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Date : 19991224



CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SEXTON


     Affaire intéressant la Loi de l"impôt sur le revenu

     Dossier : A-405-97

ENTRE :

     BARRIE ROMKEY

     appelant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée

    

     Dossier : A-406-97

ENTRE :

     BRIAN ROMKEY

     appelant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée


     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STONE


[1]      Les présents appels, interjetés à l"encontre de jugements rendus le 29 avril 19971 par la Cour canadienne de l"impôt, ont été entendus conjointement.

[2]      La Cour canadienne de l"impôt était saisie de la question de savoir si les dividendes déclarés et versés par Brimar Developments Ltd. (ci-après la société) en 1988, 1989 et 1990 auraient dû, aux termes des paragraphes 74.1(2), 56(2) et 75(2) de la Loi de l"impôt sur le revenu (ci-après la Loi), être compris dans les revenus respectifs des appelants en ce qui concerne les années d"imposition 1988, 1989 et 1990. L"intimée n"a pas maintenu en appel son argument portant sur l"application des paragraphes 56(2) et 75(2). Par conséquent, la seule question en litige dont la Cour est saisie consiste à savoir si les dispositions du paragraphe 74.1(2) de la Loi trouvent application dans les circonstances de l"espèce, de sorte que les appelants soient tenus d"inclure le montant des dividendes dans leurs revenus respectifs.

[3]      La société a été constituée en 1982 sous le régime de la Companies Act (ci-après la loi de la Nouvelle-Écosse)2 de la Nouvelle-Écosse, avec un capital-actions autorisé de 5 000 actions sans valeur nominale ou valeur au pair. Peu de temps après, l"appelant Brian Romkey est devenu détenteur de deux actions, tandis que son épouse est devenue détentrice d"une action.

[4]      Le 3 avril 1987, la société a adopté une résolution extraordinaire en vertu de laquelle le capital-actions a été modifié pour y comprendre 10 000 actions privilégiées de catégorie " A " avec droit de vote, d"une valeur au pair de 1,00 $ chacune et ne comportant aucun taux fixe de dividende, de même que 10 000 actions ordinaires de catégorie " B " sans droit de vote et sans valeur au pair. Comme l"a conclu le juge de la Cour canadienne de l"impôt, les éléments de preuve déposés au cours du procès indiquaient que, la même journée, la société a émis des actions, " de sorte que chaque actionnaire aurait détenu les actions suivantes "3:

Actions ordinaires - Catégorie "B"

sans droit de vote

     Nombre          d "actions

Brian H. Romkey

     167

Margaret Romkey

     167

Fiducie au profit de l"enfant de

Brian H. Romkey

     166

Barrie W. Romkey

     125

Lynn Romkey

     125

Fiducie au profit des enfants de

Barrie W. Romkey

     250


Actions privilégiées - Catégorie "A" avec droit de vote

Brian H. Romkey




    

         100

Barrie W. Romkey

         100

[5]      Entre-temps, la société est devenue inactive et est demeurée ainsi pendant un certain temps après le 3 avril 1987. Le fait que le prix de souscription des actions de catégorie " B " détenues par les fiducies n"ait pas été acquitté à cette date-là n"est pas contesté. Le juge de la Cour canadienne de l"impôt a cependant conclu que l"" on a[vait] attribué [à ces] actions [...] une valeur nominale de 1 $ " au moment de leur émission et que cette valeur n"avait pas été mise en doute par l"intimée4.

[6]      Le 3 avril 1987, au moment où les actions de catégorie " B " ont été émises pour le compte des fiducies, chacun des appelants a signé une déclaration de fiducie suivant laquelle les actions qu"ils détenaient dans les fiducies établies respectivement au profit de leurs enfants étaient détenues [TRADUCTION] " en fidéicommis pour le propriétaire et ses héritiers, exécuteurs testamentaires, administrateurs successoraux et ayants droit " (Marc, l"enfant de Brian Romkey, et Michael et Jeffery, les enfants de Barrie Romkey) et que les actions " [avaie]nt été achetées avec l"argent du propriétaire ". Tous les enfants avaient moins de 18 ans tant au moment de l"émission de ces actions qu"au cours des années d"imposition en cause.

