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Date : 20000313


Dossier : A-516-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 13 MARS 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LÉTOURNEAU

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE SHARLOW


ENTRE :


LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE


appelante

- et -


SA MAJESTÉ LA REINE


intimée


JUGEMENT

     L"appel est accueilli avec dépens. La décision du 4 juillet 1997 de la Cour de l"impôt est annulée et le dossier est renvoyé au ministre du Revenu national pour qu"il le réexamine et établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que pour l"année d"imposition 1977, l"appelante a droit à la déduction pour inventaire en vertu de l"alinéa 20(1)gg ) de la Loi de l"impôt sur le revenu pour ses lingots d"or et d"argent, et à la même déduction pour 50 % de ses devises étrangères selon l"accord intervenu entre les parties.



" Gilles Létourneau "

Traduction certifiée conforme                              J.C.A.

Martin Desmeules, LL.B.




Date : 20000313


Dossier : A-516-97


CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE SHARLOW


ENTRE :


LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE


appelante

- et -


SA MAJESTÉ LA REINE


intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le mercredi 1er mars 2000.

MOTIFS DU JUGEMENT rendus à Ottawa (Ontario), le 13 mars 2000.


MOTIFS DU JUGEMENT RENDUS PAR :              LE JUGE SHARLOW



Date : 20000313


Dossier : A-516-97


CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE SHARLOW


ENTRE :


LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE


appelante

- et -


SA MAJESTÉ LA REINE


intimée


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SHARLOW

[1]      La Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC), dans sa déclaration de revenus pour l"année d"imposition 1977, a réclamé une déduction pour inventaire en vertu de l"alinéa 20(1)gg ) de la Loi de l"impôt sur le revenu pour ses lingots d"or et d"argent. Sa réclamation a ensuite été modifiée pour inclure une déduction pour inventaire pour ses pièces d"or.

[2]      L"alinéa 20(1)gg ) est entré en vigueur en 1977 et a été abrogé en 1986. L"alinéa 20(1)gg ) permettait au contribuable de déduire une somme égale au produit de 3% du coût indiqué, au début de l"année, des biens corporels (autres que des biens immeubles) décrits dans son inventaire et détenus par lui en vue d"être vendus dans le cours normal de ses affaires.

[3]      L"intimée a accordé la déduction pour inventaire quant aux pièces d"or de la CIBC, mais elle a refusé la déduction quant à ses lingots et à ses devises étrangères. L"intimée était d"avis, et l"est encore, que les lingots et les devises étrangères de la CIBC n"étaient pas décrits dans son inventaire et qu"ils n"étaient pas détenus en vue d"être vendus, et aussi que les devises étrangères ne sont pas des biens corporels.

[4]      La CIBC a interjeté appel à la Cour de l"impôt. Le juge de la Cour de l"impôt a rejeté l"appel au motif que les lingots et les devises étrangères n"étaient pas détenus en vue d"être vendus. Il ne s"est pas prononcé sur les autres arguments de la Couronne. La CIBC en appelle de la décision du juge de la Cour de l"impôt.

a) Les lingots étaient-ils " détenus en vue d"être vendus "?

[5]      La première question étudiée par le juge de la Cour de l"impôt a été celle de savoir si les lingots étaient " détenus en vue d"être vendus ". Pour répondre à cette question, il faut examiner les opérations relatives aux lingots intervenues entre la CIBC et ses clients.

[6]      Au début des années 70, la CIBC a entrepris de faire des opérations sur le marché de l"or et de l"argent et a élaboré différentes méthodes pour permettre à ses clients d"y participer. Une de ces méthodes était d"achat de lingots de la CIBC. La propriété des lingots serait transférée de la CIBC au client au moment de l"achat. Le consommateur pourrait alors prendre possession des lingots ou, moyennant certains frais, les laisser à la CIBC pour qu"ils y soient gardés.

[7]      Il a été établi en première instance que la CIBC vendait sur une base régulière les lingots qu"elle avait en sa possession. La quantité de lingots vendus au cours de l"année d"imposition 1977 n"a pas été mise en preuve. Cependant, il a été mis en preuve que les lingots étaient distribués aux diverses succursales de la CIBC en quantité suffisante pour satisfaire à la demande prévue. Si un client désirait acheter des lingots à une succursale qui n"en détenait pas dans son inventaire, des mesures pouvaient être prises pour que les lingots lui soient livrés.

