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Date : 20050510

Dossier : A-432-04

Référence : 2005 CAF 172

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                                   EFFIGI INC.

                                                                                                                                                intimée

                                      Audience tenue à Montréal (Québec), le 2 mai 2005.

                                      Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 mai 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE DÉCARY

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                  LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER


Date : 20050510

Dossier : A-432-04

Référence : 2005 CAF 172

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                                   EFFIGI INC.

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DÉCARY

[1]                Il s'agit de déterminer dans cet appel si le registraire des marques de commerce, lorsqu'il examine une demande d'enregistrement dans l'exercice du pouvoir que lui confère l'article 37 de la Loi sur les marques de commerce, peut rejeter la demande pour le motif qu'elle crée de la confusion avec une autre marque pendante qui a été produite subséquemment et qui invoque un emploi antérieur.


[2]                Le 19 décembre 2000, l'intimée produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce MAISON UNGAVA, sur la base d'emploi projeté. Le 19 octobre 2001, Tricorn Investment Canada Ltd. (Tricorn) produit une demande d'enregistrement pour la marque UNGAVA sur la base d'emploi de la marque au Canada depuis 1981. Les deux marques de commerce sont associées au même type de marchandises, soit, essentiellement, des articles de literie.

[3]                Le 14 novembre 2003, à la suite de l'examen qu'il en fait en vertu de l'article 37 de la Loi, le registraire rejette la marque de commerce MAISON UNGAVA. Ses motifs se lisent en partie comme suit :

Les dispositions de l'alinéa 37(1)c) de la Loi sur les marques de commerce stipulent que le registraire rejette une demande d'enregistrement d'une marque de commerce s'il est convaincu que le requérant n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de la marque de commerce parce que cette marque crée de la confusion avec une autre marque de commerce en vue de l'enregistrement de laquelle une demande est pendante. Aux fins de l'application de l'alinéa 37(1)c) de la Loi, il faut avoir égard aux dispositions de l'article 16 de la Loi où les dates déterminant l'ayant droit sont prévues.

Donc, puisque la présente demande est fondée sur l'emploi projeté, il faut avoir égard aux dispositions de l'article 16(3) de la Loi afin de déterminer l'ayant droit. De plus, la marque faisant l'objet de la présente demande porte à confusion avec une marque dont la demande est fondée sur l'emploi au Canada, la date d'emploi étant antérieure à la date de production de la présente demande, conséquemment les dispositions de l'alinéa 16(3)a) de la Loi s'appliquent.

En vertu de ce qui précède et eu égard aux dispositions des alinéas 37(1)c) et 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce, la requérante n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de la marque de commerce, parce que cette marque de commerce, MAISON UNGAVA, crée de la confusion avec une autre marque de commerce en vue de l'enregistrement de laquelle une demande est pendante, soit UNGAVA (demande no. 1,118,871), et parce que la marque de commerce UNGAVA a été antérieurement employée au Canada par une autre personne. Par conséquent, la présente demande est donc rejetée en vertu de l'alinéa 37(1)c) de la Loi sur les marques de commerce.

                                                                                                                             [d.a., p. 83]


[4]                L'intimée porte la décision en appel en vertu de l'article 56 de la Loi. Le 16 juillet 2004, monsieur le juge Shore, de la Cour fédérale du Canada, accueille l'appel et ordonne au registraire d'annoncer la marque MAISON UNGAVA (2004 CF 1000). D'où le présent appel.

[5]                Je dirai, d'entrée de jeu, que je souscris pour l'essentiel aux motifs du juge Shore.

[6]                Comme il y va ici de l'interaction des articles 16 et 37 de la Loi, il sera utile de reproduire au départ le texte pertinent de ces dispositions :

16.     (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l'article 38, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l'a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n'ait créé de la confusion :

a)    soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b)    soit avec une marque de commerce à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c)    soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne.

16.     (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.



37.     (1) Le registraire rejette une demande d'enregistrement d'une marque de commerce s'il est convaincu que, selon le cas :

a)    la demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 30;

b)    la marque de commerce n'est pas enregistrable;

c)       le requérant n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de la marque de commerce parce que cette marque crée de la confusion avec une autre marque de commerce en vue de l'enregistrement de laquelle une demande est pendante.        Lorsque le registraire n'est pas ainsi convaincu, il fait annoncer la demande de la manière prescrite.

37.     (1) The Registrar shall refuse an application for the registration of a trade-mark if he is satisfied that

(a) the application does not conform to the requirements of section 30,

(b) the trade-mark is not registrable, or

(c) the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark because it is confusing with another trade-mark for the registration of which an application is pending,

and where the Registrar is not so satisfied, he shall cause the application to be advertised in the manner prescribed.

