Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

CORAM:      LE JUGE MARCEAU

     LE JUGE MacGUIGAN

     LE JUGE DESJARDINS

     A-907-96

ENTRE:

     QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Requérante

     - et -

     SYNDICAT DES AGENTS DE MAÎTRISE

     DE QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Intimé

    

     A-17-97

ENTRE:

     QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Requérante

     - et -

     SYNDICAT DES AGENTS DE MAÎTRISE

     DE QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Intimé

     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l'audience à Montréal (Québec),

     le lundi 15 septembre 1997)

LE JUGE MARCEAU

     Nous croyons qu'il est inutile de poursuivre plus avant l'audition de cette demande de contrôle judiciaire. Ces deux décisions que le Conseil canadien des relations du travail a rendues à l'occasion de la demande d'accréditation du Syndicat-intimé visant certains employés de la compagnie de téléphone requérante nous semblent d'ores et déjà à l'abri des critiques possibles de cette Cour.

     Ni la première décision du 24 octobre 1996 (No 1186) qui, rendue sous l'égide du Code canadien du travail, regroupait, dans une même unité de négociation à être représentée par l'intimé, les 305 agents de maîtrise et les 84 gestionnaires de 1er niveau, excluant cependant les gestionnaires de 2e niveau, ni la deuxième décision qui rejetait une demande de réexamen présentée en vertu de l'article 18 dudit Code, ne nous paraît entachée d'une erreur qui aurait pu rejoindre la compétence du Conseil ou impliquer un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale, comme il le faudrait selon la clause privative de l'article 22 du Code.

     Nous en sommes, en effet, venus à la conclusion que, considérés et analysés à travers le prisme opaque qu'impose la norme de contrôle des décisions du Conseil telle que définie par une jurisprudence constante,1 soit en pratique l'absence virtuelle de rationalité, aucun des arguments de la requérante invoqués à l'encontre des deux décisions ne nous paraît convaincant.

     À l'encontre de la première décision, la requérante fait valoir qu'en joignant dans une même unité de négociation les gestionnaires de 1er niveau aux agents de maîtrise, sans s'assurer que les gestionnaires, en majorité, le voulaient ainsi, le Conseil a agi, d'abord, sans tenir compte de l'historique des relations patronales-syndicales des parties, ensuite, au mépris de sa jurisprudence en matière de double majorité lorsqu'il s'agit de joindre un groupe d'employés à un autre et, enfin, sans égard au risque que la présence parmi les gestionnaires de huit superviseurs des agents de maîtrise pouvait poser à la paix syndicale.

     Aucune de ces critiques ne nous semble suffisante, voire même fondée. Il est vrai que le Syndicat-intimé avait, depuis 1970, représenté les seuls agents de maîtrise, l'adjonction des gestionnaires autant du 1er que du 2e niveau leur ayant été refusée. Mais cela avait été imposé sous l'autorité du Code québécois des relations de travail avant que la décision de la Cour suprême dans Téléphone Guèvremont Inc. c. Québec (Régie des télécommunications)2 ne force à un réalignement quant à l'autorité juridictionnelle. La loi fédérale dans le cadre de laquelle le Conseil agit est fort moins restrictive que ne l'est la loi québécoise quant à la possibilité d'adjoindre des gestionnaires à des subordonnés dans la mesure où tous sont reconnus comme employés et qu'existe entre eux une suffisante communauté d'intérêt.3 Il n'y avait pas de leçon à tirer du passé.

     Il est vrai aussi que le Conseil a élaboré une politique de double majorité avant de joindre d'autorité un groupe d'employés à un autre, afin d'éviter qu'un syndicat ne contrevienne de cette façon au processus de certification et au principe que des droits de représentation ne s'obtiennent pas au détriment de la volonté des employés.4 Mais la règle de pratique joue dans le cadre d'une requête en vertu de l'article 18 du Code, lorsqu'il est question de réviser les paramètres d'une unité existante et non dans le cas d'une première demande d'accréditation, ce qui est le cas ici puisque le Conseil exerce pour la première fois sa juridiction.5 Ce sont les principes retenus pour décider de la création et de la composition des unités qui entrent en jeu et, bien sûr, l'obligation de vérifier l'accord de la majorité globale, ce qui n'est pas ici mis en cause.

     Il est vrai, finalement, qu'un certain nombre des superviseurs adjoints ont une autorité plus directe sur les opérations des agents. Mais le Conseil était particulièrement sensibilisé à la question et l'a résolu avec pleine prudence. À son avis, le rôle de ces superviseurs n'en est pas un de gestion au sens du Code et rien ne laisse prévoir la possibilité de conflits résultant de l'exercice de leur autorité et pouvant donner lieu à griefs de nature disciplinaire. En définitive, c'est la compétence du Conseil dans la détermination d'une unité habile à négocier qui est en cause et cette compétence a toujours été jugée quasi-sacrée par la Cour suprême.6