[8]      Si les activités de la CIBC s"étaient limitées à la vente des lingots qu"elle détenait dans ses coffres, il aurait été difficile de douter qu"elle détenait ces lingots en vue de les vendre. Cependant, d"autres facettes des affaires de la CIBC concernant les lingots ont amené le juge de la Cour de l"impôt à conclure le contraire.

[9]      Les clients de la CIBC pouvaient participer aux opérations sur le marché de l"or et de l"argent sans acheter de lingots, soit en achetant des certificats de lingots, soit en investissant dans un " compte vostro ". Un certificat de lingots donne à son détenteur le droit d"obtenir une quantité donnée de lingots sur présentation d"un avis de 5 jours. Le détenteur du certificat de lingots, en donnant à la CIBC l"avis requis, obtenait le droit et avait l"obligation de prendre livraison de la quantité de lingots prévue en remettant le certificat à la fin du délai d"avis. Il n"est pas contesté qu"aux fins de la présente affaire, un compte vostro est essentiellement la même chose qu"un certificat de lingots, à la différence qu"aucun certificat n"était émis.

[10]      En pratique, le détenteur d"un certificat de lingots qui ne voulait pas prendre possession des lingots pouvait obtenir la valeur équivalente en espèces, calculée au moment de la remise du certificat. Selon la preuve présentée en première instance, la plupart des détenteurs de certificats de lingots ont préféré réclamer la valeur en espèces. Il est à présumer qu"ils n"avaient ni besoin ni envie d"avoir les lingots, mais qu"ils voulaient seulement profiter des fluctuations de la valeur de l"or et de l"argent.

[11]      Selon la CIBC, les certificats de lingots et les comptes vostro de ses clients constituaient du passif. Le quantum de son passif était indéterminé parce qu"il dépendait de la valeur de l"or et de l"argent au moment où les clients avaient droit à la livraison des lingots. En raison de cette incertitude, la CIBC risquait d"encourir des pertes dans le cas où la valeur de l"or ou de l"argent augmentait entre le moment de l"émission des certificats et le moment de leur rachat. D"un autre côté, si la valeur de l"or et de l"argent diminuait, la CIBC risquait d"encourir des pertes sur l"or et l"argent déjà acquis.

[12]      Afin de restreindre les risques de perte liés aux fluctuations de la valeur de l"or et de l"argent, la CIBC s"est efforcée de s"assurer qu"en tout temps, son passif et son actif, pour ce qui est des lingots, s"équilibraient. Selon les termes utilisés en première instance, la CIBC avait comme politique de maintenir une " position fondamentalement neutre " entre son actif et son passif liés aux lingots.

[13]      L"actif de la CIBC en métaux précieux était constitué des lingots et des pièces qui lui appartenaient, ainsi que des " comptes nostro ", comptes qui lui donnaient le droit contractuel de réclamer la remise de lingots. La CIBC ne réclame pas de déduction pour inventaire pour les lingots qu"elle avait le droit de réclamer en vertu de ses comptes nostro.

[14]      La façon dont la CIBC s"y prenait pour maintenir une position fondamentalement neutre peut être expliquée à l"aide d"un exemple.

[15]      Si la CIBC émettait à un client un certificat de lingots valable pour une certaine quantité d"or, elle s"efforçait de s"assurer qu"elle faisait augmenter en même temps son actif en lingots d"une quantité égale, que ce soit sous la forme de lingots d"or ou de comptes nostro. Si le client décidait de remettre son certificat de lingots à un moment où le prix du marché était supérieur à son prix d"achat, alors la CIBC avait ou aurait eu accès à la même quantité de lingots, acquis environ au même prix. Pour la CIBC, cela éliminait le risque d"avoir à remettre au client des lingots ayant coûté plus cher que ceux qu"il avait achetés.

[16]      Si le client remettait le certificat de lingots et réclamait un paiement en argent à la place des lingots, diminuant ainsi le passif de la CIBC lié aux lingots, la CIBC s"efforçait de réduire d"une même quantité ses actifs en lingots, que ce soit en vendant des lingots ou en diminuant la valeur d"un compte nostro en obtenant une partie de sa valeur en espèces. Pour la CIBC, cela éliminait le risque de subir une perte si la valeur des lingots diminuait sur le marché.

[17]      La CIBC n"avait aucune obligation légale ou contractuelle de conserver une position d"ensemble fondamentalement neutre. En ce qui concerne le droit, la CIBC pouvait librement couvrir son passif lié aux lingots avec les lingots qui lui appartenaient ou avec des lingots qu"elle acquérait après qu"un client lui eut donné un avis de remise d"un certificat de lingots. Aucune raison juridique ou pratique n"empêchait la CIBC de couvrir son passif lié aux lingots avec des lingots acquis spécialement à cette fin, quand le besoin s"en faisait sentir.

