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Date : 20041027

Dossier : A-461-03

Référence : 2004 CAF 364

CORAM :       LE JUGE NOËL

LE JUGE EVANS

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                     GEORGE DENNIS DALLAS

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                      Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 21 octobre 2004

                                    Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE EVANS

                                                                                                                     LE JUGE PELLETIER


Date : 20041027

Dossier : A-461-03

Référence : 2004 CAF 364

CORAM :       LE JUGE NOËL

LE JUGE EVANS

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                     GEORGE DENNIS DALLAS

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt qui a confirmé une nouvelle cotisation délivrée par le ministre, par laquelle un gain en capital imposable d'un montant de 493 533,00 $ a été inclus dans le calcul du revenu de l'appelant pour son année d'imposition 1996.


Le contexte

[2]                La nouvelle cotisation découle du refus de la part du ministre de considérer comme des « bien[s] de remplacement » des actions d'une société privée que l'appelant avait acquises en 1996 avec une partie du produit de la disposition d'une propriété vendue qui était menacée d'expropriation. Le paragraphe 44(5) prévoit :

44(5) Bien de remplacement. Pour l'application du présent article, une immobilisation d'un contribuable est un bien servant de remplacement à un ancien bien dont il était propriétaire si les conditions suivantes sont réunies :

44(5) Replacement of property - For the purposes of this section, a particular capital property of a taxpayer is a replacement property for a former property of the taxpayer, if

a) il est raisonnable de conclure qu'il l'a acquise en remplacement de l'ancien bien;

(a) it is reasonable to conclude that the property was acquired by the taxpayer to replace the former property;

a.1) elle a été acquise par lui et est utilisée par lui, ou par une personne qui lui est liée, pour un usage identique ou semblable à celui qu'il a fait de l'ancien bien ou qu'une telle personne en a fait;

(a.1) it was acquired by the taxpayer and used by the taxpayer or a person related to the taxpayer for a use that is the same as or similar to the use to which the taxpayer or a person related to the taxpayer put the former property;

b) dans le cas où le contribuable ou une personne qui lui est liée utilisait l'ancien bien en vue de tirer un revenu d'une entreprise, l'immobilisation a été acquise en vue de tirer un revenu de cette entreprise ou d'une entreprise semblable ou pour qu'une personne liée au contribuable l'utilise à cette fin;

(b) where the former property was used by the taxpayer or a person related to the taxpayer for the purpose of gaining or producing income from that or a similar business or for use by a person related to the taxpayer for such a purpose;

c) si l'ancien bien était un bien canadien imposable, l'immobilisation en est un;

(c) where the former property was a taxable Canadian property (other than treaty-protected property) of the taxpayer, the particular capital property is a taxable Canadian property (other than treaty-protected property) of the taxpayer; and

d) si l'ancien bien était un bien canadien imposable (sauf un bien protégé par traité), l'immobilisation en est un (sauf un bien protégé par traité).

(d) where the former property was a taxable Canadian property (other than treaty-protected property) of the taxpayer, the particular capital property is a taxable Canadian property (other than treaty-protected property) of the taxpayer.


[3]                L'article 44 permet à un contribuable qui réinvestit le produit de la disposition de certains biens en immobilisation dans un bien de remplacement à l'intérieur d'une certaine période (deux ans dans le cas d'une expropriation) de reporter l'impôt sur le gain et d'éviter une récupération immédiate (paragraphe 13(4)), sous réserve de certaines conditions.

[4]                L'appelant et un associé possédaient une propriété situé à Vancouver de laquelle ils tiraient des revenus de location (l'ancien bien). L'ancien bien, qui était menacé d'expropriation, a été vendu à la ville de Vancouver le 11 octobre 1996. La partie du produit de la vente revenant à l'appelant était de 2 627 225,00 $.

[5]                Le dossier révèle que l'appelant a utilisé le produit de la vente comme suit :

a)         en octobre 1996, il a acheté une propriété à Vancouver au coût de 735 563,11 $;

b)         en décembre 1996, il a acheté de son ancien associé dans un cabinet d'avocats cent cinquante actions d'une société privée, laquelle possédait des propriétés à Vancouver et à Brook Cove ainsi que la moitié indivise d'une autre propriété à Brook Cove pour 475 000,00 $, acquérant ainsi le contrôle exclusif de la société;

c)         en janvier 1997, il a acheté une propriété sur Bowen Island au coût de 1 273 461,45 $.


