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Date : 20060606

Dossier : A-476-05

Référence : 2006 CAF 208

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE EVANS

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

(défenderesse)

et

ASSOCIATION CANADIENNE DES RADIODIFFUSEURS

(l’association demanderesse),

GROUPE TVA INC., CTV TELEVISION INC., THE SPORTS NETWORK INC.,

2953285 CANADA INC. (faisant affaire sous la raison sociale Discovery Channel Canada),

LE RÉSEAU DES SPORTS (RDS) INC., THE COMEDY NETWORK INC.,

1163031 ONTARIO INC. (faisant affaire sous la raison sociale Outdoor Life Network),

GLOBAL COMMUNICATIONS LIMITED,

RÉSEAU DE TÉLÉVISION GLOBAL QUÉBEC LIMITÉE, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE,

PRIME TV, GENERAL PARTNERSHIP, CHUM LIMITÉE,

CHUM (OTTAWA) INC., CHUM TELEVISION VANCOUVER INC.

et PULSE 24 GENERAL PARTNERSHIP

(les sociétés demanderesses)

intimées

(demanderesses dans le dossier T-2277-03)

 

et

 

VIDÉOTRON LTÉE, VIDÉOTRON (RÉGIONAL) LTÉE et CF CABLE TV INC.

 

intimées

(demanderesses dans le dossier T-276-04)

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 6 juin 2006.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 6 juin 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                           LE JUGE EVANS


 

Date : 20060606

Dossier : A-476-05

Référence : 2006 CAF 208

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE EVANS

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

(défenderesse)

et

L’ASSOCIATION CANADIENNE DES RADIODIFFUSEURS

(l’association demanderesse),

GROUPE TVA INC., CTV TELEVISION INC., THE SPORTS NETWORK INC.,

2953285 CANADA INC. (faisant affaire sous la raison sociale Discovery Channel Canada),

LE RÉSEAU DES SPORTS (RDS) INC., THE COMEDY NETWORK INC.,

1163031 ONTARIO INC. (faisant affaire sous la raison sociale Outdoor Life Network),

GLOBAL COMMUNICATIONS LIMITED, RÉSEAU DE TÉLÉVISION GLOBAL QUÉBEC LIMITÉE, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE,

 PRIME TV, GENERAL PARTNERSHIP, CHUM LIMITÉE, CHUM (OTTAWA) INC., CHUM TELEVISION VANCOUVER INC. et PULSE 24 GENERAL PARTNERSHIP

(les sociétés demanderesses)

 

intimées

(demanderesses dans le dossier T-2277-03)

 

 

et

 

VIDÉOTRON LTÉE, VIDÉOTRON (RÉGIONAL) LTÉE et CF CABLE TV INC.

 

intimées

(demanderesses dans le dossier T-276-04)

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Rendus à l’audience à Ottawa (Ontario), le 6 juin 2006)

LE JUGE EVANS

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Sa Majesté la Reine d’une décision du juge Hugessen de la Cour fédérale concernant une requête présentée en vertu de l’article 220 des Règles des Cours fédérales afin que la Cour statue sur les deux questions de droit suivantes : 

a)             La partie II du Règlement de 1997 sur les droits de licence de radiodiffusion, DORS/97-144, est-elle ultra vires de l’article 11 de la Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, et ses modifications, si les droits imposés sous son régime sont considérés être une taxe?

 

b)            L’article 11 de la Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, et ses modifications, constitue-il une délégation inefficace du pouvoir de taxation du Parlement si les droits imposés sous son régime sont considérés être une taxe? 

 

 

[2]               Le juge Hugessen a répondu affirmativement à chacune des deux questions, concluant que « droit » et « taxe » constituent des catégories juridiques distinctes qui s’excluent mutuellement. Le pouvoir prévu au paragraphe 11(1) de la Loi sur la radiodiffusion de fixer les tarifs des droits que doivent acquitter les titulaires de licences, ne saurait être interprété, lorsqu'il est lu dans le contexte global de cette disposition, de manière à autoriser l’imposition d’une taxe. Après avoir conclu que la Loi ne permet pas d’imposer une taxe, le juge Hugessen a décidé que le Règlement serait ultra vires de la Loi si les droits à acquitter en vertu de la partie II constituaient une taxe.

 

[3]               Compte tenu de cette conclusion, il n’était pas strictement nécessaire que le juge Hugessen examine si le Parlement avait effectivement délégué son pouvoir de taxation conformément à l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867. Néanmoins, il a exprimé l’opinion (au paragraphe 12) que l’article 11 de la Loi n’est pas une disposition suffisamment « claire, spécifique et explicite » pour être considérée comme une délégation au CRTC du pouvoir constitutionnel de taxation dévolu au Parlement.