[7]      Le 21 octobre 1988, chacun des appelants a officiellement signé une convention de fiducie à titre de " disposant " et de " fiduciaire " des bénéficiaires, soit leurs enfants respectifs. Chacun d"eux a reconnu, de par la clause 3.02, qu"il détenait à l"usage et au profit des bénéficiaires des actions de catégorie " B " de la société, et que la fiducie établie le 3 avril 1987 se poursuivrait et qu"elle serait assujettie aux modalités de la convention officielle de fiducie. La déclaration du 3 avril 1987 a été révoquée. La clause 6.01 confère à chaque fiduciaire le pouvoir discrétionnaire de [TRADUCTION] " distribuer ou payer une partie du revenu découlant du bien en fiducie au profit des bénéficiaires de la manière que le fiduciaire, à sa discrétion, juge appropriée "5. Cette même clause habilite le fiduciaire à6:

[TRADUCTION] " [...] effectuer des paiements pour le compte de toute personne de moins de dix-huit (18) ans à cette personne ou au parent ou tuteur de cette dernière, et lorsque le montant d"argent est versé au parent ou tuteur susmentionné, la réception par ces derniers suffit à décharger le fiduciaire [...] ".

[8]      Au cours des années d"imposition en cause, la société a déclaré et versé des dividendes sur les actions de catégorie " B ", notamment les montants suivants au profit des deux fiducies :

Date

     Fiducie au profit de l"enfant de

Brian Romkey

     Fiducie au profit des enfants de

Barrie Romkey

21 novembre 1988

     22 000,00 $

     33 000,00 $

30 octobre 1989

     9 000,00

     13 500,00

10 novembre 1989

     3 000,00

     4 500,00

27 novembre 1989

     4 000,00

     6 000,00

8 décembre 1989

     4 000,00

     6 000,00

15 décembre 1989

     2 000,00

     3 000,00

2 mars 1990

     4 000,00

     6 000,00

16 mars 1990

     4 000,00

     6 000,00

28 mars 1990

     2 000,00

     3 000,00

10 avril 1990

     4 000,00

     6 000,00

19 avril 1990

     4 000,00

     6 000,00

2 mai 1990

     4 000,00

     6 000,00

Le juge de la Cour canadienne de l"impôt a conclu que ces sommes avaient été déposées dans le compte bancaire conjoint des parents respectifs.

[9]      En première instance, certains éléments de preuve tendaient à montrer que le prix de souscription des actions de catégorie " B " que détenaient les fiducies avait été acquitté entre le 27 mai et le 31 octobre 1989 à même les prestations d"allocation familiale versées aux mères des enfants conformément à la Loi sur les allocations familiales7. Le juge de la Cour canadienne de l"impôt a toutefois statué que la preuve portant sur cette question n"était pas " satisfaisante " et que, par conséquent, " les appelants n"[avaie]nt pas établi que les allocations familiales avaient été utilisées pour payer les actions de Brimar détenues en fiducie "8.

[10]      Le juge de la Cour canadienne de l"impôt était d"avis que, au moment du versement des premiers dividendes, soit le 21 novembre 1988, les actions de catégorie " B " détenues en fiducie étaient encore " impayées " et que, par conséquent, les dividendes représentaient " un paiement indirect fait aux enfants, sans aucune contrepartie "9. En outre, le juge estimait que la " juste valeur marchande " des actions n"avait pas été versée. Il a également noté que les documents de fiducie " n"étaient pas tout à fait exacts ni complets ", que la comptabilité de fiducie était " en désordre " et qu"un avantage fiscal dont un contribuable peut par ailleurs se prévaloir risque d"être perdu si le contribuable n"observe pas rigoureusement les formalités légales. Il s"est fondé en l"espèce sur l"arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine10 et sur les arrêts rendus par la Cour dans Atinco Paper Products Ltd. c. La Reine11 et Friedberg c. La Reine12 pour insister sur l"importance, en matière de planification fiscale, de conserver soigneusement une preuve documentaire de toute opération particulière.

