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Date : 20060403

Dossier : A-419-05

Référence : 2006 CAF 133

CORAM :       LE JUGE SEXTON

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

CROSS - CANADA AUTO BODY SUPPLY (WINDSOR) LIMITED,

CROSS - CANADAAUTO BODY SUPPLY (WEST) LIMITED

et AT PAC WEST AUTO PARTS ENTERPRISE LIMITED

appelantes

et

HYUNDAI AUTO CANADA,

UNE DIVISION DE HYUNDAI MOTOR AMERICA

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 3 avril 2006.

Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 3 avril 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LE JUGE SEXTON


Date : 20060403

Dossier : A-419-05

Référence : 2006 CAF 133

CORAM :       LE JUGE SEXTON

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

CROSS - CANADAAUTO BODY SUPPLY (WINDSOR) LIMITED,

CROSS - CANADAAUTO BODY SUPPLY (WEST) LIMITED

et AT PAC WEST AUTO PARTS ENTERPRISE LIMITED

appelantes

et

HYUNDAI AUTO CANADA,

UNE DIVISION DE HYUNDAI MOTOR AMERICA

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 3 avril 2006)

LE JUGE SEXTON

[1]                Le présent appel concerne une demande présentée par les appelantes en vue d'obtenir la radiation de certaines marques de commerce que détient l'intimée. Lors de la préparation de cette demande, le cabinet d'avocats représentant les appelantes a envoyé quatre employés faire enquête sur certaines questions litigieuses concernant la validité des marques de commerce de l'intimée : un étudiant, qui travaille aujourd'hui comme avocat au sein de ce cabinet, un commis juridique principal, un commis juridique en second et un étudiant effectuant un stage d'été.

[2]                L'intimée a présenté une requête en vue de faire rayer les avocats des appelantes à titre d'avocats inscrits au dossier pour ces dernières ou, subsidiairement, en vue d'obtenir une ordonnance obligeant les appelantes à retenir les services d'un avocat afin de préparer des observations écrites pour l'appel et de plaider à l'audition de celui-ci. L'intimée a fait valoir que les seuls éléments de preuve concernant les questions centrales en litige à soumettre à la Cour au sujet de la demande de radiation provenaient de ces employés du cabinet d'avocats des appelantes et qu'elle avait donc droit à la réparation demandée. Dans sa requête, l'intimée a cité, notamment, l'article 82 des Règles, dont le texte est le suivant :

82. Sauf avec l'autorisation de la Cour, un avocat ne peut à la fois être l'auteur d'un affidavit et présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit.

82. Except with leave of the Court, a solicitor shall not both depose to an affidavit and present argument to the Court based on that affidavit.

[3]                Se fondant principalement sur la décision Heck c. Royal Bank, (1993) 12 O.R. (3d) 111, le juge des requêtes a conclu qu'il était trop radical de rayer le cabinet d'avocats du dossier; il a toutefois ordonné que les appelantes chargent un nouveau cabinet d'avocats de rédiger ses observations écrites et de plaider lors de l'audition de la demande de radiation des marques de commerce.

[4]                Les appelantes font valoir que l'article 82 des Règles est un code complet en soi, ce qui signifie que la seule restriction imposée à l'utilisation d'affidavits souscrits par les membres ou les employés d'un cabinet d'avocats est que l'auteur de l'affidavit ne peut pas présenter à la Cour des arguments « fondés sur cet affidavit » . Nous ne sommes pas d'accord. L'article 82 des Règles est une disposition bien précise, mais on ne peut pas considérer qu'elle empêche la Cour de prendre en considération l'ensemble de la jurisprudence, traitant de l'utilisation d'affidavits souscrits par les membres ou les employés d'un cabinet d'avocats. Il ne peut y avoir de règle stricte, mais il nous semble qu'il est malvenu pour un cabinet d'avocats de faire en sorte que ses employés agissent comme enquêteurs pour qu'ils fournissent ensuite un témoignage d'opinion sur les aspects les plus cruciaux de l'affaire. C'est particulièrement vrai lorsque, comme en l'espèce, il n'y a aucun témoignage de la part d'un non-employé du cabinet au sujet de ces aspects cruciaux. Un témoignage d'opinion est censé être objectif. Faire en sorte que des employés d'un cabinet d'avocats fournissent un témoignage d'opinion crucial ne permet pas d'atteindre l'objectivité recherchée. Il est possible qu'en faisant un tel témoignage les employés en question soient motivés par leur loyauté envers leur employeur, ou par la crainte de subir des représailles ou le manque de possibilités d'avancement.

