Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20050915

Dossier : A-481-04

Référence : 2005 CAF 298

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LINDEN  

LE JUGE SEXTON

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

MARK DOUBININ

intimé

 

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 14 septembre 2005

Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 15 septembre 2005

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LINDEN


 

 

 

 

Date : 20050915

Dossier : A-481-04

Référence : 2005 CAF 298

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LINDEN  

LE JUGE SEXTON

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

MARK DOUBININ

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SEXTON

 

[1]       La Cour est saisie d’un appel d’un jugement par lequel la Cour canadienne de l’impôt a accueilli l’appel interjeté par l’intimé (Doubinin) de la nouvelle cotisation dans laquelle l’appelant, le ministre du Revenu national (le ministre), avait rejeté dans son intégralité la déduction réclamée par l’intimé au titre d’un don de bienfaisance. La Cour de l’impôt a conclu que la contribution faite par l’intimé était un don de bienfaisance et elle lui a accordé un crédit d’impôt correspondant au don de 6 887 $ qu’il avait effectivement fait.

[2]       Sur l’avis que son planificateur financier lui avait donné, avis qui avait été confirmé par l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) et selon lequel l’Association for the Betterment of Literacy and Education (ABLE) était un organisme de bienfaisance enregistré, l’intimé croyait que, s’il faisait un don de 6 887 $ à ABLE, il aurait le droit de recevoir des reçus de dons de bienfaisance pour la somme de 27 548 $ si une fiducie non-résidente, le Publishers Philanthropic Fund of Bermuda (PPF), organisation caritative privée, versait à ABLE un don de bienfaisance trois fois supérieur à celui de l’intimé.

 

[3]       Toutefois, l’intimé savait que PPF n’était aucunement tenu de faire à ABLE un don correspondant au sien et il ne s’attendait pas à ce que PPF fasse un tel don, et il savait encore moins s’il le ferait. En 1996, l’intimé a versé 6 887 $ à ABLE et, en 1997, ABLE a remis un reçu aux fins de l’impôt de 27 548 $ à l’intimé.

 

[4]       Après qu’un représentant d’ABLE l’eut informé que PPF avait effectivement versé le don souhaité, l’intimé a réclamé un crédit d’impôt de 27 548 $ dans sa déclaration de revenus de 1996.

 

[5]       Le ministre a rejeté en entier le crédit d’impôt au motif que l’avantage prévu était un « reçu aux fins de l’impôt gonflé » (pour reprendre l’expression de l’appelante).

 

[6]       Après avoir appris du ministre que PPF n’avait pas fait la contribution en question et avant l’audience tenue devant la Cour de l’impôt, l’intimé a ramené à 6 887 $ – le montant de son don en argent – sa demande de crédit d’impôt.

 

[7]       La juge de la Cour de l’impôt a estimé qu’il était possible que le promoteur d’ABLE et ABLE elle-même aient été impliqués dans un abri fiscal frauduleux, mais elle a conclu que l’intimé n’avait pris part à aucun dans un stratagème frauduleux d’évasion fiscale. L’intimé n’avait aucun lien personnel avec ABLE ou avec ses dirigeants ou administrateurs.

 

[8]       La juge de la Cour de l’impôt a accueilli l’appel de l’intimé. Ce faisant, elle a conclu que l’intimé avait droit à un crédit d’impôt de 6 887 $. Elle a accepté le témoignage de l’intimé suivant lequel il avait l’intention requise pour faire en sorte que son don de 6 887 $ soit un don de bienfaisance à un organisme de charité enregistré. La juge de la Cour de l’impôt a déclaré : « Il s'agit d'un don authentique qui n'a pas été donné dans l'espoir de recevoir un avantage matériel, ni aucune autre contrepartie de PPF. Le don de PPF n'était qu'une simple possibilité […] ».

 

[9]       L’appelante soutient essentiellement que, parce que le contribuable espérait devenir admissible à un crédit d’impôt de 27 548 $, il avait perdu le droit de recevoir quelque crédit d’impôt que ce soit, même pour le montant de 6 887 $ qu’il avait effectivement donné à un organisme de bienfaisance enregistré (ABLE). L’appelante soutient que le « reçu aux fins de l’impôt gonflé » sur lequel l’intimé s’est fondé constitue un avantage, ce qui vicie le don en entier.