[18]      Le juge de la Cour de l"impôt a conclu que la CIBC conservait des lingots pour faire contrepoids ou pour constituer une réserve en regard de son passif lié aux lingots (les certificats de lingots et les comptes vostro détenus par ses clients). Il a conclu que cela était suffisant pour rejeter la réclamation de la déduction pour inventaire de la CIBC au motif que, comme il dit, l"alinéa 20(1)gg ) " [...] requiert que l"inventaire soit détenu en vue d"être vendu. Cela ne signifie pas qu"il peut être détenu en vue d"être vendu et à d"autres fins ".

[19]      À mon avis, le raisonnement du juge de la Cour de l"impôt est incorrect. Le bon principe à appliquer est que des biens corporels peuvent être détenus en vue d"être vendus même s"ils sont aussi détenus dans un autre but, tant que cet autre but n"empêche pas la vente. En l"espèce, les lingots de la CIBC jouaient un rôle important dans sa stratégie de gestion du risque, mais en même temps, ils étaient détenus en vue d"être vendus. Ces deux buts n"étaient pas incompatibles.

[20]      Cela n"affecte en rien le principe bien établi selon lequel des biens ne sont pas détenus en vue d"être vendus quand ils sont consacrés à un but incompatible avec la possibilité de vente. Ce principe prévoit que, par exemple, un vendeur d"automobiles ne peut pas réclamer la déduction pour inventaire pour les automobiles qu"il loue à ses clients : Plaza Pontiac Buick Ltd c. Sa Majesté la Reine, 94 D.T.C. 6058 (C.A.F.). D"une manière similaire, une corporation ne peut pas d"une part convenir d"une obligation contractuelle assimilable à un transfert en equity des biens composant son inventaire et en même temps prétendre que ces biens sont détenus en vue d"être vendus : GSW Appliances Limited c. Sa Majesté la Reine, 93 D.T.C. 5502 (C.F. 1re inst.).

[21]      L"avocat de la Couronne prétend que les lingots de la CIBC, tout comme les biens de l"inventaire dans GSW Appliances , étaient affectés aux certificats de lingots afin d"être remis à leur détenteurs. Ce n"est tout simplement pas le cas. Aucun lingot déterminé n"était destiné à être remis à un détenteur d"un certificat de lingots en circulation ou d"un compte vostro particulier, ou à tous les certificats de lingots en circulation et à tous les comptes vostro. Les certificats de lingots et les comptes vostro ne donnaient pas lieu à un transfert en equity de la propriété des lingots. Au contraire, les modalités des certificats de lingots et des comptes vostro empêchaient le transfert de la propriété des lingots tant que le client ne remettait pas le certificat ou qu"il ne passait pas une commande sur un compte nostro. Un certificat de lingot pourrait être vu comme une promesse de vente d"un lingot, mais étant donné que le lingot n"est pas déterminé au moment où le certificat est émis, la vente ne sera pas conclue tant que le certificat ne sera pas remis et que le lingot ne sera pas livré (voir, par exemple, la Loi sur la vente d"objets, L.R.O. 1990, ch. S-1, articles 2 et 19). Par conséquent, les certificats de lingots et le comptes vostro détenus par les clients de la CIBC n"empêchaient pas la CIBC de vendre les lingots qu"elle détenait à des clients qui auraient voulu les acheter au complet.

[22]      Pour ces motifs, le juge de la Cour de l"impôt a commis une erreur en concluant que les lingots n"étaient pas détenus en vue d"être vendus.

b) Les lingots étaient-ils " décrits dans l"inventaire "?

[23]      La conclusion qui précède nous oblige à traiter d"une question qui n"a pas été examinée par le juge de la Cour de l"impôt, soit celle de savoir si les lingots étaient " décrits dans " l"inventaire de la CIBC.

[24]      L"avocat de la CIBC prétend que les réponses données par le représentant de la Couronne lors des interrogatoires préalables limitent la portée des arguments de la Couronne sur ce point. Ce n"est pas le cas. Les réponses données par le représenant de la Couronne ne sont pas des admissions de faits et ne constituent pas un engagement de la Couronne à restreindre la portée de ses arguments quant à l"interprétation de l"alinéa 20(1)gg ).