[5]                L'avocat des appelantes soutient que ce manque possible d'objectivité ne devrait s'appliquer qu'à l'importance qu'il convient d'accorder à une telle preuve. À notre avis, cela ne règle pas toujours complètement le problème. Dans la plupart des cas, des non-employés objectifs peuvent mener une telle enquête et fournir de telles opinions. L'avocat qui a recours à des membres ou à des employés du cabinet pour fournir ce genre de preuve court le risque que l'on accorde moins de poids à cette preuve. Un client ne devrait pas être exposé à ce risque, à moins que ce ne soit clairement nécessaire. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut jamais le faire. Il y aura toujours des exceptions, et il convient de tenir compte de la totalité des circonstances de l'affaire. Nous souscrivons en particulier aux conclusions de la Cour divisionnaire de l'Ontario dans Essa c. Gueris; Memberg c. Hill,(1993) 52 C.P.R. (3d) 372. La Cour divisionnaire a indiqué les facteurs qu'il faut prendre en considération dans un cas où la plainte concerne des affidavits produits par des membres ou des employés du cabinet d'avocats s'occupant du litige :

a)                   l'état de l'instance;

b)                   la probabilité que le témoin soit appelé à comparaître;

c)                   la bonne foi (ou non) de la partie qui présente la demande;

d)                   l'importance de la preuve à présenter;

e)                   l'effet du retrait de l'avocat sur le droit qu'a la partie d'être représentée par un avocat de son choix;

f)                     La tenue du procès devant un juge seul ou un jury;

g)                   la probabilité qu'il survienne un conflit réel ou que la preuve soit « entachée » ;

h)                   laquelle des parties appellera le témoin si, par exemple, il est probable que les avocats soient en mesure de contre-interroger un témoin favorable;

i)                     le lien ou la relation entre les avocats, le témoin éventuel et les parties au litige.

[6]                En l'espèce, la seule preuve dont disposent les appelantes au sujet des questions cruciales en litige provient des affidavits en question. Nous sommes d'avis que les facteurs a), b), d), g) et i) militent tous contre le fait que les avocats des appelantes préparent et plaident la cause.

[7]                Il convient d'ajouter que, selon nous, un avocat ne doit pas compromettre son indépendance en agissant dans une instance dans laquelle un des membres du cabinet dont il fait partie a fourni une preuve par affidavit au sujet d'un point essentiel. Ce principe général est bien ancré dans les divers codes de conduite auxquels sont soumis les avocats de notre pays, et il est parfaitement logique. Voir Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Irving Equipment, [1988] 1 C.F. 27, au paragraphe 9.

[8]                Nous ne sommes donc pas disposés à modifier l'ordonnance de la Cour fédérale. Il est vrai que la décision Heck sur laquelle s'est fondé le juge des requêtes a été infirmée en appel par la Cour divisionnaire, mais nous estimons que les motifs de la Cour divisionnaire étayent néanmoins le raisonnement de la Cour fédérale en l'espèce.

[9]                Nous sommes donc d'avis de rejeter le présent appel, avec dépens.

« J. Edgar Sexton »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER                                                                                A-419-05

INTITULÉ :                                                                            CROSS CANADA AUTO BODY SUPPLY (WINDSOR) LTD et al.

                        et

                        HYUNDAI AUTO CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    LE 3 AVRIL 2006

MOTIFS DE

L'ORDONNANCE :                                                              LE JUGE SEXTON

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 3 AVRIL 2006

COMPARUTIONS :

Kenneth McKay                                                                        POUR LES APPELANTES

H. Scott Fairley                                                                         POUR L'INTIMÉE

Jeffrey Brown

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SIM, LOWMAN, ASHTON & McKAY                                 POUR LES APPELANTES

Avocats

Toronto (Ontario)

THEALL GROUP LLP                                                             POUR L'INTIMÉE

Avocats

Toronto (Ontario)

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