Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20060523

Dossier : A-666-04

 et A-667-04

 

Référence : 2006 CAF 195

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

 

A-666-04

ENTRE :

JOHNSON & JOHNSON INC.,

EXPANDABLE GRAFTS PARTNERSHIP

et CORDIS CORPORATION

appelantes

et

 

ARTERIAL VASCULAR ENGINEERING CANADA, INC.,

MEDTRONIC AVE., INC. et MEDTRONIC OF CANADA LTD.

intimées

 

 

A-667-04

ENTRE :

JOHNSON & JOHNSON INC.,

EXPANDABLE GRAFTS PARTNERSHIP

et CORDIS CORPORATION

appelantes

et

 

BOSTON SCIENTIFIC LTD./BOSTON SCIENTIFIQUE LTÉE

intimée

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 23 mai 2006

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 23 mai 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                     LA JUGE SHARLOW


 

 

Date : 20060523

Dossier : A-666-04

 et A-667-04

 

Référence : 2006 CAF 195

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

A-666-04

ENTRE :

 

JOHNSON & JOHNSON INC., EXPANDABLE GRAFTS PARTNERSHIP

et CORDIS CORPORATION

appelantes

et

 

ARTERIAL VASCULAR ENGINEERING CANADA, INC.,

MEDTRONIC AVE., INC. et MEDTRONIC OF CANADA LTD.

intimées

 

 

A-667-04

ENTRE :

JOHNSON & JOHNSON INC., EXPANDABLE GRAFTS PARTNERSHIP

et CORDIS CORPORATION

appelantes

et

 

BOSTON SCIENTIFIC LTD./BOSTON SCIENTIFIQUE LTÉE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Rendus à l’audience à Toronto (Ontario), le 23 mai 2006)

 

LA JUGE SHARLOW


[1]               Les appelantes aux deux présents appels ont des intérêts dans les brevets canadiens numéros 1,281,505, 1,338,303 et 1,220,186. Les demandes relatives aux deux premiers brevets ont été présentées en 1986 et celle relative au troisième brevet a été déposée en 1989. Dans chaque cas, la taxe de dépôt a été initialement versée au tarif des « petites entités ».  Ces versements étaient insuffisants parce qu’ils auraient dû être faits au tarif des « grandes entités ».  Plus tard, mais avant que les brevets ne soient délivrés, des paiements complémentaires ont été effectués et acceptés, conformément à la politique qu’appliquait alors le commissaire aux brevets.  Le montant exact des taxes a donc été acquitté, mais en retard (c’est-à-dire, après le délai prescrit).

 

[2]               Dans Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets) (1re inst.), [2002] 1 C.F. 325, la Cour fédérale a notamment conclu que, lorsque l’auteur d’une demande de brevet est une grande entité qui acquitte par erreur la taxe réglementaire exigible d’une petite entité, le commissaire aux brevets n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’accepter un paiement complémentaire après l’expiration du délai prescrit de manière à combler le déficit ainsi créé.  Puisque dans cette affaire le paiement complémentaire ne pouvait combler le déficit, la demande de brevet a été tenue pour abandonnée par application du paragraphe 30(1) de la Loi sur les brevets, et de ce fait, rien ne permettait de délivrer le brevet. Cet aspect de la décision a été confirmé en appel : Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets) (C.A.), [2003] 4 C.F. 67. La demande d’autorisation de pourvoi a été refusée : Bulletin de la CSC 2003, page 1950.

 

[3]               Les parties aux présentes étaient engagées dans une action en contrefaçon de brevet lorsque la Cour fédérale a rendu sa décision dans Dutch Industries.  Dans les deux cas, les parties ont modifié leurs actes de procédures pour tenir compte de la nouvelle jurisprudence.  Dans chaque cas, les intimées ont présenté une requête en jugement sommaire fondée sur l’invalidité des brevets.  Dans une décision de la Cour fédérale en date du 30 novembre 2004, les requêtes ont été accueillies sur le fondement de Dutch Industries.  Voici un extrait de l’ordonnance prononcée par la Cour fédérale dans les deux cas :

2.

Toutes les prétentions des demanderesses fondées sur les brevets canadiens no 1,281,505, 1,338,303 et 1,330,186 (les brevets en cause) sont rejetées.

3.

Les brevets en cause sont déclarés invalides, nuls et de nul effet.

 

[4]               Dans leur documentation écrite, les appelantes ont formulé un certain nombre d’observations portant que Dutch Industries est mal fondée ou ne devrait pas s’appliquer à la présente espèce.  Nous ne croyons pas nécessaire d’examiner l’un ou l’autre de ces arguments compte tenu du paragraphe 78.6(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4. Cette disposition a été ajoutée à la Loi sur les brevets par l’article 2, L.C. 2005, ch. 18, et est entrée en vigueur le 1er février 2006 par décret 2005-1871. Elle est rédigée comme suit :

78.6 (1) Si, avant l’entrée en vigueur du présent article, une personne a payé la taxe réglementaire relative à une petite entité, au sens des Règles sur les brevets dans leur version applicable à la date du paiement, alors qu’elle aurait dû payer celle relative à une entité autre qu’une petite entité, et qu’elle verse la différence au commissaire aux brevets en conformité avec le paragraphe (2), avant la date d’entrée en vigueur du présent article ou au plus tard douze mois après cette date, le versement est réputé avoir été fait à la date du paiement de la taxe réglementaire, indépendamment de toute instance ou autre procédure engagée à l’égard du brevet ou de la demande de brevet qui fait l’objet de la taxe ou de toute décision en découlant.

