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Date : 20000207


Dossier : A-139-99

OTTAWA (ONTARIO), le lundi 7 février 2000


CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     LGL LIMITED

     appelante

     et


     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée



JUGEMENT


     L"appel est rejeté avec dépens.





J.T. Robertson


J.C.A.F.


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier




Date : 20000207


Dossier : A-139-99

CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     LGL LIMITED

     appelante

     et


     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée



Entendu à Edmonton (Alberta), le jeudi 2 décembre 1999.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 7 février 2000


MOTIFS DE JUGEMENT DU :      JUGE McDONALD


Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE ROBERTSON

     LE JUGE ROTHSTEIN




Date : 20000207


Dossier : A-139-99

CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     LGL LIMITED

     appelante

     et


     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée



     MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE McDONALD


[1]      Cet appel, interjeté en vertu de l"article 27 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, porte sur une décision de la Cour canadienne de l"impôt dans laquelle le juge de la Cour de l"impôt a rejeté l"appel d"une cotisation pour les années d"imposition 1991, 1992 et 1993, établie en fonction de la Loi de l"impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148 (la Loi).

[2]      L"unique question en litige est de savoir si le juge de la Cour de l"impôt a commis une erreur en concluant que les coûts liés à des travaux de recherches scientifiques et de développement expérimental effectués par l"appelante à l"étranger ne sont pas de coûts de " recherches scientifiques et de développement expérimental effectués au Canada " au sens du sous-alinéa 37(1)a )(i) de la Loi. Suite à cette conclusion, l"appelante n"a pu obtenir le crédit d"impôt à l"investissement qui vise les coûts de RS & DE effectués au Canada.

LES FAITS

[3]      Les faits pertinents peuvent être exposés brièvement. L"appelante LGL Limited est une compagnie canadienne gérée par des Canadiens et appartenant à des Canadiens. Elle effectue des travaux de recherches pour le compte des gouvernements, du secteur industriel et d"autres organisations sur des questions telles que l"impact environnemental de certaines activités, la planification et l"évaluation environnementale et la gestion des ressources, en plus de faire de la recherche écologique sur les systèmes terrestres, des eaux douces et marines, et sur le danger présenté par les oiseaux dans le domaine de l"aviation.

[4]      Au cours des années d"imposition en cause, l"appelante a réalisé quatre projets distincts de RS & DE se rapportant à l"impact environnemental de l"exploration pétrolière et gazière au large des côtes sur les baleines, les oiseaux et les poissons. L"appelante a démontré que les quatre projets ont été conçus et gérés au Canada. Dans chaque projet, il y a eu des observations et collectes de données sur les espèces en cause au large de la côte de l"Alaska, sur des lieux où on procédait à l"extraction et au transport du pétrole et du gaz. Les données ont été ramenées dans les locaux de l"appelante au Canada, aux fins d"analyse et d"inclusion dans ses rapports. Au procès, le juge de la Cour de l"impôt a tiré les conclusions de fait suivantes, que l"on trouve au paragraphe 44 de ses motifs de jugement :

a) les travaux en question, consistant dans la collecte de données, devaient être effectués à l"étranger; ils n"auraient pu être effectués au Canada;
b) les travaux effectués à l"étranger n"étaient pas en soi des RS & DE; ils ne sont devenus des RS & DE que lorsqu"ils ont été intégrés à l"ensemble du projet des RS & DE et qu"ils en sont devenus une partie constituante;
c) la collecte des données était un élément essentiel du projet considéré dans son ensemble;
d) s"il convient de qualifier les projets, considérés dans leur ensemble et non de façon fragmentaire, de " canadiens " ou " non canadiens ", il serait alors plus exact de les qualifier de canadiens. Les travaux ont été effectués par une compagnie canadienne employant des chercheurs et un personnel canadiens, et les travaux scientifiques essentiels, c"est-à-dire l"analyse des données, la formulation et la vérification des hypothèses, la formulation des conclusions et la rédaction des rapports, ont été effectués au Canada. Tout ce qui a été fait à l"étranger, c"est la collecte de données.

