compte tenu, plus particulièrement, du fait que l"auteur d"un grief a le fardeau d"établir devant le comité que son poste n"a pas été classifié correctement.

[5]      M. Bulat a déposé un grief pour contester la classification de son poste en faisant valoir que la cote numérique qui lui avait été attribuée au titre de sa responsabilité relativement aux " contacts avec l"extérieur " n"était pas assez élevée. Devant le comité, l"appelant a été représenté par Mme Mary Ann Wight, agente à la classification et au salaire égal de l"Alliance de la Fonction publique du Canada.

[6]      À l"audience, elle a décrit en détail les fonctions exercées par l"appelant et soutenu que leur portée était suffisamment grande pour justifier qu"une cote supérieure soit attribuée au facteur des " contacts avec l"extérieur " et que cette cote entraînerait probablement la reclassification à la hausse du travail de M. Bulat. À la fin de son argumentation, elle a demandé au comité de lui donner la possibilité de le rencontrer à nouveau pour traiter des [Traduction] " contradictions avec les renseignements fournis par la direction ".

[7]      Conformément à la procédure établie par la Procédure du règlement des griefs de classification, approuvée en 1994 par le Conseil du Trésor, Mme Wight et l"appelant se sont retirés à la fin de leur exposé au comité. Le représentant de la direction, M. Dhir, a alors informé le comité en l"absence de M. Bulat et de Mme Wight que M. Bulat avait décidé de sa propre initiative de s"occuper de certains aspects des " contacts avec l"extérieur " qu"il avait décrits au comité. L"accomplissement de ces tâches a été considéré comme un moyen de " perfectionnement " visant à promouvoir l"avancement de M. Bulat dans la fonction publique, ne faisait pas partie intégrante de son poste et ne devait pas être pris en considération pour la classification de son poste.

[8]      Dans un affidavit, Mme Boileau, membre du comité de règlement des griefs de classification qui a entendu l"affaire, affirme que le comité a décidé de recommander que la classification du poste de M. Bulat demeure inchangée [Traduction] " en raison des renseignements fournis par la direction ".

C.      ANALYSE

[9]      Il n"est pas contesté que l"obligation d"agir équitablement s"applique au processus de règlement des griefs de classification et qu"une décision du sous-chef, ou de la personne qu"il désigne, de suivre une recommandation du comité peut être annulée par la Cour au motif que le comité n"a pas accordé une audition équitable à l"auteur du grief. De plus, la Cour a déjà établi que, compte tenu de la nature de ce processus, la teneur de l"obligation d"agir équitablement se situe " du côté d"une moindre exigence ": Chong c. Canada (Procureur général ) (1999), 236 N.R. 371, 374 (le juge Décary, J.C.A).

[10]      Toutefois, je suis d"avis que l"issue de la présente affaire ne dépend pas de l"étendue précise de la teneur de l"obligation d"agir équitablement que le comité a envers l"appelant. L"un des aspects élémentaires de l"obligation d"agir équitablement veut que la personne sur laquelle une décision a un effet négatif ait véritablement la possibilité de débattre d"une question qui joue, de l"avis du comité, un rôle crucial dans le règlement du grief, mais que l"auteur du grief ne croit pas litigieuse et qu"il ne s"attend donc pas à voir surgir ni à traiter.

[11]      Dans l"arrêt Chong, précité, la Cour a approuvé (au par. 12) un énoncé de principe à cet effet formulé par madame le juge Reed dans le contexte de la procédure de règlement d"un grief de classification dans l"affaire Hale c. Canada (Conseil du Trésor), [1996] 2 C.F. 3, paragraphe 20.

[12]      Mme Wight a affirmé, dans son affidavit, ne pas avoir été informée avant l"audience que la direction estimait que M. Bulat accomplissait plusieurs tâches comportant des contacts de sa propre initiative et dans une perspective de perfectionnement, de sorte qu"elles ne pouvaient pas être considérées comme faisant partie de son travail aux fins de la classification de son poste.