78.6 (1) If, before the day on which this section comes into force, a person has paid a prescribed fee applicable to a small entity, within the meaning of the Patent Rules as they read at the time of payment, but should have paid the prescribed fee applicable to an entity other than a small entity and a payment equivalent to the difference between the two amounts is submitted to the Commissioner in accordance with subsection (2) either before or no later than twelve months after that day, the payment is deemed to have been paid on the day on which the prescribed fee was paid, regardless of whether an action or other proceeding relating to the patent or patent application in respect of which the fee was payable has been commenced or decided.

 

[5]               À notre avis, il découle du paragraphe 78.6(1) que les versements complémentaires effectués à l’égard des brevets en cause doivent être traités, pour l’application de la Loi sur les brevets, comme s’ils avaient été effectués à la date à laquelle les paiements insuffisants ont été faits initialement.  Il n’y avait donc aucun déficit dans le paiement des taxes de dépôt.  Partant, le principe établi dans Dutch Industries ne saurait s’appliquer et les demandes de brevet doivent être considérées comme si la disposition relative à l’abandon réputé ne s’était jamais appliquée aux brevets.

 

[6]               Cette interprétation du paragraphe 78.6(1) repose sur son sens littéral.  Il s’agit, selon nous, de l’interprétation appropriée parce que le législateur a manifestement voulu que le paragraphe 78.6(1) corrige rétroactivement les effets de la décision Dutch Industries lorsqu’est effectué un versement complémentaire qui respecte les conditions énoncées dans cette disposition.  Il est incontesté que ces conditions sont respectées en l’espèce.

 

[7]               Les intimées ont fait valoir un certain nombre de moyens selon lesquels le paragraphe 78.6(1) ne devrait pas recevoir cette interprétation.  Nous estimons que les termes clairs du paragraphe 78.6(1) réfutent tous ces arguments.

 

[8]               Les intimées prétendent que les décisions de la Cour fédérale leur confèrent des droits acquis et que l’application rétroactive du paragraphe 78.6(1) ne saurait les leur retirer.  Nous ne sommes pas d’accord.  La présomption que la loi n’a pas d’effet rétroactif doit céder le pas devant le libellé clair d’une disposition.  Le paragraphe 78.6(1) établit clairement une date à laquelle le paiement est réputé avoir été fait, et son effet est rétroactif indépendamment de toute instance « engagée » à l’égard de ce paiement.

 

[9]               Les intimées soutiennent que le jugement sommaire était bien fondé au moment où il a été rendu parce que le paragraphe 78.6(1) n’était pas encore en vigueur, et que la Cour ne peut donc tirer la conclusion contraire.  Nous ne pouvons accepter cet argument.  Même si les jugements reposent sur une analyse juridique qui était juste lorsqu’elle a été faite, nous ne saurions les confirmer en raison du paragraphe 78.6(1).

 

[10]           Les intimées font valoir que le paragraphe 78.6(1) devrait être interprété comme ayant un effet rétrospectif, non rétroactif.  Ainsi, les brevets seraient invalides pour les besoins de l’espèce, mais pas nécessairement pour d’autres affaires.  À notre avis, cette interprétation n’est pas compatible avec le libellé du paragraphe 78.6(1).  Il est de la nature d’une présomption de considérer comme un fait, à certaines fins, ce qui n’est pas un fait.  En l’espèce, le fait est que les montants exacts n’ont pas été versés dans les délais requis, mais le paragraphe 78.6(1) commande à la Cour de statuer sur les droits des parties comme s’ils l’avaient été.  Il serait contraire au libellé du paragraphe 78.6(1) d’adopter une interprétation qui ne reconnaîtrait pas les paiements complémentaires comme s’ils avaient été faits en même temps que les paiements insuffisants initialement versés.

 

[11]           Enfin, les intimées affirment que le paragraphe 78.6(1) ne prévoit pas expressément que les jugements, en l’occurrence les jugements sommaires, doivent être infirmés et, pour cette raison, que la disposition manque de la clarté nécessaire pour rejeter les jugements frappés d’appel.  Au soutien de cet argument, elles citent en exemple un certain nombre de lois dont le libellé permet expressément d’infirmer un jugement.  Nous sommes d’avis que le texte du paragraphe 78.6(1) est assez clair pour obliger la Cour à infirmer les jugements portés en appel.

 

[12]           Pour ces motifs, les appels seront accueillis avec dépens, les ordonnances frappées d’appel seront annulées et les requêtes pour jugement sommaire présentées par les intimées seront rejetées avec dépens.

 

« K. SHARLOW »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-666-04

 

 

INTITULÉ :                                                                           JOHNSON & JOHNSON INC. ET AL c. ARTERIAL VASCULAR ENGINEERING CANADA ET AL

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   23 MAI 2006

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

DE LA COUR :                                                                      LA JUGE SHARLOW

 

COMPARUTIONS :

 

Donald Cameron

R. Scott Mackendrick

Alyson Whyte Nowak

 

 

POUR LES APPELANTES

 

Richard Naiberg

Jason Wadden

 

 

POUR LES INTIMÉES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LES APPELANTES

 

 

Goodmans s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉES

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-667-04

 

 

INTITULÉ :                                                                           JOHNSON & JOHNSON INC. ET AL c. BOSTON SCIENTIFIC LTD ET AL

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   23 MAI 2006

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                                                      LA JUGE SHARLOW

 

 

COMPARUTIONS :

 

Donald Cameron

R. Scott Mackendrick

Alyson Whyte Nowak

 

 

POUR LES APPELANTES

Ronald Dimock

Michael Crinson

 

 

POUR LES INTIMÉES

 

 

AVOCATS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LES APPELANTES

 

 

Dimock & Stratton s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉES

 

 

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