[11]      Le juge de la Cour canadienne de l"impôt a par la suite examiné la question de savoir si les appelants avaient " transf[éré] [...] un bien " au sens du paragraphe 74.1(2), de sorte que le revenu provenant du bien soit attribuable à chacun des appelants. Se fondant sur le raisonnement adopté par la Cour dans l"arrêt La Reine c. Kieboom13, le juge a statué que le " bien " avait été " transf[éré] " par les appelants à leurs fiducies respectives. Il a déclaré14:

Nous devons examiner la véritable nature des opérations. En réalité, les intérêts bénéficiaires de chaque appelant dans Brimar ont été réduits du tiers. Le fait que le transfert d"un bien a été effectué en faisant en sorte que Brimar émette les actions ne change rien à la situation. Bien que ce soit de façon indirecte, les appelants ont dans les faits transféré des biens à leurs enfants. Ils se sont départis du droit de recevoir des dividendes. Je conclus qu"indirectement, au moyen d"une fiducie établie en faveur de leurs enfants, les appelants ont transféré des biens, à savoir des actions, et que le revenu des dividendes provenant de ces actions est réputé être un revenu des appelants. Compte tenu de la jurisprudence et des faits de la présente affaire, je conclus que la stratégie de planification fiscale a échoué.


     ANALYSE

[12]      Le paragraphe 74.1(2) de la Loi prévoit15:

74.1      (2) Where an individual has transferred or loaned property, either directly or indirectly, by means of a trust or by any other means whatever, to or for the benefit of a person who was under 18 years of age and who

     (a) does not deal with the individual at arm"s length, or
     (b) is the niece or nephew of the individual,

any income or loss, as the case may be, of that person for a taxation year from the property or from property substituted therefor, that relates to the period in the year throughout which the individual is resident in Canada, shall be deemed to be income or a loss, as the case may be, of the individual and not of that person unless that person has, before the end of the year, attained the age of 18 years.

74.1      (2) Lorsqu"un particulier transfère ou prête un bien " directement ou indirectement, par le biais d"une fiducie ou par tout autre moyen " à une personne de moins de 18 ans qui a un lien de dépendance avec le particulier ou qui est le neveu ou la nièce du particulier ou au profit de cette personne, le revenu ou la perte, selon le cas, de cette personne pour une année d"imposition provenant du bien ou d"un bien y substitué, qui se rapporte à la période de l"année tout au long de laquelle le particulier réside au Canada, est considéré comme un revenu ou une perte, selon le cas, du particulier et non de cette personne, sauf si celle-ci atteint l"âge de 18 ans avant la fin de l"année.




Par conséquent, le paragraphe vise, à première vue, le revenu tiré d"un bien transféré à une personne de moins de 18 ans " par le biais d"une fiducie ".

[13]      Comme je l"ai noté précédemment, le juge de la Cour canadienne de l"impôt n"était pas convaincu de l"exactitude ni de l"exhaustivité des documents, plus particulièrement les documents de fiducie, censés appuyer les démarches que les appelants ont prétendu avoir prises. Cependant, lors de l"audition de ces appels, l"avocat de l"intimée a fait savoir qu"il n"avait l"intention de mettre en doute ni la validité des fiducies, ni leur existence. Il n"est donc ni nécessaire ni souhaitable de s"attarder sur cet aspect des décisions du tribunal d"instance inférieure. Ce point n"a pas été débattu.

[14]      Les appelants soutiennent que le juge de la Cour canadienne de l"impôt a commis une erreur en omettant de conclure que les actions qui ont été émises aux fiducies ont été payées à même les prestations d"allocation familiale versées aux mères des enfants. L"intimée admet que, si les actions avaient été intégralement payées de cette manière, le paragraphe 74.1(2) ne s"appliquerait pas étant donné qu"aucun " bien " n"aurait été " transféré " aux enfants. Comme l"a noté le juge de la Cour canadienne de l"impôt, le dossier contient des preuves démontrant que les mères ont reçu des prestations d"allocation familiale au cours de la période pertinente, de même que d"autres preuves, notamment les écritures dans le grand livre général de 1989 de la société relativement aux paiements effectués pour l"acquittement du prix de souscription. Le juge n"a cependant pas conclu que ces éléments de preuve, et vraisemblablement le témoignage des appelants sur cette question, étaient convaincants. Pour que l"intervention de la Cour soit justifiée à l"égard de cette conclusion, il doit être démontré que le juge de la Cour canadienne de l"impôt a commis une erreur manifeste et dominante qui a teinté son analyse des faits16. Je suis d"avis qu"une telle erreur n"a pas été démontrée.