[13]      Me Raven a fait valoir que, si M. Bulat avait compris la thèse de la direction, il aurait pu y répondre en s"appuyant sur des éléments de preuve, et plus particulièrement sur les rapports d"évaluation du rendement de M. Bulat, afin de démontrer qu"il n"accomplissait pas les tâches que lui assignait son supérieur " de sa propre initiative ". De plus, il aurait pu plaider que la Procédure du règlement des griefs de classification n"établit aucune distinction entre les tâches selon qu"un employé les accomplit de sa propre initiative ou non. La seule question à résoudre est celle de savoir si elles lui ont été assignées par la direction et s"il les a accomplies, à condition qu"elles ne soient pas incompatibles avec sa description de fonctions.

[14]      Le juge des requêtes a fait remarquer, à juste titre, qu"au moment de l"audition, M. Bulat avait accès aux documents qu"il aurait censément invoqués et qu"il aurait alors pu les utiliser. Toutefois, cette remarque n"accorde pas suffisamment de poids, selon moi, à l"utilisation particulière que M. Bulat en aurait faite s"il s"était attendu à la réponse de la direction. C"est-à-dire qu"il les aurait invoqués non seulement pour informer le comité de la portée et de la fréquence de ses contacts avec l"extérieur, mais plus précisément pour démontrer qu"il n"agissait pas " de sa propre initiative ", la direction lui ayant plutôt assigné ces tâches qui étaient devenues une composante de son travail et qui faisaient régulièrement l"objet d"une évaluation du rendement effectuée par son supérieur.

[15]      Compte tenu de l"affidavit de Mme Wight, selon lequel elle n"était pas au courant de la thèse défendue plus tard par la direction, et de sa nature plutôt inhabituelle, j"ai conclu que M. Bulat aurait dû, au nom de l"équité, se voir accorder la possibilité de répondre à cet élément déterminant, de l"avis du comité, à l"aide d"éléments de preuve et d"arguments.

[16]      Le fait que ces tâches particulières ne figurent pas sous la rubrique " principales fonctions " dans sa description de fonctions ne suffisait pas pour que M. Bulat soit avisé de la possibilité que la direction en conteste la pertinence quant à la classification de son poste. En outre, le poids des observations qu"il aurait fait valoir, s"il en avait eu la possibilité, n"était pas négligeable au point de ne pas pouvoir avoir une incidence sur l"issue du grief.

[17]      Il n"aurait pas été difficile pour le comité de divulguer la thèse de la direction à M. Bulat et de lui permettre d"y répondre, d"autant plus que Mme Wight a demandé qu"on lui accorde cette possibilité dès qu"elle a été informée de la décision. Cette façon d"agir n"aurait pas non plus transformé le processus de règlement des griefs de classification en arbitrage formel.

[18]      Cela suffit pour accueillir l"appel. Il va sans dire que cette décision quant à l"appel ne signifie pas que le comité est tenu de formuler une recommandation favorable à l"appelant.

[19]      Il n"est pas nécessaire d"examiner la deuxième question, soit celle de savoir si le comité a commis une erreur de droit en statuant qu"il ne devait pas tenir compte des tâches assignées à l"employé par son supérieur et accomplies par l"employé, dans un cas où elles n"étaient pas incompatibles avec sa description de fonctions.


A.          CONCLUSIONS

[20]      Pour les motifs qui précèdent, je suis d"avis d"accueillir l"appel avec dépens, d"annuler l"ordonnance du juge de première instance et la décision de la personne désignée par le sous-chef et de renvoyer l"affaire à un comité de règlement des griefs de classification différemment constitué pour réexamen de sa recommandation adressée au sous-chef, ou à la personne qu"il désigne, relativement au poste de l"appelant s"estimant lésé, en conformité avec les présents motifs.

     " John M. Evans "

    

     J.C.A.

" Je souscris à ces motifs,

     A.J. Stone J.C.A. "

" Je souscris à ces motifs,

     Gilles Létourneau J.C.A. "

Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, LL.L.

COUR D"APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER :                      A-454-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Ted Bulat c.

                         Sa Majesté la Reine

LIEU DE L"AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :              18 janvier 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :              les juges Stone et Létourneau, J.C.A.
DATE DES MOTIFS :              le 31 janvier 2000

ONT COMPARU :

Me Andrew Raven                  POUR L"APPELANT
Me Harvey Newman                  POUR L"INTIMÉE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne          POUR L"APPELANT

Ottawa (Ontario)

Me Morris Rosenberg                  POUR L"INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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