 

[10]     L’appelante affirme également que la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que l’intimé ne s’attendait pas à ce que le « reçu aux fins de l’impôt gonflé » lui procure un avantage. Cependant, la juge de la Cour de l’impôt a vu l’intimé et elle a entendu son témoignage et elle a accepté son affirmation qu’il ne « s’attendait » pas à recevoir un tel avantage.

[11]     L’appelante doit établir que la juge de la Cour de l’impôt a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon arbitraire ou abusive sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait. La norme de contrôle qui s’applique à ce genre de décision est très élevée (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235 (CSC).

 

[12]     Nous sommes incapable de conclure qu’en estimant que l’intimé ne s’attendait pas à obtenir un avantage, la juge de la Cour de l’impôt a tiré une conclusion arbitraire ou abusive ou qu’elle n’a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait. La juge de la Cour de l’impôt disposait d’éléments de preuve qui lui permettaient de tirer une telle conclusion. D’ailleurs, l’appelante a obtenu ces éléments de preuve de l’intimé lors de son contre-interrogatoire.

 

[13]     L’appelante a cité l’arrêt La Reine c. Friedberg, 92 DTC 6031 (CAF), et plus précisément l’extrait suivant des motifs du juge Linden sur ce qui constitue un don :

Un don est le transfert volontaire du bien d'un donateur à un donataire, en échange duquel le donateur ne reçoit pas d'avantage ni de contrepartie (voir le juge Heald dans La Reine c. Zandstra, [1974] 2 C.F. 254, à la p. 261).

 

[14]     L’appelante soutient que la réception d’un « reçu aux fins de l’impôt gonflé » constitue un avantage. Nous ne sommes pas de cet avis.

 

[15]     Il était impossible pour l’intimé de retirer un avantage du crédit d’impôt gonflé compte tenu des faits particuliers de la présente affaire, parce que même si PPF avait fait un don à ABLE, ABLE ne pouvait valablement remettre un reçu de don de bienfaisance au nom de l’intimé pour le montant du don de PPF. L’article 118.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu ne permet pas à un particulier de réclamer un crédit d’impôt pour un don fait par une autre personne.

 

[16]     On ne saurait donc prétendre que le « reçu aux fins de l’impôt gonflé » a procuré un avantage réel à l’intimé. En fait, on pourrait fort bien qualifier ce reçu de fardeau. En effet s’il ne l’avait pas reçu, l’intimé n’aurait pas éprouvé les difficultés auxquelles il a par la suite été confronté lorsqu’il a réclamé un crédit de 6 887 $, somme dont il avait effectivement fait don à un organisme de charité enregistré.

 

[17]     L’appelante invoque également le jugement Webb c. La Reine, 2004 CCI 619 dans lequel le contribuable s’est vu refuser toute déduction fiscale. Cette affaire portait sur un don fait au même organisme de bienfaisance, ABLE. La Cour de l’impôt a toutefois estimé que le contribuable avait sciemment participé à la remise de faux reçus et, de plus, que le contribuable avait fait ce don en vue d’en recouvrer plus tard une grande partie soit de la part d’ABLE, soit par un moyen indirect. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Dans le cas qui nous occupe, rien ne permet de penser que l’intimé ait été au courant de quelque acte répréhensible que ce soit. D’ailleurs, Revenu Canada l’avait informé que ABLE était un organisme de charité enregistré au moment de sa contribution. De plus, contrairement à ce que la Cour de l’impôt a conclu dans l’affaire Webb, le contribuable ne s’attendait pas à obtenir un avantage en l’espèce.

 

[18]     Les faits de la présente espèce sont donc différents de ceux de l’affaire Webb, et il nous est impossible de conclure, au vu des faits particuliers de la présente espèce, que la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur.

 

[19]     Pour tous ces motifs, l’appel devrait être rejeté avec dépens.

 

                                                                                                            « J. Edgar Sexton »

Juge

 


 

« Je souscris aux présents motifs »

            Robert Décary, juge

 

« Je souscris aux présents motifs »                          

            A.M. Linden, juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-481-04

 

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

LE 22 JUIN 2004 DANS LE DOSSIER 2004-43(IT)I)

 

INTITULÉ :                                                                           SA MAJESTÉ LA REINE c. MARK DOUBININ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 14 SEPTEMBRE 2005

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE SEXTON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LINDEN

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 15 SEPTEMBRE 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Carvalho

Gavin Laird

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Saunders

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L’APPELANTE

 

 

 

Davis & Company

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.