[15]      Il reste deux questions à traiter. La première consiste à savoir si le raisonnement adopté par la Cour dans l"arrêt Kieboom , précité, permet de trancher le litige quant à savoir si les dividendes versés aux fiducies sont imposables entre les mains des appelants au sens du paragraphe 74.1(2). Subsidiairement, les appelants plaident que leur responsabilité devrait être limitée uniquement à l"inclusion des dividendes payés et reçus en 1989 et en 1990.

[16]      Je procède à présent à l"examen de la première de ces questions. Les faits de l"arrêt Kieboom , précité, peuvent être brièvement résumés. Au moment où la société en cause a été constituée, le contribuable a fait l"acquisition de 9 actions ordinaires et a fait en sorte qu"une action ordinaire soit émise à son épouse. Ensuite, 8 nouvelles actions ont été émises à l"épouse du contribuable en deçà de leur valeur marchande. Enfin, 8 nouvelles actions de plus ont été émises à chacun des trois enfants du contribuable, encore une fois bien en deçà de leur valeur marchande. La société a déclaré et versé des dividendes à chaque actionnaire en 1982. Par de nouvelles cotisations, le ministre a d"abord ajouté au revenu de 1981 du contribuable la part que détenait pour moitié son épouse dans le produit de la disposition de sa participation économique dans la société qu"elle était réputée avoir faite aux enfants; s"appuyant sur la règle d"attribution prévue au paragraphe 74(2) de la Loi, telle qu"elle le prévoyait à cette époque17, le ministre a par la suite rajouté au revenu de 1982 du contribuable les dividendes versés à son épouse cette année-là.

[17]      Confirmant ces cotisations, le juge Linden a déclaré au nom de la Cour18:

     À mon avis, l"expression " transfert de biens " est employée dans cette disposition dans un sens plutôt large. Les deux substantifs de cette expression sont généraux et n"ont pas de sens technique. Quant au mot " transfert ", le lord juge James a déclaré à la page 7 de l"arrêt Gathercole v. Smith (1880-1881), 17 Ch. D. 1 (C.A.) que le substantif " transfert " est [TRADUCTION] " l"un des termes les plus généraux que l"on puisse employer ". Le lord juge Lush a déclaré [à la page 9] que le mot " transférable " comprend [TRADUCTION] " tout moyen par lequel un bien peut être transmis d"une personne à une autre ".
     Le président Thorson, se fondant sur les définitions précitées dans le jugement Fasken, David v. Minister of National Revenue, [1948] R.C.É. 580, a déclaré, à la page 592:
     [TRADUCTION] Le mot " transfert " n"est pas un terme technique. Pour qu"il y ait transfert d"un bien d"un mari à sa femme, il n"est pas nécessaire qu"il soit fait selon une forme particulière, ni qu"il soit fait directement. Il suffit que le contribuable se départisse du bien et le remette à son épouse, c"est-à-dire qu"il lui transmette le bien. Le moyen employé pour atteindre ce résultat, qu"il soit direct ou indirect, peut à juste titre être appelé un transfert.
     Par conséquent, un don est un transfert, ainsi que l"a bien précisé le juge Heald (maintenant juge à la Cour d"appel fédérale) dans la décision La Reine c. Zandstra, [1974] 2 C.F. 254 (1re inst.) à la page 261. (Voir également La Reine c. McBurney (L), [1985] 2 CTC 214 (C.A.F.), à la page 218 et Commr of Taxation (Cth) v. McPhail (1968), 41 A.L.J.R. 346 (H.C.).)
     Quant au mot " bien ", il a aussi reçu une interprétation large. Le paragraphe 248(1) de la Loi de l"impôt sur le revenu en donne la définition suivante : " biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels et comprend, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, a ) un droit de quelque nature qu"il soit, une action ou une part " lord Langdale a déjà déclaré que le mot " bien " est [TRADUCTION] " le terme le plus général que l"on puisse employer, étant donné qu"il sert à désigner et à décrire tous les droits possibles qu"une personne peut avoir ". (Voir Jones v. Skinner (1836), 5 L.J. (N.S.) Ch. 87 (Rolls Ct.), à la page 90; voir également Re Lunness (1919), 46 O.L.R. 320 (Div. app.), à la page 322; Fasken, précité, à la page 591; et Vaillancourt c. Sous-ministre M.R.N., [1991] 3 C.F. 663 (C.A.).)
     Ainsi donc, en l"espèce, le contribuable a transféré un bien à sa femme en lui donnant une partie de sa participation dans sa compagnie. La participation de 40% du capital-actions de sa compagnie qu"il a donné à sa femme constituait de toute évidence un bien. Sa participation dans sa compagnie a été réduite de 40% et celle de sa femme a été augmentée de 40%. Le fait qu"il a réalisé ce transfert de bien en faisant émettre des actions par sa compagnie ne fait pas de différence. Le paragraphe 74(1) s"applique aux transferts qui sont faits " directement ou indirectement " ou " par tout autre moyen que ce soit ". Le transfert, qui en l"espèce était indirect, étant donné que le contribuable a pris des dispositions pour que sa compagnie émette des actions à sa femme, constitue néanmoins un transfert du mari à la femme. Il n"est pas nécessaire qu"il y ait un transfert d"actions pour déclencher l"application de cette disposition de la Loi, comme le juge de la Cour de l"impôt l"a conclu à tort. Par ce transfert de bien à sa femme, le contribuable s"est départi de certains droits de recevoir des dividendes, si des dividendes étaient déclarés. Ainsi, lorsque les dividendes ont été distribués à sa femme en 1982, il s"agissait d"un revenu qui provenait du bien transféré et qui était à juste titre attribuable au contribuable.
     En outre, le bien transféré à Mme Kieboom en 1980 représentait une partie de la participation du contribuable. À la suite du transfert, la participation de 40% du contribuable a été transférée à Mme Kieboom. De plus, les actions que Mme Kieboom a acquises sont également imposables à titre de " biens substitués " aux termes du paragraphe 248(5) [édicté par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, art. 108(12)], étant donné qu"on peut dire qu"elle a substitué les actions qu"elle a achetées au bien qu"elle a reçu de son mari. (Voir également les bulletins d"interprétation nos I.T.-258 et I.T.-209.) Mme Kieboom a disposé d"une partie de cette participation en en transférant une partie aux enfants. Suivant le même raisonnement que celui que nous avons déjà exposé, le gain en capital qu"elle est présumée, selon l"article 69, avoir réalisé à la suite de cette disposition doit également être attribué au contribuable aux termes du paragraphe 74(2).

[18]      Par conséquent, il apparaît que le contribuable a effectué un transfert de bien de deux manières différentes en donnant : " une partie de sa participation dans sa compagnie " et par le désaisissement " de certains droits de recevoir des dividendes, si des dividendes étaient déclarés ".

[19]      Il convient de noter que trois critères doivent être respectés pour déclencher l"application du paragraphe 74.1(2) : un transfert (soit direct ou indirect) à un enfant de moins de 18 ans; un bien transféré; un revenu ou une perte découlant du bien transféré ou du bien y substitué.