[25]      Cependant, aucun des arguments de la Couronne sur ce point n"est bien fondé. Les biens sont " décrits dans " l"inventaire d"un contribuable s"il s"agit d"un inventaire en fait et en droit. Un inventaire, dans son sens ordinaire, est simplement un ensemble d"articles de commerce ou de biens détenus en vue d"être vendus dans le cours normal des affaires. Aux fins de l"impôt sur le revenu, l"inventaire est généralement composé de tout bien dont le coût ou la valeur entre dans le calcul du revenu : Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103. Les lingots que la CIBC détenait à un moment donné respectent ces deux descriptions.

[26]      Au départ, l"avocat de la Couronne a soumis un argument selon lequel la CIBC ne pouvait pas bénéficier de l"alinéa 20(1)gg ) parce qu"elle n"avait pas utilisé la formule du [traduction ] " coût des articles vendus " dans le calcul de ses profits. Il a abandonné cet argument avant l"audition, mais il a maintenu l"argument selon lequel les biens ne peuvent être décrits dans l"inventaire à moins que leur coût n"entre dans le calcul du revenu. Il a soutenu qu"étant donné que la CIBC avait utilisé la " méthode d'évaluation à la valeur marchande " pour calculer ses bénéfices liés aux lingots, le coût des lingots détenus au début de l"année d"imposition en cause n"entrait pas dans le calcul de son bénéfice pour cette année-là et pour les années subséquentes.

[27]      Cet argument ne peut être retenu. La méthode comptable d"évaluation à la valeur marchande, telle qu"expliquée à l"audition, implique que des ajustements quotidiens soient apportés au coût de la possession en stock des lingots pour qu"il y ait correspondance avec les valeurs courantes. Ces ajustements sont un élément du calcul des bénéfices. La valeur de l"or et de l"argent fluctue quotidiennement. Il s"ensuit que la valeur des lingots détenus au début de 1977 fait nécessairement partie du calcul des bénéfices de la CIBC pour cette année-là, et que de cette façon, les lingots sont inclus dans la définition d"inventaire donnée par la loi.

[28]      Pour les motifs qui précèdent, la CIBC a droit à la déduction pour inventaire pour l"année 1977 quant à ses lingots.

c) Les devises étrangères étaient-elles " détenues en vue d"être vendues "?

[29]      Le juge de la Cour de l"impôt a conclu que la CIBC n"avait pas droit à la déduction pour inventaire quant à ses devises étrangères, étant donné qu"elle ne les détenait pas en vue de les vendre dans le cours normal de ses affaires, mais plutôt qu"elle réalisait des bénéfices en les convertissant, ce qu"il a qualifié comme étant essentiellement une opération de service moyennant un tarif plutôt que de la vente.

[30]      Cette qualification des opérations de la CIBC relatives aux devises étrangères est inexacte. La preuve démontre clairement que la CIBC a acquis ses devises étrangères sur le marché des changes et qu"elle les a détenues dans ses succursales, où elles étaient échangées contre des devises canadiennes sur demande de sa clientèle. Les opérations par lesquelles la CIBC cédait ses devises étrangères à ses clients sont clairement des ventes de devises étrangères. Que la CIBC fixe le prix de vente des devises étrangères à l"aide d"une formule qui inclut la valeur marchande courante plus une majoration ou qu"elle impose un tarif opérationnel, cela ne fait aucune différence.

[31]      Le juge de la Cour de l"impôt s"appuie essentiellement sur la décision Blue Water Currency Exchange Ltd c. Le ministre du Revenu national, 87 D.T.C. 306 (C.C.I.). Il y a lieu de distinguer les faits de cette décision de ceux de la cause en l"espèce. Les opérations de Blue Water consistaient à procurer des devises canadiennes à ses clients, moyennant contrepartie en devises étrangères. Au contraire, la CIBC vendait des devises étrangères à ses clients. Dans le cas de la CIBC, les devises étrangères étaient aussi bien acquises que détenues en vue d"être vendues.

d) Les devises étrangères étaient-elles " décrites dans l"inventaire "?

[32]      Quant à la question de savoir si les devises étrangères étaient " décrites dans " l"inventaire de la CIBC, l"analyse est la même que pour les lingots. Étant donné que les opérations sur les devises étrangères étaient inscrites au compte de produits, ces devises étrangères faisaient partie de l"inventaire de la CIBC et, par conséquent, elles étaient " décrites dans " son inventaire.

e) Les devises étrangères sont-elles des biens corporels?

[33]      Aucun des avocats n"a cité de jurisprudence traitant directement de la question de savoir si les devises étrangères sont des biens corporels. Il n"y a aucune raison pour laquelle cette question ne devrait pas être réglée sur le fondement du sens ordinaire des mots. Vu cela, il est clair que les devises étrangères sont des biens corporels.