     À l'encontre de la deuxième décision, par laquelle le Conseil exprime, par la voix de son greffier, son refus d'envisager une reconsidération de la décision en séance plénière, le requérant fait valoir que le motif exprimé, soit que les erreurs de droit invoquées auraient dû être soulevées devant le premier banc, est si inacceptable qu'on peut en déduire un simple refus d'exercer sa compétence. D'abord, il ne s'agit pas d'une compétence imposée mais d'un pouvoir discrétionnaire pour l'exercice duquel le Conseil a adopté une politique ferme. Ensuite, si le motif invoqué par le greffier est exprimé de façon quelque peu équivoque, ce ne saurait être la base d'une révision judiciaire. Les points de droit invoqués au soutien de la demande de révision étaient rattachés à ce que, disait-on, l'historique n'avait pas été respecté, les superviseurs n'avaient pas été consultés, la paix syndicale était en danger. C'étaient là des questions qui étaient clairement devant le premier banc. Les membres du Conseil qui se sont penchés sur la demande de reconsidération étaient pleinement autorisés à penser que les conditions requises pour l'exercice de ce pouvoir de reconsidération, un pouvoir exceptionnel qui, en l'absence d'une allégation de faits nouveaux, se doit d'être exercé avec prudence et pour cause, n'existaient pas. S'il est un domaine où la discrétion du Conseil doit rester imperméable aux interventions de cette Cour, c'est bien celui-là.

     Les deux demandes de contrôle judiciaire seront donc rejetées.

     "Louis Marceau"

     j.c.a.

CORAM:      LE JUGE MARCEAU

     LE JUGE MacGUIGAN

     LE JUGE DESJARDINS

     A-907-96

ENTRE:

     QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Requérante

     - et -

     SYNDICAT DES AGENTS DE MAÎTRISE

     DE QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Intimé

    

     A-17-97

ENTRE:

     QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Requérante

     - et -

     SYNDICAT DES AGENTS DE MAÎTRISE

     DE QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Intimé

Audience tenue à Montréal, Québec, le lundi 15 septembre 1997.

Jugement rendu à l'audience le lundi 15 septembre 1997.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR:      LE JUGE MARCEAU

     EN LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     A-907-96

ENTRE:

     QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Requérante

     - et -

     SYNDICAT DES AGENTS DE MAÎTRISE

     DE QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Intimé

    

     A-17-97

ENTRE:

     QUÉBEC TÉLÉPHONE

     Requérante

     - et -

     SYNDICAT DES AGENTS DE MAÎTRISE

     DE QUÉBEC-TÉLÉPHONE

     Intimé

     MOTIFS DU JUGEMENT

     DE LA COUR


__________________

1      Voir notamment: Re C.C.R.T. et Transair Limited., [1977] 1 R.C.S. 722; Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, Section locale 514 c. Prince Rupert Grain Ltd., [1996] 2 R.C.S. 432; Royal Oak Mines Inc. c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 369; Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157; Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941.

2      [1994] 1 R.C.S. 878.

3      Voir le propos de Gagnon, Le Bel et Verge sur ce point dans leur ouvrage Droit du travail, Québec, Presses de l'Université Laval, 1991, à la p. 410.

4      Voir New Brunswick Broadcasting Co. Limited (1988), 75 di 101 (CCRT no 711).

5      Voir les notes du Conseil dans sa décision Syndicat canadien des télécommunications transmarines et Téléglobe Canada et als (1979), 32 di 270. Voir aussi Sunwapta Broadcasting Ltd. (1981), 43 di 218 (CCRT no 309); AGT Limited (1992), 90 di 195 (CCRT no 984); Claude Latrémouille c. Conseil canadien des relations du travail et al., (C.A.F.), décision non-publiée du juge Pratte, en date du 22 janvier 1985, portant les numéros de dossier A-445-82, A-467-82, A-725-82).

6      Voir encore récemment le jugement dans la cause Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, Section locale 514 c. Prince Rupert Grain Ltd., supra.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION D'APPEL

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR: A-17-97

INTITULÉ :Québec-Téléphone c. Syndicat des agents de maîtrise de Québec-Téléphone

LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE : le 15 septembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR: (Marceau, MacGuigan & Desjardins jj.c.a.)

RENDUS A L'AUDIENCE PAR: Marceau j.c.a.

COMPARUTIONS

Me Jean-Francois Dolbec POUR LE REQUÉRANT

Me Yves Morin POUR L'INTIMÉ

Me Maryse Tremblay POUR L'INTERVENANT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Biron, Dolbec & Langlois

Rimouski (Québec) POUR LE REQUÉRANT

Lamoureux, Morin, Lamoureux

Longueuil (Québec) POUR L'INTIMÉ

Conseil Canadien des Relations de Travail

Ottawa, Ontario POUR L'INTERVENANT

COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION D'APPEL

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR: A-907-96

INTITULE:Québec-Téléphone c. Syndicat des agents de maîtrise de Québec-Téléphone

LIEU DE L'AUDIENCE: Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE : le 15 septembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR: (Marceau, MacGuigan & Desjardins jj.c.a.)

RENDUS À L'AUDIENCE PAR: Marceau j.c.a.

COMPARUTIONS

Me Jean-Francois Dolbec POUR LE REQUÉRANT

Me Yves Morin POUR L'INTIMÉ

Me Maryse Tremblay POUR L'INTERVENANT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Biron, Dolbec & Langlois

Rimouski (Québec) POUR LE REQUÉRANT

Lamoureux, Morin, Lamoureux

Longueuil (Québec) POUR L'INTIMÉ

Conseil Canadien des Relations de Travail

Ottawa, Ontario POUR L'INTERVENANT

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.