ANALYSE

[5]      La question dans cet appel est la suivante : les coûts directs de la collecte de données et la partie des frais généraux admissibles liés aux travaux faits à l"étranger sont-ils couverts par le sous-alinéa 37(1)a )(i) de la Loi, applicable aux dépenses de RS & DE effectués au Canada? Comme je l"ai dit plus tôt, si ces coûts tombent sous le sous-alinéa 37(1)a )(i), ils donneraient droit à un crédit d"impôt à l"investissement en vertu des paragraphes 127(5) et 127(9) de la Loi . Sinon, ces coûts recevront un traitement fiscal moins favorable en vertu du paragraphe 37(2), qui traite du coût des travaux de RS & DE effectués à l"étranger et qui ne donne pas lieu à un crédit d"impôt à l"investissement.

La législation pertinente

[6]      Le paragraphe 37(1) de la Loi est rédigé comme suit :

37.(1) Le contribuable qui exploite une entreprise au Canada au cours d"une année d"imposition peut, en produisant un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits avec sa déclaration de revenu en vertu de la présente partie pour l"année, déduire dans le calcul du revenu qu"il tire de cette entreprise pour l"année un montant qui ne dépasse pas la fraction éventuelle du total des montants suivants :
a) le total des montants dont chacun représente une dépense de nature courante qu"il a faite au cours de l"année ou d"une année d"imposition antérieure se terminant après 1973
     (i) pour des recherches scientifiques et du développement expérimental effectués au Canada directement par le contribuable ou pour son compte, en rapport avec une entreprise du contribuable,
     (ii) sous forme de paiement à l"une des entités suivantes :
         (A) une association agréée qui effectue des recherches scientifiques et du développement expérimental,
         (B) une université, un collège, un institut de recherches ou un autre établissement semblable agréés,
         (C) une corporation résidant au Canada exonérée, par application de l"alinéa 149(1)j ), de l"impôt prévu à la présente partie,
         (D) une autre corporation résidant au Canada, ou
         (E) une organisation agréée qui verse des fonds à une association, un établissement ou une corporation visés aux divisions (A) à (C),
         devant servir à des recherches scientifiques et à du développement expérimental effectués au Canada en rapport avec une entreprise du contribuable, à condition que le contribuable soit en droit d"exploiter les résultats de ces recherches scientifiques et de ce développement expérimental, ou
     (iii) si le contribuable est une corporation, sous forme de paiements à une corporation résidant au Canada et exonérée d"impôt en application de l"alinéa 149(1)j ), devant servir à des recherches scientifiques et à du développement expérimental " recherche fondamentale ou appliquée " effectués au Canada :
         (A) dont l"objet principal consiste à permettre au contribuable d"en exploiter les résultats conjointement avec d"autres activités de recherches scientifiques et de développement expérimental exercées ou à exercer par lui ou pour son compte et liées à son entreprise,
         (B) qui, du point de vue technologique, sont susceptibles d"être appliqués à des entreprises d"un type non lié à celle exploitée par le contribuable.

La position des parties

[7]      Les deux parties conviennent que les projets en cause constituent des projets de RS & DE au sens de l"article 2900 du Règlement adopté en vertu de la Loi . De plus, elles conviennent que les dépenses en cause sont des dépenses de nature courante.

[8]      Les parties divergent d"avis sur la question de savoir si le coût de la partie des projets réalisée à l"étranger constitue des dépenses de RS & DE effectués au Canada. L"appelante soutient que les dépenses liées au travail essentiel de collecte des données à l"étranger sont couvertes par l"alinéa 37(1)a ) de la Loi, puisque chacun des quatre projets était par ailleurs " effectué au Canada ". Par conséquent, les activités menées en Alaska étaient essentielles à la réalisation des projets RS & DE, chacun de ces projets pris dans son ensemble étant, comme l"a déterminé le juge du procès, " effectué au Canada ".

[9]      L"intimée soutient que les dépenses engagées pour les activités qui ont eu lieu à l"étranger ne sont pas des RS & DE effectués au Canada au sens de la Loi . L"intimée soutient que le sens ordinaire des termes utilisés et le contexte de l"alinéa 37(1)a ) et du sous-alinéa 37(1)b)(i) vont dans le sens de son interprétation, savoir que les termes " effectués au Canada " veulent dire que les activités sont " conduites " ou " entreprises " au Canada. L"intimée soutient aussi qu"en utilisant le sens ordinaire des termes en cause, on ne peut dire qu"une recherche entreprise aux États-Unis ait été " effectuée " au Canada. De plus, l"intimée rejette l"argument de l"appelante qui veut que lorsqu"on détermine qu"un projet répond aux critères des RS & DE il faille le considérer dans son intégralité, pour ensuite décider si ce projet pris comme un ensemble indivisible est effectué au Canada ou à l"étranger.