[34]      Les devises étrangères sont des biens, et elles peuvent être touchées, achetées et vendues. Leur valeur dépend uniquement de leur existence physique. Elles n"ont plus aucune valeur une fois détruites, ce qui les distingue des choses non possessoires ou de la preuve d"une chose non possessoire, comme un billet à ordre, une action ou une débenture, qui peuvent être détruits sans que cela n"affecte les droits et obligations qu"ils représentent.

[35]      Dans l"arrêt Banque du Canada c. Banque de Montréal, [1978] 1 R.C.S. 1148, la Cour suprême du Canada a conclu que les billets de banque canadiens étaient des billets à ordre au sens de la Loi sur les lettres de change. Cette conclusion découlait de la formule des billets de banque canadiens mis en circulation avant 1967, où il y apparaissait une promesse de la Banque du Canada de payer un montant d"argent déterminé à son porteur. Il n"y a pas de preuve au dossier quant à la formule des devises étrangères pour lesquelles la CIBC réclame sa déduction pour inventaire. On ne peut inférer que le principe énoncé dans l"arrêt Banque du Canada s"applique de façon générale à toutes les devises étrangères, ou aux devises étrangères pour lesquelles la CIBC a réclamé la déduction pour inventaire.

[36]      L"avocat de la Couronne soutient que le fait d"accorder la déduction pour inventaire pour des devises étrangères serait incompatible avec l"objet de l"alinéa 20(1)gg ), tel qu"exposé dans Bastion Management Ltd c. Canada, [1995] 2 C.F. 709 (C.A.F.), par le juge Linden, à la page 715 :

         À la fin des années 1970, les contribuables qui avaient des inventaires étaient touchés par l"incidence de l"inflation, qui augmentait de façon factice les bénéfices apparents sur lesquels ils devaient payer de l"impôt. Selon le ministre des Finances de l"époque, cette disposition visait à compenser en partie l"incidence de l"inflation en permettant au contribuable de déduire 3 p. 100 de la valeur des inventaires admissibles au début de l"exercice [...].

[37]      Il n"y a pas de preuve au dossier démontrant de quelle façon l"inflation affecte ou pourrait affecter la rentabilité d"une entreprise dont l"activité consiste en tout ou en partie à vendre des devises étrangères. Même si une telle preuve avait été présentée, il reste que cette preuve ne serait pas vraiment utile pour décider de la bonne interprétation de l"alinéa 20(1)gg ). Tout contribuable à qui le libellé de l"alinéa 20(1)gg ) s"applique en bénéficie, que ses profits soient ou non augmentés, ou artificiellement augmentés, par l"inflation.

[38]      Le juge de la Cour de l"impôt a signalé que même si la CIBC avait droit à la déduction pour inventaire pour les devises étrangères détenues en vue d"être vendues à ses clients, elle n"avait pas droit à cette déduction pour les devises étrangères qu"elle détenait au cas où des clients détenteurs de dépôts en devises étrangères voudraient effectuer un retrait. Il ne m"a pas été soumis qu"il y avait une erreur quant à cette partie de ses motifs. Étant donné qu"il n"y a aucune preuve démontrant combien de devises étrangères étaient détenues en vue d"être vendues et combien étaient détenues pour les déposants, les parties se sont entendues pour que la déduction porte sur 50 % des devises étrangères.


[39]      En ce qui concerne les lingots, l"appel devrait être accueilli complètement, et en ce qui concerne les devises étrangères, l"appel devrait être accueilli à 50 %. Étant donné que l"appel de la CIBC a été accueilli presque en totalité, je lui adjugerais les dépens.


Karen R. Sharlow

J.C.A.

" Je souscris aux présents motifs "

     Gilles Létourneau, J.C.A.

" Je souscris aux présents motifs "

     Marshall Rothstein, J.C.A.



Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D"APPEL



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                  A-516-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Banque Canadienne Impériale de Commerce

                         c. Sa majesté la Reine

LIEU DE L"AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :              1 er mars 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE SHARLOW AUXQUELS SOUSCRIVENT LE JUGE LÉTOURNEAU ET LE JUGE ROTHSTEIN.


EN DATE DU :                  13 mars 2000



ONT COMPARU :

M. Al Meghji                          POUR L"APPELANTE

M. Edward Rose

M. L.P. Chambers                      POUR L"INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Donahue & associés                      POUR L"APPELANTE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                      POUR L"INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

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