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Date : 20050516

Dossier : A-319-04

Référence : 2005 CAF 187

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NADON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                          JEANNE GIANNAROS

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                    LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

                          (auparavant Développement des ressources humaines Canada)

                                                                                                                                           défendeur

                                      Audience tenue à Toronto (Ontario), le 28 avril 2005

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 mai 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                      LA JUGE SHARLOW


Date : 20050516

Dossier : A-319-04

Référence : 2005 CAF 187

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NADON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                          JEANNE GIANNAROS

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                    LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

                          (auparavant Développement des ressources humaines Canada)

                                                                                                                                           défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

[1]                La demanderesse, qui prétend qu'elle ne peut travailler à cause d'une fibromyalgie et d'une dépression majeure et qu'elle a droit à une pension d'invalidité en conséquence, demande à la Cour d'annuler la décision rendue par la Commission d'appel des pensions (la Commission) en date du 3 mai 2004 de rejeter son appel visant une décision rendue par un tribunal de révision en date du 7 mars 2001.


[2]                Le tribunal de révision a considéré qu'il ne disposait d'aucune preuve médicale objective au soutien de la prétendue invalidité de la demanderesse et a conclu en conséquence que cette invalidité n'était pas « grave et prolongée » , contrairement à ce qu'exige l'alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada (le Régime).

[3]                La Commission a rejeté l'appel de la demanderesse parce que, à son avis, celle-ci n'avait pas démontré qu'elle était atteinte d'une incapacité qui était à la fois grave et prolongée le 31 décembre 1995 - la période minimale d'admissibilité prévue par le Régime. La Commission a indiqué clairement qu'elle n'était pas convaincue que la demanderesse avait fait des efforts suffisants pour participer aux divers programmes et traitements recommandés par certains des médecins qu'elle avait consultés. À cet égard, la Commission a fait remarquer que la demanderesse ne portait pas son orthèse lombaire et sa minerve, qu'elle n'avait pas perdu du poids et qu'elle ne faisait pas d'exercices de manière raisonnable.

[4]                La demanderesse prie la Cour d'annuler la décision de la Commission pour différentes raisons. Premièrement, elle dit que les motifs de la décision de la Commission sont insuffisants car celle-ci a omis d'examiner [traduction] « une quantité considérable d'éléments de preuve crédibles » démontrant qu'elle était atteinte d'une invalidité grave et prolongée.


[5]                Deuxièmement, la demanderesse soutient que la Commission n'a pas bien pris en considération tous les éléments de preuve qui lui avaient été présentés lorsqu'elle a conclu qu'un seul médecin s'était intéressé au fait qu'elle était incapable de travailler en 1995.

[6]                Troisièmement, la demanderesse soutient que la preuve indiquait clairement qu'elle était invalide le 31 décembre 1995 et que, par conséquent, elle ne pouvait pas travailler.

[7]                Finalement, la demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur de droit en n'effectuant pas une analyse appropriée du contexte « réaliste » dans lequel elle s'est retrouvée (voir Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 C.F. 130 (C.A.F.), au paragraphe 38).

[8]                À mon avis, en dépit des arguments percutants présentés par Me Cohen en son nom, la demanderesse ne peut pas avoir gain de cause.

[9]                Premièrement, la prétention de la demanderesse selon laquelle les motifs de la Commission ne sont pas suffisants n'est pas fondée. J'ai traité d'une prétention semblable dans les motifs que j'ai rédigés au nom de la majorité de la Cour dans l'arrêt Doucette c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CAF 292, daté du 15 septembre 2004. J'ai alors expliqué, aux paragraphes 7, 11 et 12, l'obligation de la Commission de motiver ses décisions :


[7]                 S'agissant de la Commission d'appel des pensions, l'obligation de motivation de la décision repose sur le paragraphe 83(11) de la loi. En l'espèce, des motifs ont été donnés; la question soulevée est la suffisance de ces motifs. L'arrêt Sheppard, précité [R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 859], donne un fondement pour procéder à l'appréciation des motifs. Les motifs de la Commission fournissent-ils une base à la Cour pour que celle-ci puisse remplir sa fonction de contrôle? On trouve dans la décision Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Quesnelle [2003] A.C.F. nE 267 un exemple de motifs insuffisants par rapport à ce critère :

[8]       La Commission a une obligation d'origine législative de donner aux parties les motifs de sa décision : paragraphe 83(11) du Régime de pensions du Canada. À mon avis, en omettant d'expliquer pourquoi elle rejetait la masse fort considérable d'éléments de preuve apparemment dignes de foi indiquant que l'invalidité de Mme Quesnelle n'était pas « grave » , la Commission a omis de s'acquitter de l'obligation élémentaire qui lui incombait de prononcer des motifs suffisants à l'appui de sa décision. La grosseur et la complexité du dossier dont la Commission disposait exigeaient une analyse de la preuve qui permettrait aux parties et, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, à la Cour, de comprendre pourquoi la Commission était arrivée à sa décision malgré la multitude d'éléments de preuve apparemment dignes de foi allant en sens contraire.

[...]