[10]      L"appelante soutient que l"alinéa 37(1)a ) peut comprendre des travaux entrepris à l"étranger à condition que ces travaux soient nécessaires et qu"ils constituent une partie essentielle d"un projet de RS & DE effectué au Canada. L"argument de l"appelante est fondé sur le postulat qu"un projet de RS & DE doit être considéré dans son intégralité et non de façon fragmentaire.

ANALYSE

[11]      Selon moi, c"est la bonne approche si l"on cherche à savoir si un projet constitue des RS & DE en vertu de l"article 2900 du Règlement. Toutefois, je me range à l"avis du juge de la Cour de l"impôt qu"elle n"est pas appropriée lorsqu"il s"agit de déterminer si les RS & DE sont effectués au Canada au sens de l"alinéa 37(1)a ).

[12]      Si un projet est admissible en vertu de l"article 2900 du Règlement, il faut alors déterminer quelles parties des RS & DE sont effectuées au Canada et quelles parties sont effectuées à l"étranger au sens du sous-alinéa 37(1)a )(i). Ce texte ne dit pas expressément que les dépenses des RS & DE engagées à l"étranger dans le cadre d"un plus grand projet effectué au Canada doivent être traitées isolément. Le sous-alinéa 37(1)a )(i) ne dit pas non plus expressément que les dépenses des RS & DE doivent être groupées en " projets ", qui à leur tour seraient considérés être un tout indivisible. En fait, les termes du paragraphe 37(1) vont implicitement dans le sens contraire. L"alinéa 37(1)a ) revoie au " total des montants dont chacun représente une dépense de nature courante ". Ceci indique que la disposition porte sur chacune des dépenses de RS & DE et non sur le projet conçu comme un tout monolithique.

[13]      Je partage l"avis du juge de la Cour de l"impôt que les termes utilisés dans l"alinéa 37(1)a ) sont clairs et que la prétention de l"appelante que les projets de RS & DE doivent être envisagés comme des touts indivisibles n"a aucun fondement. Cette approche ferait que la seule décision possible est que le projet est effectué totalement au Canada, ou qu"il est effectué totalement à l"étranger. Une telle approche nous amènerait à forcer le sens clair des termes de la Loi .

[14]      De plus, l"approche aux projets de RS & DE favorisée par l"appelante obligerait les tribunaux à décider si les parties d"un projet effectué au Canada sont assez " essentielles " pour que le projet global puisse mériter le qualificatif de " canadien " au sens du paragraphe 37(1) de la Loi . Ceci mènerait inévitablement à placer les contribuables dans une situation floue chaque fois que leurs projets de RS & DE impliquent à la fois des activités au Canada et à l"étranger. De plus, une telle approche aurait comme résultat le rejet de dépenses de nature courante clairement engagées dans le cadre des RS & DE effectués au Canada, au motif que la plus grande partie du projet a été entreprise à l"étranger. Selon moi, ce résultat va à l"encontre de l"intention exprimée par le législateur dans les dispositions de la Loi qui portent sur les RS & DE, savoir d"encourager les activités de recherche et développement au Canada.

[15]      Je partage l"avis du juge de la Cour de l"impôt qu"au vu des termes clairs de la Loi , les principes d"interprétation des lois ne nous autorisent pas à en forcer le sens clair. Les termes " le total des montants dont chacun représente une dépense de nature courante ", que l"on trouve à l"alinéa 37(1)a ), mis en parallèle avec les termes " pour des recherches scientifiques et du développement expérimental effectués au Canada ", que l"on trouve au sous-alinéa 37(1)a )(i), sont clairs et compréhensibles. Lorsqu"un projet de RS & DE est effectué en partie au Canada et en partie à l"étranger, le seul critère permettant de déterminer à quelles dépenses on peut appliquer le paragraphe 37(1) est celui de savoir si les dépenses ont été engagées dans le cadre d"activités de RS & DE effectués au Canada.

[16]      Au vu des faits en l"instance, je considère que le raisonnement du juge de la Cour de l"impôt (au paragraphe 55 de ses motifs de jugement) est convaincant et inattaquable :

En l"espèce, la réalité incontournable est qu"une partie importante du projet était menée à l"étranger. Quel principe d"interprétation m"autoriserait ou m"obligerait à conclure que les travaux faisant partie du projet de RS & DE qui ont été accomplis à l"étranger ont en fait été effectués au Canada?