[20]      Les appelants cherchent à établir une distinction d"avec l"arrêt Kieboom , précité, pour le motif que, au moment de l"émission des premières actions et des actions subséquentes à l"épouse du contribuable, la société était une entreprise en exploitation et le contribuable avait accumulé un " avoir " considérable du fait qu"il était propriétaire des actions ordinaires. Par contraste, dans la présente affaire, au moment où les actions de catégorie " B " ont été émises aux fiducies, la société n"avait pas encore commencé à faire des affaires et n"avait ni actif ni passif. Les appelants soutiennent également que, bien que le prix de souscription soit demeuré " impayé " au 3 avril 1987, les fiducies devaient éventuellement s"en acquitter19. Par ailleurs, ils ont avancé qu"ils ne détenaient aucun " avoir " et que, par conséquent, ils n"avaient aucun " bien " à transférer20 aux fiducies établies au profit des enfants. À la lumière de ce qui suit, il n"est pas nécessaire de déterminer si l"émission des actions aux fiducies au moment où la société ne possédait peut-être aucun actif constituait en soi un transfert de bien aux enfants.

[21]      Le libellé du paragraphe 74.1(2) est rédigé en des termes généraux. De plus, certains termes qui y sont contenus sont définis dans la Loi d"une manière tout aussi générale. Par exemple, comme il a été noté dans l"arrêt Kieboom , précité, la définition du terme " bien " contenue au paragraphe 248(1) de la Loi est elle-même très générale. Ce paragraphe prévoyait alors, et prévoit toujours que :

248.      (1)      In this Act,
     "property" means property of any kind whatever whether real or corporeal or incorporeal and, without restricting the generality of the foregoing, includes
         (a) a right of any kind whatever, a share or a chose in action, and
         (b) unless as contrary intention is evident, money;
248.      (1)      Dans la présente loi,
     "biens" signifie les biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels et comprend, sans restreindre la portée générale de ce qui précède,
         a) un droit de quelque nature qu"il soit, une action ou part, et
         b) à moins d"une intention contraire évidente, de l"argent;


Il me semble que, en faisant en sorte que des actions de catégorie " B " soient émises aux fiducies, les appelants se sont effectivement départis de leur droit de recevoir une plus grande part des dividendes futurs déclarés et versés par la société. Comme l"a déclaré le juge Linden dans l"extrait susmentionné21:

Par ce transfert de bien à sa femme, le contribuable s"est départi de certains droits de recevoir des dividendes, si des dividendes étaient déclarés. Ainsi, lorsque les dividendes ont été distribués à sa femme en 1982, il s"agissait d"un revenu qui provenait du bien transféré et qui était à juste titre attribuable au contribuable.


[22]      L"argument subsidiaire des appelants consiste à affirmer que seuls les dividendes qui ont été versés en 1989 et en 1990 relativement aux actions de catégorie " B " détenues par les fiducies devraient être attribuables aux appelants, mais non les dividendes de 1988, étant donné que le transfert de bien n"a eu lieu qu"au moment où le prix de souscription a été acquitté en 1989.

[23]      Je m"explique mal comment cela permet aux appelants de se soustraire aux dispositions générales du paragraphe 74.1(2) en ce qui concerne les dividendes de 1988. En faisant en sorte que les actions de catégorie " B " soient émises aux fiducies en 1987, les appelants avaient déjà effectué le transfert de bien à leurs enfants respectifs, c"est-à-dire qu"ils s"étaient départis de leur droit de recevoir une partie des dividendes futurs. Si cela est exact, il apparaît alors que le fait que les appelants aient pu ne pas payer le prix de souscription des actions de catégorie " B " détenues par les fiducies avant la date de versement des dividendes en 1988 ne change rien à l"application de ce paragraphe.

[24]      Les présents appels sont rejetés avec un seul mémoire de dépens.



     " A.J. Stone "

     J.C.A.


" Je souscris aux présents motifs.

Julius A. Isaac, J.C.A. "

" Je souscris aux présents motifs.

J.E. Sexton, J.C.A. "



Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.






Date : 19991224



CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SEXTON


     Affaire intéressant la Loi de l"impôt sur le revenu

     Dossier : A-405-97

ENTRE :

     BARRIE ROMKEY

     appelant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée

    

     Dossier : A-406-97

BETWEEN:

     BRIAN ROMKEY

     appelant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée



Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse) le jeudi 2 décembre 1999.


Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le vendredi 24 décembre 1999.





MOTIFS DU JUGEMENT EXPOSÉS PAR :      LE JUGE STONE

Y SOUSCRIVENT :      LE JUGE ISAAC

     LE JUGE SEXTON






Date : 19991224


Dossier : A-405-97

OTTAWA (Ontario), le vendredi 24 décembre 1999.


CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SEXTON



     Affaire intéressant la Loi de l"impôt sur le revenu

ENTRE :

     BARRIE ROMKEY

     appelant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée


     JUGEMENT

     L"appel est rejeté avec un seul mémoire de dépens dans le présent appel et dans l"appel portant le numéro de greffe A-406-97.

     " A.J. Stone "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.






Date : 19991224


Dossier : A-406-97

OTTAWA (Ontario), le vendredi 24 décembre 1999.


CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SEXTON



     Affaire intéressant la Loi de l"impôt sur le revenu

ENTRE :

     BARRIE ROMKEY

     appelant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée


     JUGEMENT

     L"appel est rejeté avec un seul mémoire de dépens dans le présent appel et dans l"appel portant le numéro de greffe A-405-97.

     " A.J. Stone "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D"APPEL


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                      A-405-97

                             A-406-97     

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Barrie Romkey c. Sa majesté la Reine

LIEU DE L"AUDIENCE :                  Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L"AUDIENCE :                  Le 2 décembre 1999

MOTIFS DU JUGEMENT EXPOSÉS PAR :      Le juge Stone

Y SOUSCRIVENT :                      Le juge Isaac

                             Le juge Sexton

EN DATE DU :                      24 décembre 1999

ONT COMPARU :

Edwin C. Harris, c.r.                      POUR L"APPELANT                 

Bruce Russell                          POUR L"INTIMÉE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daley, Black and Moreira                  POUR L"APPELANT

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Morris Rosenberg                      POUR L"INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



__________________

1 Les décisions rendues par la Cour canadienne de l"impôt sont publiées sous Romkey c. R., [1997] 3 C.T.C. 2405, 97 DTC 719.

2 R.S.N.S. 1967, ch. 42.

3 Motifs du jugement, dossier d"appel, à la page 20.

4 Ibid., à la page 21.

5 Dossier d"appel, Appendice général I, à la page 17.

6 Ibid.

7 L.R.C. (1985), ch. F-1, sous sa forme modifiée (2e suppl.), ch. 9.

8 Supra, note 3, à la page 29.

9 Ibid., à la page 28.

10 [1984] 1 R.C.S. 536.

11 78 DTC 6387 (C.A.F.), le juge Urie, à la page 6395, autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée (1979), 25 N.R. 603n.

12 92 DTC 6031 (C.A.F.), le juge Linden, à la page 6032, décision confirmée, [1993] 4 R.C.S. 285.

13 [1992] 3 C.F. 488 (C.A.), 92 DTC 6382.

14 Supra, note 3, à la page 31.

15 Loi modifiant la Loi de l"impôt sur le revenu et une loi connexe, S.C. 1986, ch. 55, par. 17(1). Une version légèrement modifiée de ce paragraphe se trouve dans la Loi de l"impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.

16 Stein c. Le navire " Kathy K ", [1976] 2 R.C.S. 802, à la page 808.

17 S.C. 1970-71-72, ch. 63.

18 Supra, note 13, aux pages 499 et 501.

19 Le paragraphe 95(2) de la loi de la Nouvelle-Écosse, que les appelants invoquent, prévoit qu"une action sans valeur nominale ou valeur au pair est réputée être émise et détenue [TRADUCTION] " sous réserve du paiement en argent du montant intégral " du prix de l"action.

20 Une action émise par une société a été qualifée d"[TRADUCTION] " ensemble de droits " équivalant à un [TRADUCTION] " un bien, ni plus ni moins ": B. Welling, Corporate Law in Canada (Toronto: Butterworths, 1984), à la page 570. Dans l"arrêt Zwicker v. Stanbury, [1953] 2 R.C.S. 438, à la page 439, le juge Rand a comparé les actions émises par une société à [TRADUCTION] " simplement des fractions d"un droit potentiel dans les actifs et de participer à la vie courante de la société " qui [TRADUCTION] " confère un titre de propriété du type chose non possessoire ".

21 Supra, note 13, à la page 500.

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