[7]                La pratique qu'a suivie le registraire en l'espèce est celle qu'il suit depuis toujours, même si elle a été désavouée par cette Cour - un simple obiter, dit le registraire - dans Unitel International Inc. v. Canada (Registrar of Trade-Marks), (2000) 9 C.P.R. 127 (C.A.F.). Il nous faut donc nous pencher sur la légalité de la pratique suivie. L'existence et la durée d'une pratique administrative ne sauraient faire échec à la loi (voir Plough (Canada) Limited c. Aerosol Fillers Inc., [1981] 1 C.F. 679 (C.A.F., pp. 683-684). Qui plus est, la question qui se pose en l'espèce en est une de droit pur à l'égard de laquelle le registraire n'a aucune expertise particulière et qui peut être tranchée indépendamment de toute preuve au dossier. Cette affaire se distingue de Brasserie Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145 (C.A.), où les propos du juge Rothstein visent, me semble-t-il, les conclusions du registraire relatives à la détermination du caractère distinctif en vertu du paragraphe 12(2) de la Loi, plutôt que celles relatives à la détermination de la date ou du territoire pertinent. C'est la norme de la décision correcte qui trouve application.

[8]                Contrairement à ce que soutient le registraire, la question a bel et bien été tranchée dans Unitel (précité) quand la Cour, au paragraphe 2, a décidé que le registraire était obligé de rejeter la demande d'enregistrement produite par United parce qu'elle créait de la confusion avec la demande de CP, laquelle avait été produite antérieurement et était donc « pendante » au sens de l'alinéa 37(1)c).


[9]                Quand bien même les propos de la Cour dans Unitel ne seraient qu'obiter, je n'aurais de toute manière aucune difficulté à les endosser. L'article 37 est un code complet qui régit la procédure d'examen d'une demande d'enregistrement. Le registraire se voit investi d'un pouvoir considérable, celui de rejeter de manière sommaire une demande d'enregistrement. Le législateur a jugé bon d'encadrer ce pouvoir et de le restreindre aux seuls cas de manquement aux exigences plus procédurales que substantielles de l'article 30, de « non-enregistrabilité » de la marque (une référence implicite à l'article 12) et d'absence de droit à l'enregistrement, non pas pour les motifs déjà énoncés à l'article 16, mais pour le seul motif de confusion avec une marque faisant l'objet d'une demande pendante. Si le législateur avait voulu que la confusion visée à l'alinéa 37(1)c) puisse aussi découler de l'emploi antérieur, il aurait pu aisément reprendre les termes de l'alinéa 16(3)c).


[10]            L'interprétation que je retiens m'apparaît plus logique et plus facile d'application que celle proposée par le registraire. Dans le cours normal des choses, le registraire examine sommairement les demandes dans un ordre chronologique, commençant par celle dont la date de production est la plus ancienne. S'il n'existe pas de confusion avec une marque pendante lorsque la demande est produite et si les autres exigences du paragraphe 37(1) sont rencontrées, la demande est acceptée pour fins d'annonce par le registraire et quiconque se réclame d'un emploi antérieur et de confusion avec sa propre marque peut produire une déclaration d'opposition en vertu de l'article 38. Or, selon la pratique actuellement suivie par le registraire, des délais administratifs dont la responsabilité ne saurait incomber à un premier requérant auraient pour effet de contraindre celui-ci à se transformer en opposant pour peu qu'un requérant subséquent se soit manifesté avec une allégation de confusion et d'emploi antérieur. Le procureur du registraire a été incapable, lors de l'audition, de nous citer quelque inconvénient que ce soit auquel une politique de « premier rendu, premier servi » pourrait mener en termes d'administration de la Loi.

[11]            Le procureur du registraire fait grand cas de l'importance qu'il faut accorder à l'emploi antérieur dans la protection des marques de commerce. Ce n'est pas faire ombrage à cette importance que d'imposer au second requérant qui se réclame d'un emploi antérieur sur la foi d'une simple allégation (voir Marineland Inc. c. Marine Wonderland and Animal Park Limited, [1974] 2 C.F. 558, p. 567, j. Cattanach) l'obligation d'avoir recours à la procédure d'opposition pour établir, sur la foi d'une preuve plus étayée, son droit à l'enregistrement sur la base d'un emploi antérieur.

[12]            Je rejetterais l'appel avec dépens.

                                                                                                                                « Robert Décary »                         

                                                                                                                                                     j.c.a.

« Je suis d'accord.

     Gilles Létourneau, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

     J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                           

DOSSIER :                                                                  A-432-04

APPEL DU JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE RENDU LE 16 JUILLET 2004 PAR L'HONORABLE JUGE SHORE DANS LE DOSSIER PORTANT LE NUMÉRO T-2257-03.

INTITULÉ :                                                                PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

EFFIGI INC    

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :                                        Le 2 mai 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    Le juge Décary

Y ONT SOUSCRIT :                                                  Le juge Létourneau

Le juge Pelletier

DATE DES MOTIFS :                                               Le 10 mai 2005

COMPARUTIONS :

Me Francisco Couto

Me Mariève Sirois-Vaillancourt

POUR L'APPELANT

Me Barry Gamache

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR L'APPELANT

Léger Robic Richard

Montréal (Québec)

POUR L'INTIMÉ


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