[17]      Ma réponse à la question est la même que celle apportée par le juge du procès, savoir qu"une telle interprétation n"est ni possible ni justifiée au vu des termes clairs de la Loi .

Autre jurisprudence de la Cour de l"impôt

[18]      Cette interprétation est contraire à celle adoptée dans deux décisions récentes de la Cour canadienne de l"impôt, Tigney Technology Inc. c. La Reine , 97 DTC 414 (C.C.I.) et Data Kinetics Ltd. c. La Reine, 98 DTC 1877. La décision Tigney a aussi été portée en appel à notre Cour, et elle a été entendue en même temps que le présent appel. Dans Data Kinetics, le juge de la Cour de l"impôt a déclaré être en accord avec le raisonnement du juge de la Cour de l"impôt dans Tigney , savoir qu"il y a lieu d"aborder l"activité en cause comme un ensemble et non comme une série de pièces détachées. Ces décisions s"appuient sur le fait que les termes des paragraphes 37(1) et 37(2) ne renvoient pas à " une partie des activités des RS & DE " et qu"on n"y trouve aucune expression du même genre qui justifierait la division des activités dans l"application de ces dispositions. De plus, le juge de la Cour de l"impôt a déclaré dans Data Kinetics que si les projets de RS & DE pouvaient être divisés à ces fins, il n"est pas certain que chaque partie du projet continuerait à se qualifier comme des RS & DE.

[19]      Pour les motifs que je viens d"énoncer, je ne peux approuver les décisions prises dans Data Kinetics et Tigney. Les termes " effectués au Canada " doivent être interprétés dans le contexte du reste du paragraphe qui porte clairement sur l"évaluation des divers postes de dépenses en renvoyant au " total des montants dont chacun représente une dépense de nature courante ...faite [par le contribuable] ...pour des recherches scientifiques et du développement expérimental effectués au Canada ".

[20]      Quant à l"inquiétude exprimée qu"une division aux fins de la Loi pourrait faire que les composantes ne seraient plus des RS & DE au sens de l"article 2900 du Règlement, elle ne me semble pas fondée. L"évaluation des dépenses de RS & DE pour déterminer si elles portent sur des activités effectuées au Canada ou à l"étranger aux fins du crédit d"impôt n"affecte aucunement le statut de l"ensemble du projet comme des RS & DE. Il faut d"abord déterminer si un projet répond à la définition des RS & DE énoncée à l"article 2900 du Règlement, avant déterminer si les dépenses de RS & DE visent des travaux effectués au Canada ou à l"étranger. Le projet doit d"abord être considéré comme un ensemble pour déterminer s"il s"agit de RS & DE au sens de l"article 2900 du Règlement. À cette étape initiale, il n"est pas pertinent que le projet soit effectué au Canada, à l"étranger, ou les deux. La question de savoir ce qui est effectué au Canada et ce qui est effectué à l"étranger est pertinente lorsqu"il s"agit de déterminer si une dépense donnée effectuée au sein du projet de RS & DE donne droit au crédit d"impôt.

[21]      Le juge de la Cour de l"impôt ne voyait pas grand problème à répartir raisonnablement les coûts en l"instance. De plus, il a jugé que c"était " plus raisonnable que d"essayer de décider si un projet qui est mené tant au Canada qu"à l"étranger est essentiellement "canadien" ou "non canadien" ". Je partage cette conclusion sans réserves.

[22]      Pour ces motifs, l"appel est rejeté avec dépens.

     F.J. McDonald

     J.C.A.F.

" Je souscris à ces motifs,

le juge J.T. Robertson "

" Je souscris à ces motifs,

le juge Marshall Rothstein "

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

COUR D"APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              A-139-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      LGL LIMITED

                     c.

                     SA MAJESTÉ LA REINE


LIEU DE L"AUDIENCE :          EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 2 décembre 1999


MOTIFS DE JUGEMENT DU :                  juge McDonald


ONT SOUSCRIT À CES MOTIFS :              le juge Robertson

                                 le juge Rothstein


EN DATE DU :              7 février 2000


ONT COMPARU

M. Russell Laishley                          POUR L"APPELANTE

Mme Alexandra Brown                      POUR L"INTIMÉE



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Morris/Rose/Ledgett                          POUR L"APPELANTE

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                      POUR L"INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada                     

Ottawa (Ontario)

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