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Date : 20040422

Dossier : A-501-03

Référence : 2004 CAF 167

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NOËL

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                            IRIS, LE GROUPE VISUEL (1990) INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                     TRUSTUS INTERNATIONAL TRADING INC.

                                                                                                                                                intimée

                                Audience tenue à Montréal (Québec), les 20 et 22 avril 2004.

                           Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 22 avril 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                           LE JUGE NADON


Date : 20040422

Dossier : A-501-03

Référence : 2004 CAF 167

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NOËL

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                            IRIS, LE GROUPE VISUEL (1990) INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                     TRUSTUS INTERNATIONAL TRADING INC.

                                                                                                                                                intimée

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                          (Prononcés à l'audience à Montréal (Québec), le 22 avril 2004)

LE JUGE NADON

[1]                Il s'agit d'un appel d'une décision rendue le 15 octobre 2003 par le juge Rouleau de la Cour fédérale, qui rejetait l'appel de l'appelante à l'encontre d'une décision du protonotaire Richard Morneau rendue le 15 mai 2003.


[2]                Par sa décision, le protonotaire refusait de permettre à l'appelante, qui avait institué des procédures devant la Cour fédérale contre l'intimée alléguant contrefaçon de ses marques de commerce et concurrence déloyale de sa part, d'amender sa déclaration aux fins d'attraire certains individus, notamment messieurs Jack Wang, Devun Walsh et Rob Dow, personnellement et solidairement avec l'intimée, et de rechercher contre ces individus une condamnation personnelle et solidaire pour dommages punitifs et pour les frais et honoraires extrajudiciaires encourus par l'appelante.

[3]                Le juge Rouleau ainsi que le protonotaire étaient d'avis qu'il n'y avait pas lieu de permettre ces amendements, puisque ceux-ci ne pouvaient, compte tenu de l'insuffisance des faits allégués à la déclaration amendée, mener à une condamnation de Messieurs Wang, Walsh et Dow. Au paragraphe 12 de ses motifs, le protonotaire exprimait sa pensée comme suit :

[12]         Somme toute, je considère que même pour un amendement, la demanderesse n'avance pas dans les amendements proposés des faits matériels suffisants pour soutenir la proposition que messieurs Wang, Walsh et Dow avaient connaissance des marques de commerce de la demanderesse et auraient adopté une ligne de conduite ayant pour effet de s'approprier les droits de la demanderesse. Dans la même ligne, au niveau des dommages punitifs, il n'y a aucune allégation suffisante à l'effet que messieurs Wang, Walsh et Dow ont de façon délibérée et voulue contrefait les droits de la demanderesse.

[4]                Quant au juge Rouleau, il exprimait des propos similaires à ceux du protonotaire au paragraphe 22 de ses motifs :

[22]         Les faits de la présente cause sont similaires à ceux de l'affaire Painblanc car rien dans les actes de procédure de la demanderesse, pas plus que dans l'affidavit au soutien desdits actes, ne semble suggérer une participation personnelle de messieurs Wang, Walsh et Dow aux infractions reprochées à la demanderesse.

[5]                Nous sommes d'avis que le juge Rouleau a erré en rejetant l'appel de l'appelante.


[6]                Considérant les allégués proposés par l'appelante dans sa déclaration amendée et, plus particulièrement, les paragraphes 6 et 38 à 50 de celle-ci, les conclusions auxquelles en arrivent le protonotaire et le juge Rouleau nous apparaissent insoutenables.

[7]                Une lecture attentive des allégués que propose l'appelante à sa déclaration amendée révèle ce qui suit :

1.         Le paragraphe 6 énonce que messieurs Wang, Walsh et Dow sont les dirigeants de l'intimée.

2.         Les paragraphes 38 et 39 énoncent le degré de contrôle exercé par messieurs Wang, Walsh et Dow sur l'intimée.

3.         Les paragraphes 40 à 44 décrivent les circonstances entourant l'adoption d'un stratagème par messieurs Wang, Walsh et Dow, reflétant une indifférence totale aux risques de violation des marques de commerce de l'appelante.

4.         Les paragraphes 38 à 44 énoncent les circonstances entourant la responsabilité personnelle de messieurs Wang, Walsh et Dow.

5.         Les paragraphes 38 à 50 allèguent une participation active et volontaire de messieurs Wang, Walsh et Dow, relativement aux actes reprochés à l'intimée et allèguent leur insouciance à l'égard des droits de l'appelante.