[6]                Le 30 avril 1997, en produisant sa déclaration de revenus pour son année d'imposition 1996, l'appelant a mentionné qu'il avait acquis la propriété de Vancouver ainsi que celle de Bowen Island à titre de biens de remplacement à un coût total de 1 973 000 $ pour les deux et qu'il avait choisi de désigner les deux propriétés comme [traduction] « biens de remplacement » (dossier d'appel, vol. 1, p. 143 et 144). Aucune mention ne fut faite des actions ni de leur coût.

[7]                Bien qu'il ait subsisté un important gain en capital imposable à reconnaître sur la vente de l'ancien bien, la déclaration de revenus de l'appelant n'en reflétait aucun au motif que le coût de ses deux propriétés dépassait le gain découlant de la vente de l'ancien bien (dossier d'appel, vol. 1, p. 48).

[8]                Fait révélateur, à ce moment-là, le traitement des actions d'une société immobilière en tant que biens de remplacement pour un terrain possédé directement était incertain. Il n'y avait aucune jurisprudence faisait directement état de la question mais la décision éclairée de la Cour canadienne de l'impôt dans l'affaire Edwynn Holdings Ltd. c. The Minister of National Revenue, 89 D.T.C. 720, donnait à penser que les actions ne remplissaient pas les conditions requises.


[9]                Environ trois ans après la production de la déclaration, le ministre a avisé l'appelant qu'on y avait décelé une erreur. La lettre était accompagnée de calculs faits par rapport au coût des deux biens de remplacement désignés par l'appelant et concluait que l'impôt était exigible sur un gain en capital imposable de 493 583,00 $. Cela a donné lieu à une cotisation reflétant ce montant.

[10]            L'appelant a fait opposition en prétendant que les actions constituaient des biens de remplacement. La cotisation ayant été confirmée, il a saisi la Cour canadienne de l'impôt de l'affaire.

La décision du juge de la Cour canadienne de l'impôt

[11]            L'appelant a tenté d'expliquer au juge de la Cour canadienne de l'impôt pourquoi il n'avait pas choisi de considérer les actions comme des biens de remplacement dans sa déclaration de revenus. Il a témoigné qu'il avait suivi les conseils de son comptable, lequel lui aurait laissé entendre que cela pouvait être fait à l'étape de l'opposition.

[12]            Le juge de la Cour canadienne de l'impôt a rejeté d'emblée cette explication. Il a estimé que l'appelant ne disait pas la vérité lorsqu'il expliquait pourquoi on n'avait pas tenu compte des actions. Il a conclu qu'à l'époque, l'appelant n'avait pas l'intention de considérer les actions comme des biens de remplacement.

[13]            La conclusion précise du juge de la Cour canadienne de l'impôt se trouve au paragraphe 9 de ses motifs :


Selon l'appelant, lui et son comptable auraient discuté des achats additionnels décrits au paragraphe 8 ci-dessus, et le comptable aurait affirmé que ce point serait abordé au stade de l'opposition. Je rejette catégoriquement cet argument. Je ne crois pas qu'un comptable ou un avocat adopterait cette position. Si l'achat des actions et de la moitié indivise du lot 20 était censé être inclus comme bien de remplacement, la seule position judicieuse aurait été de produire une déclaration T1 modifiée au début de mai 1997. Je constate expressément qu'une telle conversation n'a jamais eu lieu et qu'une telle intention n'a jamais existé. En outre, il n'y aurait eu aucun stade d'opposition puisque la déclaration T1 de l'appelant serait acceptée telle qu'elle a été produite.

[14]            Le juge de la Cour canadienne de l'impôt a ajouté que, de toute manière, les actions ne remplissaient pas les conditions requises pour être considérées comme des biens de remplacement.