[11]             Il ne fait aucun doute que la Commission aurait pu expliquer son raisonnement de manière plus exhaustive, mais on peut néanmoins dégager ce raisonnement à partir des termes qu'elle a employés. Par conséquent, comme je suis persuadé que les motifs de la Commission habilitent la Cour à exercer sa fonction de contrôle, je conclus sans difficulté que ces motifs sont adéquats.

[12]             Pour terminer sur ce point, j'ajouterais que la Cour, à l'instar d'autres cours d'appel, doit tenir compte des observations du juge Binnie dans l'arrêt Sheppard, précité, selon lesquelles la Cour ne doit pas intervenir au motif qu'elle estime que les tribunaux inférieurs ne se sont pas exprimés d'une manière qui lui paraît acceptable. Les motifs soumis au contrôle judiciaire doivent être examinés équitablement et, dans cet examen, la Cour doit, comme le suggère le juge Binnie, examiner le dossier sur lequel est fondée la décision qui fait l'objet du contrôle. Nous devons nous garder de conclure trop hâtivement que les motifs ne résistent pas à l'examen.

[10]            Peu import que l'on y souscrive ou non, les motifs de la Commission sont suffisants, à mon avis, pour nous permettre de bien comprendre pourquoi cette dernière est arrivée à la conclusion qu'elle a tirée.


[11]            Deuxièmement, j'estime que les deuxième et troisième prétentions de la demanderesse, selon lesquelles la Commission n'a pas tenu compte des rapports médicaux qui, selon la demanderesse, confirme qu'elle est atteinte d'une invalidité grave et prolongée et n'a pas bien apprécié la preuve qui lui avait été présentée, sont également dépourvues de fondement.

[12]            Une lecture objective des motifs de la Commission permet de rejeter facilement ces affirmations. Il ne fait aucun doute que la Commission a examiné de façon approfondie tous les éléments de preuve médicale et en a tenu compte avant de tirer sa conclusion. Ce que la demanderesse nous demande en fait, c'est d'apprécier de nouveau la preuve d'une manière qui lui soit plus favorable - ce que nous ne pouvons évidemment pas faire dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

[13]            Je suis convaincu que la Commission pouvait raisonnablement conclure, comme elle l'a fait, que la preuve n'était pas suffisamment solide pour conclure que la demanderesse était atteinte, le 31 décembre 1995, d'une invalidité grave et prolongée qui lui aurait donné droit à une pension d'invalidité en vertu du Régime.


[14]            Je traiterai maintenant de la dernière prétention de la demanderesse, laquelle est fondée sur l'arrêt rendu par la Cour dans Villani, précité. La demanderesse prétend plus particulièrement que la Commission a commis en erreur en ne tenant pas compte de ses caractéristiques personnelles, comme son âge, sa formation, ses connaissances linguistiques, sa capacité de se recycler, etc. À mon avis, cette prétention doit être rejetée dans les circonstances de l'espèce. Dans Villani, précité, la Cour a affirmé sans équivoque (au paragraphe 50) qu'un requérant doit toujours être en mesure de démontrer qu'il souffre d'une invalidité grave et prolongée qui l'empêche de travailler :

[50]         Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l'invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d'invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu'ils souffrent d'une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice » . Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu'une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l'existence des possibilités d'emploi. Bien entendu, il sera toujours possible, en contre-interrogatoire, de mettre à l'épreuve la véracité et la crédibilité de la preuve fournie par les requérants et d'autres personnes.

[15]            Comme la Commission n'était pas convaincue que la demanderesse était atteinte d'une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 1995, il n'était pas nécessaire, à mon avis, qu'elle applique la méthode fondée sur le contexte « réaliste » .

[16]            En conclusion, la demanderesse ne m'a pas convaincu que la Commission a commis une erreur de droit, qu'elle a mal compris la preuve ou qu'elle a omis de tenir compte d'éléments de preuve pertinents lorsqu'elle a tiré sa conclusion. En conséquence, je ne vois aucune raison d'intervenir.


[17]            Par conséquent, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire et ce, sans dépens, le défendeur ne les demandant pas.

                                                                                       « M. Nadon »                     

                                                                                                     Juge                           

« Je souscris aux présents motifs

Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris aux présents motifs

K. Sharlow, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne de Repentigny


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              A-319-04

INTITULÉ :                                                             JEANNE GIANNAROS

c.

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT

SOCIAL (auparavant Développement des ressources humaines Canada)

LIEU DE L'AUDIENCE :                                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE JEUDI 28 AVRIL 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                  LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                      LE JUGE ROTHSTEIN

LA JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                                            LE LUNDI 16 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Joy-Ann Cohen                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Sandra Gruescu                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joy-Ann Cohen                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Avocate

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


Date : 20050516

Dossier : A-319-04

Ottawa (Ontario), le 16 mai 2005

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NADON

LA JUGE SHARLOW.

ENTRE :

                                  JEANNE GIANNAROS

                                                                                    demanderesse

                                                     et

            LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

(auparavant Développement des ressources humaines Canada)

                                                                                           défendeur

                                           JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                           « Marshall Rothstein »                   

                                                                                                     Juge                                 

Traduction certifiée conforme

Suzanne de Repentigny


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