[8]                Nous sommes satisfaits que les paragraphes 6 et 38 à 50 de la déclaration amendée, lorsque lus dans leur ensemble, sont tels à permettre à l'appelante, si non contredits, de rencontrer le test qu'établissait notre Cour dans Mentmore Manufacturing Co. Ltd. v. National Merchandise Manufacturing Co. (1978), 40 C.P.R. (2d) 164, aux fins de pouvoir établir la responsabilité personnelle des administrateurs ou dirigeants d'une entreprise. Dans cet affaire, le juge Le Dain, écrivant pour la Cour, faisait état de la difficulté de formuler un test précis relativement à cette question. À la page 174 de ses motifs, il s'exprimait comme suit :

I do not think we should go so far as to hold that the director or officer must know or have reason to know that the acts which he directs or procures constitute infringement. That would be to impose a condition of liability that does not exist for patent infringement generally. I note such knowledge had been held in the United States not to be material where the question is the personal liability of directors or officers: see Deller's Walker on Patents, 2nd ed. (1972), vol. 7, pp. 117-8. But in my opinion there must be circumstances from which it is reasonable to conclude that the purpose of the director or officer was not the director of the manufacturing and selling activity of the company in the ordinary course of his relationship to it but the deliberate, wilful and knowing pursuit of a course of conduct that was likely to constitute infringement or reflected an indifference to the risk of it. The precise formulation of the appropriate test is obviously a difficult one. Room must be left for a broad appreciation of the circumstances of each case to determine whether as a matter of policy they call for personal liability. [...]

[9]                Il est à noter que ni le protonotaire et ni le juge Rouleau ne font référence dans leurs motifs aux paragraphes de la déclaration amendée qui nous apparaissent, de toute évidence, comme étant pertinents.

[10]            En outre, il appert que le protonotaire et le juge Rouleau se sont mépris quant à la portée de notre décision dans Painblanc c. Kastner (1994), 58 C.P.R. (3d) 502. Avec respect, nous ne pouvons voir la pertinence de cette décision en l'instance, vu le libellé du paragraphe 3 de la déclaration dans cette affaire qui se lit comme suit :

3.             The individual Defendant Fernald Painblanc (hereinafter referred to as "Painblanc") is a businessman residing at Villa L'Amandior, En Senaugin, 1162 Saint-Prex, Switzerland. Plainblanc is the Chief Executive Officer and majority and controlling shareholder of the Defendant Lacroix.


[11]            Compte tenu de ce paragraphe et de l'insuffisance évidente des faits y allégués contre monsieur Painblanc, la décision que rendait notre Cour dans cette affaire et, plus particulièrement, les propos qu'énonçait le juge Hugessen au paragraphe 3 de ses motifs, qui sont repris par le juge Rouleau au paragraphe 21 de ses motifs, se comprennent assez facilement.

[12]            Par conséquent, nous ne pouvons que conclure que le juge Rouleau a erré en droit, tout comme le protonotaire, en ce qu'il a omis de considérer comme il se devait, les allégués pertinents mis de l'avant par l'appelante dans sa déclaration amendée. À notre avis, s'Il avait considéré ces allégués, il n'aurait pu que conclure que les amendements n'étaient aucunement dénués de toute chance de succès.

[13]            Par ces motifs, l'appel sera accueilli avec dépens en cette Cour et devant la Cour fédérale, et la décision rendue par le juge Rouleau le 15 octobre 2003 sera annulée. Rendant la décision qu'il aurait dû rendre, nous modifierions la décision du protonotaire Morneau en date du 15 mai 2003, afin d'autoriser l'appelante à déposer une déclaration amendée visant à :

a)         attraire à la procédure monsieur Jack Wang, monsieur Devun Walsh et monsieur Rob Dow, personnellement et solidairement avec la défenderesse;


b)         rechercher contre la défenderesse et contre lesdits Jack Wang, Devun Walsh et Rob Dow, personnellement et solidairement, une condamnation pour dommages punitifs d'un montant équivalant à un million de dollars chacun, plus une condamnation personnelle et solidaire pour les frais et honoraires extrajudiciaires encourus par la demanderesse;

c)         voir déclarer que la défenderesse fait un usage illicite de la marque de commerce IRIS.

[14]            L'appelante aura quinze (15) jours à compter du prononcé du jugement, pour signifier et déposer sa déclaration amendée.

                                                                                       « M. Nadon »

                                                                                                     j.c.a.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                           

DOSSIERS :              A-501-03

INTITULÉ :               IRIS, LE GROUPE VISUEL (1990) INC.

c.

TRUSTUS INTERNATIONAL TRADING INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        Les 20 et 22 avril 2004

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                        LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NOËL

LE JUGE NADON

PRONONCÉS À L'AUDIENCE (PAR) :                 LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                                               Le 22 avril 2004

COMPARUTIONS :

Me Hélène d'Iorio

POUR L'APPELANTE

Me Paul-André Mathieu

Me Fabienne Candéago

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mathieu et Associés

Montréal (Québec)

POUR L'APPELANTE

Gowling Lafleur Henderson, S.R.L.

Montréal (Québec)

POUR L'INTIMÉE


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