 

[4]               La décision du juge Hugessen est répertoriée à Association canadienne des radiodiffuseurs c. Canada, 2005 CF 1217.

 

[5]               Nous souhaitons d’abord préciser que la Cour n’est pas saisie de la question de savoir si les droits de licence fixés par le CRTC constituent des « frais » ou une « taxe ». Cette question doit être tranchée dans l’action principale. Pour les besoins du présent appel, nous devons présumer que les droits de licence sont une taxe. Par conséquent, rien dans les motifs en l’espèce ne doit être interprété comme l’expression d’une opinion sur le bien-fondé de ce postulat.

 

[6]               Le principal argument invoqué pour le compte de la Couronne tient au fait que le paragraphe 11(2) de la Loi autorise le CRTC à prévoir le calcul des droits de licence en fonction de certains critères que le Conseil juge indiqués, notamment les revenus des titulaires de licences et la réalisation par ceux-ci des objectifs fixés par le Conseil. Selon l’avocat, le Parlement, en édictant cette disposition, a autorisé l’imposition d’une charge (pour employer un terme neutre) comportant les caractéristiques essentielles d’une taxe. Partant, le Parlement a délégué au CRTC son pouvoir d’imposer une taxe, sans recourir au mot « taxe ».

 

[7]               Nous ne sommes pas d’accord. À notre avis, la distinction juridique entre un droit et une taxe est fondamentale et, comme l’a fait observer le juge Major dans l’arrêt Eurig Estate (Re), [1998] 2 R.C.S. 565 au paragraphe 41, le pouvoir d’exiger des frais n’emporte pas celui d’imposer une taxe. En dépit du vaste pouvoir discrétionnaire accordé par le législateur au CRTC pour établir les critères devant servir à l’établissement de droits, nous ne sommes pas convaincus que le Parlement ait voulu de ce fait brouiller la distinction qui existe entre des droits et des taxes et autoriser l’imposition d’une taxe alors qu’il emploie le mot « droits ».

 

[8]               Nous remarquons que l’article 11 de la Loi est muet quant à un autre élément caractéristique d’une taxe, à savoir qu’il n’est pas nécessaire qu’une taxe se rattache au coût global de fonctionnement du régime légal dont elle relève. En l’espèce, depuis un certain nombre d’années, le montant total des droits de licences dépasse largement le coût du régime réglementaire de la radiodiffusion. 

 

[9]               Nous convenons avec l’avocat de la Couronne que le juge Hugessen a peut-être adopté une conception trop restrictive du terme « droit » en paraissant en limiter la portée à un droit d’utilisateur, c'est-à-dire un droit exigé pour la prestation de services. Comme l’a souligné l’avocat, le terme « droits » que contient l’article 11 peut aussi comprendre d’autres genres de frais réglementaires.

 

[10]           Par contre, nous partageons l’avis du juge Hugessen selon lequel, habituellement, un « droit » ne comprend pas une « taxe », et nous ne sommes pas convaincus que l’article 11 puisse être interprété de manière à déplacer la catégorie juridique des droits et celle des taxes, catégories qui, normalement, s’excluent l’une l’autre.

[11]           Vu notre conclusion selon laquelle le pouvoir prévu à l’article 11 d’établir un droit n’autorise pas l’imposition d’une taxe, il n’est pas nécessaire que nous nous prononcions sur la deuxième question posée au juge Hugessen dans la requête.

 

[12]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens en faveur des parties intimées.

 

 

« John M. Evans »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                        A-476-05

                       

 

APPEL D’UN JUGEMENT OU D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE RENDU LE 9 SEPTEMBRE 2005 DANS LES DOSSIERS DE LA COUR FÉDÉRALE PORTANT LES NUMÉROS T-2277-03 ET T-276-04

 

INTITULÉ :                                                       SA MAJESTÉ LA REINE c. L’ASSOCIATION CANADIENNE DES RADIODIFFUSEURS ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               Le 6 juin 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :  Les juges Létourneau, Noël et Evans

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :          Le juge Evans

 

 

COMPARUTIONS :

 

F.B. (Rick) Woyiwada                                         POUR L’APPELANTE

Francisco Couto

 

Barbara A. McIsaac, Q.C.                                   POUR LES INTIMÉES, l’Association

Howard R. Fohr                                                  canadienne des radiodiffuseurs et al.

 

Daniel Urbas                                                        POUR LES INTIMÉES, Vidéotron Ltée et al.

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                 POUR L’APPELANTE

Sous-procureur général du Canada

 

McCarthy Tétrault s.r.l.                                     POUR LES INTIMÉES, l’Association

Ottawa (Ontario)                                                 canadienne des radiodiffuseurs et al.

 

Borden, Ladner, Gervais s.r.l.                               POUR LES INTIMÉES, Vidéotron Ltée et al.

Montréal (Québec)

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