Analyse et décision

[15]            L'appelant fait valoir que le juge de la Cour canadienne de l'impôt a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable quant à la crédibilité et en rejetant son témoignage au sujet de la discussion qu'il a eue avec son comptable. Il laisse entendre que le juge de la Cour canadienne de l'impôt n'a pas fourni suffisamment de motifs pour justifier une telle conclusion et il invite la Cour à la renverser (R. c. Shepperd, [2002] 1 R.C.S. 869, à la page 873).

[16]            À mon avis, le juge de la Cour canadienne de l'impôt a fourni suffisamment de motifs. Il aurait été insensé que le comptable conseille à son client de ne pas considérer les actions comme des biens de remplacement si celles-ci étaient achetées pour remplacer l'ancien bien et si l'intention était de les considérer comme telles.


[17]            En tirant sa conclusion, le juge de la Cour canadienne de l'impôt doit également avoir tenu compte de l'omission de l'appelant d'appeler son comptable à témoigner pour corroborer son témoignage sur cette question importante. Je remarque que l'avocat de l'appelant n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi le comptable n'avait pas été appelé.

[18]            Le juge de la Cour canadienne de l'impôt semblait être d'avis qu'en produisant sa déclaration comme il l'a fait, l'appelant avait tenté de se soustraire complètement à l'impôt sans susciter de soupçons par une allusion aux actions. Cela, semble-t-il, constitue la seule explication logique à l'omission de l'appelant d'étendre le choix aux actions. L'avocat de l'appelant n'a pas été en mesure d'offrir une autre explication.

[19]            À mon avis, le juge de la Cour canadienne de l'impôt s'est appuyé sur des bases solides lorsqu'il a estimé que l'appelant n'avait aucune intention de considérer les actions comme des biens de remplacement.

[20]            Subsidiairement, l'avocat de l'appelant fait valoir qu'une telle intention n'est pas pertinente pour décider de la question de savoir si les actions remplissent les conditions requises pour être considérées comme des biens de remplacement. Nul ne conteste que l'appelant a, dans les faits, acheté les actions dans le délai prescrit, en utilisant le produit de la vente de l'ancien bien. Par conséquent, selon l'appelant, la seule question que le juge de la Cour canadienne de l'impôt avait à trancher était celle de savoir si les actions remplissaient les conditions requises.


[21]            Bien que la question de savoir si l'appelant a utilisé le produit de l'ancien bien pour acheter un autre bien soit comme telle une question de fait, le traitement de ce bien comme « bien de remplacement » exige qu'un choix soit fait dans la déclaration de revenus pour l'année en cause (voir le paragraphe 44(1)). Il s'ensuit qu'un bien qui par ailleurs remplit les conditions requises ne constitue pas un « bien de remplacement » , à moins que le contribuable choisisse de le considérer comme tel.

[22]            Dans cette mesure, l'intention compte. En l'espèce, le choix ne s'étendait pas aux actions et rien ne donne à penser qu'une demande ait jamais été présentée pour modifier ou révoquer le premier choix (voir le paragraphe 230(3.2)).

[23]            Il s'ensuit que la conclusion du juge de la Cour canadienne de l'impôt, selon laquelle l'appelant n'avait pas l'intention de considérer les actions comme des biens de remplacement, était pertinente et justifiée. En l'absence de cette intention, les actions ne peuvent pas remplir les conditions requises.

[24]            Cela suffit pour trancher l'appel. Je n'exprime aucune opinion relativement à l'autre conclusion du juge de la Cour canadienne de l'impôt selon laquelle, de toute façon, les actions ne pouvaient pas remplir les conditions requises pour être considérées comme des biens de remplacement.


[25]            J'accueillerais l'appel avec dépens.

                                                                                     _ Marc Noël _                    

                                                                                                     Juge                            

« Je souscris aux présents motifs

John M. Evans, juge »

« Je souscris aux présents motifs

J. D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            A-461-03

INTITULÉ :                                           GEORGE DENNIS DALLAS

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 21 OCTOBRE 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE NOEL

Y ONT SOUSCRIT :                                      LE JUGE EVANS

LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                   LE 27 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Meldon Ellis                                             POUR L'APPELANT

I. Thomas Torrie                                      POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ellis Business Lawyers                              POUR L'APPELANT

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                    POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada


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